Nous, les organisations signataires ci-dessous – représentant les communautés affectées, les peuples autochtones, les défenseurs de l’interdiction des armes nucléaires, de la protection de l’environnement, des droits humains et de la promotion de la paix , nous réunissons aujourd’hui pour commémorer le 65e anniversaire du premier essai nucléaire français réalisé dans le Sahara algérien le 13 février 1960.

Ce jour tragique, la France a procédé à la première explosion d’une bombe nucléaire, sous le nom de code « Gerboise Bleue », dans la région de Reggane, au sud-ouest de l’Algérie, entraînant une catastrophe humanitaire et environnementale aux conséquences encore lourdes pour les générations présentes et futures.

Cet essai nucléaire n’était pas un événement isolé, mais le début d’une série de 16 autres essais successifs, dont 11 ont été réalisés postérieurement aux accords d’Évian du 18 mars 1962 qui actent l’indépendance de l’Algérie. Ces 17 essais nucléaires, et les 40 expérimentations nucléaires complémentaires avec dispersion de plutonium (essais sous critique Pollen et Augias) ont laissé un héritage tragique de contamination radioactive généralisée et de graves dommages à la santé des populations locales des zones touchées. Des décennies plus tard, les effets perdurent, comme en témoignent la hausse alarmante des taux de cancer et des maladies respiratoires chroniques, ainsi que la dégradation environnementale continue, qui a gravement affecté les ressources naturelles, perturbé les moyens de subsistance et fragilisé le tissu socio-économique des communautés locales.

Au-delà des conséquences sanitaires et environnementales, ces essais nucléaires ont engendré de profondes répercussions psychologiques et sociales pour les populations affectées, qui ont souffert d’un abandon prolongé, d’un manque de soins médicaux adéquats, d’une absence d’information et d’indemnisation équitable, et d’un retard dans la reconnaissance officielle de leurs droits légitimes.

Dans ce contexte, nous accueillons favorablement les communications adressées par les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies aux gouvernements français et algérien le 13 septembre 2024, qui n’ont pas encore reçu de réponse, soulignant l’importance de :

• La reconnaissance par la France de sa responsabilité historique et juridique pour les conséquences de ses essais nucléaires en Algérie, ainsi que la mise en œuvre de mesures concrètes pour réparer les dommages causés, notamment  : la déclassification de toutes les archives liées aux essais, l’identification des sites de déchets radioactifs, la dépollution des zones contaminées, et l’indemnisation juste des victimes avec un accès garanti aux soins médicaux adéquats.

• L’engagement de l’Algérie à mettre en œuvre des mesures claires pour informer les populations des risques persistants liés à ces essais nucléaires, définir des actions de prévention pour éviter de nouvelles victimes, et assurer la participation active de la société civile dans les efforts visant à remédier aux conséquences de cette catastrophe.

Nous saluons, en France, la création par l’Assemblée nationale d’une nouvelle commission d’enquête sur le suivi des conséquences des essais nucléaires, portée par des parlementaires convaincus de la nécessité de rendre plus juste la loi française sur les victimes des essais nucléaires réalisées par la France entre 19960 et 1996. Nous saluons également, l’organisation par les autorités algériennes d’un colloque international sur les conséquences sanitaires et environnementales des explosions nucléaires à l’occasion du 65e anniversaire de la première explosion nucléaire aérienne française au Sahara algérien.

Nous insistons sur la nécessité pour les gouvernements français et algérien de prendre des mesures concrètes afin de clore ce chapitre douloureux de l’histoire et de collaborer pour garantir les droits des victimes et protéger les générations futures contre des menaces similaires.

Nous demandons à la France :

• La reconnaissance complète des crimes nucléaires commis en Algérie et l’acceptation de sa responsabilité juridique et morale, avec une indemnisation équitable pour les victimes.

• La levée du secret défense sur tous les dossiers relatifs aux essais nucléaires, y compris les sites de déchets radioactifs, afin de garantir à l’Algérie un accès total aux informations précises sur les zones contaminées. À ce titre, il faut que la France transmette une copie de ses archives à l’Algérie.

• La signature et la ratification du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), en signe de bonne foi pour remédier aux conséquences de ces essais et assurer la vérité et la justice auprès des populations impactées.

Nous demandons à l’Algérie :

• La mise en œuvre de mesures immédiates pour assurer la protection de la santé publique dans les régions touchées et l’élaboration d’un plan national global pour traiter les impacts environnementaux et sanitaires des essais nucléaires français.

• La transparence et la mise à disposition des informations relatives aux essais nucléaires, en garantissant la participation de la société civile et des organisations spécialisées dans les efforts de remédiation, notamment la publication d’un rapport annuel sur les activités de l’Agence nationale de réhabilitation des anciens sites d’essais et d’explosions nucléaires français dans le sud algérien.
• La poursuite des démarches pour ratifier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), et l’utilisation de tous les moyens juridiques et diplomatiques disponibles pour défendre les droits des victimes et leur permettre d’accéder aux archives liées aux essais nucléaires.

Nous demandons à l’Algérie et à la France :

La création d’une commission de suivi commune des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires et autres expériences, associant des représentants des deux gouvernements, des parlementaires et des associations de victimes.

Enfin, nous réaffirmons notre engagement indéfectible à poursuivre la lutte pour la justice et la paix, en travaillant aux côtés des communautés touchées afin de garantir aux victimes la reconnaissance et la réparation qu’elles méritent. Nous réitérons également notre volonté de renforcer les efforts de protection des droits humains et de préservation de l’environnement, en œuvrant pour remédier aux conséquences dévastatrices des essais nucléaires, et pour assurer un avenir sûr et durable aux générations actuelles et futures.

Organisations signataires :

  • SHOAA pour les droits de l’homme
  • Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN)
  • ICAN France
  • Observatoire des armements / Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDRPC)
  • Action contre la violence armée
  • Institut Acronym pour la diplomatie du désarmement (AIDD UK)
  • Société civile congolaise d’Afrique du Sud
  • beHuman
  • Bureau international de la paix (IPB/BIP)
  • Médecins internationaux pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW)
  • Nyuklia Eureka
  • Autorités locales sans nucléaire du Royaume-Uni et d’Irlande
  • Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté
  • Université de Bradford – Département des études de la paix et du développement international
  • Campagne pour le désarmement nucléaire de Merseyside (Merseyside CND)
  • Secure Scotland
  • Campagne pour le désarmement nucléaire au Pays de Galles – CND Cymru
  • Groupe pour la paix et la justice de Bangor et Ynys Môn
  • 80 000 Voix (80 000 Voices)
  • Service d’information sur le nucléaire
  • Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté – section Royaume-Uni (WILPF UK)
  • Chrétiens Contre les Armes Nucléaires (Christian CND)
  • Campagne écossaise pour le désarmement nucléaire
  • Stockport pour la paix
  • Association des Nations unies – Royaume-Uni
  • Pax pour la paix (Pax for Peace)
  • Pax Christi Flandres
  • Centre de la paix et de la justice des Rocheuses (Rocky Mountain Peace and Justice Center)
  • ICAN Allemagne
  • Campagne du Yorkshire pour le désarmement nucléaire