Révoltée par les élections truquées de décembre 2011, l’autrice participe à une première manifestation brutalement réprimée. « On devient opposant politique. Et alors on le reste. »

Avec son meilleur ami, elle défile pour protester conte l’interdiction de la marche des fiertés homosexuelles. Cet ami sera officiellement déclaré suicidé malgré 14 coups de couteaux dont six dans le dos et un message homophobe sur le mur.

Le 23 janvier 2021, à travers toute la Russie, plus de 160 000 personnes se rassemblement pacifiquement contre l’arrestation d’Alexeï Navalny. À Vladivostok, sous un déferlement de violences policières gratuites, elle est une des 300 personnes arrêtées, comme l’a été seize fois son grand-oncle en URSS. Elle vérifie qu’en Russie, « un dissident politique est arrêté pour un délit et condamné pour dix crimes ». Outre sa participation à la manifestation, on lui reproche de la propagande homosexuelle, d’avoir offensé le sentiment religieux des croyants et d’avoir lu publiquement des poèmes critiques. « La Russie ne se conforme pas à la loi, c’est la loi qui se conforme à la Russie de Poutine. » Elle est condamnée à de la détention.

Elle est emmenée au Camp rouge, un bâtiment anonyme que rien ne distingue des logements voisins. Elle comparaît devant Olesya Kotova, responsable du lieu, qui lui dit qu’elle a droit à une visite médicale et ajoute « Au diable ces conneries ! [Cet endroit] a pour objet de te remettre sur le droit chemin, celui du respect des valeurs traditionnelles et du socle que sont Dieu, la famille et la défense de la vérité historique russe. »

Les barbelés en couverture du livre ne sont pas une métaphore. Le gardien dénommé Sobolev en entoure les poignets de la condamnée, sous les yeux indifférents du magistrat et de l’escorte qui l’accompagne. Olesya Kotova ajoute encore plusieurs tours de barbelés jusqu’aux coudes, sans se soucier du sang répandu. La prisonnière traverse un couloir entre une haie de deux douzaines de surveillants qui lui infligent des coups de matraques, jusqu’à sa minuscule cellule glacée au point d’en avoir des engelures.

Sobolev revient avec une jeune recrue et lui ordonne d’entourer de barbelés les bras de la prisonnière. La recrue refuse et Sobolev colle « en prière » les mains de Deminn et enroule six tours de barbelés jusqu’à l’évanouissement. De jour en jour, le gardien inonde la couchette et les vêtements d’un seau d’urine ou la brutalise. Elle reçoit une série de décharges de Taser.

Alyosha Deminn ne garde aucun souvenir de sa libération. Grâce à trois militants des droits humains, elle part en Allemagne, isolée en pleine pandémie de Covid. Elle subit des traitements dont deux greffes de peau à cause des brûlures de Taser.

À Bruxelles, elle raconte son calvaire à des élus européens. Après un long silence, on lui répond « Tout cela est bien triste, mais c’est une question de politique intérieure. ».

Lors de la mobilisation de septembre 2022, plusieurs membres de sa famille s’exilent. Mobilisé, un cousin est refoulé à la frontière estonienne pour des motifs de sécurité intérieure. Il tente le passage en Géorgie mais, contrôlé en chemin, il essaye de s’échapper et meurt percuté par un fourgon policier.

L’autrice constate que l’Europe « est devenue l’amie de l’Arabie saoudite, pays qui bombarde le Yémen depuis des années » qui pratique la peine de mort et la lapidation et d’autres pays totalitaires, « à l’exception du peuple russe. » ; « Accueillir quelqu’un qui fuit la guerre n’est rien d’autre qu’accueillir la paix. »

Le sadisme des répressions russes dénoncées en détails est effrayant. L’indifférence de l’Europe aux opposants est d’autant plus intolérable. Dès la première page, l’autrice écrivait « Ignorer les opposants russes, ce n’est pas simplement faire fi de la réalité, c’est aussi faire le jeu de Vladimir Poutine. ».

Guy Dechesne