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Wagner
Nigina Beroeva, journaliste russe exilée aux Pays-Bas, a enquêté auprès d’épouses de prisonniers engagés dans la milice Wagner d’Evgueni Prigogine [1].
Tatiana
Le mari de Tatiana a tué un vigile qui s’opposait à un vol de voiture. Il est condamné à seize ans de colonie pénitentiaire à régime strict. Après un mois sans communication avec son mari, la mère d’un codétenu apprend à Tatiana que, comme 50 000 prisonniers en un an, son mari est parti à la guerre, malgré ses liens familiaux avec l’Ukraine, contre la promesse d’une amnistie après six mois de combat. Tatiana s’adresse vainement à la prison puis à la procurature qui lui répond que la loi interdit aux détenus de faire la guerre et la renvoie à la prison. Wagner lui annonce la mort de son mari et lui expédie un cercueil de zinc qu’elle n’a pas le droit d’ouvrir. La prime de 50 000 euros, soit un an de salaire moyen, est versée à la mère du milicien. Impossible à Tatiana de le contester devant la justice puisque le prisonnier est censé toujours l’être. Tatiana reçoit un appel d’Ukraine annonçant que son mari est prisonnier de guerre. « Il est en captivité. Mais on ne pourra le contacter qu’après son procès. » Tatiana a du mal à croire à la compassion et aux droits des prisonniers de guerre. Elle a plutôt confiance aux tarots qui lui annoncent que son mari est vivant. « Je n’allume plus de cierge […] pour son repos éternel, mais j’ai peur d’en allumer un à sa santé. » Elle va sur la tombe de son mari comme sur celle d’un héros inconnu.
Anastasia
Sans nouvelle de son mari Mikhaïl, Anastasia l’a cherché vainement sur des groupes de discussions ukrainiens qui publient des photos des prisonniers et des morts. Elle téléphone au groupe Wagner qui lui répond qu’il est débordé par la paperasse et que les morts passent après. Officiellement Mikhaïl a été gracié par oukase présidentiel, de ce fait son épouse ne peut bénéficier d’aucune allocation. Elle reçoit un appel du chef du détachement de Mikhaïl. Son mari a été « annulé », ce qui veut dire tué par les siens pour manquement au contrat (désertion, vol, désobéissance, beuverie…). Peut-être son corps n’a-t-il pas été retrouvé. Anastasia réclame son corps, au moins un bout de corps ou ses bottes, pour les enterrer et emmener sa fille sur la tombe et lui dire que son père est un héros, mort pour la patrie. Elle n’a jamais reçu un seul kopeck.
Anna
Anna apprend la mort de sa grand-mère. Un ancien membre de Wagner multirécidiviste a tué une vieillarde. Il est revenu de guerre en héros, douze ans avant la fin de sa peine. Anna a l’intuition qu’il est le meurtrier de son aïeule. Sa mère le confirme. Le criminel est reparti à la guerre en Ukraine. Selon des journalistes indépendants, cinq cents personnes ont été victimes de soldats rentrés de guerre, dont près de la moitié tuées. La plupart d’entre elles sont des femmes proches des miliciens. L’association Nasiliu.net (Non à la violence) a été déclarée « agent de l’étranger » et ses dirigeants ont dû émigrer.
Les épouses et mères des miliciens les considèrent comme des héros. L’une d’elles écrit sur un réseau social « Nos hommes sont des guerriers ! Pas des dégonflés, comme ceux qui ont abandonné leur patrie en pâture aux ennemis. »
Sacha Skotchilenko
Dans le même numéro de Kometa, Manon Loizeau rend un hommage à Sacha Skotchilenko [2] qui cumule fièrement tout ce que le Kremlin déteste : femme, lesbienne, artiste, pacifiste, contestataire. Elle a été condamnée pour des étiquettes collées dans un magasin pour dénoncer l’invasion de l’Ukraine. Grâce à un soutien international, elle a bénéficié d’un échange de prisonniers. Elle dit : « La Russie n’est plus mon pays. Je n’ai plus rien à voir avec elle. »
Faut-il vraiment remilitariser l’Europe ?
Extrait d’une chronique de Pierre-Cyrille Hautcœur :
Des dépenses massives d’armes […] ne seront pas sans conséquences politiques. Non seulement nos dirigeants ne tarderont pas à remettre en cause la protection sociale européenne et les investissements écologiques - au nom du choix nécessaire entre le beurre et les canons dans une contrainte budgétaire qui reviendra vite -, mais le mécontentement des populations qui en résultera conduira au nationalisme et au déclin des libertés publiques au nom du « maintien de l’ordre ». Les courses aux armements donnent un poids démesuré à l’armée et à la police dans les pays qui y participent. Le souhaitons-nous, à l’heure où les partis d’extrême droite sont plus puissants que jamais dans nombre de pays européens ? Où leur audience au sein des armées et de la police est considérable ?
Vis-à-vis du reste du monde, ce n’est pas par un nationalisme autoritaire supplémentaire que l’Europe doit répondre. C’est plutôt par la promotion de son modèle de démocratie sociale et soutenable de marché, par l’adhésion claire à l’idée de monde multipolaire et par le soutien sans faille au droit international comme solution alternative de gestion des conflits. […]
Les Européens doivent lutter contre les idéologies autoritaires, réaffirmer le projet européen de société, renforcer la démocratie. […] C’est ainsi qu’ils retrouveront leur place dans le monde et promouvront la paix [3].
Espagne
« Nous n’allons pas entrer dans une course à l’armement, a assuré le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez. Je ne vais pas participer aux discours bellicistes. Mais je crois que nous devons contribuer solidairement avec ceux qui furent solidaires avec nous durant la pandémie, à améliorer leurs capacités et outils de dissuasion. »
C’est avec un tee-shirt arborant le slogan « Non à la guerre » que la cheffe de file du parti de la gauche radicale Podemos, Ione Belarra, s’est rendue à la réunion avec M. Sanchez. Elle s’est opposée à l’augmentation des dépenses militaires, « une erreur catastrophique de la part de l’UE et de l’Espagne », selon elle, mais son parti préconise un retrait de l’Espagne de l’Otan. « Il est évident que chaque euro destiné aux dépenses de défense et d’armement est un euro de moins pour la santé et l’éducation publique, l’aide à la dépense ou à la construction de logements sociaux, qui est ce dont les gens de ce pays ont besoin pour se sentir en sécurité. »
La gauche indépendantiste catalane, Esquerra Republicana de Catalunya, a demandé de ne pas compter sur elle sur ce dossier. Et le mouvement de la gauche radicale Sumar, avec lequel le Parti socialiste forme une coalition de gouvernement, s’est, lui aussi, manifesté contre. « L’augmentation des dépenses de défense de chaque État membre ne garantit pas le dépassement des problèmes de coordination et le manque d’interopérabilité des forces armées des différents pays de l’UE », a exprimé le mouvement dans un communiqué, le 11 mars 2025 [4].
Valladolid
Des militants de l’organisation antimilitariste Kakitzat se sont rassemblés à Barakaldo devant l’usine ITP Aero qui fabrique des composants pour l’avion de combat européen Eurofighter EJ200, l’hélicoptère militaire Tigre, le nouvel avion de combat européen FCAS et l’avion de transport militaire Airbus A400M, pour exprimer leur opposition à la « décision d’augmenter les dépenses militaires tout en réduisant les prestations sociales, les retraites, les soins de santé publics et l’accès à un logement décent ».
À l’occasion du 39ème anniversaire du référendum rejetant, au Pays basque, l’adhésion à l’Otan, ils dénoncent l’augmentation des budgets militaires et des subventions aux entreprises d’armement et que les « seigneurs de guerre » avec « l’étiquette basque » et à travers les budgets, subventionnent les 206 usines d’armes basques à hauteur de 100 millions d’euros [5].
Croatie
En tant que citoyennes de Croatie et de l’Union européenne, nous nous opposons fermement à la militarisation de l’Europe promue par le plan « ReArm Europe », adopté lors du sommet des dirigeant·es des États membres de l’Union européenne le 6 mars à Bruxelles.
Les projets de guerre ne sont pas et ne doivent pas être le présent et l’avenir de l’Europe.
Nous vous rappelons que l’Union européenne a été fondée en tant que projet de paix dans le but de garantir que les horreurs de la guerre ne se reproduisent plus jamais. Les horreurs de la guerre sur le territoire européen (destructions, tueries, camps de concentration, génocides, exils et déplacements, traumatismes de guerre) au cours du 20ème siècle ne constituent-elles pas un avertissement suffisant ?
L’économie de guerre et l’industrie militaire sont toujours les moteurs des conflits guerriers, de la production des guerres et de la production de la mort. La logique de la guerre moderne fonde la technologie de la mort aujourd’hui sur de nouvelles technologies dont nous ne pouvons pas prévoir les conséquences dévastatrices à l’heure actuelle. Mais nous savons que les entreprises capitalistes, en pacte avec la politique, profitent toujours des guerres.
La question est de savoir ce qu’il restera de l’État-providence européen après les coupes annoncées dans les fonds sociaux aux niveaux européen et national. La question est de savoir ce qu’il restera du Green Deal européen avec un changement de politique qui s’engage dans une course à l’armement au lieu d’efforts diplomatiques.
Nous n’acceptons pas que les concepts militaristes de sécurité, d’armement et de recrutement, de production d’armes, de « stratégies de défense » et de rhétorique guerrière contaminent tous les espaces publics de nos vies, nos liens humains et culturels, ainsi que ceux des générations futures.
Nous ne pouvons pas permettre à l’Union européenne de renoncer sans vergogne aux valeurs fondamentales (article 2 du traité sur l’Union européenne) sur lesquelles elle est fondée, telles que la liberté, la démocratie, le respect de la dignité humaine et des droits des êtres humains, l’égalité et l’État de droit. Le droit humain à la vie pour tous et toutes n’est-il pas ce qui nous lie ?
L’Union européenne, une communauté d’États et de citoyen·nes, ne doit pas être prise en otage par une telle politique ni légitimer le droit insensé du plus fort sous la forme de détenteurs de pouvoir impitoyables et de leurs scénarios géopolitiques dangereux et instables de guerre, de destruction et de division. Contrairement à l’engagement majoritaire des citoyen·nes européen·nes en faveur de la paix, qui a le droit d’envoyer les jeunes générations à la guerre ? Les citoyen·nes des pays européens ne doivent pas être les victimes collatérales d’une vision hâtive et militariste de l’unité européenne qui, depuis des années, n’a ni la volonté ni l’imagination pour construire une Europe de la coopération et de la paix, de la défense des droits humains et sociaux et de l’hospitalité.
Nous demandons l’ouverture de discussions sur une nouvelle architecture de sécurité pour l’Europe et au-delà. La sécurité ne repose pas sur le pouvoir de détruire son voisin, mais sur la coopération avec lui.
Nous demandons, conformément à la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, une augmentation du nombre de femmes dans les négociations de paix.
Nous demandons aux dirigeant·es croates et à tous les partis politiques, ainsi qu’aux représentant·es de la Croatie au Parlement européen, d’œuvrer à l’arrêt urgent de la guerre et, au lieu de renforcer les capacités militaires européennes, d’orienter leur engagement vers le renforcement de la capacité de dialogue et la recherche de solutions pacifiques. Au lieu de financer l’industrie de la guerre, créons des programmes pour la construction de communautés d’après-guerre et la reconstruction des zones de guerre actuelles, en particulier l’Ukraine, et au-delà.
Nous exigeons également des dirigeant·es croates et de tous les partis politiques qu’elles et ils mènent la politique de l’État en tenant compte avant tout du bien public et des intérêts de la société, et quelles et ils abandonnent immédiatement les impulsions militaristes enflammées et l’augmentation du budget de l’armée et de l’armement. Avez-vous demandé aux citoyen·nes de la République de Croatie si elles et ils veulent vivre sous la menace de la guerre et de la destruction ?
Mesdames et Messieurs les représentant·es de la République de Croatie au sein des organes de l’Union européenne, veuillez reconsidérer votre soutien à ce nouveau changement radical de la politique de l’UE. Êtes-vous sûr·es de pouvoir contrôler de vastes forces armées et des sociétés militarisées, une fois qu’elles seront établies dans le contexte de la montée de la droite radicale européenne et du renforcement des idées réactionnaires et des relations sociales de toutes sortes ?
En ce moment crucial pour l’avenir de l’Europe et au-delà, vous avez le pouvoir d’inverser le paradigme de l’escalade de la violence guerrière pour en faire quelque chose de bénéfique pour la société européenne. Au lieu du plan « ReArm Europe », créons une Europe de liberté, de coopération et de paix ! Prenez vos responsabilités ! Sinon, vous serez vous aussi complices des événements de guerre qui se déroulent sur le territoire européen.
Les guerres et la militarisation de la société frappent toujours plus durement les femmes et les plus vulnérables. C’est pourquoi NON à l’économie de guerre et NON à l’Europe de la guerre ! Le bien-être, pas la guerre !
Imaginez la société que nous pourrions construire si les femmes et les hommes politiques commençaient à travailler à la construction d’un monde de paix ?
Coalition féministe ad hoc contre la guerre, Zagreb, 8 mars 2025 [6].
Italie
Aux députés de la République
Nous, citoyens, vous écrivons avec une profonde inquiétude face à la pression croissante en faveur d’une augmentation des dépenses militaires, un choix que nous considérons comme préjudiciable à notre avenir.
Le président de la Commission européenne a présenté un plan de réarmement de 800 milliards d’euros (ReArm Europe) contre la Russie, déclarant : « Nous devons réarmer l’Europe de toute urgence. »
Nous appelons les parlementaires italiens à rejeter toute nouvelle augmentation du budget de la défense pour les raisons suivantes.
1. Le récit de l’infériorité de l’Europe en matière de dépenses militaires est faux. Il n’est pas vrai que la Russie a dépassé l’Union européenne en matière de dépenses militaires. En revanche, les données officielles du SIPRI et de la base de données de l’OTAN montrent que la somme des dépenses militaires de l’UE et du Royaume-Uni est environ trois fois supérieure à celle de la Russie. Alimenter l’impression d’une Europe faible et mal préparée ne sert qu’à justifier une course aux armements infondée.
2. Le réarmement appauvrit l’État-providence. Chaque augmentation des dépenses militaires ajoute une nouvelle dette publique sur les épaules des générations futures et prive de ressources essentielles des secteurs clés tels que la santé, l’éducation, l’environnement, la recherche et la protection sociale. Nous assistons déjà à des coupes dans les services publics, avec des hôpitaux sous-financés, des écoles aux infrastructures médiocres et un système de protection sociale de plus en plus fragile. Le choix d’allouer des milliards à l’armement, plutôt qu’au bien-être collectif, est un pas vers l’effondrement de l’État-providence.
3. Plus d’armes signifie plus de guerre, pas plus de sécurité. L’histoire nous enseigne que l’accumulation des armements ne conduit pas à la paix, mais à la poursuite des conflits et à l’escalade des tensions internationales. L’Italie - conformément à l’article 11 de la Constitution - doit promouvoir des solutions diplomatiques et la réduction des dépenses militaires mondiales, plutôt que d’alimenter une course aux armements qui ne peut qu’accroître le risque de nouvelles guerres.
Nous demandons donc au Parlement italien de :
- bloquer toute nouvelle augmentation des dépenses militaires ;
- promouvoir le processus de paix en Ukraine ;
- arrêter toute nouvelle livraison d’armes à l’Ukraine ;
- rétablir un processus de dialogue et de coopération internationale ;
- promouvoir les initiatives de désarmement et le rétablissement du traité d’interdiction des euromissiles ;
- soutenir la diplomatie active pour la résolution non violente des conflits en cours ;
- réorienter les ressources vers le travail, la santé, l’éducation et la protection sociale, piliers de la sécurité sociale.
Une Italie qui choisit la paix ne peut pas être une Italie qui investit dans les armes au détriment du bien-être de ses citoyens [7].
Allemagne
Nous traversons une crise où la prochaine guerre mondiale ne semble pas loin. Si cette guerre continue de s’intensifier, elle dévastera notre planète. Alors que les États-Unis se sont retirés de la guerre d’agression en Ukraine, l’« Europe unie » fait front commun et discute ouvertement d’une véritable dissuasion nucléaire contre la Russie. Chaque jour, les événements s’enchaînent à une vitesse fulgurante sans que nous trouvions de réponse à la situation mondiale.
Ce n’est pas notre guerre ; nous voulons un avenir.
À quelle guerre se prépare-t-on réellement ici ? Et à qui profite cette guerre ?
Les guerres et les conflits mondiaux tournent en grande partie autour des luttes pour la distribution de l’énergie, l’accès aux ressources, les intérêts économiques et, en fin de compte, le pouvoir. Il ne s’agit pas d’une lutte pour la démocratie, la justice ou les valeurs, même si tel est le discours des dirigeants. La majorité des populations souffre de ces guerres, tandis que les riches et les puissants s’enrichissent. L’impérialisme occidental tente de maintenir sa suprématie, tandis que d’autres puissances impérialistes comme la Russie et la Chine cherchent à s’en emparer. Le système capitaliste réagit à la crise actuelle, comme si souvent dans l’histoire, par la destruction et l’agression. Et les différentes parties belligérantes n’agissent jamais en fonction des intérêts des populations directement touchées. La guerre est toujours une guerre de puissances capitalistes, où les peuples de tous les pays ne peuvent que perdre. Leurs souffrances sont présentées comme une fatalité, et l’hostilité entre eux est alimentée par le nationalisme.
Nous défendons notre position révolutionnaire sur la question de la guerre et luttons pour l’amitié de tous les peuples !
Ce qui se passe en Allemagne ne se résume pas à une préparation à la défense contre d’éventuelles attaques ni à la mise en place d’une prétendue capacité défensive. Être apte à la guerre signifie se préparer à la guerre. Ce à quoi Pistorius et Merz préparent la société allemande, notamment face à un changement de puissance mondial et à un nouveau renforcement des guerres pour sécuriser les réserves énergétiques, les zones de pouvoir et les marchés, ce sont des guerres d’agression dans d’autres pays avec une forte participation allemande. À cette fin, des soldats doivent être envoyés dans les écoles, la clause civile doit être levée et les infrastructures et le système de santé doivent être préparés à l’éventualité d’une guerre.
Ici, dans le pays, les loyers augmentent, le système social est de plus en plus mis à mal, et dans le même temps, des centaines de milliards d’euros doivent être débloqués pour l’armement. Et la fin n’est pas en vue : pour atteindre les 2 % du PIB exigés par l’Otan, le fonds spécial n’est qu’une étape, et le débat sur de nouvelles augmentations dure depuis longtemps.
Ce qui se passe ici est du bellicisme. Où sont les protestations ?
Une nouvelle intensification d’une guerre mondiale se prépare ici, en Allemagne. Nous devons donc saboter les foyers des bellicistes.
Dans la nuit du 7 mars, sept véhicules de la Bundeswehr ont été incendiés sur le parking d’un atelier MAN, car nous n’aimons que le matériel de guerre en feu.
Non au réarmement ! Non aux exportations d’armes ! Non à la conscription !
Pour la paix des peuples !
Groupe Agenda2029 [8].
Belgique
En Belgique, des usines vont être converties à la production militaire. Le bourgmestre de Charleroi a contacté des industriels et le ministre de la Défense pour leur proposer l’ancien site d’une usine Caterpillar pour accueillir la fabrication d’armement, tels que des chars ou autres équipements militaires. Un site de la firme automobile Audi à Forest, près de Bruxelles, est aussi repéré pour être transformé en une ligne de production de véhicules légers blindés [9].
Russie-Libertés
Communiqué de Russie-Libertés :
Face à la brutalité des discours et des positions de Trump et de Poutine, et devant une Maison Blanche qui adopte désormais le même langage que le Kremlin, il est impératif que l’Europe adopte une posture ambitieuse, ferme et résolue. Nous devons répondre avec détermination et force, en gardant à l’esprit la priorité de la sécurité durable pour l’Ukraine et l’Europe, le renforcement de la démocratie dans le monde et la protection des populations.
Nos priorités sont claires :
- Garantir la sécurité de l’Ukraine et de son peuple : L’Europe doit s’engager pleinement à protéger l’Ukraine et à soutenir sa souveraineté, en assurant des conditions de paix durables, décidées en concertation avec l’Ukraine.
- Favoriser la démocratisation de la Russie et soutenir le mouvement anti-guerre russe en Russie et en Europe : Il est crucial que Poutine ne sorte pas renforcé des négociations de paix et que l’UE redouble d’efforts pour soutenir la société civile russe. Pour cela, il est également nécessaire d’intensifier le dialogue avec la société russe et ne pas la laisser seule face à la dictature poutinienne.
- Maintenir la pression sur le régime du Kremlin :
- Exiger la libération de tous les prisonniers de guerre ukrainiens (civils et militaires).
- Exiger le retour des enfants ukrainiens déportés illégalement.
- Exiger la libération des prisonniers politiques russes et bélarusses.
- Maintenir les sanctions européennes ciblées contre le Kremlin.
Le régime, déjà fragilisé par une situation économique difficile, un manque de technologies, une fuite des cerveaux et une désertion au sein de l’armée, doit comprendre que les Européens maintiendront un rapport de forces.
L’Europe a aujourd’hui toutes les cartes en main pour faire pression sur le nouveau duo Trump-Poutine. Il est temps de montrer une réponse forte et unie. C’est notre seul espoir pour un avenir pacifique et démocratique.
Leaders européens, nous comptons sur vous pour défendre les principes fondamentaux de liberté et de justice !
Suite à la suppression de l’aide internationale des États-Unis, nous faisons face à de grandes difficultés pour financer notre Espace Libertés | Reforum Space Paris. C’est pourquoi nous lançons une collecte de dons afin de sauvegarder ce centre, essentiel pour la communauté russophone exilée.
Le vrai visage de la guerre
Les « gueules cassées » ukrainiennes sont soignées gratuitement par le projet Unburned. Les victimes sont des soldats blessés au front, des prisonniers torturés par les Russes, comme celui dont le front a été scarifié par des croix nazies, et des civils victimes de bombardements. En septembre 2023, on estimait les amputés entre 20 000 et 50 000. Les « gueules cassées » sont stigmatisées par des concitoyens effrayés qui n’établissent pas de rapport entre les blessures et la guerre. « Quel est votre rêve ? », interroge un chirurgien. « Je veux pouvoir emmener mon fils à l’école sans avoir honte., répond une civile quadragénaire. Le gouvernement ne paie rien. » Elle ne perçoit que 110 euros de pension de handicapée. Son œil de verre doit être remplacé après chaque opération. Il coûte 700 dollars. « J’ai eu envie de mourir. […] Je suis épuisée. […] C’est mon fils qui m’aide à tenir. », confie-t-elle. Elle a envoyé à son chirurgien une photo où elle sourit devant l’école, son fils à la main [10].
Refus de servir en Ukraine
Des centres de recrutement rapportent que des hommes recrutés de force se sont mutilé les mains pour échapper à la conscription. Soignés sur place, ils ont affirmé préférer se suicider plutôt que de combattre et ont été emmenés en service psychiatrique. Ils encourent de 5 à 10 ans de prison [11].
Alexander Skobov
Le tribunal militaire du 1er district ouest a condamné le dissident Alexander Skobov, âgé de 67 ans, à 16 ans de prison et à une amende de 300 000 roubles. Skobov, qui a fait l’objet de poursuites pénales pour la première fois en URSS, a été accusé d’avoir participé aux activités d’une organisation terroriste (en raison de ses publications sur les « Forums Russie libre ») et d’y avoir justifié le terrorisme. Mediazona publie la déclaration finale de Skobov, qui, même devant le tribunal, continue de soutenir ouvertement l’Ukraine et qualifie les procureurs et les juges de complices des crimes de guerre de Poutine :
« Ce qui est important ici, c’est la plateforme du « Forum Russie Libre », à l’élaboration de laquelle j’ai participé directement et qui distingue le « Forum Russie Libre » de la plupart des autres organisations d’opposition.
Je vous rappelle que cette plateforme peut être réduite à trois points. Premièrement : nous prônons le retour inconditionnel à l’Ukraine de tous ses territoires internationalement reconnus occupés par la Russie, y compris la Crimée, oui, la Crimée est l’Ukraine.
Deuxième. Nous soutenons tous ceux qui se battent pour atteindre ces objectifs. Y compris les citoyens de la Fédération de Russie qui ont volontairement rejoint les forces armées ukrainiennes.
Et troisièmement. Nous reconnaissons toute forme de guerre contre la tyrannie de Poutine en Russie, y compris la lutte armée. […]
Mais les propagandistes de guerre du Kremlin sont-ils une cible légitime ? Le Forum Russie Libre n’a pas spécifiquement discuté de cette question et n’a adopté aucune résolution à ce sujet, donc dans ce cas j’exprime exclusivement ma position personnelle.
Je crois que les propagandistes comme le présentateur de télévision Vladimir Soloviev, par exemple, méritent la même chose que ce qu’a reçu le propagandiste d’Hitler Julius Streicher, qui a été pendu après le verdict du tribunal de Nuremberg. Tant que ces monstres de la race humaine ne tomberont pas entre les mains d’un nouveau tribunal de Nuremberg et que la guerre ne continuera pas, ils constitueront une cible légitime pour les opérations militaires.
Comparer les propagandistes de Poutine et d’Hitler n’est pas pour moi un procédé purement rhétorique. La majeure partie de mon travail journalistique est consacrée à prouver la nature nazie du régime de Poutine, avec lequel la coexistence pacifique est en principe impossible.
J’ai lancé et je continue de lancer un appel à l’Europe, en premier lieu, pour qu’elle se souvienne des origines du système européen actuel. Depuis 1945, l’Europe construit un monde dans lequel les prédateurs ne devraient plus être les maîtres de la vie – un monde fondé sur les principes de droit, de justice, de liberté et d’humanisme. L’Europe a accompli beaucoup de progrès sur cette voie et semble s’être débarrassée à jamais des massacres et des redistributions territoriales.
L’Europe est habituée à penser que son monde sûr et prospère est protégé de manière fiable par un allié grand et fort de l’autre côté de l’océan. Aujourd’hui, son monde est mis en pièces par deux scélérats venus des deux camps : le Kremlin et Washington. Aux États-Unis, des personnes aux valeurs pro-fascistes sont arrivées au pouvoir.
Nous assistons à une tentative répugnante de conspiration purement impérialiste entre deux prédateurs. Une conspiration encore plus vile que celle de Munich de 1938. Si les annexions de Poutine sont légalisées, ce sera une catastrophe pour la civilisation. Europe, tu as été trahie, réveille-toi et va te battre pour ta paix !
Mort aux envahisseurs russo-fascistes ! Mort à Poutine, le nouvel Hitler, meurtrier et scélérat ! Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux héros !
Je termine généralement mes discours par ces mots. Mais aujourd’hui, on me demandera encore si je plaide coupable.
Alors, c’est moi qui blâme. J’accuse la clique au pouvoir de Poutine, puant les cadavres, de préparer, de déclencher et de mener une guerre d’agression. Dans les crimes de guerre en Ukraine. Dans le terrorisme politique en Russie. Dans la corruption de mon peuple.
Et je pose cette question aux serviteurs du régime de Poutine ici présents, qui ne sont que de petits rouages dans sa machine répressive : reconnaissez-vous être complices des crimes de Poutine ? Vous repentez-vous de votre complicité [12] ? »
Nikolaï Savtchenko
Le prêtre Nikolaï Savtchenko, prêtre à Saint-Pétersbourg, a été arrêté le 22 mars 2025 dans son église. Il a été conduit au poste de police puis au tribunal, qui a condamné le prêtre à 14 jours de détention administrative pour « avoir affiché les symboles d’une organisation nazie ».
Selon la police et le tribunal, le drapeau national de l’Ukraine avec l’emblème national de l’Ukraine est un symbole de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), que le ministère russe de la Justice a incluse en 2024 dans la liste des organisations nazies et terroristes.
La photo sur laquelle le P. Nikolaï tient un drapeau, a été publiée sur les réseaux sociaux le 1er mai 2014, le jour où la marche pour la paix, à laquelle ont également participé des chrétiens orthodoxes, a eu lieu le long de la perspective Nevski. Le prêtre a déjà subi une punition de l’Église pour son « méfait ».
Il y a presque 11 ans, le P. Nikolaï a légendé la photo : « Ainsi parle le Seigneur : N’allez pas faire la guerre à vos frères. » Ce commandement se retrouve deux fois dans la Bible. Il évoque des parallèles directs avec le conflit russo-ukrainien parmi ceux qui considèrent les Russes et les Ukrainiens comme « un seul peuple ».
« Les actions pour le maintien de la paix ne sont pas des actions politiques. Sinon, nous devrions considérer les paroles du Christ "Heureux les artisans de paix" comme un discours politique. », se justifie le prêtre [13].
Émigration russe
Entre l’été 2023 et l’été 2024, environ 8 % des plus de 8 000 Russes interrogés par les sociologues du projet OutRush sont rentrés au pays. Ces chiffres coïncident quelque peu à l’enquête de RANEPA, selon laquelle 10 % de ceux qui ont quitté le pays au milieu de la guerre à grande échelle avec l’Ukraine vivent à nouveau en Russie. Et ils diffèrent grandement des chiffres annoncés précédemment par Bloomberg : à l’époque, les journalistes, citant la société Finion, rapportaient que jusqu’à 45 % de ceux qui étaient partis reviendraient en Fédération de Russie en 2022.
Selon les données d’OutRush, seulement 5 % des Russes souhaitent revenir d’émigration au cours de l’année prochaine. Environ 54 % prévoient un retour en cas de changements politiques en Russie. Pour un tiers des répondants, le risque de mobilisation était la raison de l’émigration. Les chercheurs suggèrent qu’un certain nombre de ceux qui sont partis seraient prêts à revenir si l’Ukraine et la Russie parvenaient à un cessez-le-feu.
Selon OutRush, ce n’est qu’avec des « changements politiques profonds », qui doivent également résister à l’épreuve du temps, que la majorité des émigrés pourront retourner en Russie.
« Il est très difficile d’étudier les migrants, car ils sont difficiles à contacter et ont de nombreuses raisons de ne pas répondre aux enquêtes. Il est très difficile d’organiser un échantillon aléatoire permettant de tirer des conclusions statistiquement correctes », a expliqué à Meduza un sociologue ayant participé à l’étude.
Entre 2023 et 2024, un Russe sur cinq ayant quitté le pays a changé de pays de résidence, et 28 % supplémentaires prévoient de le faire l’année prochaine. Au cours de la période spécifiée, environ la moitié des Russes a quitté la Géorgie et la Turquie, qui sont des destinations populaires pour l’émigration depuis la Fédération de Russie.
L’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas et les États-Unis restent au contraire des pays d’où seulement 1 % environ des Russes sont partis.
Les Russes ont davantage quitté Israël, la Serbie et l’Argentine - 13, 16 et 20 % respectivement.
La Turquie occupe la première place en nombre de personnes quittant le pays pour d’autres pays. Elle est suivie par la Géorgie, l’Arménie, le Kazakhstan et le Monténégro. Les sociologues attribuent ce phénomène à la situation juridique instable et à la peur des persécutions politiques dans ces États. Les Russes qui y vivent retournent souvent en Russie : 10 à 15 % de ceux qui sont revenus vivaient dans les pays mentionnés ci-dessus. On observe cependant une tendance inverse : environ 11 % des personnes interrogées choisissent la Géorgie et l’Arménie pour leur émigration secondaire.
La Serbie est devenue le nouveau lieu de résidence de 22 % des émigrants qui ont déménagé pour la deuxième fois. La popularité de la Serbie s’explique par plusieurs raisons : un faible niveau de discrimination à l’encontre des citoyens russes, des lois d’immigration prévisibles et une communauté russophone croissante. En 2023-2024, seulement 16 % des émigrés de la Fédération de Russie ont quitté la Serbie, et seulement 20 % souhaitent partir dans un avenir proche.
Les Russes ouvrent souvent des entreprises. Les pays les plus populaires pour l’entrepreneuriat sont l’Argentine, le Brésil, l’Espagne, les États-Unis, la Serbie, le Monténégro et la Géorgie. Selon les données d’OutRush, entre 8 et 15 % des Russes y ont ouvert une entreprise, et 21 à 45 % supplémentaires souhaitent le faire. En général, au début, les Russes sont confrontés à des impôts élevés, des droits de douane, une bureaucratie, une législation opaque, une instabilité économique et des restrictions monétaires.
Des travailleurs des domaines de la culture, de la science, de l’art, de l’éducation et des médias ont émigré - au total, ils représentaient 21 % des personnes qui ont émigré. Des scientifiques et des enseignants se sont installés en France, en Israël, en Allemagne et en Turquie, ainsi que des représentants des arts et de la culture en France et en Grande-Bretagne.
Les émigrés russes se sentent plus satisfaits de leur vie. 45,7 % des répondants se considéraient heureux en 2024, contre 40,5 % en 2023. La différence est encore plus marquée si l’on compare la situation avec septembre 2022, lorsque la mobilisation et une vague massive d’émigration ont commencé. Seulement 37 % des répondants se disaient alors heureux la plupart du temps.
Les Russes à l’étranger continuent de suivre la situation politique en Russie. 82 % des personnes qui ont quitté le pays s’informent sur des médias indépendants russes.
41 % des émigrés ont voté aux élections présidentielles russes de mars 2024, malgré des files d’attente de plusieurs heures et la nécessité de se déplacer vers d’autres villes.
61 % des Russes interrogés déclarent étudier la langue de leur pays de résidence, notamment en Europe et dans les pays d’Amérique latine. Les niveaux les plus bas d’émigrants parlant les langues locales se trouvent en Serbie, en Turquie, en Arménie, en Géorgie et au Kazakhstan.
77 % communiquent principalement avec des russophones, seulement 15,5 % ont des contacts étroits avec les résidents locaux et 7,5 % avec des migrants d’autres pays [14].
Chair à canon et hachoir à viande
Le parti poutinien Russie unie offre des hachoirs à viande aux mères des soldats tombés au combat. En Russie, très peu soucieuse de la vie des combattants, le hachoir à viande est l’expression russe proche, en français, de chair à canon. Après des commentaires sur le mauvais goût de ce cadeau, le parti appelle à « ne pas soutenir des interprétations inhumaines et provocatrices » [15].
Ukraine
Ivan Fedorov, gouverneur de l’oblast de Saporijjia, déplore : « Nous manquons d’équipements pour traiter les blessés qui nous arrivent du front. Les soigner ici pose de nombreux problèmes. La plupart des soldats ont contracté des virus dans les tranchées. Ces combattants sont de vraies bombes bactériologiques. Souvent, ils déclenchent des épidémies. »
Une députée, sergente sur le front, fait part de ses inquiétudes pour l’après conflit : « Il sera alors très probable que des groupes criminels, recrutés par les Russes, mènent des opérations de déstabilisation. […] Il y a un risque lié à la démobilisation d’un million de militaires, qui se retrouveront du jour au lendemain sans travail avec des armes et des drones. Notre société est épuisée. Il ne faut pas exclure une radicalisation civile et militaire [16]. »
Dans la banlieue de Kiev, un centre de santé mentale offre aux soldats et aux anciens prisonniers de guerre une réhabilitation après les horreurs du front et des tortures dans les geôles russes. Il vise à surmonter les stress posttraumatiques. Plus de 10 000 soldats ont déjà été accueillis. L’actualité très troublée est une source supplémentaire d’angoisse. La détente offerte par les soins des coiffeurs pousse certains à se confier plus facilement à ceux-ci qu’aux psychologues. 80 % des patients souhaitent repartir combattre [17].
Transferts d’armes
L’Ukraine est devenue le premier importateur d’armes majeures au monde au cours de la période 2020-2024, ses importations ayant été multipliées par près de 100 par rapport à 2015-2019, selon les informations publiées par le Sipri (Stockholm International Peace Research Institute) [18].
Au moins trente-cinq États ont envoyé des armes à l’Ukraine depuis son invasion à grande échelle par la Russie en 2022, et d’autres livraisons substantielles sont en cours. L’Ukraine a reçu 8,8 % des importations mondiales d’armes en 2020-2024. La plupart des armes majeures qui lui ont été fournies proviennent des États-Unis (45 %), suivis de l’Allemagne (12 %) et de la Pologne (11 %). L’Ukraine est le seul État européen figurant dans le Top 10 des plus grands importateurs en 2020-2024, bien que de nombreux autres États européens aient considérablement augmenté leurs importations d’armes au cours de cette même période.
Les importations d’armes des États européens membres de l’Otan ont plus que doublé entre 2015-19 et 2020-2024 (+ 105 %). Les États-Unis ont fourni 64 % de ces armes, une part substantiellement plus importante qu’en 2015-19 (52 %). Les autres principaux fournisseurs sont la France et la Corée du Sud (représentant chacune 6,5 %), l’Allemagne (4,7 %) et Israël (3,9 %).
La guerre contre l’Ukraine a encore accéléré la baisse des exportations d’armement de la Russie car davantage d’armes sont nécessaires sur le champ de bataille ; les sanctions commerciales rendent plus difficile pour la Russie de produire et de vendre ses armes, et les États-Unis et leurs alliés font pression sur les États pour qu’ils n’achètent pas d’armes russes.
La France devient le deuxième plus grand fournisseur d’armement au monde en 2020-2024, en livrant des armes à 65 États. Les exportations françaises d’armes majeures vers d’autres États européens ont presque triplé entre 2015-2019 et 2020-2024 (+187 %). Cela s’explique principalement par les livraisons d’avions de combat à la Grèce et à la Croatie, ainsi que par les livraisons d’armes à l’Ukraine .
Europe militaire et État de droit
Les écologistes
« Pour la première fois depuis 1945, la peur de la guerre s’insinue en chacun de nous. La menace russe se concrétise et la protection américaine s’étiole », a déclaré Cyrielle Chatelain. La présidente du groupe Écologiste et Social a salué la « pugnacité du peuple ukrainien » qui a réussi à faire « échouer le plan de Vladimir Poutine ».
Compte tenu du contexte inédit, Cyrielle Chatelain a mis fin au pacifisme traditionnel des Écologistes dans un discours solennel. Elle a annoncé le soutien de son parti à « un engagement militaire et financier renforcé à destination de l’Ukraine ».
Fustigeant la passivité de l’Europe qui s’en est « paresseusement remise aux États-Unis », et « a renoncé à s’imposer comme un acteur majeur sur la scène internationale », elle a souligné l’attachement de sa famille politique à une défense européenne : « L’Union européenne doit s’affirmer comme une force politique, ce qui implique aujourd’hui dans ce contexte de s’affirmer comme une force militaire. »
L’aide militaire à l’Ukraine doit passer « par la fourniture d’équipements de défense avancée », « la formation des forces ukrainiennes » et le « renforcement de troupes européennes dans les pays frontaliers de l’Ukraine ». Une montée en puissance de la militarisation, en somme.
Ce discours à l’Assemblée nationale tranche-t-il réellement avec les traditions, appelant à une démilitarisation, de sa famille politique ? Pour le cofondateur de l’Observatoire des armements, Patrice Bouveret, rien ne tient ici d’une rupture, mais il s’agit de l’héritage d’une bascule engagée il y a quelques années : « Cela traduit une coupure entre les élus du parti et sa base qui se retrouvait dans les valeurs “pacifisme, féminisme et écologie”. » L’expert pointe un manque de réflexion collective à l’intérieur des Écologistes sur les questions de défense.
« Les parlementaires écologistes deviennent de plus en plus proches des positions officielles de la France sans qu’il n’y ait remise en cause ou interrogation sur ces questions-là. Ils perdent le côté novateur qu’avaient les écologistes sur ces questions », regrette Patrice Bouveret [19].
« Macron profite d’un contexte politique anxiogène pour renforcer sa place dans le monde. Mais il ne faut pas oublier que l’arme nucléaire ne favorise pas la sécurité : elle favorise l’insécurité », observe Patrice Bouveret, de l’Observatoire des armements [20].
Éric Chol
Éric Chol, directeur de la rédaction de L’Express, vante le ministre des Finances Paul Reynaud, partisan, en 1938, d’une économie de guerre, qui, en remettant en cause les acquis du Front populaire, déclarait à la radio : « Croyez-vous que, dans l’Europe d’aujourd’hui, la France puisse à la fois maintenir son train de de vie, dépenser 25 milliards d’armements et se reposer deux jours par semaine ? » Il a sabré les dépenses sociales, les grands travaux, l’aide aux collectivités locales et gelé l’embauche de fonctionnaires. « Un kit de rigueur dont pourrait s’inspirer le gouvernement Bayrou », poursuit l’éditorialiste.
Thomas Piketty
À rebours de la remilitarisation ambiante, l’économiste Thomas Piketty écrit dans une chronique du Monde :
Face au trumpisme, l’Europe doit d’abord rester elle-même. Personne, sur le continent, pas même la droite nationaliste, ne souhaite renouer avec les postures miliaires du passé. Plutôt que de consacrer ses ressources à une escalade sans fin – Trump exige maintenant des budgets militaires atteignant 5 % du PIB -, l’Europe doit asseoir son influence sur le droit et la justice. Avec des sanctions financières ciblées et réellement appliquées sur quelques milliers de dirigeants, il est possible de se faire entendre plus efficacement qu’en entassant des chars dans des hangars. L’Europe doit surtout entendre la demande de justice économique, fiscale et climatique venue du Sud.
Aurore Lalucq
Dans une tribune du Monde, l’eurodéputée Aurore Lalucq (S & D, coprésidente du mouvement Place publique) écrit [21] :
La priorité pour l’Europe est aujourd’hui de continuer à soutenir l’Ukraine. […] Il va donc nous falloir produire des armes, mais pas seulement. Pour cela, certains en appellent à la mise en œuvre de mesures antisociales particulièrement brutales. […] Il n’en est pas question. […] Ce n’est certainement pas le moment d’imposer des réformes injustes et antisociales, qui viennent diviser la population et fragiliser les plus faibles. En économie de guerre, on consolide l’État social, on ne le détruit pas. […] On ne laisse pas gagner les profiteurs de guerre, on les taxe. […] La réorientation de l’économie et de l’armement ne peut se faire aux dépens de nos dépenses sociales, d’éducation et de santé.
Jonathan Bouchet-Petersen
Jonathan Bouchet-Petersen écrit dans une chronique de Libération [22] :
Si l’Europe a raison de s’armer pour se protéger et pour peser, cela ne doit pas se faire au détriment de la défense d’une certaine idée de l’État de droit […], et pas non plus […] aux dépens d’une exigence environnementale et sociale qui fait bien souvent les frais de la concurrence mondiale. Parce qu’elle reste puissante économiquement, L’Europe doit rester exigeante, avec elle-même comme avec ses interlocuteurs. Chacune des nations qui la composent y a intérêt. […]
La bataille se joue au moins autant sur le terrain des valeurs que sur un champ de bataille ou dans une négociation commerciale.
Luc Le Vaillant
Dans le même numéro, Luc Le Vaillant, qui avait évité le service militaire par une « entourloupe psychiatrique » et préférait « les déserteurs aux adjudants, les crosses-en-l’air aux va-t-en-guerre » et pestait « contre les marchands de canons qui rançonnent la République », se réjouit de découvrir, « presque avec des spasmes de fierté franchouillarde » que l’avantage atomique de la France « l’autorise presque à se prétendre le garant du continent [23]. »
Nantes
À Nantes, le 8 mars 2025, dans le cortège de la Journée pour le droit des femmes, le collectif Les Louves a défilé derrière une banderole proclamant « Guerre, fascisme, patriarcat : sortons les crocs ». Les manifestantes transportaient un char d’assaut sur lequel figurait le slogan « Guerre à la guerre » [24].
Belgique
Depuis son arrivée au ministère de la Défense, Theo Francken (N-VA) construit une politique qui repose sur des investissements massifs dans l’armement, une logique militariste inquiétante et une transformation radicale de la stratégie de la Défense. Son plan : développer un complexe militaro-industriel en Belgique, financé avec l’argent des contribuables, tout en alignant le pays sur des politiques sécuritaires agressives dictées par l’Otan et les marchands d’armes, au détriment des budgets sociaux, éducatifs, écologiques et de santé.
Dans cette logique, il a annoncé la création d’un service militaire volontaire de 12 mois, destiné aux jeunes de 18 à 25 ans, qui seront rémunérés environ 2.000 euros nets par mois [25].
Pologne
Donald Tusk a annoncé à la Diète le retrait de la Pologne des conventions d’Ottawa et de Dublin qui interdisent les mines anti-personnel et les armes à sous-munition [26].
Colombie
Ce sont des milliers de mercenaires étrangers qui sont engagés pour combattre pour la Russie ou l’Ukraine. Parmi eux, des centaines de Colombiens. Ils sont généralement vétérans de la guerre civile qui déchire leur pays. Ils accourent sur la promesse d’un salaire alléchant. Mais une fois sur place, c’est l’horreur qui les submerge. Et peu d’entre eux reviennent vivants. L’un d’eux incite ses compatriotes à ne pas succomber à cet espoir d’enrichissement [27].
En octobre 2024, deux anciens soldats colombiens ont été jugés à Moscou, extradés en Russie par le Venezuela où ils avaient fait escale [28].
Opinion publique russe
Denis Volkov est le directeur de l’institut de sondage Levada. Depuis 2016, ce dernier est désigné par la Russie comme agent étranger mais poursuit son travail indépendant. Interviewé par le magazine Challenges [29], Volkov explique que 60 % de la population russe préfère des négociations de paix plutôt qu’une prolongation du conflit. 20 % est opposé à l’opération militaire, composé d’une moitié pro-occidentale et favorable à l’Ukraine, et d’une autre moitié pacifiste, opposée à toute guerre. Les 40 % restants souhaitent une solution diplomatique, notamment par peur d’une escalade du conflit, mais sans pour autant être favorables à des concessions importantes. Moins de 20 % de la population russe accepterait de rendre des territoires à l’Ukraine.
30 % de la population préfère une prolongation du conflit à une solution négociée.
La cote de popularité de Vladimir Poutine est à 87 %.
Sur le front
Un reporter du Point [30] sur le front ukrainien, au Donbass, interroge des soldats qui racontent que les Russes envoient des hommes à la mort sans logistique ni soutien de l’artillerie. Ils montent parfois au combat sans casque ni gilet pare-balles. Ils courent par-dessus les cadavres des fantassins qu’on laisse pourrir. Ils subissent des pertes considérables et n’évacuent plus ni morts ni blessés. De part et d’autre, les troupes sont en sous-effectif. « En Ukraine, qui est une démocratie, on débat de ce problème. […] Chez les Russes, il est interdit d’en parler. »
Deux prisonniers russes n’ont pas été éliminés comme les ordres l’exigeaient. Ils se confient : « Il y a cinq jours, nous avons reçu l’ordre de partir à l’assaut. » Guidés à distance par walkie-talkie, ils ont progressé sans gradé ni chef. Ils ont vu des cadavres russes abandonnés sans sépulture. Les deux combattants se retrouvent au fond d’une tranchée avec un blessé ukrainien. Des drones russes les visent et larguent des bombes et des gaz toxiques.
Refus ukrainiens de combattre
« Attention risque de pluie au métro Palats-Oukraïna. » Ce message codé sur Telegram met en garde contre des brigades de conscription à la recherche d’hommes à envoyer au front.
Pour 8 000 euros, des passeurs ont fait grimper une vingtaine de réfractaires nus dans des bennes à ordures. À la frontière, les hommes rhabillés ont rejoint la Moldavie à pied à travers la forêt [31].
Stanislav Doutov, est un vétéran du régiment Azov, condamné à vingt-cinq ans de prison par la Cour suprême de la république autoproclamée de Donetsk puis, après deux ans et demi dans les geôles russes, il a bénéficié d’un échange de prisonniers. Il témoigne dans Libération [32].
Que pense-t-il de ceux qui refusent de prendre les armes ?
« Notre pays est démocratique et libre Et toutes les options et positions sont possibles. Bien sûr, il serait souhaitable que plus de gens combattent. Mais c’est leur droit de refuser. La liberté, c’est une responsabilité. Et chacun porte la sienne. »
L’écrivain Artem Chapeye, engagé volontaire depuis le début de l’invasion russe, confie à La Croix ses réflexions sur ceux qui évitent l’enrôlement militaire.
« L’armée ukrainienne est toujours composée en grande partie du même million de personnes ayant survécu aux trois ans de d’invasion russe. Pendant ce temps six millions d’hommes continuent à se cacher et les plus chanceux ou privilégiés ont obtenu des exemptions officielles : certains ont eu une réserve ou un report légal, d’autres ont acheté des papiers par des moyens de corruption. […] La sœur, mère de deux enfants, a laissé ses enfants à sa mère pour aller combattre sur le front. Quant à ses 2 frères, ils ont choisi de se cacher.
À l’heure où j’ai écrit le dernier [de ses compagnons de combat] à avoir fui l’a fait après avoir vu l’état des dernières recrues. Ce n’était pas ceux qui allaient au restaurant ou en salle de sport. On leur a amené quelques pauvres hères qu’on a pu attraper. L’un atteint de diabète. Un autre qui avait subi un pontage coronarien. »
L’auteur évoque la culpabilité que ressentent les réfractaires et qu’il éprouve lui-même, maintenant, à l’abri dans un bureau [33].
Vogue
Le magazine Vogue a publié un numéro intitulé « Ukraine Today » avec en couverture une mannequin glamour, dont la tenue évoque celle Zarulensky, suivie par des élèves souriants du lycée militaire des cadets de Kiev. Une émission du Dessous des images d’Arte est consacrée à son étude. Le succès de la publication a suscité un nouveau tirage avec, cette fois, une véritable soldate ukrainienne photographiée par le même Brett Lloyd.
La guerre russe banalisée
Dans un spectacle d’une maternelle, une marionnette est très pressée d’aller rejoindre l’armée. Puis les enfants entonnent une chanson militariste. Plus de 190 écoles portent le nom de « héros » morts en Ukraine.
L’économie russe est à la peine mais les plus pauvres bénéficient de primes de recrutement en constante progression pour « rejoindre l’armée de la victoire » et des avantages pour la famille, la formation professionnelle pour l’épouse, des passe-droit à l’université pour les enfants, des aides médicales pour les grands-parents. Les primes permettent d’ouvrir un petit commerce dans les régions pauvres. Le verso des factures d’électricité détaille les sommes offertes aux volontaires. Dans les régions riches, grâce au complexe militaro-industriel, le chômage baisse et les salaires montent.
« La décision de constituer une armée de volontaires a permis à la majorité des Russes de pousser un soupir de soulagement et de mener une vie plus ou moins normale. » constate le directeur de l’institut indépendant de sondages Levada. « En raison de l’absence de mobilisation militaire générale grâce au recrutement de volontaires, la majorité de la population ne participe pas directement au conflit. Cela maintient un sentiment de normalité. »
Le soutien apparent à la guerre est peut-être illusoire. L’expression anti-guerre est sévèrement réprimée [34].
Un soldat ukrainien explique que les Russes « envoient au combat des vagues humaines. On en tue dix, et dix autres arrivent. […] Ils viennent au front à mobylette, à vélo, sur des béquilles s’il le faut, c’est hallucinant. Ils sont forcés d’avancer sous peine d’être exécutés, c’est ce qu’ils nous disent quand on en capture. L’armée russe progresse mètre par mètre en sacrifiant ses hommes [35]. »
Les écoliers des territoires occupés
Dans les territoires occupés, l’enseignement obligatoire est en russe. Dans une vidéo du Monde, des parents et des professeurs résistants à cette injonction témoignent de leur volonté de maintenir des liens avec l’Ukraine [36].
Gaz à effet de serre
Selon un rapport publié le 24 février 2025 par l’Initiative sur la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre de la guerre, ces gaz ont augmenté de près de 30 % au cours des douze derniers mois pour atteindre 230 millions de tonnes équivalent CO2 depuis le début du conflit, soit l’équivalent annuel du total des émissions de l’Autriche, de la Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie. Cela est dû aux combustibles fossiles utilisés par les armées et aux feux de forêt sur la ligne de front que les pompiers ne se risquent pas à combattre. Les feux ont détruit 92 100 hectares en 2024 renforçant le réchauffement climatique transfrontalier. Les auteurs ukrainiens demandent des réparations à la Russie. La reconstruction concourra aussi à l’augmentation des gaz à effets de serre [37].
Manifestations contre Trump et Poutine
Le lendemain et le jour suivant de l’esclandre entre Trump et Zelensky à la Maison Blanche le 28 février 2025, des manifestations de soutien à l’Ukraine ont eu lieu dans plusieurs pays européens et aux États-Unis. La communauté américaine de Kiev y a notamment organisé une protestation devant l’ambassade de son pays [38].
Elena Abramova
Le tribunal du district de Kouïbychevski de Saint-Pétersbourg a interrogé la traductrice Elena Abramova, accusée en vertu de l’article pénal sur le « discrédit » répété de l’armée. « Ma position est évidente, je me considère comme une opposante à la guerre. » ; « Je considère que cela est contraire aux objectifs énoncés dans cet article même », a expliqué la traductrice au tribunal.
Elle n’a pas reconnu sa culpabilité, affirmant qu’elle « ne voit aucun problème à déclarer ouvertement son désaccord avec ce qui se passe ».
Elena a été arrêtée pour la première fois avec une affiche en décembre 2022. La deuxième arrestation a eu lieu le 29 avril 2023, lorsqu’Elena est sortie sur la perspective Nevski avec une pancarte sur laquelle on pouvait lire « Un monde sans guerre, la Russie sans Poutine ». « En quelques secondes, des policiers sont arrivés et ont dit "c’est elle", comme s’ils me reconnaissaient. Ils ont dit que comme je n’aime pas la Russie, je dois quitter la Russie. » Le 4 juin 2023, jour de l’anniversaire d’Alexeï Navalny, la troisième arrestation a eu lieu pour une affiche « Liberté pour Navalny ! Liberté pour tous les prisonniers politiques ! Non à la guerre ! »
Condamné pour une faute… d’orthographe
Ivanovonews publie régulièrement des informations sur la guerre en Ukraine. Le tribunal du district Frunzensky d’Ivanovo a infligé une amende de 100 000 roubles au rédacteur en chef d’Ivanovonews, Sergueï Koustov, pour un article sur la guerre. La publication comprenait une liste des noms de 17 soldats disparus en Ukraine dont un mal orthographié. Selon les forces de sécurité et le tribunal, en publiant une liste de noms comportant une erreur, le journaliste a diffusé « des informations fausses, inexactes ou déformées visant à saper la confiance dans les forces armées russes ».
Selon Koustov lui-même, les forces de sécurité ont fabriqué une affaire contre lui de manière « dégoûtante, basse et vile » parce qu’il « a discrédité […] les rats de l’arrière […] les connards […] les policiers sans cervelle qui ne savent pas aligner deux mots, les procureurs […] et ceux qui prennent leurs ordres « au téléphone ». Il entend « continuer à discréditer » leurs actions. « Je vais essayer de faire ça de manière professionnelle. Pour que cela reste dans l’histoire le plus longtemps possible – pour que les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants connaissent et aient honte de tels ancêtres », écrit le journaliste [39].
Olena Yahoupova
Dans sa ville natale occupée, qui borde le Dniepr, la vie d’Olena Yahoupova a basculé le 6 octobre 2022. Le FSB perquisitionne son domicile, l’accusant d’être une « citoyenne suspecte » en raison du service militaire de son mari. Elle est détenue pendant cinq mois, privée de nourriture et d’hygiène, torturée, victime de sévices sexuelles. Les prisonniers, forcés de chanter l’hymne russe pendant des heures, dorment à même le sol glacé, sans chauffage ni lumière. Le 18 janvier, une expulsion vers l’Ukraine est mise en scène et filmée par la propagande russe. Mais elle est envoyée vers un camp de travail pour creuser des tranchées sous les bombardements et dans des terrains minés. Des prisonniers doivent dormir dans des fosses, d’autres sont exécutés. Libérée et aidée par des journalistes ukrainiens, elle identifie un de ses bourreaux. Les mauvais traitements ont engendré des problèmes de santé. Elle a perdu des dents [40].
Anniversaire de la mort d’Alexeï Navalny
Le 16 février 2015, à l’occasion du premier anniversaire de la mort d’Alexeï Navalny, plus de 1 500 bouquets ont été déposés sur sa tombe malgré les risques de répression.
Des représentants des ambassades américaine, française, espagnole, norvégienne et de l’Union européenne se sont recueillis sur la tombe de l’opposant. Dans un rassemblement à Berlin où son épouse est exilée, celle-ci a déclaré : « Nous savons exactement pour quoi nous luttons : la future Russie dont rêvait Alexeï – libre, pacifique et belle. C’est possible. » « Nous devons sortir » et manifester « pour ceux en Russie qui ne peuvent le faire [41]. » Le courrier adressé aux prisonniers est essentiel à leur moral. Des séances d’écriture collective sont organisées à Paris par l’association Russie-Libertés. Sa porte-parole explique : « En Russie, où il est encore possible de se réunir pour écrire aux détenus, la tension est très grande. « Personne n’a encore été arrêté pour avoir participé à une soirée d’écriture. Mais la surveillance est omniprésente, les intimidations régulières. On craint des infiltrations policières et chacun prend garde à ses propos. »
Elle redoute de voir un jour les prisonniers politiques privés de leur dernier lien avec le monde extérieur En Biélorussie, c’est fini. Les lettres ne passent plus. Les détenus d’opinion sont coupés du monde. C’est non seulement une forme de torture, mais, petit à petit, ils tombent dans l’oubli . »
Une émission de Interception, sur France-Inter, est intitulée « Les Russes veulent-il la guerre [42] ? » comme une chanson pacifiste des années 1960. Sylvain Tronchet, envoyé spécial de Radio France en Russie, a donné la parole à des opposants, réunis pour écrire des cartes postales aux prisonniers politiques. Parmi eux une professeure d’anglais, qui avait d’abord envisagé de quitter le pays, est restée pour aider les victimes de la guerre, ce qu’elle juge plus important que de manifester. Le journaliste interviewe des soldats vétérans dont l’organisation revendique la recherche et la dénonciation des détracteurs du régime. Une réunion de femmes qui idéalisent le président Poutine est interrompue par des agents du FSB qui interrogent l’équipe de l’émission, sans doute pour l’intimider.
L’Enfance volée
Tetiana Pryimachuk, une Ukrainienne vivant en France depuis longtemps a réalisé en Ukraine, avec Philippe Lagnier, un documentaire sur le sort des enfants ukrainiens victimes de la guerre. L’armée russe bombarde sciemment les écoles et les hôpitaux pédiatriques et mutilent de nombreux enfants. Une adolescente très résiliente parcourt avec ses prothèses de jambes cinq kilomètres d’un marathon aux États-Unis avec le soutien d’un groupe de compatriotes. Faute d’abris dans leurs écoles de nombreux enfants sont déscolarisés ou suivent les cours à distance. Ils souffrent du manque de lien social. Des cours sont dispensés dans le métro de Kiev où ils sont confinés. Effrayés par les bombardements ou frappés par le deuil de proches, nombreuses sont les victimes de traumatisme psychologique auxquels tentent de remédier des psychologues débordés par l’ampleur de la tâche. Un enfant sur cinq présente des signes de stress post-traumatique. Quatre millions ont été déplacés. Une jeune-fille dont la famille a été décimée par un bombardement au cours d’un enterrement n’arrive plus à pleurer. La Russie a kidnappé près de 20 000 enfants emmenés dans le pays, les a endoctrinés, militarisés. Certains ont été adoptés [43]. L’association Save Ukraine a réussi à rapatrier 597 enfants [44]. Les crimes contre l’enfance sont l’un des plus graves.
Guerre culturelle
Un professeur de littérature à l’université Mohyla commente « L’Ukraine a été longtemps effacée et a failli disparaître. Les statues de Pouchkine n’ont pas été érigées parce qu’il est un génie, mais parce qu’elles marquent la domination d’un territoire. Aujourd’hui encore, la Russie veut détruire notre culture et notre langue. Pourquoi les Ukrainiens n’auraient-ils pas le droit, et même le devoir, de lutter contre la guerre culturelle que leur livre l’ennemi ? »
Cette guerre prend un tour spécifique à Odessa entre les partisans d’une culture cosmopolite propre à cette ville et ceux d’une affirmation nationaliste, opposés au cosmopolitisme qui serait une idée dangereuse pour la défense de l’Ukraine.
« La langue russe est la langue de l’agresseur, mais personne ne rappelle qu’elle est aussi celle des victimes, s’indigne l’écrivaine russophone odessite Maya Dimerli, […] la majorité des victimes appartiennent aux régions russophones qui ont résisté à Moscou. L’armée russe bombarde intensément ces endroits. Donc le rejet de la langue russe est un manque de respect pour ces défenseurs de l’Ukraine. »
« Le rejet de Tchaïkovski est une énigme pour moi, confie le chef de l’Orchestre philharmonique d’Odessa. Il est le plus ukrainien de tous les compositeurs russes. On devrait, au contraire, se l’approprier. Il a utilisé beaucoup de mélodies ukrainiennes dans sa musique. » Mais, précise-t-il aussitôt, il faut « prendre en compte le public » et ne « rien imposer de russe à quelqu’un qui n’en a pas envie ».
Trois missiles russes ont visé un hôtel, situé entre le Musée Pouchkine et l’Orchestre philharmonique. Sept personnes ont été blessées. Des éclats ont été projetés jusqu’à la statue de Pouchkine. Les planches installées par Alla Nircha, la directrice du musée, n’ont pas seulement protégé le poète russe des graffitis hostiles à la Russie. Ce jour-là, elles ont sauvé Pouchkine des missiles de Moscou.
L’écrivain ukrainien Andreï Kourkov, actuellement le plus connu à l’étranger, alterne les livres en russe et en ukrainien. Ses romans en version originale russe sont introuvables dans les librairies de la capitale qui craignent les campagnes de boycott des militants opposés à l’usage du russe.
La langue russe n’est, de toute façon, pas le critère principal du débat mémoriel en Ukraine. « La loi de décolonisation ne bannit ni la culture ni la langue russe, elle bannit l’apologie de l’impérialisme et ceux qui ont été actifs dans le système totalitaire », rappelle le philosophe Anton Drobovytch.
Interviewé par Rémy Ourdan [45], Andreï Kourkov répond :
« Aujourd’hui en territoire occupé par l’armée russe les livres ukrainiens sont détruits et remplacés par des livres russes dans les bibliothèques. […]
Je suis optimiste, mais la question de la survie ne se pose plus de la même façon. Les soldats constatent que, pour d’autres qu’eux, survivre ne consiste plus à rejoindre le combat, mais au contraire à se cacher. Au début de la guerre, la majorité des Ukrainiens ne pensaient pas à leur survie personnelle. Ils se comportaient comme les propriétaires du pays : si tu appartiens à une terre et que cette terre t’appartient, il faut la défendre.
Aujourd’hui il n’y a plus de volontaires pour rejoindre l’armée ; il y a des mobilisés qui acceptent la situation, et d’autres mobilisés qui ne sont pas heureux. C’est la conséquence de la fin d’une croyance, pour beaucoup, en un happy end. Face à la Russie qui continue d’avancer et d’envoyer toujours plus de soldats, certains pensent qu’on ne pourra pas gagner la guerre. »
Les Cultural Forces, une unité militaire, composée de musiciens et de poètes, anime des soirées pour les soldats, près des lignes de front, et leur enseigne la culture traditionnelle ukrainienne [46].
Sophie Bouchet-Petersen est secrétaire d’Ukraine CombArt. Elle trace un vaste panorama de la culture ukrainienne. Elle écrit notamment :
Dans l’Ukraine d’aujourd’hui, la soif de culture est avivée par la guerre : malgré les alertes, les théâtres sont pleins, les projections attirent du monde, la poésie fait recette. La lecture, électronique ou sur papier, s’est développée, en particulier avec les livres d’histoire et la littérature pour enfants, alors même que le secteur de l’édition souffre matériellement de la guerre. Cet appétit est l’un des effets paradoxaux de l’agression russe : comme le remarque ironiquement le poète Andriy Lioubka, « c’est l’une des principales réussites de cette guerre de Poutine […] ! »
La guerre de Poutine ne s’y trompe pas, détruisant un nombre inouï de bâtiments culturels, de théâtres, de musées, de bibliothèques, pillant les collections embarquées en Russie par camions entiers, violant sans scrupule la Convention de La Haye « pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé ». […]
L’ampleur de ces ravages et de ces vols ne relève pas de dommages collatéraux en temps de guerre mais d’une politique systématique, qui, en pulvérisant les monuments et en faisant main basse sur des dizaines de milliers d’œuvres du patrimoine archéologique et culturel de l’Ukraine, vise une fois encore à en éradiquer l’histoire et la mémoire [47]. »
Soutien à l’Ukraine résistante
Résistance dans les territoires occupés
À l’occasion du troisième anniversaire de l’invasion russe en Ukraine, les Brigades éditoriales de solidarité listent sur de nombreuses pages des actes de résistance dans les territoires ukrainiens occupés : meurtres, attentats, sabotages et actions non-violentes, notamment par le Ruban jaune. Des affichettes sont accolées à Berdiansk, Tokmak, Melitopol, Velykiy Burluk : « Soldat russe, si vous ne voulez pas être un nazi du 21e siècle, alors quittez notre terre ! Sinon, le sort des soldats de Hitler et un tribunal de Nuremberg vous attendent [48] ! »
Zla Mavka
Mouvement ukrainien de résistance exclusivement féminin, Zla Mavka a vu le jour à Melitopol au début de l’année 2023. Mavka est une figure féminine du folklore ukrainien. Le logo du groupe représente trois femmes. Mavka est au centre, en costume traditionnel. Elle est entourée de deux femmes, l’une brandissant un rouleau à pâtisserie et l’autre portant des vêtements féminins stéréotypés : L’image subvertit ce qui est souvent perçu comme une imagerie « féminine » traditionnelle et la transforme en une forme de pouvoir féminin [49].
Ruban jaune
Créé en avril 2022, le Ruban jaune est un mouvement de résistance civile dans les territoires temporairement occupés de l’Ukraine. Sur la chaîne Telegram, il appelle les habitants à accrocher partout des rubans. « Des millions d’Ukrainiens sont sous occupation. Mais nous sommes tous unis par le ruban jaune. C’est le moyen pour nous de nous battre sans armes. Nous disposons d’une arme tout aussi efficace : la protestation civile [50].
Dans un communiqué publié au début de l’année 2025, le Ruban jaune rappelle ses objectifs et ses modes d’action :
- le Ruban jaune est résolument non-violent ; nous n’utiliserons jamais la violence pour atteindre nos objectifs ;
- le Ruban jaune n’opère que dans les territoires occupés de l’Ukraine ;
- le Ruban jaune n’opère pas en Russie ou dans tout autre pays ;
- le droit du Ruban jaune à la résistance pacifique est protégé par le droit international des droits de l’homme, en particulier par l’article 11 de la CEDH, dont l’Ukraine est signataire. Le Ruban jaune a reçu le prix Andreï Sakharov du Parlement européen pour la liberté d’opinion.
Recommandations
Un document du ministère de l’Intérieur adresse des recommandations à la résistance intérieure :
Pour faire face aux besoins de faux papiers, les fonctionnaires de l’état-civil sont invités à recueillir « secrètement les passeports, les certificats et les codes d’identification des personnes décédées » et de les remettre aux membres du mouvement de résistance.
On peut bloquer des serrures, gripper des machines, boucher des canalisations, déclencher des courts-circuits, encrasser les gicleurs des carburateurs des véhicules, crever des pneus, déclencher des incendies…
Si vous êtes un travailleur du rail ou même un passager régulier, votre tâche consiste à rendre le voyage aussi désagréable et compliqué que possible pour les forces d’occupation. Comment ? En multipliant les erreurs de billetterie et d’affichage pour que les occupants se trompent de train ou ratent leur train, ou encore en organisant mal les voitures les unes par rapport aux autres. Dans les trains, il faut faire du bruit et empêcher les soldats et les officiers de dormir en multipliant les annonces et en augmentant le volume des haut-parleurs. Il faut aussi commettre des erreurs dans l’acheminement des bagages.
De son côté le ministère de la Défense fournit une méthode de fabrication des cocktails Molotov [51].
Mauvais traitements
Olga Retchetylova, commissaire chargée de la protection des droits des militaires et des membres de leurs familles a annoncé avoir reçu 3 876 appels au cours des vingt premiers jours de son travail.
La hot-line ouverte par la Fondation pour les droits du soldat de leurs familles (en partenariat avec le Sotsialnyi Rukh), a reçu 200 appels de soldats et soldates. De nombreux officiers ou sous-officiers conservent en effet des zestes de culture militaire soviétique… avec son lot de brutalités. Ce qui interroge sur le renouvellement de l’encadrement.
Un syndicaliste se plaignait des détournements de fonds destinés aux soldats de la part de la hiérarchie militaire, alors que le syndicat mobilise toutes ses ressources possibles pour apporter une aide matérielle à ses membres en uniforme.
Tout aussi grave est la politique néolibérale qui touche l’ensemble de la société ukrainienne et entrave sérieusement les capacités de défense du pays. Ce que pointait clairement le syndicat KVPU des mineurs de Lviv où 6 000 travailleurs et travailleuses n’ont pas vu leurs salaires payés pendant des mois.
Une autre particularité de l’armée ukrainienne, à en faire frémir les galonnés de l’Otan, est l’existence d’unités constituées par affinités politiques et notamment libertaires ou socialistes.
Après la dénonciation dans la presse de mauvais traitements par les cadets de l’Académie des forces terrestres de Lviv, le directeur de l’académie a démissionné. Le nouveau directeur est élu démocratiquement par les militaires de l’Académie.
En dépit de la loi martiale, régulièrement reconduite par le Parlement, qui interdit tout regroupement sur la voie publique, de nombreux rassemblements se tiennent en Ukraine toutes les semaines. Certains réclament le retour des prisonniers de guerre et exigent une plus grande attention du gouvernement à leur situation, mettant en cause parfois la passivité de la Croix-Rouge internationale. D’autres réclament des conditions de mobilisation socialement justes pour permettre une rotation des troupes, avec le sentiment sourd que les classes privilégiées bénéficient d’exemption de service. Ces rassemblements peuvent finir en manifestations de rue. Des soldats en tenue militaires y participent librement [52].
Témoignages ukrainiens
Alla Solod, membre de l’Atelier féministe
Luttez pour les civils et les prisonniers ukrainiens en captivité. Aidez à ramener les enfants ukrainiens qui ont été kidnappés. Travaillez pour empêcher les catastrophes écologiques et agricoles que la Russie provoque avec sa guerre. Coupez les liens économiques avec la Russie et cessez de nourrir ce monstre alimenté au pétrole. Combattez les mouvements fascistes et d’extrême droite dans votre propre pays – ils ne sont souvent qu’un autre représentant de Poutine.
Oleksandr Kitral, journaliste à Commons
J’ai récemment rencontré une assistante sociale du village de Katerinovka dans la région de Donetsk, qui s’appelle Tatyana Jeltobrova. Le village où elle vit est situé à trois kilomètres de la ligne de front. La moitié du village est détruite, de nombreuses personnes vivent dans les caves. Les bombardements se produisent presque tous les jours et il est dangereux de rester dehors. Il n’y a ni électricité, ni eau, ni gaz. Malgré ces conditions des plus difficiles, quarante personnes vivent encore à Katerinovka, principalement des retraités et des personnes handicapées. C’est à eux que Tatyana apporte son aide. Elle me dit qu’elle ne quittera jamais le village tant qu’il y aura des gens seuls : « Ma conscience ne me permet pas de partir. Si seulement tous les gens avaient été emmenés, je serais partie avec eux. Maintenant, je reste avec eux. » Chaque jour, l’assistante sociale rend visite aux retraités. Elle attend que les bombardements cessent, puis monte sur son vélo et livre de la nourriture et de l’eau aux personnes âgées et leur fournit d’autres formes d’assistance. […] Mais elle ne travaille pas pour l’argent. Elle est animée par un sens des responsabilités envers ceux qui ont besoin de son aide et comptent sur son soutien. […] Montrer de l’attention aux difficultés des autres donne de l’espoir pour le développement de notre société, pour le développement du pays.
Varvara Borysenko, lycéenne
Aujourd’hui, j’aimerais partager mon histoire personnelle, non pas au nom de tous les Ukrainiens, mais celle d’une jeune fille dont l’adolescence a été volée par des impérialistes russes ardemment méprisés. Une jeune fille qui a été privée de vivre pleinement les expériences de sa jeunesse comme le font ses paires des pays qui ne sont pas menacés.
[…] Parfois je pense à ma chambre, à la personne que j’étais quand j’y vivais, quand elle faisait partie intégrante de moi. Je rêve de rentrer chez moi, mais j’ai peur de ma chambre maintenant. J’ai peur d’y affronter le temps figé. Comment vais-je regarder les murs et voir les photos d’un acteur que je n’aime plus, trouver des cahiers avec des matières que j’ai déjà apprises il y a deux ans ? Cette innocence, cette naïveté, qui ont été tuées par les missiles russes lancés sur l’Ukraine, vivent toujours dans ma chambre. Comment puis-je m’immiscer dans le dernier morceau de ma vie passée ?
Kostya, membre du collectif Street Aid Daily d’Odessa
Nous avons rencontré Vitaly, que je connaissais déjà car il vivait dans la rue depuis longtemps. Nous avons appris qu’il avait été mobilisé dans les forces armées ukrainiennes en mars 2022 et avait servi pendant un an et demi. À Bakhmout, il a subi plusieurs commotions cérébrales et de graves blessures par éclats d’obus. Vitaly a été renvoyé à Odessa pour subir un examen médical, mais il n’a pas été payé pendant cette période. Il est donc retourné là où il avait commencé, dans la rue. Pendant une semaine, il a dormi sur un banc de la gare centrale. Nous savions que les soldats n’étaient pas indemnisés pour leurs blessures et que le gouvernement avait abandonné Vitaly dans la rue. Nous avons décidé de prendre les choses en main : nous avons collecté des fonds, lui avons trouvé un foyer pour un mois, nous l’avons aidé à remplir les documents nécessaires pour recevoir une indemnisation pour ses blessures. Vitaly a été démobilisé avec une indemnité. Il s’est trouvé un appartement, mais son argent lui a été volé et il s’est retrouvé à nouveau dans la rue. Après un certain temps, il a disparu et nous n’avons plus eu de ses nouvelles depuis. […]
Nous connaissons des gens qui ont perdu leur maison à cause de la guerre et qui vivent maintenant dans la rue. Le gouvernement ne les aide pas. C’est ce qui rend notre travail nécessaire.
Ruslana Mazurenok, présidente du Syndicat des travailleur·euses de la santé de Khmelnytsky, membre de Sois comme Nina
Nous ne retrouverons jamais l’état mental que nous avions avant la guerre, nos enfants sont psychologiquement blessés, même ceux qui n’ont pas de blessures physiques sont traumatisés.
Yulia Lipitch, membre de Sois comme Nina
Parfois, les gens disent : « Les Ukrainiens sont habitués à la guerre. » Ce n’est pas le cas, car il est impossible de s’habituer à la douleur éternelle, au sang versé et à l’anxiété constante. Nous essayons simplement de vivre. Chaque nuit, dans nos rêves, nous voyons le destin infirme des civils, les tombes des soldats morts au combat, et ensuite nous vivons pendant la journée [53].
Trois ans de guerre, de résistances et de solidarités
Mariana Sanchez écrit : « Lassitude, fatigue, problèmes de conscription… La presse internationale se fait l’écho de ce qui est normal après trois ans de guerre : les Ukrainiennes et les Ukrainiens sont épuisé·es et veulent la paix, elles et ils aspirent à une vie "normale". Ce qui est somme toute logique est souvent monté en épingle pour avancer dans le grand jeu des pressions en vue de négociations imposées à l’Ukraine le fusil sur la tempe. […]
“Nous ne voulons pas que nos enfants se battent” : les soldats ukrainiens s’opposent à la conscription des 18-25 ans", c’était l’accroche du reportage des Échos le 17 décembre 2024. Là encore, que des parents et des jeunes veuillent échapper à la boucherie des tranchées de guerre, est-ce étonnant quand on sait que 80 000 soldat·es ukrainien·nes auraient été tué·es et que 400 000 auraient été bles- sé·es selon des décomptes non officiels de fin 2024. […]
De quel droit d’ailleurs accablerait-on ceux qui fuiraient le front ? Des désertions, qui en Russie attireraient la sympathie des opinions internationales, sont ici presque dénoncées pour démontrer que la guerre est impopulaire en Ukraine. Serait-elle populaire ailleurs ? […]
Cette même presse se devrait aussi de rappeler qu’en Ukraine, contrairement à la Russie ou même à la France, qui interdit des manifestations de Gilets jaunes, contre la réforme des retraites ou en solidarité avec la Palestine, le droit de manifester sous loi martiale est préservé ; des revendications syndicales ou de genre peuvent être portées au sein de l’armée. Mais ça, comme les mauvais choix austéritaires ou les attaques contre le code du travail que fait le gouvernement Zelensky, bon élève des institutions financières internationales, ne mérite pas beaucoup de reportages – et ça ressemble peut-être trop, pour certains médias, à ce que nous vivons ici, en paix, colère de salarié·es méprisé·es et mal payé·es dans un hôpital de Poltava ou… de Clichy. […]
Non, ces trois ans de guerre, de destructions, de souffrances, de morts, de viols, de déportations n’ont pas été inutiles. Ils ont d’abord arrêté le projet impérial du Kremlin grâce à l’engagement et au sacrifice des Ukrainiennes et des Ukrainiens. Les peuples d’Ukraine ont repris en main leur droit à l’autodétermination, même si un fou à Moscou veut les nier dans leur existence même. Ils et elles se sont aussi défendu·es face à un gouvernement qui, comme ses homologues occidentaux, pratique l’austérité et les attaques contre les acquis sociaux, au risque d’affaiblir le front interne qui lui a permis de résister à Poutine. »
L’Ukraine, le campisme et la gauche
Une partie des dirigeants de la gauche a pris une position « campiste » qui l’a amenée, sinon à soutenir mais du moins à trouver des raisons, voire des excuses à l’agresseur. Pour les campistes, il n’existe qu’un seul impérialisme, celui des USA. Tous ceux qui s’opposent aux États-Unis sont donc dans le « bon camp ». Un camp où l’on retrouve nombre de ceux qui fustigent les droits humains, violent le droit international, condamnent les principes démocratiques « occidentaux », refusent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, nient les droits des femmes, etc. Et c’est bien sûr parce qu’il aurait été provoqué par l’Otan que Poutine envahit l’Ukraine. L’Otan qui serait responsable de la révolution du Maïdan et mènerait une guerre par procuration contre la Russie [54].
Camerounais sur le front russe
De très nombreux Africains sont passés dans les rangs russes depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, en février 2022.
France 24 rapporte qu’un Camerounais recruté pour être concierge d’une base militaire russe s’est retrouvé, malgré lui, combattant contre l’Ukraine. Il se plaint : « Demain, ils veulent qu’on parte dans une mission suicide. Je vais déposer l’arme pour ne pas y aller. Je serai probablement torturé et envoyé en prison mais je préfère sauver ma vie. Ici, dès qu’on peut marcher, on nous envoie au front. Et les Africains en première ligne. Les Russes, ils restent au camp, ils envoient les Noirs et les internationaux devant pour occuper et avancer. Mais à chaque gain, il y a un coût, notamment les mines, qui nous déciment. Les contrats qu’ils nous ont fait signer sont trafiqués. On n’a pas de copie du document, on ne touche pas le salaire qui était prévu. Apparemment, le commandant russe qui nous a fait signer en récupère une partie, c’est toute une chaîne.
Nous, on doit avancer, on a interdiction de reculer. […] Celui qui recule, il est torturé.
On doit avancer pour occuper le terrain. Mais nous, on est très mal équipés. Les Russes, ils ont des machines pour brouiller les ondes des drones, mais ils n’utilisent ça que pour eux.
Nous, ils nous envoient sans rien du tout nous battre et mourir.
J’ai vu des gens se tirer dans la main pour ne pas aller au front et gagner l’hôpital. Parce que quand tu marches là-bas, tu vois des corps partout, des centaines, qui pourrissent, tu marches dessus ; je me suis même caché parmi les morts pour éviter les drones. On a passé des semaines sans vivres, cachés. C’est pour ça que je dénonce.
On ment [aux Africains] pour qu’ils viennent ici. Moi je veux dire ce qu’il se passe, que les gens sachent, que ça s’arrête, que les Africains ne viennent plus mourir ici [55].
Isolation
L’Ukrainien Igor Minaiev a réalisé le film Isolation. Pendant l’ère soviétique, à Donetsk, l’usine Isolation fabrique de la laine de verre. Ensuite elle devient un centre culturel d’avant-garde où travaillent des artistes de différentes disciplines, comme Daniel Buren qui fabrique des cages agrémentées de vitraux colorés, peut-être par prémonition du sinistre avenir. Pendant l’agitation menée par les pro-russes, ceux-ci investissent le centre et le saccagent, parce que, comme les nazis, ils considèrent cet art dégénéré et pornographique. Lors de l’invasion russe de la région de Donetsk, l’ancienne usine est transformée en un lieu où des personnes arbitrairement kidnappées sont détenues et torturées par pur sadisme. La dernière partie du film est constituée des interviews de ces victimes d’épouvantables traitements.
Corruption
La politiste ukrainienne Oksanna Mitrofanova, écrit une tribune dans Le Monde pour dénoncer la corruption dans son pays. Elle en cite quelques exemples. « L’Ukraine se retrouve prise entre le marteau de la guerre et l’enclume de la corruption. […] Tous ces soldats ukrainiens blessés ou tués pour être partis défendre leur patrie, leur famille, leur identité, leurs droits peuvent-ils être ainsi trahis par une poignée de corrompus alors que nombre de leurs frères d’armes sont tombés sous les coups de l’armée russe ? »
Recrutement de malades
Le Mouvement russe des objecteurs de conscience a attiré l’attention sur un projet d’amendement au Règlement sur l’examen médical militaire. Il autoriserait désormais le recrutement de certains types de malades, notamment ceux souffrant de syphilis et de troubles névrotiques [56].
Orthodoxie
Le patriarche orthodoxe Kirill insiste sur la canonisation accélérée du généralissime Alexandre Souvorov. La communauté orthodoxe Z va plus loin, exigeant la glorification comme saints du maréchal Joukov, de Joseph Staline, de Zoïa Kosmodemyanskaïa (résistante russe pendue par les nazis), de Youri Gagarine [57]…
La Douma d’État a commencé à préparer une loi interdisant le satanisme en Russie. Un député a expliqué que le monde entier sait que la Russie combat seule le satanisme mondial. La Douma d’État ne devrait pas rester à la traîne et le comité a immédiatement commencé à travailler sur un projet de loi contre les adorateurs de Lucifer.
Dans plusieurs diocèses « un mouvement interne est en train de se former, une ligue orthodoxe de course de drones, où nous pouvons obtenir des conseils, le matériel nécessaire, nos spécialistes nous aident à maîtriser cette activité ». Un archiprêtre a ouvert une « cyberécole du dimanche » où l’on enseigne comment utiliser les drones. « L’essentiel lors de l’ascension massive des drones est de ne pas toucher les anges célestes. », se gausse Novaya Gazeta.
L’archiprêtre Andreï Tkachev s’est exprimé à propos de l’opération militaire spéciale. Le prêtre a déclaré dans son sermon que toute effusion de sang à laquelle la Russie participe est principalement liée au « gaspillage du fonds de semences ». Il croit que « là où coule la semence, coulera le sang », et donc que la racine du mal est la masturbation.
Natalia Agre, directrice du Département de la politique d’État dans le domaine de l’éducation, de l’éducation complémentaire et des loisirs des enfants au ministère russe de l’Éducation, a proposé de rétablir les discothèques dans les écoles pour augmenter le taux de natalité [58].
Liberté de la presse
Pour la première fois depuis 1957, Le Monde est empêché de maintenir un correspondant en poste à Moscou. Benjamin Quénelle, après avoir vu son accréditation de presse suspendue il y a quatre mois, vient de se voir signifier par les autorités russes l’annulation de ce document, ce qui revient à lui interdire de pouvoir exercer son métier de correspondant dans l’ensemble du pays [59].
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Russie pour les dispositions légales adoptées dès le début de l’invasion de l’Ukraine et destinées à « étouffer » les critiques relatives à la guerre.
La Cour de Strasbourg a relevé de « multiples violations » de la Convention européenne des droits de l’homme et constaté « l’existence d’un schéma systémique et généralisé de restrictions aux reportages sur la guerre en Ukraine », qui révèlent « un effort coordonné » pour « faire taire les critiques » sur l’invasion lancée par Moscou [60].
Sabotages
En Russie
En décembre 2023, le FSB a arrêté Ruslan Sidiki un anarchiste russo-italien, accusé d’avoir attaqué un aérodrome militaire et saboté des voies ferrées. Il est actuellement en détention provisoire dans l’attente de son procès et risque une peine de prison à vie.
L’attaque de l’aérodrome par Sidiki a été menée en juillet 2023. Il a sélectionné des drones avec une fonction de lancement différé, a installé trois drones qui devaient décoller avec un retard de trois heures et est parti. Un seul drone a atteint sa cible.
En novembre 2023, Sidiki est arrivé sur le lieu du sabotage ferroviaire, a posé des explosifs et a sécurisé une caméra afin qu’elle enregistre le moment de l’explosion. À l’aube du lendemain, après s’être assuré que le train n’était pas un train de voyageurs, il a fait exploser les bombes à distance.
19 wagons de marchandises ont déraillé et le conducteur adjoint a été légèrement blessé. Sidiki a ensuite envoyé des nouvelles des conséquences du sabotage à une connaissance ukrainienne Quelques jours plus tard, elle l’a informé que sa direction avait décidé de lui allouer 15 000 dollars. Il les a refusés.
Trois semaines après l’explosion des voies, Sidiki a été arrêté et torturé. Son corps était couvert d’ecchymoses [61].
Dans la région de Kirov, dans l’ouest du pays, un tribunal militaire a condamné à vingt et un ans de prison un habitant, reconnu coupable d’avoir incendié trois armoires électriques situées sur les voies ferrées, à la demande des formations armées nationalistes ukrainiennes, selon un communiqué de l’antenne locale du service fédéral de sécurité russe (FSB), cité par l’agence de presse officielle Tass [62].
En Ukraine
Au début du mois de février 2025, plusieurs attentats ont frappé des centres de recrutement ukrainiens. Contrairement aux sabotages en Russie, les auteurs ne prennent pas de précaution pour l’intégrité physique des personnes. Un militaire est mort, d’autres blessés. Deux saboteurs sont morts dans leur attentat. Des projets ont été déjoués. Des agents russes ont recruté des jeunes gens et payé 5 000 dollars pour perpétrer ces actions. D’autres agissent par idéologie et informent l’armée russe pour 100 dollars. Le service de sécurité SBU publie chaque jour des photos floutées de collaborateurs. Des véhicules militaires et le réseau ferroviaire sont visés. En 2024, 497 personnes ont été arrêtées pour ce type d’action. La chaîne Telegram propose d’abattre des cibles nationalistes.
Le terreau est favorable aux attaques des centres de recrutement. Les pouvoirs publics reconnaissent que les recruteurs sont souvent brutaux, voire corrompus. Un soldat a été abattu alors qu’il tentait d’emmener un groupe de mobilisés [63].
Déserteurs ukrainiens
Plus de 22 000 Ukrainiens ont traversé illégalement la frontière avec la Roumanie, pour déserter l’armée ou échapper à la mobilisation. Fabien Magnenou leur consacre un reportage pour France Info [64].
Deux déserteurs qui ont traversé la montagne des Carpathes sont pris en charge par les secours roumains qui, alertés par le frère de l’un d’eux, les ont cherchés toute la nuit. Depuis le début de la guerre, les secouristes ont déjà sauvé plus de 250 déserteurs ukrainiens, au cours de 200 missions en montagne. Seize hommes ont déjà péri sur les hauteurs et cinq autres sont portés disparus depuis trois semaines. « Il a fallu dix-huit heures pour me transporter en civière », se rappelle un rescapé. Ce journaliste anticorruption ajoute « Je veux vivre, je ne veux pas me battre pour des gens corrompus. Et je ne veux pas rentrer au pays tant qu’il y aura de la corruption. »
Un réfractaire marche pieds nus pendant des heures, en s’aidant parfois de ses mains. Puis il chute et dévale une pente. « C’est quand je me suis assis sur un tronc d’arbre que j’ai vu tout le sang que je perdais. », raconte-t-il. Ses orteils sont totalement nécrosés et doivent être amputés. « Je ne me sens plus concerné, ce n’est plus ma guerre. Je me bats pour ma famille, pas pour que des gens remplissent leurs poches avec de l’argent américain. », conclut-il.
« Nous avons recensé l’arrivée illégale de plus de 22 000 hommes adultes : 4 500 la première année, 3 900 la deuxième et 13 800 l’an dernier [après l’abaissement de l’âge de la conscription] », détaille Iulia Stan, porte-parole de la direction territoriale de Sighetu Marmatiei.
Un réfugié en Roumanie, qui a franchi la rivière frontière avec l’Ukraine, accuse des officiers d’avoir confisqué les plaques de camarades morts au combat, pour toucher la solde, tout en déclarant aux familles qu’ils étaient portés disparus. « À chaque fois que j’appelle [mes camarades de combat], j’apprends la mort de nouvelles personnes. », déplore-t-il.
Tortures
Le Wall Street Journal a dévoilé, un « système de torture » des prisonniers de guerre ukrainiens dans les prisons russes, mis en place dans les premières semaines de l’invasion à grande échelle, selon lequel les gardiens n’avaient « aucune restriction en matière de violence ». Le journal américain appuie son article sur des témoignages de trois anciens employés du service fédéral pénitentiaire en Russie, et aussi sur ceux d’anciens prisonniers.
« Soyez cruels, n’ayez pas de pitié pour eux », a ainsi ordonné Igor Potapenko, le chef des prisons de Saint-Pétersbourg, lors d’une réunion, dans les premières semaines de la guerre, avec les forces spéciales pour leur présenter le nouveau système de détention des Ukrainiens capturés. « Les règles habituelles ne s’appliquent pas, leur a-t-il dit. Il n’y a aucune restriction concernant la violence. Les caméras piétons, obligatoires dans le système pénitentiaire russe, ne le seront pas ici. » Ces gardiens d’élite avaient interprété les instructions de M. Potapenko comme « une carte blanche à la violence », citant deux anciens employés.
Parmi les sévices, le journal américain cite des chocs électriques infligés aux organes génitaux « jusqu’à ce que les appareils n’aient plus de batterie », des coups portés pour « infliger le maximum de dommages » ou encore le retardement ou le refus d’administration de traitements médicaux « pour permettre à la gangrène de s’installer, forçant les amputations ».
Pavel Afisov, fait prisonnier dans les premières semaines de la guerre, à Marioupol, a été emprisonné pendant deux ans et demi, forcé à subir un « examen médical » entièrement nu et sous le joug d’un pistolet électrique, et roué de coups lorsqu’il ne pouvait pas chanter, toujours nu, les hymnes russe et soviétique.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a affirmé que les généralisations, à partir de cas précis, sur les conditions de détention en Russie étaient infondées.
La rapporteure spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a étudié en détail « huit cas sur les centaines d’Ukrainiens de Crimée détenus par la Russie ». Ils « souffrent de graves problèmes médicaux ». Pour certains, leur vie est en danger en raison de tortures et de mauvaises conditions de détention. « Beaucoup ont été transférés illégalement hors du territoire et détenus dans la Fédération de Russie, loin de leurs familles et de leurs avocats », a-t-elle affirmé. « La torture continue d’être pratiquée de manière organisée et systématique. » Elle demande que la Russie mette fin « à ces abus sans plus attendre ». Emir Ousseïn-Koukou, défenseur des droits humains, qui a dénoncé la répression qui vise les Tatars de Crimée, a été condamné fin 2019 pour « terrorisme ». Il est toujours emprisonné en Russie. Il « aurait été battu » par le service de sécurité russe (FSB), « ce qui lui a causé une blessure à la colonne vertébrale en 2015 » [65].
Peut-être bien que oui…
Dans un entretien diffusé par la chaîne Fox News, Donald Trump a évoqué le fait que les Ukrainiens « pourraient être russes un jour, comme ils pourraient ne pas être russes un jour »
« Ils pourraient arriver à un accord, ils pourraient ne pas arriver à un accord [66]. »
Trump
Le président Trump, à peine intronisé, a bloqué brutalement le financement de l’agence américaine d’aide au développement USaid. Le réseau ukrainien qui a accueilli des milliers de soldats de retour du front et leurs familles perd ainsi une ressource indispensable à son fonctionnement et doit licencier. Il dispensait des consultations juridiques et psychologiques, des soutiens financiers, de l’aide à la recherche d’emploi, à retrouver une proximité sexuelle entre partenaires, à l’éducation des enfants. L’aide à la communauté LGBT+ est particulièrement menacée. La réparation des infrastructures et les opérations de déminage sont aussi entravées. Le soutien à la démocratie et à la politique de santé est concerné. Dans un pays qui consacre plus de la moitié de son budget à l’effort militaire, il est « irréaliste » que l’État se substitue aux bailleurs américains, se plaint une des responsables. Même l’initiative sur la santé mentale lancée par la première dame, Olena Zelenska, repose sur des fonds américains. Son mari a appelé les Européens à plus d’implication humanitaire [67].
Les médias ukrainiens, est-européens, du Caucase et des Balkans sont également affectés. En Géorgie, la police a ciblé plus de 90 fois des reporters au cours des manifestations pro-européennes et opposées à la loi contre les agents étrangers inspirée du modèle russe. Une journaliste emprisonnée est en grève de la faim depuis plusieurs semaines.
En Moldavie, en prévision des prochaines législatives, les partis prorusses tentent de désinformer. Le principal journal d’investigation a révélé l’achat des voix avant le référendum et l’élection présidentielle de 2024.Il a perdu 40 % de son financement fourni par les États-Unis.
Les médias hongrois d’opposition à Viktor Orban sont aussi victimes du blocage des subventions [68].
Vietnam Veterans Against the War
Ce texte de mars 2022 nous avait échappé. Il est dû à des vétérans américains qui se sont opposés à la guerre au Vietnam. Un des membres les plus célèbres des VVAW a été John Kerry, plus tard secrétaire d’État du président Obama. En 1971, il a témoigné devant une commission sénatoriale en disant notamment « Comment pouvez-vous demander à un homme d’être le dernier à mourir pour une erreur ? » Le lendemain, il participe à une manifestation avec près de 800 vétérans, au cours de laquelle ils lancent leurs médailles sur les marches du Capitole pour marquer leur opposition à la guerre.
Du bureau national de la VVAW 25 mars 2022
En 55 ans d’existence, l’association Vietnam Veterans Against the War (VVAW) a été témoin de bien trop de guerres. Nous connaissons de première main les conséquences et les ravages des guerres impériales.
Nous sommes attristés et en colère face aux morts et aux destructions inutiles que Poutine et les troupes russes font pleuvoir sur le peuple ukrainien. Les dommages causés à ceux qui vivent sous les bombes, à ceux qui fuient et à ceux qui défendent leur pays ne s’atténueront pas de sitôt. Pour éviter de nouvelles effusions de sang et de nouvelles dévastations, Poutine et les troupes russes doivent immédiatement cesser les bombardements et retirer toutes leurs forces d’Ukraine.
Tout comme le VVAW a soutenu l’autodétermination et le droit à l’autodéfense du peuple vietnamien, nous soutenons le droit du peuple ukrainien à déterminer son propre destin et à se défendre, libre de toute coercition et de toute menace extérieure.
Tous les secteurs de la société ukrainienne sont unis dans leur opposition à l’agression russe, pas seulement ceux qui portent l’uniforme. Ceux qui en Russie parviennent à briser le black-out médiatique s’opposent également à l’agression incontrôlée de Poutine et en paient le prix. Nous appelons Poutine à libérer ces prisonniers politiques et à faire savoir à la population russe ce qui se passe réellement en Ukraine.
Les faucons du Congrès appellent les États-Unis à intervenir unilatéralement. Tout d’abord, une telle intervention ne ferait qu’accroître le nombre de morts et de dégâts, sans apporter de solution à long terme.
Deuxièmement, les États-Unis font partie de l’Otan. Une telle intervention déclencherait une guerre européenne et probablement mondiale.
Les dangers d’une agression russe continue et ininterrompue sont très préoccupants. Si la Russie ne s’arrête pas et ne se retire pas ou si le peuple ukrainien cède, Poutine sera enhardi. Nous pourrions assister à une remilitarisation de l’Europe, peut-être plus importante qu’avant la Seconde Guerre mondiale. L’extension de la guerre doit être évitée. Le spectre d’une guerre nucléaire plane sur le monde. Raison de plus pour réaffirmer les appels à la dénucléarisation.
Les citoyens et les soldats ukrainiens, les citoyens russes et les soldats conscrits, tous paient le prix de la guerre et des rêves impérialistes de Poutine. Les travailleurs et les pauvres sont toujours ceux qui paient le plus lourd tribut à la guerre.
Les politiciens américains ne peuvent pas se contenter de crier sur les tribunes. Les États-Unis jouent depuis des décennies sur l’élargissement de l’OTAN contre un Poutine paranoïaque et agressif. Une grande partie de la responsabilité de la situation et de la charge des réparations incombe à ce côté-ci de l’océan.
Les États-Unis devraient immédiatement revoir les restrictions sur l’immigration mises en place sous l’ère Trump et ouvrir leurs portes au flux toujours croissant de réfugiés ukrainiens, ainsi qu’à d’autres personnes cherchant refuge contre des régimes oppressifs à travers le monde.
L’association VVAW reste engagée dans la lutte pour la paix et pour la justice sociale et économique pour tous. Nous continuerons à nous opposer aux aventures militaires insensées. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter que les générations futures ne subissent une tragédie similaire et nous continuerons à exiger la dignité et le respect des victimes et des vétérans de toutes les guerres [69].
Civils de Koursk
Quelques dizaines de civils de la région russe de Koursk, où l’armée ukrainienne a fait une incursion, se sont réunies le 21 janvier 2025 pour réclamer des nouvelles de leurs proches et des logements fixes. Ils se plaignent nommément à Vladimir Poutine que les solutions proposées soient continuellement retardées [70].
Bélarus
Alexandre Loukachenko a été « réélu » président par 87 % des voix. L’organisation des droits de l’Homme Viasna, exilée à Vilnius, dénombre 1 245 prisonniers politiques. La fondation Bysol a évacué du Bélarus plus de 1 000 prisonniers politique libérés et leurs familles. Anna Vichniak a été condamnée à huis clos en 2021. Quand elle se fait arrêter, elle fait bouillir une casserole d’eau salée et y plonge son ordinateur et son téléphone pour les détruire et protéger ses contacts. En prison, elle fait la grève de la faim pour être transférée dans une pièce sans moisissures. Sa bouillie matinale contient des vers. Pour 8 euros mensuels, les prisonnières cousent des uniformes pour les forces de l’ordre. Anne Vichniak le refuse et est isolée dans une cellule glaciale sans lit. Elle tombe malade et perd un rein. À sa libération, Bysol l’a aidée à rejoindre la Pologne avec sa mère qui avait perdu son emploi de fonctionnaire lors de la condamnation de sa fille. Elle évoque les difficultés psychologiques et de santé des ex-détenus pour leur réinsertion [71].
Mr. Nobody against Poutine
Karabash est considérée comme l’une des villes les plus polluées au monde. La contamination au mercure réduit dramatiquement l’espérance de vie dans la ville. Elle se trouve à 2 500 kilomètres de l’Ukraine, mais la guerre devient une présence constante à l’école primaire de Pavel « Pacha » Talankin. Il est vidéaste dans son école. Il filme notamment les cours d’éducation patriotique, les exercices militaires et les serments de loyauté imposés aux enfants.
Il fuit la Russie en emportant, à grands risques, plusieurs disques durs qui serviront à réaliser avec David Borenstein le film Mr. Nobody against Poutine récompensé par le Grand prix du jury au Sundance Film Festival [72]. C’est « une étude […] sur un penseur indépendant soudainement confronté au totalitarisme [73]. »
Le militarisme des Verts allemands
Le Monde diplomatique consacre un article aux Grünen, les Verts allemands.
« Après l’allocation de 100 milliards d’euros sur 5 ans pour l’armée décidée en 2022 par le chancelier Olaf Scholz, les Verts, le SPD et L’union chrétienne-démocrate (CDU) évoquent un montant de 100 à 300 milliards d’euros supplémentaires » pour armer l’Ukraine. Le ministre de la Défense pose en tenue de combat sur les affiches électorales du SPD. Il exige une armée « apte à faire la guerre avant 2019 ».
Le Vert Anton Hofreiter réclame « des armes, des armes et encore des armes ! ». Il reproche au SPD son refus de livrer des missiles à l’Ukraine. Le chef de file du parti exige de consacrer 3,5 % du PIB aux dépenses militaires.
En 1980, le programme fondateur revendiquait « La politique étrangère écologique est une politique non-violente. […] La non-violence ne signifie pas la capitulation, mais la garantie de la paix et de la vie par des moyens politiques plutôt que par des moyens militaires. » Il réclamait la dissolution des blocs militaires, Otan et Pacte de Varsovie. En 1998, le programme pour les élections fédérales prônait « un ordre de paix et de sécurité paneuropéen » susceptible de « remplacer l’Otan […] préalable à un désarmement complet ». En 2021, les Verts insistaient pour ne pas livrer d’armes aux pays en guerre. Un an plus tard la ministre Verte des Affaires étrangères déclarait : « Les livraisons d’armes aident à sauver des vies humaines. » Son prédécesseur, Joschka Fisher réclame une bombe atomique européenne. En 1999, avec le chancelier SPD Gerhard Schröder, il avait pris la décision de participer au bombardement de la Serbie par l’Otan, sans mandat du Conseil de sécurité et en violation de l’interdiction constitutionnelle des guerres d’agression.
Les Verts soutiennent les guerres génocidaires d’Israël au Proche-Orient. Berlin est leur deuxième fournisseur d’armes. Les Grünen militent pour l’élargissement de l’Alliance atlantique.
Ralf Fücks a joué un rôle clé dans cette conversion. Avec Daniel Cohn-Bendit, il s’efforçait de détourner le mouvement de son anticapitalisme et de son pacifisme.
Le comité directeur de l’organisation de jeunesse a quitté en bloc le parti incompatible avec ses idéaux.
78 % des électeurs Verts sont favorables aux livraisons d’armes à l’Ukraine, soit plus que ceux de tout autre parti [74].
Les migrants en Russie
La Russie subit une pénurie de main-d’œuvre due au déficit des naissances dans les années 1990, à la pandémie de Covid 19, à la mobilisation dans l’armée et à l’exil des opposants à la guerre. Le taux de mortalité est une fois et demie supérieur à celui de la natalité. Le nombre de travailleurs migrants a fortement diminué. Seul celui des ouvriers non qualifiés se maintient. Ils sont souvent victimes de xénophobie. Certaines professions sont interdites aux immigrés. Les enfants non russophones n’ont pas accès à l’école. Un projet de loi interdirait le regroupement familial. Après l’attentat djihadiste à Moscou, le nombre d’attaques racistes a été multiplié par presque dix de 2023 à 2024. Le Kirghizstan et le Tadjikistan recommandent à leurs ressortissants d’éviter de se rendre en Russie. Dix mille hommes ayant récemment acquis la nationalité russe et qui ont tenté d’éviter le service militaire ont déjà été envoyés au front [75].
Recrutement militaire
L’émission Le dessous des images de Michaël Patin sur Arte étudie une affiche de recrutement de la 3ème brigade ukrainienne. En Ukraine chaque bataillon est libre de communiquer à sa manière. « J’aime la troisième d’assaut » est le slogan de l’affiche. Un couple est amoureusement enlacé sur une moto. L’homme casquette à l’envers, vu de dos, conduit. La femme, vue de face, est en bas résilles et tient une arme de poing. La guerre est à peine suggérée par quelques détails. La brigade s’appelait, au début de la guerre, Bataillon Azov. Elle arborait des symboles néonazis et s’est distinguée dans le Donbass. Sa communication est soignée et très suivie. D’autres affiches exhibent aussi des femmes. L’une d’elles vise avec une arme et l’homme l’aide à le faire.
La publicité est nécessaire à cause des difficultés de recrutement, des nombreux réfractaires, des morts et des blessés au combat. Des critiques dénoncent le sexisme de la campagne et la « femme trophée ».
Plus terre-à-terre et moins glamour, la propagande russe vante le salaire versé aux recrues, supérieur à six fois le salaire moyen. Elle oppose des hommes efféminés aux soldats virils.
L’émission se termine par une rapide histoire de la propagande militaire par l’affiche dès la première guerre mondiale et jusqu’aux combattantes de la Chine communiste, par le cinéma, la télévision, les clips et Internet.
Avocats de Navalny
Le tribunal Petushinsky de la région de Vladimir a condamné trois avocats d’Alexeï Navalny pour participation à la communauté « extrémiste ». Le tribunal a condamné Vadim Kobzev à 5 ans et 6 mois de prison, Alexey Liptser à 5 ans et Igor Sergunin, qui avait reconnu sa culpabilité, à 3 ans et 6 mois de prison. Les avocats de Navalny étaient en détention depuis octobre 2023 [76].
L’avocat Evgueni Smirnov commente : « Les avocats de Navalny n’ont pas été accusés d’avoir dévoilé des documents secrets, ils ont été reconnus coupables d’avoir simplement informé les proches d’Alexeï de son état de santé et de violations de la loi à son encontre. Tous les avocats qui vont dans les centres de détention provisoire le font [77]. »
L’association Verba, créée par des artistes ukrainiens et russes en exil, a organisé une rencontre avec les avocates Ksenia Karpinskaïa et Olga Mikhaïlova. Ksenia Karpinskaïa représente les intérêts de la metteuse en scène, dramaturge et poétesse Jenia Berkovitch. Olga Mikhaïlova a précédemment défendu l’homme politique d’opposition assassiné, Alexeï Navalny.
Ilia Iachine
Le 16 janvier 2025, les forces de sécurité ont perquisitionné l’appartement des parents d’Ilia Iachine à Moscou, après quoi ils ont été emmenés pour interrogatoire au service d’enquête.
« L’enquêteur voulait savoir s’ils étaient en contact avec moi et où j’étais maintenant. On pourrait penser que les forces de sécurité ne savent pas où elles m’ont elles-mêmes envoyé depuis la Russie... Mais mes parents, bien sûr, ont profité de l’article 51 de la Constitution et n’ont pas répondu aux questions », a commenté l’homme politique échangé contre d’autres prisonniers et expulsé de Russie en août 2024 [78].
David Lynch
Le 25 février 2022, le réalisateur David Lynch, décédé le 16 janvier 2025, a adressé un message à Poutine : « En ce moment, Monsieur Poutine, vous semez la mort et la destruction. Et c’est vous qui en êtes responsable. Les Ukrainiens n’ont pas attaqué votre pays. C’est vous qui l’attaquez maintenant. Et toute cette mort et cette destruction vous reviendront [79]. »
Éviter le front
Alors que certains pressentent un cessez-le-feu, peu d’Ukrainiens veulent se porter volontaires, au risque d’être un des derniers tués ou blessés de la guerre. L’effondrement de la démographie après l’indépendance a provoqué un faible taux de jeunes en âge de combattre que les autorités ne veulent pas mobiliser pour assurer le renouvellement des générations.
Andriy Demchenko, porte-parole des garde-frontières ukrainiens refuse de donner un ordre de grandeur du nombre d’hommes qui refusent de rejoindre l’armée. Ils seraient des milliers. Le 11 janvier 2025, plus de 50 tentatives de franchissement illégal des frontières ont été déjouées. Une soixantaine de suspects de fournir de faux documents et d’organiser des passages, pour 4 800 à 21 500 euros, ont été identifiés. Depuis le début de l’invasion, 700 de ces groupes, dont 330 en 2024, ont été neutralisés.
Après un échec de fuite avec un passeur et un pot-de-vin de 2 600 dollars extorqué par des agents du service de sécurité pour le laisser partir, Dmytro prépare une traversée en kayak de 270 kilomètres vers la Roumanie. Il refuse le combat. « Je suis contre les armes et contre la violence. Si je dois choisir entre défendre ma terre natale et la vie, alors je choisis la vie. » Il attend les conditions météorologiques idéales pour un départ discret. « Quand ta motivation est de ne pas mourir, tu ne vois pas le problème qu’il y a à pagayer pendant cinquante heures [80]. »
Artistes russes
En Occident, des musiciens russes qui ne se désolidarisent pas de la guerre et du régime de leur pays sont critiqués, boycottés et leurs concerts parfois annulés. Le Figaro [81] présente leur talent comme excuse. La déléguée générale du Paris Mozart Orchestra, déclare : « Chaque année, nous recevons des candidatures de très nombreux pays dont la Russie. Notre point d’honneur est de porter le talent au cœur de notre projet, d’où qu’il vienne. Et il y a clairement en Russie un vivier de talents qui a beaucoup à dire. » Elle les accompagne « pour que la géopolitique reste en dehors ». Les aéroports de départ bloquent parfois les instruments pour que leurs propriétaires ne soient pas tentés de s’exiler avec eux.
Certains profitent pourtant de concerts en Europe pour fuir le régime. La cheffe Maria Kurochkina, et Denis Matsuev, arrivés respectivement à Paris et en Belgique, ont déclaré qu’ils ne rentreraient pas en Russie. « Depuis 2022, nous avons traité au moins deux mille dossiers de demandes d’artistes russes souhaitant s’exiler en France », témoigne Judith Depaule, directrice et cofondatrice de l’Atelier des artistes en exil. « On prépare les dossiers » pour le ministère des Affaires étrangères.
« [Les peintres russes] sont arrivés les premiers, en masse, depuis la guerre, le plus souvent en France, soit près de 70 artistes chez nous depuis 2022. […] Ils sont partis pour des raisons politiques au sens large, du désaccord général à la contestation, ou pour éviter d’être mobilisés et le danger de mort que cela implique. […] Beaucoup sont partis et vivent désormais en France », explique le franco-russe Alexandre Vishnevsky. « La délivrance des titres de séjour, quels qu’ils soient, a été extrêmement facilitée par rapport aux années précédant la guerre. » Une exposition suffit souvent à obtenir une autorisation de séjour [82].
Le Premier Département
L’ONG Le Premier Département a mené une enquête révélant que depuis le début de la guerre à grande échelle, au moins 792 affaires ont été ouvertes en Russie pour « haute trahison », « espionnage » ou « collaboration confidentielle avec des États étrangers ».
Dans 583 de ces affaires, aucun contact avec les accusés n’a été établi, et les circonstances de leurs cas restent inconnues. Parmi ces personnes, il pourrait y avoir des prisonniers politiques qui ont besoin de notre soutien.
Bilan 2024 d’OVD-Info
Actuellement, les poursuites pénales constituent la forme de pression politique la plus dynamique en Russie et dans les territoires annexés de Crimée et de Sébastopol. Au 9 décembre 2024, 2 976 personnes au total en Russie et dans les territoires annexés de Crimée et de Sébastopol font l’objet de poursuites pour des motifs politiques, et 1 407 personnes sont actuellement incarcérées. Parmi elles, 390 (28 %) sont en détention provisoire en attendant le procès, le prononcé du verdict et son entrée en vigueur. Les 1 017 autres (72 %) purgent déjà leur peine.
Le nombre total de cas d’emprisonnement en 2024 a augmenté de 25 % par rapport à 2023. Le nombre de personnes placées en détention provisoire a augmenté de 185 %, tandis que le nombre de personnes purgeant leur peine d’emprisonnement a diminué de 36 %. Cela suggère que les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement en 2021 et 2022 commencent à être libérées (en particulier, on a connaissance de 64 accusés dans les « affaires anti-guerre » qui ont déjà purgé leur peine ou dont les poursuites ont été arrêtées pour d’autres raisons), et que les personnes sont plus souvent placées en détention provisoire en attendant leur procès qu’en 2023.
La peine d’emprisonnement moyenne dans les affaires à motivation politique a légèrement diminué au cours de l’année écoulée, passant de 6,7 ans en 2023 à 6,5 ans en 2024. Cependant, dans les « affaires anti-guerre », la peine moyenne a, au contraire, légèrement augmenté, passant de 6 ans à 6,2 ans.
Le nombre de peines privatives de liberté a également légèrement augmenté. Plus de la moitié des peines prononcées au cours de l’année 2024 sont privatives de liberté, soit 55 % (378 sur 679). En comparaison, en 2023, ces peines représentaient 50 % (339 sur 671).
La plupart des poursuites engagées en 2024 étaient liées à l’article du Code pénal « Appels publics à commettre des activités terroristes, justification publique du terrorisme ou propagande terroriste ». Ces derniers temps, les autorités ont souvent utilisé cet article dans les cas où les gens approuvaient les actions de l’armée ukrainienne ou des formations combattant à ses côtés ou appelaient au renversement du gouvernement. Le nombre de nouvelles poursuites en 2024 a légèrement diminué par rapport à 2023. Cela peut s’expliquer, notamment, par le fait que nous ne sommes pas informés en temps utile de toutes les affaires pénales. Les deuxième et troisième articles de ce « classement » sont l’article « Émeutes de masse » et l’article « Recours à la violence contre un représentant des autorités ». L’augmentation du nombre de poursuites en vertu de ces articles est liée à l’affaire dite « Baymak » – une poursuite pénale de masse contre des personnes qui ont participé à des rassemblements de masse au Bachkortostan en janvier 2024.
En 2024, on a également constaté une forte augmentation du nombre de poursuites pénales engagées contre des « agents étrangers » en vertu de l’article du Code pénal « Soustraction à l’accomplissement des devoirs d’un agent étranger ».
Le plus grand nombre de personnes ont été condamnées en vertu de l’article du Code pénal « Organisation d’activités extrémistes ». Ce sont principalement les Témoins de Jéhovah qui écopent de peines en vertu de cet article. On note également une augmentation du nombre de peines prononcées en vertu des articles « Incitation à la haine ou à l’inimitié », « Trahison » et « Réhabilitation du nazisme ».
Depuis le début de l’année 2024, les avocats travaillant avec OVD-Info ont aidé 127 accusés dans des affaires pénales à motivation politique. Ils ont également fourni un soutien juridique lors de 18 perquisitions et 41 interrogatoires.
Au 9 décembre 2024, 189 personnes ont commencé à faire l’objet de poursuites pénales en 2024 pour des déclarations contre la guerre. Il convient d’apporter une précision importante concernant les données : les informations sur les poursuites engagées contre une personne peuvent être disponibles bien plus tard, après le début des poursuites. Par exemple, en 2024, nous avons eu connaissance de 112 accusés « anti-guerre » supplémentaires dans des affaires pénales dont les poursuites avaient commencé au cours de l’une des deux années précédentes, ce qui signifie que le nombre total de personnes ajoutées aux statistiques « anti-guerre » au cours de l’année est de 301.
En 2024, les accusés dans les « affaires antiguerre » ont été poursuivis le plus souvent pour des commentaires écrits et des publications sur Internet. Les déclarations hors ligne et vidéo sont arrivées en deuxième position. Le nombre de déclarations antiguerre dans les rues et dans les lieux publics a sensiblement diminué, mais on constate toujours des poursuites pour des tracts, des inscriptions sur les murs et divers objets dans les villes, des événements publics et la destruction de symboles patriotiques. Pourtant, en 2024, plus de personnes ont été poursuivies pour coopération avec des étrangers que pendant les deux années précédentes réunies.
Pour la première fois depuis 2022, l’article 205.2 du Code pénal « Justification publique du terrorisme » a été utilisé dans le plus grand nombre de nouvelles poursuites « antiguerre ». L’année précédente, l’article principal était l’article « Discrédit de l’armée russe » et en 2022, l’article « Diffusion d’informations délibérément fausses sur les forces armées de la Fédération de Russie ».
Des accusations en vertu de l’article du Code pénal en rapport avec des déclarations antiguerre sont portées, par exemple, pour des commentaires sur les attaques contre le pont de Crimée, les attaques de drones sur Moscou et d’autres régions, ainsi que pour l’approbation des activités de la Légion de la Liberté de Russie.
Parmi les accusés en vertu des articles sur les appels à l’extrémisme, au terrorisme ou aux activités antigouvernementales figurent :
- Anastasia Berezhinskaya, une résidente de Moscou qui a écrit un commentaire « approuvant l’assassinat de Poutine » ;
- Daniil S., qui a posté une photo sur VKontakte avec la légende « Vive les voleurs, mort aux flics » ;
- Vladimir Dovdanov, vice-président du Congrès du peuple Oirat-Kalmouk, qui a appelé les forces armées ukrainiennes à détruire le matériel militaire russe.
L’un des accusés les plus connus dans les affaires pénales pour apologie du terrorisme est Alexeï Gorinov, un ancien député municipal de Moscou qui, au moment de l’ouverture de son procès, était déjà emprisonné pour avoir diffusé des « fausses informations » sur les forces armées. Gorinov a été condamné en 2024 à trois ans de colonie pénitentiaire en vertu de l’article sur l’apologie du terrorisme pour sa conversation avec d’autres prisonniers.
En juillet 2024, un tribunal militaire a condamné la metteuse en scène de la pièce Finist Yasny Sokol, Yevgenia Berkovich et sa scénariste Svetlana Petriichuk à six ans de prison dans une colonie pénitentiaire pour apologie du terrorisme. Une expertise a affirmé que la pièce « héroïse » les militants de l’État islamique et promeut « l’idéologie du féminisme radical ».
En 2024, au moins 55 personnes ont été jugées dans des affaires pénales à motivation politique en vertu de l’article « Réhabilitation du nazisme ». Selon les analystes du Centre de recherche Sova, de nombreuses affaires relevant de cet article sont ouvertes à tort et devraient être classées sous d’autres articles du Code pénal ou résolues par une procédure civile plutôt que pénale.
Des poursuites pénales similaires ont été engagées, entre autres, pour avoir grillé des saucisses sur la Flamme éternelle, brûlé des fils dans la Flamme éternelle et même pour un commentaire sur l’ouverture d’une plaque commémorative aux « héros de l’Opération militaire spéciale ».
Au moins 11 personnes ont été poursuivies en 2024 dans des affaires pénales à motivation politique pour avoir offensé les sentiments des croyants.
Un analyste de Sova note : « En 2024, nous avons constaté davantage de cas d’incitation à la haine contre les Russes, alors qu’en fait, il ne s’agissait pas du tout d’inimitié ethnique, mais de déclarations critiquant les opinions politiques ou la position publique de compatriotes, par exemple leur passivité politique. »
La liste des symboles ou attributs interdits ne cesse cependant de s’allonger et comprend notamment des symboles associés à des mouvements persécutés pour leur opposition aux autorités ou simplement reconnus à tort comme des organisations extrémistes.
Depuis 2021, après que la Fondation anti-corruption (FBK) a été déclarée organisation extrémiste, même les références à la FBK et à son fondateur Alexeï Navalny sont considérées comme des symboles interdits.
Après le début de l’invasion à grande échelle, les autorités russes considèrent également comme extrémistes divers symboles associés à l’Ukraine. En particulier, les symboles du régiment Azov, le slogan « Gloire à l’Ukraine » et l’image d’un trident sont considérés comme extrémistes.
La raison officielle de l’arrestation d’un médecin était la sonnerie de son téléphone, qui était la chanson folklorique ukrainienne Chervona Kalyna.
Au moins 57 affaires ont été ouvertes en vertu de cet article pour avoir affiché des symboles du « Mouvement LGBT international ».
Deux personnes – le militant des droits de l’homme de Mordovie Sergei Maryin et la journaliste Natalia Sevets-Ermolina – sont accusées d’avoir publié des articles sur le meurtre d’Alexeï Navalny. Les anciens avocats d’Alexeï, Olga Mikhailova et Alexander Fedulov, ont quitté la Russie, et trois autres accusés travaillaient au siège de FBK de Navalny. Quatre des accusés étaient des journalistes qui couvraient les procès d’Alexeï, dont les correspondants de SOTA Vision Antonina Favorskaya et Artyom Krieger, ainsi que Konstantin Gabov, producteur pour l’agence de presse Reuters, et Sergey Karelin, vidéaste pour l’Associated Press et Deutsche Welle. Sept personnes ont été accusées d’avoir financé FBK et deux autres – Sebastian Sultanov, 15 ans, et Evgeny Smirnov , un habitant de Saint-Pétersbourg – sont accusées d’avoir fait des graffitis en soutien à Alexeï.
Les poursuites pénales concernent des personnes de 14 à 85 ans, très majoritairement des hommes.
La censure et la restriction de la liberté d’expression dans les médias ainsi que les pressions exercées sur les journalistes ne sont pas une nouveauté pour les autorités russes. Depuis le début de l’invasion à grande échelle, cette tendance n’a fait que s’intensifier. On a connaissance d’au moins 1 798 cas de pressions exercées sur les médias, les journalistes et les blogueurs, provenant de sources ouvertes et directement communiquées à OVD-Info.
En 2024, le nombre de poursuites administratives engagées contre des journalistes a augmenté de façon notable, et ces poursuites se transforment souvent en poursuites pénales. Cela est principalement dû aux poursuites engagées en vertu de l’article relatif au manquement aux devoirs d’un « agent étranger ». Sur les 76 poursuites pénales engagées contre des journalistes en 2024, 15 ont été engagées spécifiquement en vertu de cet article, ce qui représente le nombre le plus élevé de poursuites engagées en vertu d’un seul article. Par rapport à l’année précédente, le nombre d’affaires pénales engagées en vertu de cet article contre des journalistes a été multiplié par 15 : en 2023, seulement quatre affaires ont été engagées en vertu de cet article.
La plupart des personnes condamnées pour incendie criminel ont été accusées d’incendie criminel d’infrastructures ferroviaires, soit 85 personnes. Dans les cas d’incendie criminel de bureaux de recrutement militaire, 24 personnes ont été condamnées ; 21 personnes ont été condamnées pour avoir mis le feu à d’autres installations (une personne est parfois accusée d’incendie criminel de plusieurs installations). L’éventail des peines prévues pour les cas d’incendie criminel est large : de 4 à 26 ans de prison.
Le piège des républiques de Donetsk et de Louhansk
La mobilisation dans les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk autoproclamées a été annoncée quelques jours avant le début de l’invasion russe en février 2022 et s’est transformée en raids massifs. Depuis lors, la Russie a annexé les deux républiques, leurs milices ont été absorbées par l’armée russe et leurs combattants, souvent sans le savoir, ont reçu par défaut le statut de soldats sous contrat. Ainsi, des milliers d’hommes, dont la plupart ont pris les armes contre leur gré, se sont retrouvés piégés : pendant la guerre, il est presque impossible de quitter le service, et pour s’échapper, ils font face à une procédure pénale, et une peine avec sursis s’ils quittent leur unité. Il ne reste plus qu’à choisir entre le front et la prison. Selon la base de données du ministère de l’Intérieur et les fuites étudiées par Mediazona, au moins 2 850 personnes sont actuellement confrontées à ce choix. Elles sont recherchées en Russie pour avoir quitté leur unité sans autorisation [83].
Une jeunesse sacrifiée
M6 a diffusé une émission Enquête exclusive titrée « Ukraine : une jeunesse sacrifiée ? » Le reportage suit des combattants, un bénévole humanitaire, des proches de soldats morts au front et une équipe qui intercepte des réfractaires. À Lviv, dans la clinique moderne Superhumans, spécialisée en prothèses et financée par des parrainages d’entreprises, des mutilés, parmi les 50 000 Ukrainiens qui ont besoin de prothèses, témoignent de leur optimisme. Un soldat a subi 679 jours de captivité en Russie, des tortures et un traumatisme crânien dû à des bouteilles brisées sur la tête. Lors de l’échange de prisonniers dont il a bénéficié, il avait perdu 60 kilos. Il est maintenant bénévole pour le soutien aux traumatisés.
Yabloko
Vladimir Efimov, 70 ans, est l’un des journalistes les plus célèbres du Kamtchatka ; en 1989, il a créé la première chaîne de télévision indépendante non étatique TVK en URSS et en a été le rédacteur en chef pendant 18 ans. Il est dirigeant, au Kamtchatka, du parti d’opposition Yabloko, le seul parti politique russe légal prônant un cessez-le-feu et participant aux élections sous le slogan « Pour la paix et la liberté ! » Efimov a été condamné à deux ans de prison dans le cadre d’une affaire pénale pour « discrédit de l’armée ». Il est le sixième membre de Yabloko à faire l’objet de poursuites pénales après le début de l’invasion de l’Ukraine.
La première affaire pénale contre Efimov a été ouverte en 2022. Il a été traduit en justice à plusieurs reprises pour ses publications pacifistes, pour des articles de « discrédit de l’armée » et de « démonstration de symboles extrémistes ». Il s’agissait de la première affaire pénale au Kamtchatka fondée sur un tel article. Il a alors été condamné à une amende de 200 000 roubles [84].
Agents étrangers
Irina Vorobyova, s’entretient dans Novaya Gazeta [85] avec l’avocate et fondatrice du Centre pour la protection des droits des médias, Galina Arapova, elle-même désignée comme « agent étranger ». Actuellement, le ministère de la Justice recense comme agents étrangers environ 700 personnes et environ 200 organisations et diverses initiatives publiques. En octobre 2024, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré que cette loi viole les droits à la liberté d’expression, la liberté d’association et le droit à la vie privée. Elle est contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les droits de participation aux élections à tous les niveaux sont limités. Les agents étrangers ne peuvent pas faire campagne pour des candidats ni être députés, ni diffuser des informations destinées aux mineurs, enseigner dans les établissements étatiques et municipaux, etc. Les entrepreneurs ne peuvent pas publier de publicité. Les agents étrangers doivent rendre compte de leurs finances, ce qui est une atteinte à la vie privée. Les écrivains, les journalistes, les musiciens, les créateurs ne peuvent profiter des redevances de leurs propriétés intellectuelles. Leurs livres sont retirés ou vendus dans des emballages opaques portant des marques comme s’il s’agissait de publications érotiques, dont le contenu est interdit aux mineurs. L’État se réserve le droit d’utiliser les productions intellectuelles, comme les musiques, pour son seul intérêt. À partir de mars 2025, tous les revenus de la location ou de la vente de biens iront à un compte spécial fermé. Les mêmes restrictions s’appliqueront aux revenus des dépôts bancaires et aux dividendes.
Conclure des contrats de travail avec des agents étrangers est quasi impossible, et leurs proches sont contraints de quitter leur emploi. La police a fouillé chez le père, âgé de 95 ans, de l’homme politique du parti Yabloko, Lev Shlosberg et la mère de la journaliste Alesya Marokhovskaya. Cela s’accompagne généralement de saisies de matériel et d’interrogatoires.
La présence ou l’absence de financement n’a aucune importance pour être inscrit sur le registre des agents étrangers. Il suffit qu’un fonctionnaire décide qu’une personne est sous influence étrangère, quoi que cela signifie. Cet outil opaque a déjà été utilisé pour éliminer des concurrents commerciaux.
Des journalistes ont été inscrits sur le registre des agents étrangers, prétendument parce qu’ils utilisaient des plateformes étrangères telles que YouTube et Telegram. Cela représente environ une personne sur deux dans le pays, y compris les jeunes enfants.
Des journalistes ou des experts dont les voix sont entendues publiquement ont d’autres raisons d’être inscrits sur le registre : ils ont participé à la préparation de documents pour les agents étrangers, ont accordé des interviews à des médias étrangers, en direct hors de la Fédération de Russie. Les perspectives de recours sont nulles.
Si vous critiquez la police pour avoir torturé un détenu ou si vous exprimez des critiques concernant le mauvais état environnemental de la région, vous le faites exclusivement à partir d’une position étrangère et contre votre État d’origine.
Il existe une pratique, tant aux États-Unis que dans d’autres pays, selon laquelle les lobbyistes politiques s’enregistrent et déclarent leur position à l’État. Mais il s’agit d’une pratique ouverte, c’est-à-dire que le lobbying politique en soi n’est pas punissable dans ces pays ; il existe en tant que mécanisme permettant de promouvoir des initiatives législatives dans l’intérêt de grandes entreprises ou d’industries entières, ainsi que d’États étrangers.
Nous observons désormais la même tendance en Géorgie, où un certain nombre d’ONG choisissent de fermer leurs portes après l’adoption d’une loi similaire.
Maintenant, ils inscrivent d’abord quelqu’un dans le registre des agents étrangers, puis ils lui imposent une amende pour ne pas s’être inscrit volontairement.
Les experts militaires, les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les avocats spécialisés dans l’aide au personnel militaire se sont tus, car la « collecte délibérée d’informations sur les activités militaires de la Fédération de Russie » relève du crime. Il ne s’agit pas de secrets militaires, tout ne concerne que des sources ouvertes accessibles à tous. Tout avocat qui défendrait une famille ayant perdu un fils à la suite d’un bizutage militaire serait passible de poursuites. La liste des éléments sur lesquels des informations ne peuvent pas être collectées comprend, par exemple, des informations sur le « climat moral et psychologique » dans l’armée. Ou des informations sur les crimes commis par le personnel militaire ou dans l’armée. Le chercheur français Laurent Vinatier a été condamné à trois ans de prison pour ne s’être pas enregistré comme agent étranger.
[1] « Moscou », Kometa, n° 6, mars 2025, traduit par Yves Gauthier.
[2] « La fille aux étiquettes ».
[3] Le Monde, 27 mars 2025.
[4] https://www.lemonde.fr/international/article/2025/03/14/en-espagne-la-hausse-des-depenses-militaires-un-tabou-pour-la-gauche-espagnole-et-un-casse-tete-pour-pedro-sanchez_6580923_3210.html, 14 mars 2025, consulté le 16 mars 2025.
[5] https://www.federacionanarquista.net/contra-el-aumento-del-gasto-militar, 16 mars 2025, consulté le 17mars 2025.
[6] https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/14/non-a-leconomie-de-guerre-non-a-leurope-de-la-guerre, 14 mars 2025, consulté le 17 mars 2025.
[7] https://www.peacelink.it/campagne/index.php?id=112&id_topic=2, 7 mars 2025, consulté le 17 mars 2025.
[8] https://www.anarchistfederation.net/germany-arson-attack-on-seven-army-vehicles, consulté le 18 mars 2025.
[9] https://www.infolibertaire.net/economie-de-guerre-et-course-a-larmement-cest-reparti-comme-en-14, 15 mars 2025, consulté le 18 mars 2025.
[10] Faustine Vincent, « En Ukraine, la nouvelle vie des "gueules cassées" », Le Monde, 22 mars 2025.
[11] https://www.facebook.com/100024343221052/posts/1582615115893247, 15 mars 2025, consulté le 23 mars 2025.
[12] https://zona.media/article/2025/03/21/skobov?utm_source=tg&utm_medium=smm&utm_content=skobov, 21 mars 2025, consulté le 22 mars 2025.
[13] https://novayagazeta.ru/articles/2025/03/25/donos-bez-sroka-davnosti, publié et consulté le 25 mars 2025.
[14] https://meduza.io/feature/2025/03/25/uehavshie-rossiyane-vse-rezhe-grustyat-ih-razdrazhaet-byurokratiya-i-trevozhat-ekologicheskie-problemy-prinimayuschih-stran, publié et consulté le 25 mars 2025.
[15] https://meduza.io/news/2025/03/07/v-murmanskoy-oblasti-edinaya-rossiya-podarila-materyam-pogibshih-uchastnikov-voyny-myasorubki-v-partii-utverzhdayut-chto-zhenschiny-sami-ob-etom-poprosili, publié et consulté le 7 mars 2025.
[16] Charles Haquet, « Gabriel Attal, voyage dans un pays en guerre », L’Express, 6 mars 2025.
[17] Faustine Vincent, « Ukraine : l’impossible répit des soldats traumatisés », Le Monde, 9 mars 2025.
[18] https://www.obsarm.info/spip.php?article687, publié et consulté le 10 mars 2025.
[19] Fanny Marlier, https://reporterre.net/Aide-militaire-a-l-Ukraine-la-fin-du-pacifisme-pour-Les-Ecologistes, 5 mars 2025, consulté le 13 mars 2025.
[20] Aurélien Soucheyre, « Guerre en Ukraine : l’argument nucléaire brandit par Macron ne favorise pas la sécurité », L’Humanité, 6 mars 2025.
[21] « En économie de guerre, on consolide l’État social, on ne le détruit pas », 14 mars 2025.
[22] « L’Europe ne doit pas sacrifier son exigence sociale et écologique sur l’autel du militaire », 11 mars 2025.
[23] « Lettre à une inconnue, la guerre ».
[24] https://www.infolibertaire.net/nantes-un-cortege-contre-la-guerre-a-la-manifestation-du-8-mars, 9 mars 2025, consulté le 10 mars 2025.
[25] https://www.infolibertaire.net/theo-francken-une-belgique-sous-le-regne-de-la-sur-militarisation-et-des-lobbys-darmes, 5 mars 2025, consulté le 10 mars 2025.
[26] https://www.rfi.fr/fr/en-bref/20250307-pologne-tusk-favorable-au-retrait-du-trait%C3%A9-sur-les-mines-antipersonnel, 7 mars 2025, consulté le 13 mars 2025.
[27] https://www.rfi.fr/fr/europe/20240923-guerre-en-ukraine-des-colombiens-accus%C3%A9s-d-%C3%AAtre-des-mercenaires-prisonniers-des-russes
[28] Najet Benrabaa, « Guerre en Ukraine : ces mercenaires colombiens qui partent au front », https://www.rfi.fr/fr/podcasts/grand-reportage/20250225-guerre-en-ukraine-ces-mercenaires-colombiens-qui-partent-au-front, 25 février 2025, consulté le 12 mars 2025.
[29] Propos recueillis par Rodolphe Grenier, « Le soutien des Russes à Poutine est massif et réel », 13 mars 2025.
[30] Boris Mabillard, « L’Ukraine résiste grâce aux drones », 13 mars 2025.
[31] Doan Bui, « Le chagrin de la guerre », Le Nouvel Obs, 20 février 2025.
[32] Veronika Dorman, « Après Marioupol, deux ans et demi dans le cauchemar des geôles russes », 24 février 2025.
[33] « Un ver qui ronge ou Ce qui reste non dit », traduction Authelme Vidaud, La Croix L’Hebdo, spécial Ukraine, 22 février 2025.
[34] Bejamin Quénelle, « En Russie, la banalisation de la guerre », Le Monde, 26 février 2025.
[35] Rémy Ourdan, « Paroles de soldats ukrainiens », Le Monde, 25 février 2025.
[36] Poline Tchoubar, https://www.lemonde.fr/videos/video/2025/02/24/en-ukraine-occupee-les-ecoliers-sous-surveillance_6562024_1669088.html, 24 février 2025, consulté le 26 février 2025.
[37] Julien Renson Miquel, « Une facture climatique qui atteint "des sommets" », Libération, 24 février 2025.
[38] https://meduza.io/feature/2025/03/02/posle-ssory-trampa-i-zelenskogo-v-ssha-i-evrope-proshli-demonstratsii-v-podderzhku-ukrainy, 2 mars 2025, consulté le 3 mars 2025.
[39] https://zona.media/news/2025/02/12/ivanovonews-kustov, publié et consulté le 12 février 2025.
[40] Clara Marchand, https://www.lexpress.fr/monde/europe/exclusif-guerre-en-ukraine-le-temoignage-glacant-dune-ex-prisonniere-de-larmee-russe-QZJSQ7XN2VCTXBXOSTDP2ZBQRQ/?cmp_redirect=true, 13 février 2024, consulté le 14 février 2024.
[41] https://www.courrierinternational.com/reveil/2025-02-17#article-2, publié et consulté le 17 février 2024.
[42] https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/interception/interception-du-dimanche-16-fevrier-2025-3429310
[43] https://www.france.tv/documentaires/documentaires-societe/6908545-ukraine-l-enfance-volee.html#about-section
[45] « Les Ukrainiens ont cessé de croire en un happy end dans cette guerre », Le Monde, 23 février 2025.
[46] Rémy Ourdan, « Ukraine. La culture, l’autre bataille existentielle », Le Monde, 16 février 2025.
[47] Sophie Bouchet-Petersen, « Combattre, créer, résister depuis trois ans, dix ans… cent ans », Soutien à l’Ukraine résistante, n° 36, 24 février 2025.
[48] « Dans les TOT », Soutien à l’Ukraine résistante, n° 36, 24 février 2025.
[49] « Zla Mavka », ibidem.
[50] « La guerre en ruban », ibidem.
[51] Patrick Silberstein, « Ensemble, nous transformerons la vie de nos ennemis en enfer ! », ibidem.
[52] Patrick Le Tréhondat, « Guerre populaire prolongée », ibidem.
[53] « Lettres d’Ukraine », ibidem.
[54] Christian Gourdet et Hugues Joscaud, ibidem.
[55] https://www.youtube.com/watch?v=roZVmwbsHhQ, 16 janvier 2025, consulté le 18 février 2025.
[56] https://novayagazeta.ru/articles/2025/02/03/minoborony-predlozhilo-priznavat-srochnikov-s-sifilisom-i-psikhozami-godnymi-k-armii-a-v-gosdume-khotiat-uvelichit-shtrafy-za-nesoobshchenie-v-voenkomat-o-pereezde-news, 3 février 2025, consulté le 4 février 2025.
[57] https://novayagazeta.ru/articles/2025/02/03/srednii-palets-ili-muromtsa, 3 février 2025, consulté le 4 février 2025.
[58] https://novayagazeta.ru/articles/2025/02/04/gonki-kiber-batiushek-rusofoby-protiv-lermontova-i-seks-cherez-gosuslugi, publié et consulté le 4 février 2025.
[59] https://www.lemonde.fr/international/live/2025/02/07/en-direct-guerre-en-ukraine-donald-trump-annonce-qu-il-rencontrera-probablement-volodymyr-zelensky-la-semaine- février prochaine_6530522_3210.html, publié et consulté le 7 février 2025.
[60] https://www.lemonde.fr/international/live/2025/02/11/en-direct-guerre-en-ukraine-la-coree-du-nord-a-livre-200-pieces-d-artillerie-a-longue-portee-a-la-russie-selon-seoul_6538177_3210.html, art. cit.
[61] https://meduza.io/feature/2025/02/07/anarhist-ruslan-sidiki-v-2023-godu-pustil-pod-otkos-gruzovoy-poezd-tak-kak-vlasti-otrezali-vozmozhnosti-dlya-mirnogo-antivoennogo-protesta, 7 février 2025, consulté le 8 février 2025.
[62] https://www.lemonde.fr/international/live/2025/02/11/en-direct-guerre-en-ukraine-la-coree-du-nord-a-livre-200-pieces-d-artillerie-a-longue-portee-a-la-russie-selon-seoul_6538177_3210.html, publié et consulté le 11 février 2025.
[63] Thomas d’Istria, « Ukraine : hausse des attaques contre des centres de recrutement », Le Monde, 9 février 2025.
[64] https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/reportage-ce-n-est-plus-ma-guerre-voyage-sur-les-traces-des-deserteurs-ukrainiens-dans-les-neiges-des-carpates-roumaines_7041218.html, publié et consulté le 7 février 2025.
[65] https://www.lemonde.fr/international/live/2025/02/10/en-direct-guerre-en-ukraine-volodymyr-zelensky-va-rencontrer-le-vice-president-americain-j-d-vance_6538177_3210.html, publié et consulté le 10 février 2025.
[66] https://www.lemonde.fr/international/live/2025/02/11/en-direct-guerre-en-ukraine-la-coree-du-nord-a-livre-200-pieces-d-artillerie-a-longue-portee-a-la-russie-selon-seoul_6538177_3210.html, art. cit.
[67] Stéphane Siohan, « "Ça va nous détruire de l’intérieur" : les soldats ukrainiens suspendus aux coupes de Washington », Libération, 1er février 2025 ; Thomas d’Istria et Philippe Ricard, « L’Ukraine panique et fait appel aux donateurs européens », Le Monde, 2 février 2025.
[68] Nelly Didelot, « Les médias d’Europe de l’Est menacés par la désinformation », Libération, 1er février 2025.
[69] The Veteran, printemps 2022, volume 52, numéro 1.
[70] https://www.tf1info.fr/replay-lci/videos/video-le-club-info-du-vendredi-24-janvier-7853-2346846.html, 24 février 2025, consulté le 1er février 2025.
[71] Hélène Bienvenu « En Biélorussie, la prison broie les opposants », Le Monde, 2 février 2025.
[72] Adrian Horton, The Guardian, 25 janvier 2025.
[73] Christian Blauvelt, https://news.yahoo.com/news/mr-nobody-against-putin-review-160723095.html?guccounter=1, 26 janvier 2025, consulté le 2 février 2025.
[74] Fabian Scheidler, « Les Verts, moteur du militarisme allemand », Le Monde diplomatique, février 2025.
[75] Alexeï Sakhnine et Lisa Smirnova, « Chasse aux migrants en Russie », Le Monde diplomatique, février 2025.
[76] https://novayagazeta.ru/articles/2025/01/17/advokatov-navalnogo-prigovorili-k-srokam-ot-35-do-55-let-kolonii-po-delu-ob-uchastii-v-ekstremistskom-soobshchestve-news, publié et consulté le 17 janvier 2025.
[77] https://meduza.io/feature/2025/01/17/posle-togo-kak-zakonchilis-stalinskie-vremena-s-advokatami-tak-ne-postupali, publié et consulté le 17 janvier 2025.
[78] https://novayagazeta.ru/articles/2025/01/17/k-roditeliam-ili-iashina-prishli-s-obyskom-siloviki-interesovalis-mestonakhozhdeniem-politika-news, publié et consulté le 17 janvier 2025.
[79] https://meduza.io/feature/2022/02/25/pryamo-seychas-mister-putin-vy-seete-smert-i-razrushenie, consulté le 17 janvier 2025.
[80] Thomas D’Istria, « En Ukraine, des jeunes hommes prêts à tout pour éviter le front », Le Monde, 19 janvier 2025.
[81] Thierry Hillériteau, « Le difficile retour des artistes russes sur la scène internationale », 20 janvier 2025.
[82] Valérie Duponchelle, « L’exode des peintres de Moscou à Paris », Le Figaro, 20 janvier 2025.
[83] Nikita Sologoub, Mediazona, 24 janvier 2025, consulté le 28 janvier 2025.
[84] Boris Vishnevsky, https://novayagazeta.ru/articles/2025/01/29/no-est-eshche-i-trete-delo, 29 janvier 2025, consulté le 30 janvier 2025.
[85] https://novayagazeta.ru/articles/2025/01/29/vam-zdes-ne-zhit, 29 janvier 2025, consulté le 30 janvier 2025.