Entamée en 2018, cette journaliste, avec le talentueux dessinateur Zac Deloupy, se faufile dans l’intimité de 16 personnages qui ont accepté de leur dévoiler un pan de leur vie sentimentale. Cette bande dessinée très réussie en dit bien plus long sur les paradoxes, les interdits, les proximités et les complexités des deux peuples qu’une longue analyse géopolitique.

Juifs orthodoxes, sionistes religieux ou laïcs, ashkénazes ou séfarades, Palestiniens d’Israël, de Cisjordanie ou de Gaza, ils sont séparés par des barrières géographiques, identitaires ou religieux souvent infranchissables mais, en définitif, n’en partagent pas moins une soif d’amour et de liberté comme partout dans le monde.

La première rencontre que nous suivons est celle de Lana, 34 ans, arabe israélienne vivant à Tel Aviv inscrite sur un site de rencontre où les hommes juifs rechignent souvent quand ils apprennent qu’elle est arabe. Lana conclut de ses expériences amoureuses : « Le pire dans tout ça, c’est que plein de juifs israéliens fantasment de coucher avec une Palestinienne. Et bien sûr, les Palestiniens ne supportent pas l’idée de faire l’amour avec une Palestinienne qui aurait couché avec un Juif. Les mecs se battent même pour nos chattes ! « . De même, elle exprime le fait que : « Avec mes amies palestiniennes, on ne parle jamais de sexe ! On sait qu’on est beaucoup à coucher avant le mariage mais personne n’en parle. »

Nous faisons aussi la connaissance d’une jeune palestinienne Yasmeen, 23 ans, qui vit à Ramallah et porte une veste sur laquelle est écrit : « Not your habibi » (Je ne suis pas ta chérie) pour dénoncer et lutter contre le harcèlement de rue.

Nous suivons aussi Jean-Marc, 49 ans, juif religieux de Jérusalem qui rêve d’être père sans vraiment avoir déjà rencontré la femme avec qui il aurait eu envie de se marier mais qui finira par rencontrer, grâce à une agence spécialisée, une personne qui partage les mêmes valeurs afin de vivre une coparentalité partagée et acceptée des deux parties.

Nous faisons aussi la connaissance de ce jeune homme de Gaza, Mohammed, 28 ans, qui a dû s’enfuir car il risquait la mort en tant qu’homosexuel, situation que le Hamas ne tolère en aucun cas.

Je n’oublie pas non plus cette lesbienne palestinienne, qui a été en couple pendant 4 ans avec une femme officier de l’armée israélienne.

Vous aurez compris que là-bas (en Terre promise comme le souligne le titre), tout y compris, et surtout l’amour, est politique.

Il faut souligner que ce projet a été réalisé avant le 7 octobre 2023 mais il est complété par un épilogue dans lequel les divers personnages de la bande dessinée racontent comment ont vécu les atrocités commises par le Hamas et les bombardements de l’armée israélienne sur l’enclave palestinienne.

Avec subtilité et sans tabou, cette bande dessinée éclaire d’un jour nouveau un conflit qui dure depuis des décennies et qui risque de se prolonger de nombreuses années encore.

Maurice BALMET