En effet, en quelques années, le vent a tourné dans l’opinion publique sous l’influence florissante de Jean-Marc Jancovici dans les médias et sa bande dessinée Un monde sans fin illustrée par Christophe Blain chez Dargaud suivie, au même moment, par le plan de relance par Emmanuel Macron. Ces deux facteurs ont redoré l’énergie nucléaire et redonné une forte popularité à cette énergie. De ce fait, elle serait devenue une promesse de décarbonisation et d’autonomie pour une France dépourvue de ressources.
Le livre du philosophe Ange Pottin retrace la généalogie de « l’écologie nucléaire » rêvée par les créateurs de la filière nucléaire dès le début des années 1950. Cet imaginaire associé à l’énergie nucléaire et au capital fissile a été fondé sur cette idée qu’un jour les réacteurs pourront recycler à l’infini leur combustible.
L’ouvrage invite quand même à regarder le nucléaire pour ce qu’il est vraiment : une énergie certes efficace quand elle fonctionne, mais extrêmement dispendieuse en argent et coûteuse en ressource, produisant des déchets sur des centaines de milliers d’années et dont la question du démantèlement n’est pas du tout (en tout cas au début) ou très peu envisagé.
De plus, dès 1974, le SNPEA – CFDT (Syndicat national du personnel de l’énergie atomique affilié à la CFDT) critiquait avec une grande clairvoyance le programme d’équipement nucléaire lancé en cette même année par le gouvernement Messmer. Ce syndicat décelait une stratégie risquée, chargée d’incertitudes concernant la gestion des déchets radioactifs dangereux et la problématique du démantèlement des centrales. Le syndicat soulevait à l’époque les conditions de travail en milieu radioactif en soulignant déjà le recours massif à la sous-traitance parce qu’il permettait d’être soumis à de moindres obligations de suivi médical. Ainsi, le monde « irradiant » de l’industrie nucléaire, surtout dans le retraitement, était précurseur dans ce domaine. Le SNPEA accusait en outre le gouvernement « d’avoir lancé un énorme programme de centrales nucléaires sans avoir pris en compte les difficultés techniques et les risques du retraitement et d’avoir fait l’impasse sur le problème des déchets » [1].
En 2024, ces inquiétudes prémonitoires peuvent se reproduire tel quel dans le programme actuel de relance d’Emmanuel Macron.
Un livre utile pour comprendre la nocivité de cette industrie brandie comme un étendard d’une économie capitaliste et d’une une vision d’une croissance éternelle.
Maurice Balmet
[1] SNPEA-CFDT : « L’usine de La Hague : situation industrielle, conditions de travail, sécurité » - juin 1976.