Il a enquêté dans la Pologne de Solidarnosc, la Tchécoslovaquie de la Révolution de velours, à Berlin à la chute du mur, en Géorgie avec le président Saakachvili, que Poutine avait appelé « à pendre par les couilles », et que le gouvernement géorgien, sous influence russe, maintient encore en prison. En Russie, il a accompagné Soljenitsyne dont il rappelle que, en 1945, il n’a été condamné qu’à neuf ans de relégation pour avoir critiqué, dans une correspondance privée, la politique et les compétences de Staline, ses purges, son alliance avec Hitler et le sacrifice inutile de milliers de soldats, alors que, sous Poutine, des peines bien plus lourdes frappent les opposants à la guerre.
Il écrit : « Le combat de Poutine dépasse largement l’Ukraine. Il oppose les dictatures et les autocraties de la planète aux démocraties libérales occidentales. Par ses alliances avec la Chine ou la Corée du Nord, la Russie de Poutine ressemble à l’URSS qu’il regrette tant. Le président russe s’est même acoquiné avec les généraux putschistes birmans qui ont repris le pouvoir à Rangoon. » Grâce aux dénigrements des influenceurs prorusses sur Internet, Poutine délégitime la présence française en Afrique et y soutient les régimes autoritaires. Ses mercenaires s’approprient les matières premières des pays au service desquels ils sont censés intervenir. L’objectif final est l’affaiblissement occidental.
L’URSS était implantée dans les « pays frères » africains se réclamant du marxisme. Après sa dissolution, les Russes ont quitté l’Afrique. Ils ont conclu des contrats avec l’Algérie, en 2006, et l’Égypte, en 2013.
La France met fin, en 2016, à l’opération Sangaris, sa 7ème intervention militaire depuis l’indépendance de la République centrafricaine, en 1960. La Russie en profite et s’introduit dans cet État et achemine quatorze avions d’armes. Des accords de défense sont conclus, trois cents conseillers militaires sont délégués et renforcés par des centaines de mercenaires ayant combattu en Syrie ou dans le Donbass. Aujourd’hui, les mercenaires de Wagner occupent l’ancien palais impérial de Bokassa et exploitent une société minière. Ils sont responsables de nombreux crimes dénoncés par l’Assemblée nationale française unanime, par les USA et un rapport de l’ONU. La propagande russe parraine des concours de dessins et de poèmes d’enfants, celui de Miss Centrafrique, un tournoi de football et un film « dédié aux héros libérateurs de l’Afrique centrale, défenseurs centrafricains et soldats russes » où les Français soutiennent les djihadistes. Des dessins animés simplistes représentent les soldats français en squelettes anéantis par la milice Wagner.
Des accords militaires et économiques portant sur des mines d’or, des diamants, des hydrocarbures, du nucléaire et des engrais sont conclus avec une dizaine de pays africains. La Russie est le premier fournisseur d’armes à l’Afrique. Seize pays africains ont refusé de condamner l’invasion russe de l’Ukraine. En juillet 2022, Emmanuel Macron met en garde, à juste titre : « La Russie est l’une des dernières puissances impériales coloniales » qui a choisi « d’envahir un pays voisin pour y défendre ses intérêts. » En novembre, en marge du Sommet de la francophonie, il l’accuse d’alimenter une propagande anti-française pour « servir un projet de prédation » sur des pays africains en difficulté.
La Russie échoue ensuite à étendre son emprise au Mozambique mais y réussit en Libye. Au Mali, le gouvernement putschiste recrute des mercenaires russes pour former ses troupes et assurer sa protection. Wagner et les propagandistes utilisent leurs méthodes habituelles. Une enquête diligentée par les Nations Unies conclut : « Les troupes maliennes et le personnel militaire étranger ont tué plus de 500 personnes. » Une mise en scène de Wagner échoue à rendre la France responsable de ces exactions. L’ambassadeur de France est expulsé. Les troupes de l’Opération Barkhane quittent le pays.
Le pays suivant à subir le même traitement est le Burkina Faso. Prigojine, le chef de la milice Wagner salue le putsch de Sandaogo, signe d’une « nouvelle ère de décolonisation ». « Cela se produit parce que l’Occident essaye de maintenir la population de ces pays dans un état semi-animal. » Ibrahim Trahoré, auteur d’un nouveau putsch, est reçu par Poutine. « Vous avez le soutien du peuple burkinabé et de notre gouvernement sur la situation que vit la Russie avec l’"opération spéciale" », assure-t-il. Un nouveau coup d’État hostile à la France a lieu ensuite au Niger.
La Russie appuie sa propagande sur des influenceurs africains. Le franco-béninois antisémite et fiché « S », Kémi Seba dénonce l’Organisation mondiale de la santé dirigée par les « sionistes qui imposent à l’Afrique et à sa diaspora des conditions de vie tellement excrémentielles que le camp de concentration d’Auschwitz peut paraître comme un paradis sur terre. »
Parick Forestier énumère des Français qui ont soutenu des arguments de Poutine : Marine Le Pen, Éric Zemmour, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon qui, en 2021, disait « Je ne crois pas à une attitude agressive de la Russie, ni de la Chine », alors que Poutine avait déjà envahi 20 % de la Géorgie, la Crimée et une partie du Donbass. En janvier 2022, il écrivait dans Le Monde « Les Russes mobilisent à leurs frontières ? Qui ne ferait pas la même chose avec un voisin pareil, un pays lié à une puissance qui les menace continuellement ? » Sur France 5, il affirme le 30 janvier : « Je considère que ce sont les États-Unis qui sont dans la position agressive et non pas la Russie. »
À propos de la guerre hybride de Moscou, l’auteur énumère les centaines d’expulsions d’espions russes démasqués en Union européenne, les actions de déstabilisation et les offensives de hackers russes pour bloquer ou pirater les données d’organisations privées et publiques, comme des hôpitaux, des aéroports, les sites parlementaires, des mairies, la DGSI, Naval Group, 3 000 éoliennes allemandes. Il détaille des opérations de désinformation, notamment par des pages falsifiées de quotidiens français.
Les hackers ukrainiens ripostent : le compte d’un blogueur russe qui récoltait de l’argent pour équiper les soldats est piraté. Au lieu de recevoir des drones, il reçoit des sex-toys pour un montant de 23 000 euros.
Patrick Forestier, qui ne critique jamais la politique de la France, soutient sans condition l’Ukraine et réclame son armement par l’Occident. Il exerce son talent pédagogique pour une large vision géopolitique.
Guy Dechesne