Le 7 janvier 1959, le général de Gaulle a pris l’ordonnance n° 59-147 portant organisation générale de la Défense. Tout non militaire, homme ou femme, de dix-huit à cinquante ans, peut être mobilisé selon sa profession « en tout temps et en toutes circonstances » pour le maintien des activités essentielles de la nation et astreint à la discipline des forces armées. Un salarié réquisitionné qui s’absente peut être jugé comme déserteur par un tribunal militaire. Cette ordonnance est toujours en vigueur.
À partir d’octobre 1968, pour la première fois, des civils, des objecteurs de conscience en grève du service civil, sont jugés par des tribunaux militaires. Ils le sont pour désertion à l’intérieur avec complot. Le représentant du parquet déclare : « Nous ne jugeons pas ici des objecteurs… Nous jugeons des affectés de défense qui sont, en vertu des décrets de 1959, assimilés à des militaires. » La grève des objecteurs s’amplifie pour réclamer leur jugement par une juridiction civile.
Les mouvements antimilitaristes se mobilisent contre les TPFA. À Lyon, le Groupe d’action et de résistance à la militarisation (GARM) associé à un collectif d’avocats assiste aux audiences du tribunal militaire et publie des statistiques et des commentaires.
À l’initiative d’Insoumission collective internationale, une plaquette est éditée à 100 000 exemplaires. Elle dénonce : « La justice militaire est une justice où l’armée est à la fois juge et partie, où le parquet militaire est le seul maître des poursuites, où n’existe pas le contrepoids de la constitution de partie civile, où il n’y a pas non plus de voie d’appel, où, enfin, les jugements n’ont pas à être motivés.
C’est une justice parallèle, où les irrégularités de procédure sont fréquentes. »
Le directeur de la publication et Cabu, qui l’a illustrée ainsi que l’affiche de la campagne, et des diffuseurs sont condamnés.
Mireille Debard, secrétaire du GARM, et Jean-Luc Hennig publient le livre Les juges kaki, illustré par Cabu et préfacé par Michel Foucault [2].
Le 21 juillet 1982, le Journal officiel publie la loi abolissant les tribunaux militaires.
Compétent pour tous les crimes et délits impliquant uniquement des militaires français en mission à l’étranger, le Tribunal aux armées de Paris (TAP) prend la suite. Il juge notamment la responsabilité de l’armée française dans le génocide rwandais et l’assassinat des militaires français à Bouaké, en Côte d’Ivoire, en 2006. La même année, la juge d’instruction Brigitte Raynaud, quitte ses fonctions après avoir dénoncé les obstacles auxquelles s’étaient heurtées ses investigations. Demandée par la Garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, la suppression du TAP est effective le 1er janvier 2012.
Guy Dechesne
[1] Henri Noguères, « La fin des Tribunaux permanents des forces armées », Les Temps modernes, n° 435, octobre 1982, p. 692 (ISSN 0040-3075).
[2] Mireille Debard, Jean-Luc Hennig, Les Juges kaki, Éditions Alain Moreau, Paris, 1977.