Résistances

Les réfractaires depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie (11ème partie • février 2024)

Mis à jour le 29 février 2024

Actions contre la guerre Antimilitarisme Guerres Service national / conscription

Mise en ligne : Mardi 6 février 2024
Dernière modification : Mardi 12 mars 2024

Depuis octobre 2022, Guy Dechesne recense longuement les actes de désertion, d’insoumission, de désobéissance et d’exil posés pour refuser de combattre, les actions de désobéissance civiles pour entraver la guerre et les appuis que les réfractaires reçoivent tant dans les pays concernés qu’à l’étranger dans le prolongement d’un dossier paru dans le numéro 164-165 de « Damoclès ». Cette rubrique est rédigée à partir d’un suivi méticuleux des médias. 11ème épisode, février 2024.

Retrouvez les épisodes précédents dans la rubrique Résistances

Navalny

La presse d’opposition russe a publié plusieurs témoignages sur les tortures infligées dans le dernier lieu de détention de Navalny [1].

En deux jours, plus de 60 000 personnes ont adressé des appels au Comité d’enquête de la Fédération de Russie, exigeant que le corps d’Alexeï Navalny soit restitué à sa famille [2].

Les Pussy Riot dont déployé une banderole dénonçant le meurtre de Navalny, devant l’ambassade russe, à Berlin, le 18 janvier 2024 [3].

Les Pussy Riot à Berlin, Photo : Daria Globina / Schön

La veuve de Navalny, Ioulia Navalnaïa, poursuit le combat de son mari. La rédactrice en chef de la chaîne de télévision russe RT ironisait odieusement : « Regardez comme elle est bien maquillée, son mascara n’a pas coulé… Cette femme aime moins son mari que le pouvoir et les conférences de presse [4]. »

Un faux enregistrement sonore circule sur les réseaux sociaux. Il est attribué à la mère de Navalny et s’adresse à Ioulia Navalnaïa. Il se termine par « Je te méprise et je t’interdis de spéculer sur le nom de mon fils, mon enfant [5]. »

Dans Le Monde [6], Anna Colin Lebedev rappelle les motifs de désaccord entre les Ukrainiens et Navalny. Tout en reconnaissant une violation flagrante des normes internationales, sur la radio Écho de Moscou, l’opposant avait suggéré aux Ukrainiens de ne pas se faire d’illusions : « La Crimée restera une partie de la Russie et ne ferait plus, dans un avenir prévisible, partie de l’Ukraine. » En 2022, il a cependant affirmé son attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières de 1991, incluant donc la Crimée et les républiques autoproclamées du Donbass.

L’affiliation passée de Navalny aux mouvements nationalistes lui a valu une exclusion du parti politique pro démocratique Iabloko, en 2007.

Entre 2007 et 2011, il a participé à des « Marches russes », qu’il a parfois co-organisées, manifestations annuelles de différentes mouvances nationalistes et ultranationalistes du pays. Internet garde la trace de sa violence verbale à l’égard des migrants en général, et des habitants du Caucase en particulier.

En 2019, il décrit l’Ukraine comme un pays en déliquescence, dirigé par des élites qui sont « une bande de salopards tellement corrompus que nos propres salopards corrompus se sentent complexés ». Bref, il est jugé responsable d’avoir contribué à légitimer l’idée de l’agression et l’idéologie qui la sous-tend.

La possibilité d’un dialogue entre les deux sociétés repose, aux yeux des Ukrainiens, sur deux préalables : la reconnaissance et l’abandon de la posture impérialiste de la société russe vis-à-vis de ses voisins et l’engagement dans un combat contre le pouvoir poutinien. Avec le courage, la colère et l’inventivité de l’homme qui a défié le Kremlin.

Oleg Orlov

Le dissident russe Oleg Orlov, vétéran de Memorial, l’ONG colauréate du prix Nobel de la Paix 2022 et dissoute par la justice russe, est condamné à trente mois d’incarcération dans une colonie pénitentiaire pour ses dénonciations de la guerre en Ukraine. Il avait fait appel de sa condamnation à verser une amende.

Big Brother

225 000 caméras de surveillance filment dans Moscou, dont un nombre croissant dotées de la reconnaissance faciale. Un million fonctionnent dans tout le pays, dans les cours et les entrées d’immeubles, dans les transports, les parcs et les cliniques. Des feux de signalisation en sont équipés. Grâce à elles, quelques mois après le début de l’invasion en Ukraine, la police a arrêté dans le métro au moins 43 personnes venues manifester.

Un tribunal a libéré un homme emprisonné depuis un an. Il a été confondu, par reconnaissance faciale, avec un quadruple meurtrier dont 60 % des données lui correspondaient [7].

Assassinat d’un déserteur

Maxim Kuzminov, ce Russe qui avait déserté l’armée, en raison de son opposition à l’invasion russe menée en Ukraine a été criblé de balles en Espagne. Avec son hélicoptère militaire, il avait rejoint les troupes de Zelensky en août 2023. « Ce traître et criminel est devenu un cadavre moral au moment même où il planifiait son sale et terrible crime », a lancé le chef du renseignement extérieur russe Sergueï Narychkine [8].

Militarisation de l’enseignement

Dans la région d’Irkoutsk (Sibérie centrale), une mère de famille a été condamnée à payer une amende de 35 000 roubles (355 euros) pour « discréditation de l’armée », après être venue dans l’établissement de son fils se plaindre de l’abondance de jouets évoquant des thématiques militaires. Une éducatrice lui a répondu que les jardins d’enfants se devaient de « proposer une éducation patriotique et d’expliquer aux enfants qu’ils ne doivent pas craindre de mourir pour leur patrie ».

La mère d’un écolier de Belgorod a reçu un avertissement pour le comportement « non patriotique » de son fils. Celui-ci avait choisi de représenter le thème de l’élection présidentielle de mars 2024, par le dessin d’un roi perdant sa couronne.

Les autorités éducatives recommandent d’utiliser, en cours d’histoire, de langues étrangères et de russe, l’interview accordée par Vladimir Poutine à l’animateur américain Tucker Carlson, fervent soutien de Trump.

Une consigne vise à rappeler aux étudiants, pour lesquels l’enseignement de l’histoire est devenu obligatoire, que « tout au long de l’histoire, la sauvegarde de la Russie est passée par l’existence d’un État centralisé et fort ».

Le nombre de professeurs d’université qui ont quitté la Russie est estimé à environ 6 000. La direction de la Haute École d’économie, l’une des principales universités de Moscou, réputée pour son libéralisme, a intégralement été mise sous la coupe des services de sécurité, dont les agents ont récupéré tous les postes de direction.

Fin décembre 2023, la Douma, la chambre basse du Parlement russe, a adopté une loi sur les « valeurs spirituelles et morales à l’école », qui précise que les enseignants sont tenus de cultiver chez les élèves « le sens du patriotisme, le respect de la mémoire des défenseurs de la patrie et des exploits des héros de la patrie, la loi et l’ordre, le travail, et les générations plus âgées ».

Tatiana Tchervenko, une enseignante licenciée pour son refus de la propagande militariste, commente : « Les meilleurs pédagogues partent et l’on attend des nouveaux seulement qu’ils soient loyaux, qu’ils ne posent pas de questions quant au contenu des cours ou quand il faut faire de l’agitation électorale pour le pouvoir. On introduit ainsi plus de violence et plus d’hypocrisie dans ce système. »

De nouveaux manuels scolaires sont édités. Pour la journaliste Elena Volochine, « il s’agit de verrouiller définitivement le récit historiographique que Vladimir Poutine entend léguer aux générations futures. L’Ukraine y devient une marche de l’empire ; les répressions soviétiques sont un dommage collatéral d’une politique d’industrialisation efficace… » Dans cet esprit, les épisodes les moins glorieux sont effacés ou réécrits, comme le pacte Molotov-Ribbentrop de 1939 entre l’URSS et l’Allemagne nazie. Le 23 août 1939, le pacte germano-soviétique divise l’Europe centrale et orientale en deux zones d’influence. L’Estonie et la Lettonie reviennent à l’URSS, et la Lituanie, d’abord attribuée au IIIe Reich, les rejoint fin septembre. En 1940, les trois pays sont absorbés dans l’URSS. De nos jours, la Russie poursuit certains de leurs dirigeants pour « destruction et dégradation de monuments aux soldats soviétiques ». « Il [leur] faut répondre des crimes commis contre la mémoire de ceux qui ont libéré le monde du nazisme ! », menace la porte-parole de la diplomatie russe. Pour les Baltes, ce n’est pas la puissance ayant « libéré le monde du nazisme » que les monuments symbolisent, mais le régime totalitaire qui les a écrasés, déportés, opprimés. Et qui a commencé à le faire en accord avec les nazis, dans un pacte instaurant une division du monde entre peuples dominateurs et peuples destinés à être soumis [9].

Arrestations à Moscou

Les épouses des mobilisés du groupe "Way Home", qui demandent le retour de leurs compagnons, déposent des fleurs sur la Tombe du Soldat inconnu chaque samedi à Moscou. Le 24 février 2024, au moins quatre personnes ont été arrêtées dont des journalistes vêtus de gilets marqués « Presse » [10].

Lyudmila Vasilyeva

Lyudmila Vasilyeva, âgée de 82 ans, est une survivante du siège de Leningrad. Elle participe de longue date aux manifestations de Saint-Pétersbourg. Lors de rassemblements contre la guerre en 2022, elle a été arrêtée à plusieurs reprises. « Assez de sang, assez de haine », a-t-elle crié, avec des centaines d’habitants, le jour de l’annonce de la mort d’Alexeï Navlny.

En 2014, pour protester contre l’annexion de la Crimée, elle démissionne de son poste d’ingénieure pour la construction de sous-marins de haute mer.

À l’annonce de la mobilisation de 2022, elle a crié : « Ne faites pas la guerre ! », « Mères ! Les mères ! Arrêter la guerre ! La vie de vos enfants vaut-elle un million de roubles ? »

Elle raconte : « Lorsque je suis allée à des rassemblements contre la guerre en février 2022, ils m’ont arrêtée. Ils ont exécuté leurs ordres puis m’ont ramenée chez moi en voiture. Et chaque fois que j’avais une conversation avec eux, ils étaient d’accord avec moi. Je leur ai dit : "Ne suivez pas les ordres criminels. Imaginez ce qui se passerait si vous sortiez sur la place avec des munitions. Le monde entier vous applaudirait." Mais ils ont peur. […]
Après les arrestations, les "cosmonautes" [forces de l’ordre] sont venus en masse vers moi. La première fois, ils sont venus à 22 heures et ont apporté des bonbons. Ils sont restés assis avec moi pendant environ une heure. […]
Un policier m’a appelée et m’a dit : "Vous avez raison sur tout, mais nous ne recevons pas autant d’argent ailleurs." À cela j’ai répondu : "Ne vendez pas votre conscience pour de l’argent." Un autre m’a également contacté et m’a promis qu’il arrêterait. Je ne sais pas s’il a tenu sa promesse [11]. »

Faire payer les crimes russes

L’Ukraine se prépare à réclamer le dédommagement des dégâts environnementaux causés par la Russie : forêts incendiées, villes et cultures inondées, mines et munitions dispersées. 29 000 cas ont été recensés par la mission Ecodozor. La commission européenne estime le montant à 52 milliards de dollars. Mais les obstacles juridiques sont nombreux [12].

Stanislav Asseyev, journaliste ukrainien, a été arrêté en 2017 puis détenu et torturé pendant vingt-huit mois à Donetsk. Il a été libéré grâce à un échange de prisonniers. Il a raconté sa captivité dans un livre. Il a réussi à retrouver et à faire condamner le responsable de ses tortures qui, depuis Kiev, informait le SBU russe. Il a créé une plateforme en ligne pour identifier des auteurs de crimes de guerre [13].

Collabos

Principalement dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie puis libérés, les crimes de guerre ont exacerbé les désirs de vengeance. Arte a diffusé un reportage [14] sur la traque, en Ukraine, des collaborateurs qui ont renseigné les troupes russes pour cibler les bombardements, dénoncé les activistes ukrainiens, diffusé de la propagande de l’envahisseur ou qui sont simplement restés à leurs postes de fonctionnaires.

Des hommes en armes font du porte-à-porte pour obliger les habitants à dévoiler le contenu de leurs téléphones et les inciter à dénoncer leurs voisins prorusses. Ailleurs, des aveux sont extorqués sous la torture.

Pour protéger sa fille adolescente, une femme a subi des viols par des Russes. Accusée de collaboration, ses fenêtres sont brisées et sa maison pillée. Le visage de sa fille est tailladé. Celle-ci meurt sous les roues d’un train. L’enquête conclut au suicide, en contradiction avec le témoignage du conducteur.

Un avocat, d’abord dénoncé aux Russes comme nazi, a ensuite été traité de collabo. Depuis, il défend les accusés de collaboration pour que l’état de droit soit respecté en Ukraine. Conspué comme « avocat du diable », les freins de sa voiture ont été sabotés.

Réfractaires ukrainiens

Certains volontaires combattent depuis le début de l’invasion et n’ont obtenu que deux permissions de dix jours. Leurs épouses manifestent régulièrement pour leur démobilisation après dix-huit mois au front et leur relève. Elles pensent que si la mobilisation n’était plus illimitée, les volontaires seraient plus nombreux. Elles souhaitent que les réfractaires rendent des comptes après la guerre.

Arte a consacré un reportage à des réfractaires [15]. On y voit des insoumis raflés en pleine rue et dans une station de ski. Pour éviter la guerre, 700 000 hommes se sont exilés, souvent grâce à des documents obtenus par corruption pour 5 à 8 000 dollars. Les garde-frontières en ont arrêté 5 000 en 2023. Ils utilisent des drones qui indiquent si les personnes repérées sont armées. Une vingtaine de fuyards se sont noyés dans la rivière frontière avec la Moldavie.

Après un dernier bain dans la mer Noire à deux degrés, deux musiciens d’Odessa se préparent à fuir clandestinement en Moldavie. Ils estiment leur survie bénéfique à la future culture ukrainienne. Ils dénoncent le régime et l’agression de Poutine. Ils sont désolés pour les soldats tués ou blessés mais estiment que ce n’est pas la faute de ceux qui veulent vivre. Sur le front, ils tueraient dix Russes et seraient tués par le onzième. À quoi bon ?

Quel accueil leur sera réservé s’ils reviennent un jour en Ukraine ? « Quand la situation changera, les médias et le discours social changeront aussi. Le jour où on verra émerger un nouveau récit qui appellera à bâtir un monde meilleur, à construire au lieu de se battre et de détruire, alors la société sera prête à notre retour. Dans l’immédiat, on va voyager. C’est génial de n’avoir aucune attache. On sera des hommes libres, des citoyens du Monde, des cosmopolites. »

Après le reportage, ils ont envoyé une vidéo d’un concert donné dans la capitale moldave. Prochain objectif : Paris.

Comme en Russie et en Biélorussie, et en contradiction avec les conventions internationales, le droit constitutionnel à l’objection de conscience est suspendu.

Un objecteur de conscience chrétien a été condamné à trois mois de prison fermes. Pour lui, le respect de la vie est une valeur essentielle. Il est facteur pour un salaire de la moitié de la valeur du précédent. Il vit dans un foyer de réfugiés de l’intérieur. Ses voisines, réfugiées de Kherson, ont des proches au front et voudraient qu’il soit viré du foyer. Elles jugent qu’il a du sang de navet et pas de cervelle.

À Kiev, le leader du Mouvement pacifiste ukrainien a laissé son avis d’incorporation dans sa boîte à lettres. Il condamne Poutine mais s’attire des reproches car il réclame des négociations. À son arrivée au tribunal, une alerte retarde son audience. Son assignation à domicile la nuit [16] est prolongée.

La santé mentale en temps de guerre

On verra beaucoup de suicides, des gens plus violents susceptibles de commettre des crimes et, concernant les enfants, une nouvelle génération traumatisée. Seule une petite partie de la population sera en état de travailler. », anticipe une psychologue, au sein d’un centre de thérapie qui soigne gratuitement des militaires et des civils à Kiev. « Aller voir un psy ne fait pas partie de notre culture. Quand je propose mon aide aux déplacés de Marioupol, ils me disent "Vous pensez qu’on est fous ? On n’a pas besoin de vos services, on va très bien !" »

Selon certaines prévisions scientifiques, 30 à 50 % des Ukrainiens développeront du stress post-traumatique. « Personne ne mentionne jamais ce problème, mais on a besoin de psychologues pour aider les psychologues, éprouvés eux aussi [17]. »

« Après deux années de guerre, nous sommes tous dans un état de vertige et de confusion. Je suis certaine que toute la société est en proie à des troubles psychologiques. Imaginez à quel point la santé mentale d’un pays entier va se trouver bouleversée par ces années de guerre ! Sans compter les dizaines de milliers de combattant(e)s qui vont revenir victimes de stress post-traumatique. La violence dans les rues, la violence dans les foyers, l’alcoolisme, les suicides, les maux fantômes, les obsessions et les émotions aiguës inexplicables, quels seront les symptômes et les conséquences de tout cela ? Comment pourront-ils élever leurs enfants ? Que va devenir notre société post guerre ? », interroge Sasha Kurovska, enseignante de français à Kiev [18].

Des chiffres sinistres

Selon l’ONU, plus de 10 000 civils ont été tués dont 560 enfants.

Selon le gouvernement ukrainien, 3 790 institutions scolaires sont détruites ou endommagées.

14,6 millions d’Ukrainiens auront besoin d’aide humanitaire.

Selon le New-York Times, 500 000 militaires des deux camps ont été tués ou blessés, soit 120 000 morts russes sur 300 000 victimes et 70 000 Ukrainiens sur 200 000. Ces chiffres sont manipulés par la propagande des deux pays. Le 25 février 2024, V. Zelensky a fait état de 31 000 soldats ukrainiens tués. Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’Otan, rappelle « En Afghanistan, l’armée soviétique avait perdu une quinzaine de milliers d’hommes en dix ans [19]. »

3,7 millions d’Ukrainiens ont perdu leur maison.

Plus de 14 millions de personnes ont fui l’Ukraine durant les deux années écoulées depuis l’invasion russe en 2022, dont près de 6,5 millions sont encore réfugiées à l’étranger, a annoncé l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations unies [20].

Avant l’invasion, l’Ukraine comptait peut-être 41 millions d’habitants. La fécondité était, en 2023, de 0,9 enfant par femme. Dans le territoire resté sous le contrôle ukrainien, il ne reste que 31,1 millions de personnes. La baisse est due aux militaires tués, disparus ou prisonniers, aux victimes civiles, aux déplacements forcés par l’armée russe, aux enfants séparés de leurs parents et envoyés en Russie et aux 6 millions de civils réfugiés à l’étranger [21], dont 1,1 million en Allemagne, 956 000 en Pologne, 373 000 en République tchèque, 194 000 en Espagne, 161 000 en Italie et seulement 65 000 en France [22].

Témoignages d’écrivains ukrainiens

Andreï Kourkov

Des soldats ukrainiens ramènent du front des armes, prises à l’ennemi, qui entrent dans des réseaux criminels. Un prêtre orthodoxe de l’Église d’obédience russe cachait dans une église en construction des lance-grenades, 7 000 cartouches de Kalachnikov, un fusil d’assaut, une mitrailleuse et des grenades à fragmentation. Un reportage d’Arte relate aussi les trafics d’armes autour du conflit. On y interviewe des spéculateurs qui achètent des blindés et les revendent en Ukraine avec de superprofits [23].

Une ancienne députée de la Rada a déclaré que les soldats ukrainiens russophones n’étaient pas Ukrainiens. Elle s’est attiré la réponse d’une combattante : « Votre position et vos déclarations, ce ne sont des conneries. Je le dis, pour m’être toujours exprimée en ukrainien quand j’étais prisonnière et pour avoir, pendant trois ans, défendu l’Ukraine avec des héros qui parlaient l’ukrainien, le russe, le géorgien, le biélorusse, le polonais, l’anglais et une dizaine d’autres langues. »

Des postes de contrôle permettent au commissariat militaire de remettre des ordres de mobilisation. De crainte d’être raflés, les automobilistes circulent moins [24]. Les conducteurs de transports en communs sont recrutés car ils font défaut au front, ce qui entraîne la détérioration des transports publics [25].

Sofia Andrukhovych

Dans ses nombreux voyages à l’étranger comme porte-parole de ses concitoyens, Sofia Andrukhovych éprouve plus de stress que pendant les alarmes en Ukraine. Elle réagit exagérément à des bruits inattendus.

Elle raconte les divisions entre les familles de mobilisés qui attendent la relève et ceux qui évitent l’armée, entre le front et ceux de l’arrière, ente les exilés et ceux qui sont restés [26].

Andryi Lyubka

[Au passage de l’enterrement d’un soldat mort au front,] « Il est plus commode de détourner les yeux ou de se réfugier dans le magasin le plus proche, pour éviter de voir en face la mort d’un homme qui a payé de sa vie.
Ne vous hâtez pas de juger ces gens. Ils ne sont ni cyniques ni endurcis. C’est juste qu’il y a eu tellement de morts, de souffrance et de malheur pendant ces deux années, que les larmes se sont taries, les émotions ont perdu leur intensité, et, si le choc qui accompagne chaque nouvelle tragique nous paralyse toujours, il se dissipe rapidement. Parce que nous devons serrer les poings et continuer à vivre. On peut aisément devenir fou à cause de cet afflux d’émotions et de tracas, et il m’arrive parfois de penser que nous sommes tous devenus fous, collectivement. »

« Tous les jours nous vivons dans un tel tourbillon d’histoires que la fiction ne peut que capituler devant la réalité. Aucun roman ne peut soutenir la comparaison avec le flux de sujets quotidiens des Ukrainiens ordinaires. Je n’écris donc aucune œuvre de fiction. […]
Parce que la seule fonction de la littérature ukrainienne aujourd’hui, c’est de témoigner, de raconter la destinée, de fixer les crimes. […]
En deux ans, nous nous sommes habitués à la guerre et aux tragédies, nous avons commencé à les considérer comme une nouvelle normalité, notre nouvel ordinaire. Et c’est sans doute ça qui est le plus terrible [27]. »

Louis Gautier

Louis Gautier, ancien directeur du SGDSN (Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale), spécialiste des questions de défense et directeur de la chaire Grands enjeux stratégiques contemporains de Paris I Panthéon-Sorbonne répond au Monde [28] :

  • Entrons-nous dans une nouvelle réalité stratégique où la guerre deviendrait une solution parmi d’autres pour des puissances désinhibées ?
  • Nos propres interventions en Afghanistan et en Irak ont sans doute favorisé cette désinhibition Cela dit, l’emploi de la force armée pour parvenir à ses fins n’est jamais une solution comme les autres. […] Quel est le bénéfice pour l’Arabie saoudite de ses actions militaires au Yémen ? Et demain, même si la Russie conservait le Donbass et la Crimée, pourquoi tant de vies sacrifiées et de richesses perdues pour détenir in fine ce qui, pour l’essentiel, avait été acquis en 2014 par des actions indirectes plus économes de moyens ?
    Le succès des armes suffit rarement à atteindre des buts politiques. Cette leçon devrait rationnellement être tirée, de Pékin à Washington, sauf que ni la raison ni la justice n’ont jamais fermé les sentiers de la guerre. Seul l’équilibre des rapports de force et des mécanismes efficaces de sécurité collective peut brider la tentation du passage à l’acte Or, l’Europe, dont la détermination avait été testée en 2008 avec l’attaque de la Géorgie, puis lors de l’annexion de la Crimée en 2014, apparaissait trop faible à Poutine en 2022 pour être prise au sérieux.

Biélorussie

Depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, les citoyens biélorusses ont « activement manifesté une position anti-guerre », écrit le centre des droits de l’homme Viasna. Selon les estimations, au moins 1 671 personnes ont été arrêtées pour avoir manifesté contre la guerre, dont 94 ont été reconnues coupables d’accusations criminelles pour une peine allant de un à 23 ans.

Viasna rappelle que depuis le début de la guerre, les « Partisans du rail » ont désactivé du matériel ferroviaire afin de gêner les transports militaires que la Russie fait circuler à travers la Biélorussie. Actuellement, 13 personnes ont été reconnues coupables et condamnées au total à près de 200 ans de prison [29].

La mort d’Alexeï Navalny

Le 16 février 2024, jour de la mort d’Alexeï Navalny, le dissident russe Oleg Orlov, membre de l’ONG Memorial, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2022, comparaissait devant un tribunal pour avoir dénoncé à plusieurs reprises l’invasion de l’Ukraine. Il a déclaré : « Je ne plaide pas coupable et l’accusation m’est incompréhensible. Il n’est pas clair que quelqu’un puisse me poursuivre ou poursuivre quelqu’un d’autre pour avoir exprimé ses opinions. L’article 29 de la Constitution de la Fédération de Russie garantit à chacun la liberté de pensée et d’expression. […]
Dans ces conditions, je refuse d’interroger les témoins à charge et les soi-disant experts. Je refuse également […] de participer au débat. Je me réserve le droit de ne prononcer que les derniers mots. […]
Pour prendre cette décision, je m’appuie sur l’expérience du comportement de certains militants des droits de l’homme de l’ère soviétique : Tatiana Velikanova, Sergei Kovalev, Alexander Podrabinek, Viatcheslav Bakhmin et d’autres qui ont refusé de participer à des procès manifestement inéquitables. Merci à eux pour leur exemple. » Après cela, il s’est plongé dans la lecture de Kafka [30].

Sortant de la première audience, il s’est indigné à l’annonce de la mort de l’opposant Alexeï Navalny, parlant d’« un crime du régime » de Vladimir Poutine. Des jugements similaires ont été prononcés par de nombreux commentateurs gouvernementaux ou institutionnels non inféodés à Moscou.

Alexeï Navalny avait fondé une association qui dénonçait la corruption et s’opposait à Vladimir Poutine depuis quinze ans. En 2020, il avait été victime d’une tentative d’empoisonnement, mais avait choisi de revenir en Russie en 2021. Il avait été immédiatement arrêté puis envoyé dans un camp de travail. En août 2023, après plusieurs procès, il a été condamné à dix-neuf ans de prison pour « extrémisme », puis envoyé en détention au nord du cercle arctique au mois de décembre, d’où il dénonçait ses conditions de détention, une « niche de chien froide et humide, sans aération », avait-il décrit. Depuis 2021, il avait passé un tiers du temps au mitard sous des prétexte fallacieux.

« Il aurait pu demeurer à l’étranger, où il aurait été salué comme la plus puissante des voix s’élevant contre la verticale du pouvoir qui gouverne la Russie depuis plus de vingt ans. Il a choisi de revenir, sachant pertinemment que son destin le conduirait en prison, voire à une mort prématurée. », commente le journal italien Corriere della Sera [31]. « Tout ira bien et si ce n’est pas le cas, nous aurons au moins la consolation d’avoir vécu honnêtement. », avait-il écrit avant son départ [32].

Le matin de décès de Navalny, la police perquisitionnait chez des citoyens qui avaient offert des dons au Fonds de lutte contre la corruption, créé par l’opposant [33].

Des manifestations ont eu lieu dans de nombreux pays. En Russie, 128 mémoriaux, constitués de fleurs, de photos et de bougies, ont été créés près des monuments dédiés aux victimes de la répression politique. Ils sont systématiquement détruits par les pouvoirs publics. Le lendemain du décès, plus de 400 manifestants avaient été arrêtés dans 36 villes, dont au moins 143 à Saint-Pétersbourg [34]. Dans cette ville, l’évêque de l’Église apostolique orthodoxe Grigori Mikhnov-Vaiteko a été arrêté, alors qu’il allait célébrer un service commémoratif pour Navalny. L’Église orthodoxe russe appelle la population à ignorer ses déclarations. Le prêtre a ensuite été transféré du commissariat à un hôpital pour un accident vasculaire cérébral [35]. Un autre prêtre a dirigé le service, sous la surveillance policière [36].

Cérémonie religieuse pour Navalny

Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella a déclaré « C’est une nouvelle tragique pour tous les défenseurs des droits humains et des libertés fondamentales. » En 2021, interrogé sur Navalny dans l’émission « Les 4 Vérités » sur France 2, il avait répondu : « Je ne me mets pas à la place de la justice, je ne fais pas de l’ingérence dans la vie d’un État étranger [37]. »

Ksenia Fadeïva, ancienne dirigeante de l’équipe de Navalny, a été condamnée, en décembre 2023, à neuf ans de détention.

La peine de mort a été abrogée en Russie. Pourtant Navalny appartient à une longue liste d’opposants assassinés dont :

  • Iouri Chtchekotchikhine, rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, enquête sur le crime organisé et la corruption. Il meurt empoisonné.
  • Sergueï Iouchenkov, colonel et parlementaire, fait campagne pour abolir la conscription, réduire la taille de l’armée et protéger les droits du personnel militaire victime d’abus et de bizutage. Il dénonce les guerres illégales de Tchétchénie. Il est assassiné d’une rafale de mitraillette quelques heures après l’enregistrement de son parti politique.
  • Sergueï Skripal, agent double pour les services britanniques, survit avec sa fille à un empoisonnement.
  • Alexandre Litvinenko, ancien agent des services secrets, réfugié en Grande-Bretagne, meurt empoisonné.
  • Artiom Borovik, journaliste d’investigation, meurt dans un accident d’avion.
  • Le général Alexandre Lebed dénonce la mafia, la corruption des personnalités politiques de son pays, ainsi que la disparition d’une centaine de valises nucléaires et « la mainmise du pouvoir russe » sur les attentats de 1999. Il meurt dans un accident d’hélicoptère.
  • Anna Politkovskaïa, journaliste d’investigation à Novaïa Gazeta, subit un empoisonnement et meurt mitraillée.
  • Boris Nemstov soutient Navalny et dénonce l’annexion illégale de l’Ukraine. Il est abattu de quatre balles dans le dos.
  • Vladimir Kara-Mourza soutient Nemstov et condamne l’invasion de l’Ukraine. Il survit à deux tentatives d’empoisonnement. Il est condamné à vingt-cinq ans d’emprisonnement [38].

À cette liste, il faut ajouter les condamnés emprisonnés dans des conditions indignes et laissés sans soins, comme Sasha Skochilenko, les opposants torturés et les victimes de viols.

Evgueni Prigojine et l’état-major de Wagner ont été abattus en plein vol mais ils n’étaient pas des opposants comparables aux précédents. Au contraire, ils surenchérissaient sur l’idéologie et les méthodes de Poutine.

Après s’être fait connaître grâce à deux affaires d’envergure, le crash de l’avion de Malaysia Airlines au-dessus de l’Ukraine et l’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal, le site Bellingcat lance l’enquête en août 2020, lorsque l’opposant russe Alexeï Navalny est à son tour empoisonné. Une série à écouter en podcast sur France Culture.

Désinformation

Viginum, l’organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères, révèle un réseau « structuré et coordonné » de 193 sites diffusant de la propagande russe qui ciblent directement les « pays occidentaux qui soutiennent l’Ukraine ». Très orientés idéologiquement, ces contenus exposent des narratifs manifestement inexacts ou trompeurs.

En quatre mois, plus de 150 000 articles ont été publiés, principalement issus de personnalités russes ou prorusses, de contenus d’agences de presse russes, ou de sites d’institutions ou d’acteurs locaux.

Le 22 janvier 2024, Pravda-fr.com a publié une liste de 13 mercenaires français qui, selon ce site, étaient dans le nord-est de l’Ukraine, lors d’une frappe russe ayant éliminé une soixantaine de combattants « dont la plupart étaient des citoyens français » et blessé 20 autres.

L’Agence France Presse a interviewé trois de ces mercenaires présumés et bien vivants. Ce sont des engagés volontaires dans l’armée ukrainienne. L’un d’eux est de retour en France depuis septembre 2023.

Une autre campagne « Matriochka » vise à faire diversion en saturant d’appels les services de presse chargés de détecter les infox [39].

Microsoft s’inquiète des groupes de hackeurs russes, chinois et iraniens, liés à leurs services de renseignements respectifs, utilisant les outils d’intelligence artificielle. La société désigne le groupe Forest Blizzard, lié au GRU, le service de renseignement militaire de la Russie, qui s’attaque aux secteurs de la défense, du transport, de la logistique, de l’énergie, des ONG et des technologies de l’information et recherche ce qui se rapporte aux opérations militaires en Ukraine. Il vise aussi la Pologne et la Géorgie [40].

Le Point consacre un dossier aux « usines à mensonges », à la desinformatsiya dont Staline charge, en 1923, la Guépéou, ancêtre du KGB et de l’actuel FSB. Cette technique s’est industrialisée sous la direction de Prigojine qui employait des centaines de petites mains chargées de rédiger 130 textes quotidiens pour influencer les élections étrangères et déstabiliser des pays dont la France. Le GRU, renseignement militaire, a succédé à l’usine à trolls du chef de Wagner [41].

Népal

La Russie propose à des Népalais de combattre pour un salaire de 2 000 à 4 000 euros mensuel et un processus accéléré pour obtenir un passeport russe. Ce passeport donne accès à bien plus de pays que le népalais.

Les volontaires se rendent d’abord en Russie avec un visa touristique en passant par les Émirats arabes unis ou l’Inde. Après avoir atterri à Moscou, ils se rendent dans un centre de recrutement, où un examen physique est effectué. La formation est minimale.

Un ancien mercenaire témoigne : « Il n’y a pas un seul centimètre de territoire à Bakhmout qui ne soit touché par les bombes. Tous les arbres, arbustes et verdure… ils ont tous disparu. La plupart des maisons ont été détruites. La situation là-bas est si horrible qu’elle donne envie de pleurer. ». « Ce n’est pas bien d’envahir un autre pays. Tout le monde a le droit de vivre. Tous les pays doivent respecter la souveraineté d’un autre pays. Il n’est pas juste que des habitants de n’importe quel pays soient tués d’une manière aussi hideuse. Ce n’est pas juste que des dizaines de milliers de personnes meurent pour l’intérêt de quelques-uns. »

Il avait l’habitude de communiquer avec les officiers russes en utilisant une application de traduction vocale et, bien souvent, simplement par des signaux manuels. La barrière linguistique a joué un grand rôle dans la mort de nombreux Népalais sur les lignes de front, déplore l’ancien combattant. « Parfois, vous ne pouvez même pas comprendre où vous êtes censé aller ni comment y arriver. »

Un autre se souvient « Ce sont les Népalais et d’autres combattants étrangers qui combattent réellement sur le front des zones de guerre. Les Russes se positionnent à quelques centaines de mètres en retrait, en guise de soutien. ». « Certains de mes amis ont été maltraités par le commandant russe lorsqu’ils essayaient d’exprimer leurs inquiétudes. »

Un autre encore : « Après avoir vu des images horribles sur la ligne de front, vu vos amis mourir à côté de vous, réalisé que les chances de survie sont très minces…. vous réalisez alors que l’argent n’en vaut pas la peine. C’est pourquoi je me suis échappé […] Il m’a fallu trois jours pour arriver à Moscou. J’avais peur qu’en allant dans une banque pour retirer de l’argent, je risque de me faire prendre […] Je peux accéder à mon compte bancaire sur mon téléphone, mais je ne sais pas s’il est possible de transférer cet argent à l’étranger. »

Un député népalais d’opposition et ancien ministre des Affaires étrangères a déclaré, le 8 février 2024, devant la chambre haute du parlement du comté qu’entre 14 000 et 15 000 Népalais combattent sur les lignes de front russes, citant les témoignages d’hommes revenant de la zone de guerre. Quatre combattants népalais sont actuellement détenus comme prisonniers de guerre par l’Ukraine.

Des centaines de familles affirment que leurs proches en Russie n’ont pas été en contact depuis plusieurs semaines ou mois.

Environ 2 000 familles ont contacté, en quelques semaines, le responsable d’un groupe de membres de familles d’hommes népalais combattant en Russie pour lui demander de l’aide, soit pour reprendre contact avec leurs proches disparus, soit pour les rapatrier.

Un soldat népalais a décrit ses camarades lors de sa formation militaire comme venant des pays du Sud. Il a cité, entre autres, des Afghans, Indiens, Congolais et des Égyptiens [42].

Confiscation des biens

Le président Poutine a signé une loi prévoyant la confiscation des biens notamment des coupables de fausses nouvelles sur l’armée, de franchissement illégal de la frontière, ou de l’organisation de celui-ci, de défaut d’exécution d’un ordre, de désertion, d’utilisation de moyens de guerre interdits, de pillage et de génocide.

On est donc visé par la loi si on participe à des crimes de guerre, mais aussi si on refuse un ordre criminel ou si on déserte. À moins que les militaires ukrainiens ne soient ciblés [43].

Le chemin du retour

Maria Andreïeva anime « Le chemin du retour », un mouvement de femmes russes qui réclament la démobilisation de leurs proches. Leur canal Telegram national compte plus de 70 000 participantes.

Elles sont lassées de l’indifférence des députés auxquels elles écrivent. « Si les nazis gagnent, ni vous ni moi ne serons plus en vie pour discuter de cela. » a répondu le dirigeant communiste Ziouganov. « Je vous suggère de fermer vos charmantes bouches. » a conclu un gouverneur.

Foulard blanc sur la tête, « pour ne jamais avoir à porter de noir », elles manifestent tous les samedis en fleurissant la tombe du soldat inconnu.

« Si, par malheur, il arrivait quelque chose à mon mari, je m’en voudrais de n’avoir pas fait le maximum pour le sortir de là. », se justifie Maria. Elle s’en veut de l’avoir laissé partir à ce conflit qu’elle qualifie « d’extermination du peuple ukrainien comme du peuple russe ». Elle s’étonne : « Ils n’arrivent pas à ramener nos hommes mais recrutent pour l’Afrique. » « Je n’ai jamais soutenu Poutine, mais quand on m’expliquait, avant, que nous vivions dans un pays totalitaire, je haussais les épaules. » « Beaucoup préfèrent attendre un miracle plutôt que d’être responsables de leur propre vie, ou se battre pour leurs droits. » La prudence l’empêche de dénoncer l’« Opération militaire spéciale ». Dans un reportage elle précise pourtant, les larmes aux yeux, qu’elle voudrait vivre dans un pays sans guerre [44].

« J’ai peur d’avoir d’autres enfants, et surtout un garçon. Tant que mon pays fait la guerre, c’est même une position de principe. Je ne veux pas porter un enfant pour que finalement on me l’arrache et qu’on l’envoie mourir à la guerre. » Depuis le départ de son père, sa fille a presque cessé de parler.

Le pouvoir ne recourt pas aux méthodes les plus brutales contre ces femmes mais tente de les intimider et exerce des menaces sur leurs proches au front [45].

Avis de recherche

Le média d’opposition Meduza a compilé des bases de données du ministère russe de l’Intérieur. 96 752 individus sont recherchés dont plus de 700 étrangers à la Communauté des États indépendants (CEI). Parmi eux, Kaja Kallas, première ministre estonienne. Elle répond : « La Russie a toujours masqué ses politiques répressives derrière une apparence de légalité. Quand ma mère [âgée alors de six mois] et ma grand-mère ont été emmenées, le KGB avait aussi émis un ordre d’arrestation [46]. »

Veuves de guerre

Le gouvernement ukrainien, espérait une guerre courte et que les compensations accordées aux veuves de guerre ne pèseraient pas trop sur le budget. Pour attirer les volontaires, le montant a été fixé à l’équivalent à 370 000 euros. Cette somme, importante pour le pays, est à partager avec les parents et les enfants. En plus de leur chagrin, les bénéficiaires souffrent de la jalousie des voisins et des veuves des soldats morts avant 2022 qui avaient reçu vingt-trois fois moins. Des belles-mères minimisent la douleur des veuves par rapport à la leur [47].

Manifestation contre les mobilisations

Dans le village de Kosmach, la « capitale des chemises brodées », dans l’ouest de l’Ukraine, un conflit a éclaté au sujet de la remise des convocations de mobilisation aux résidents locaux.

Le 5 février 2024, les villageois ont empêché des militaires d’emmener un père de famille nombreuse et un handicapé.

Le lendemain, une centaine d’habitantes, inquiètes d’une rumeur de mobilisations forcées, ont bloqué une route à la recherche d’employés du Centre de recrutement territorial. Une femme et sa fillette, interceptées par erreur, ont été molestées.

Les autorités ont organisé une réunion houleuse de deux cents personnes [48].

Les données du champ de bataille, sources de profit

« L’ampleur des combats et le grand nombre de systèmes d’armes et de capteurs de haute technologie déployés ont généré une grande quantité de données sur le déroulement des batailles, ainsi que sur le comportement des humains et des machines sous le feu, explique le magazine technologique Wired. Pour les entreprises qui veulent construire la prochaine génération d’armes, [...] cela représente une ressource d’une valeur inestimable. »

« Vous n’imaginez même pas le nombre d’entreprises étrangères [de la défense] qui utilisent déjà l’Ukraine comme un terrain d’essai pour leurs produits : des spécialistes de l’IA comme Clearview et Palantir, les systèmes antibrouillage... Tout ce qui a un composant logiciel se trouve actuellement en Ukraine », déclare Alex Bornyakov, le vice-ministre ukrainien chargé de la transformation numérique. « Ces données ne sont certainement pas à vendre », précise-t-il. « Elles ne sont disponibles que si vous offrez une forme de coopération gagnant-gagnant. »

Proche de la CIA, en relation avec la DGSI en France, fondée par un soutien de Donald Trump, l’entreprise Palantir, spécialiste américaine du big data sécuritaire, s’est forgée une réputation sulfureuse en signant des contrats de surveillance avec les armées et polices du monde entier [49].

Dès juin 2022, Alex Karp, son PDG, s’est rendu en Ukraine pour rencontrer le président Volodymyr Zelensky. Il répondait à l’appel du ministre ukrainien de la Transformation numérique Mykhaïlo Fedorov, qui a invité les entreprises occidentales de la tech à venir tester leurs solutions sur les champs de bataille du pays.

« Son logiciel, qui utilise l’IA pour analyser les images satellite, les données open source, les images des drones et les rapports au sol pour suggérer aux commandants des options militaires, est responsable de la plupart des ciblages en Ukraine. », déclare le PDG au Time.

Kiev ambitionne d’utiliser ces données pour renforcer sa propre industrie de la défense, afin de disposer d’équipements mieux adaptées à ses besoins (ou de les vendre « une fois la guerre terminée ») [50].

« Microsoft, Amazon, Google et Starlink ont travaillé à protéger l’Ukraine des cyberattaques russes, à migrer les données gouvernementales critiques vers le cloud et à maintenir le pays connecté, engageant des centaines de millions de dollars », rappelle Time [51].

Atteintes au droit du travail en Ukraine

« La guerre pousse l’Ukraine sur une pente néolibérale très néfaste, estime Vitaliy Dudin, spécialiste du droit social et membre de l’ONG Mouvement social. Le gouvernement veut rendre le pays plus attractif aux investisseurs en détricotant le droit du travail. [… La loi martiale] donne un pouvoir écrasant aux employeurs, marginalise les syndicats et a suspendu l’inspection du travail. » En janvier 2024, un texte gouvernemental prévoit de faciliter les licenciements et un triplement du plafond des heures supplémentaires [52].

Notre arme, c’est la culture

En temps de guerre, l’écrivain ukrainien Andreï Kourkov, auteur des Abeilles grises, n’arrive plus à créer des fictions. « Poutine ma volé ma capacité à m’extraire du quotidien. », déplore-t-il. « Peut-être aussi parce que ces jours-ci la réalité dépasse la fiction. »

« Qui pourrait ne pas avoir peur ? Nous affrontons un ennemi d’une cruauté sans limite. Il tue. Des civils, des jeunes appelés… Cette peur est légitime. Cela ne veut pas dire que les jeunes qui n’ont pas envie de rejoindre l’armée sont des traîtres ou des déserteurs. Je comprends le père de famille qui n’a pas envie de voir son fils de 20 ans partir au front, l’entrepreneur qui cache son salarié dans un coin de l’usine et les villageois qui protègent leurs enfants parce qu’ils ne veulent pas remplir leur cimetière. Ils ne contestent pas la légitimité de la guerre. C’est la grande différence avec la Russie : nous sommes une société démocratique. […] Les jeunes Russes de la classe moyenne et supérieure fuient le pays par brassées entières pour ne pas porter l’uniforme russe. »

« Le pays a perdu 3 à 4 millions de femmes et d’enfants dans l’exil. Les enfants font des études en Europe, ils grandissent loin de leur pays, apprennent une nouvelle langue, vivent dans des familles éclatées par la guerre. Reviendront-ils un jour ? Si la guerre dure, entre les soldats tombés au front et les jeunes exilés, c’est toute une génération qui manquera. Or ce sont ces forces vives qui devront reconstruire le pays… »

« Hier, la propagande russe voulait faire croire que Prigojine, un criminel, avait cherché à s’emparer du Kremlin ! Mais les criminels sont déjà au pouvoir. Et Prigojine était au cœur de cet État criminel. [… Les] troupes de Wagner composées de mercenaires et de voyous, elles reviennent dans les villages russes couvertes de médailles et d’argent. Les hommes de Wagner font des conférences et sont traités comme des héros par les écoliers. La culture criminelle devient la norme. Je peux être un voleur, un violeur, un trafiquant ou un criminel et recevoir tous les honneurs. […] Dans le même temps, les écrivains russes sont chassés les uns après les autres. Il n’est plus possible, sauf à risquer quinze ans de prison, de dire qu’on est contre cette guerre [53]. »

Duccio Belugi-Vannucini et Thomas Briat ont filmé Ariane Mnouchkine et un groupe de comédiens du Théâtre du Soleil animant, à Kyiv, un atelier théâtral pour de jeunes Ukrainiens. Ceux-ci, formés uniquement à la création du personnage selon la méthode de Stanislavski, découvrent avec bonheur les techniques d’improvisation et y mêlent leurs préoccupations de citoyens en guerre. « Notre arme, c’est le théâtre », explique A. Mnouchkine. C’est aussi par la culture que le pays sera reconstruit [54].

Barrage de Kakhovka

Le 6 juin 2023, le barrage ukrainien de Kakhovka, sur le Dniepr, alors sous occupation russe, a été détruit. Depuis, le fond du réservoir a été envahi en quelques mois d’une importante végétation. Des saules et des peupliers y atteignent la taille d’homme. Le directeur du Groupe ukrainien de défense de la nature s’insurge contre la reconstruction du barrage qui détruirait des millions d’arbres, un écocide à ses yeux [55].

Contournement des sanctions contre la Russie

Malgré dix ans de sanctions contre la Russie, des experts ukrainiens trouvent des capteurs français sur des drones russes fabriqués en 2023 et abattus en janvier 2024. Son fabricant, Lynred [56], rejette la responsabilité sur des intermédiaires de la Russie et affirme avoir vendu ce capteur à un client non-russe. Des puces destinées à un usage civil peuvent être utilisées à des fins militaires. Pour contourner l’embargo, la Russie passe par des sociétés installées en Chine, au Kazakhstan ou au Kirghizstan, selon le directeur du laboratoire de recherche militaire de Kiev [57].

Les données classifiées des services douaniers russes obtenues par Bloomberg [58] montrent que plus de la moitié des semi-conducteurs et circuits intégrés importés au cours des neuf premiers mois de 2023 ont été fabriqués par des entreprises américaines et européennes. Ils ont dépassé le milliard de dollars.

Chris Miller, historien de l’économie soviétique et russe et auteur de Chip War : The Global Battle for Critical Technologies, explique « Avant la guerre, la Russie produisait une quantité assez faible de puces. Aujourd’hui, en raison de la production militaire, la demande a considérablement augmenté, mais je n’ai vu aucune preuve que la production [en Russie] ait augmenté de manière significative. […]
Une part importante des puces utilisées dans presque tous les types de production mondiale sont fabriquées à Taiwan. […] La plus grande entreprise [de Russie], Micron, produit moins de 1 % du nombre de puces produites par la plus grande entreprise de Taiwan.
Les machines avancées nécessaires à la fabrication des puces sont produites par des entreprises américaines, japonaises et européennes. Mon analyse des données russes montre que le pays a importé au moins cinq outils de fabrication de puces depuis le début de la guerre, un nombre relativement faible. La Russie est également obligée d’importer de l’Occident des pièces de rechange pour les équipements de production de puces, ce qu’elle réussit à faire, même si Washington tente de renforcer les sanctions pour empêcher cela.
La Russie importe encore beaucoup de puces. Il s’agit principalement de puces occidentales, japonaises ou sud-coréennes. La Chine est devenue la première source d’importations : la plupart des puces achetées par la Russie, qui sont en réalité produites dans les pays du G7, en Corée et à Taiwan, transitent par elle. Il y a un petit commerce avec la Turquie, une petite partie passe par l’Asie centrale et il y a une contrebande directement depuis l’Europe - également petite. […]
Un changement aussi important dans la structure du commerce extérieur, comme une réorientation vers la Chine, a provoqué des retards d’approvisionnement et il y a probablement eu des périodes où la Russie n’avait pas tout ce dont elle avait besoin [59]. »

Rejet de la candidature de Boris Nadejdine

Sans surprise, la candidature de Boris Nadejdine, à l’élection présidentielle russe a été rejetée. Il était le seul opposant à la guerre mais il était défavorable à la restitution de la Crimée à l’Ukraine [60].

Plus de soixante imprimeries ont refusé d’imprimer son journal. Après le rejet de sa candidature, en Oudmourtie, 400 000 exemplaires de celui-ci ont été confisqués pour extrémisme [61].

Le candidat du parti du Peuple Nouveau, Vladislav Davankov, propose à Nadejdine d’inclure des éléments de son programme dans le sien [62].

Ne chatouillez pas les statues !

En juillet 2023, Alena Agafonova a posté sur ses réseaux sociaux une vidéo dans laquelle, debout au pied du monument « Les appels de la patrie » à Volgograd, elle « chatouille » la poitrine de la sculpture avec ses doigts en l’air et fredonne un air de cirque.

Une commission d’enquête a estimé qu’elle « avait mené des actions immorales et cyniques qui insultaient le symbole du courage du peuple soviétique pendant la Grande Guerre patriotique ».

Accusée de réhabilitation du nazisme et de profanation d’un lieu de sépulture, elle a été arrêtée et risque jusqu’à cinq ans de prison [63].

Résistance culturelle

Odessa, port ukrainien sur la mer Noire. « C’est une ville russe, nous le savons tous », a prétendu Vladimir Poutine en décembre 2023. Ce n’est pas l’avis unanime.

La statue de la tsarine Catherine II, fondatrice de la ville, a été déboulonnée en décembre 2022, comme symbole de l’expansionnisme russe. La pop russe est remplacée dans les lieux publics par des tubes anglo-saxons. « Il y deux cents rues à rebaptiser. », annonce un député municipal. Des amendes sont infligées pour un menu de restaurant rédigé uniquement en russe ou un discours dans la même langue.

Neuf femmes, la plupart retraitées, originaires d’Azerbaïdjan, de Moldavie, de Bulgarie et même de Russie. Elles ont toujours vécu à Odessa et sont russophones. Deux fois par semaine elles suivent des cours d’ukrainien. « Nous nous sommes réveillées avec la guerre, le 24 février 2022, et nous faisons de notre mieux pour nous séparer de la Russie », assurent-elles.

Au musée de la Littérature, une guide, perplexe, regrette : « Les autorités nous disent : "Débarrassez-vous de Pouchkine, de son musée, de tout !" Mais comment ? Il appartient à la littérature mondiale. » « La culture n’a rien à voir avec la guerre », ajoute une passante.

La guide commence sa visite en russe et se reprend quand on lui demande de parler en ukrainien. À la sortie de l’opéra, une mélomane s’émeut de l’absence des musiciens russes au programme. « Il s’agit de la musique du monde, les jeunes ont besoin de la connaître [64]. »

Mobilisation en Ukraine

La loi sur la mobilisation est en débat en Ukraine et les controverses sont nombreuses.

En 2021, l’Ukraine comptait douze millions d’hommes entre 18 et 60 ans, c’est-à-dire en âge d’être mobilisés. Mais près de 9,5 millions ont plus de trente ans, en raison de la chute des naissances des années 1990. Faut-il mobiliser les plus jeunes, au risque d’augmenter la crise démographique ?

Un million et demi d’Ukrainiens vivaient en permanence dans l’UE avant l’invasion. Depuis, 650 000 hommes mobilisables ont rejoint l’Europe. Oleksandr Pavlichenko, directeur exécutif de l’Union ukrainienne pour les droits de l’Homme alerte : « Certains ont des entreprises en Ukraine, payent des impôts. Je ne pense pas que cela les incitera à revenir, au contraire, cela les poussera à rompre les liens avec l’Ukraine [65]. »

Échange de prisonniers

Les négociations pour l’échange de prisonniers sont difficiles. Des pays tiers peuvent y participer comme les Émirats arabes unis. Plus de 8 000 ressortissants ukrainiens sont toujours en captivité en Russie, dont plus de 1 600 civils, mais il y a des dizaines de milliers de disparus.

Le 8 février 2024, L’Ukraine et la Russie ont échangé cent prisonniers de chaque pays. 87 Ukrainiens sont des défenseurs de Marioupol, en captivité depuis plus de vingt mois. En général, 90 % des prisonniers ukrainiens libérés ont été torturés et subissent des séquelles psychologiques. Les blessés sont mal soignés, ils sont sous-alimentés. Après un long voyage, ils descendent hébétés des autobus. Ils reçoivent un téléphone pour appeler leurs proches.

Avertis par la rumeur, les villageois agitent leurs drapeaux le long des routes pour accueillir leurs compatriotes sur le chemin de l’hôpital. Un prisonnier apprécie cette solidarité : « Je n’ai jamais vu à la télévision russe que leurs prisonniers libérés étaient accueillis par qui que ce soit, ils les cachent immédiatement. » Un ancien détenu, originaire d’Avdiivka, apprend que sa ville est un champ de ruines.

Une volontaire ukrainienne du Centre de coordination pour le traitement des prisonniers de guerre explique que les Russes amènent des détenus près de la frontière et les autorisent à appeler leurs mères pour leur dire qu’ils sont à la frontière mais que personne en Ukraine ne veut venir les chercher. Cette méthode cruelle incite les proches à manifester auprès du gouvernement ukrainien.

Les prisonniers russes risquent le renvoi immédiat au front. Certains ont déjà été échangés deux ou trois fois. « Ils rentrent tous de manière volontaire, ceux qui ne veulent pas retourner en Russie ne sont pas amenés à l’échange », commente un gradé. En route, un officier leur parle du projet « Je veux vivre » qui permet une reddition en sécurité. « Pour votre commandement, vous aurez été fait prisonnier lors d’opérations de combat, vos familles recevront vos salaires et vous aurez le statut de prisonnier de guerre. » Nourri, au chaud et sous la protection de la convention de Genève. « Ensuite, c’est à vous de choisir, être échangé et rentrer à la maison ou bien rester en Ukraine jusqu’à la fin de la guerre. Ce sera votre décision [66]. »

Dialoguer avec l’ennemi ?

L’Ukraine abat les statues des personnalités russes et boycotte les livres des classiques russes.

Dmitri Mouratov, rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, a mis aux enchères sa médaille de prix Nobel de la paix et récolté 103 millions de dollars au profit de l’Unicef pour les enfants ukrainiens déplacés par la guerre. Il a ensuite subi une agression qui lui a brûlé les yeux. Néanmoins, il a été critiqué en Ukraine pour son discours de réception du Nobel qui débutait par une citation de Pouchkine. « Indécrottable Russe, indécrottablement convaincu que du moment qu’on aime Pouchkine tout ira bien », ironise Emmanuel Carrère. Ce dernier enquête en Ukraine Pour Kometa [67]. Le dialogue entre ennemis est-il possible ?, sinquiète-t-il. Volodymyr Yermolenko, président du PEN Club ukrainien répond : « Les Russes en exil ne peuvent pas s’empêcher de considérer que cette guerre, c’est un malheur qui leur arrive, à eux. Ils savent peut-être, abstraitement, que c’est sur les Ukrainiens que tombent les missiles, mais ça ne les empêche pas de s’apitoyer avant tout sur eux-mêmes, comme ils l’ont toujours fait. À part s’apitoyer, ils font quoi ? Ils viennent se battre à nos côtés ? Ils se battent chez eux contre leur tyran ? Ils surmontent leurs querelles pour essayer de créer un gouvernement en exil, une alternative crédible si Poutine disparaît ? Ils manifestent ? »

Oleksandr Mykhed, écrivain, curateur d’exposition et soldat : « Les libéraux russes veulent peut-être la fin de Poutine, pas celle de l’empire. Même bien intentionnés, ils gardent une position coloniale, supérieure, paternaliste, à l’égard des Ukrainiens. Ils continuent à croire aux pays frères, l’aîné et le cadet un peu rustaud, et si on leur demande à qui appartient la Crimée, ils finassent en disant : “aux gens qui l’habitent”, au lieu de dire “à l’Ukraine”. Est-ce qu’un seul d’entre eux est capable de dire sincèrement : “Je souhaite la défaite de mon pays, la plus cuisante possible, suivie d’un procès de Nuremberg” ? Aucun. […] Tant qu’il y aura un seul soldat russe sur le sol ukrainien, je n’aurai aucune envie de dialoguer avec eux. »

Le philosophe Verkhtang Kebulazé est encore plus radical : « Poutine est l’ennemi de notre présent, les libéraux russes sont ceux de notre avenir. »

Le compte-rendu par Meduza [68] de la « Rencontre des personnes déclarées par le Kremlin comme agents étrangers », à Berlin les 2 et 3 février 2024, et de ses querelles n’encourage pas à plus d’optimisme.

Dans le même numéro de Kometa, Timothy Snyder, professeur américain d’histoire à Yale, spécialiste de l’histoire d’Europe centrale et orientale, explique qu’en 2022, « Les Russes conquièrent, détruisent et occupent les territoires où le sentiment prorusse était le plus fort. Ils font en sorte, en les torturant, en les violant, en tuant des membres de leur famille, qu’il soit impossible pour ces gens d’être prorusses. » Zelensky et les Ukrainiens « partaient de l’idée qu’il s’agissait de la guerre de Poutine, et non de la guerre de la Russie. Mais le temps passe et malheureusement, ils doivent constater, avec les centaines de milliers de Russes qui viennent envahir leur pays et commettre des crimes de guerre, et avec la popularité constante de Poutine, qu’il s’agit en fait de la guerre de la Russie [69]. »

Anna Colin Lebedev confirme cette analyse : « La rupture paraît d’autant plus violente qu’on n’a pas l’impression d’une animosité avant le début de la guerre en 2014. […] Les Ukrainiens en tiennent pour responsable Vladimir Poutine plus que le Russe ordinaire. Mais l’enthousiasme très large des Russes, bien au-delà des cercles loyaux au pouvoir, sème l’incrédulité côté ukrainien : comment peuvent-ils soutenir une agression armée aussi manifeste contre leur voisin le plus proche ? […] Si on leur ouvre les yeux, il y aura une opposition à cette guerre. [Du côté russe], même hypothèse : les Ukrainiens sont manipulés par de fausses informations et des forces extérieures qui leur cachent la vraie nature de leur pouvoir politique. [En 2022], l’idée qu’on pourrait reparler avec l’autre, s’il ouvre les yeux, vole en éclats. Les Ukrainiens disent aux Russes : vous voyez maintenant la vérité, vous ne pouvez plus soutenir votre pouvoir. L’absence de réaction des Russes équivaut pour les Ukrainiens à un soutien à la guerre. Pour eux, on n’est plus dans la désinformation, mais dans un processus plus profond : le mécanisme colonial, l’infériorisation des Ukrainiens. […] La découverte des massacres, comme celui de Boutcha, [est un] signe, pour eux, d’une volonté génocidaire. […]
Il y a une certaine asymétrie de la figure de l’ennemi : un certain nombre de Russes restent indifférents aux Ukrainiens, inconscients de ce qui se joue entre les deux peuples.
[Pour les Ukrainiens], les Russes exilés qui critiquent Poutine de l’étranger ont fait un choix de lâches. Au lieu de se mettre à l’abri, ils auraient dû chercher à renverser le pouvoir ou prendre les armes côté ukrainien.
[…] Une comparaison avec la réconciliation franco-allemande après la guerre serait erronée : ces deux États étaient à statut égal. Ici, la guerre s’inscrit dans une histoire de déni et d’oppression. Les parallèles seraient plutôt à chercher dans des situations de type colonial [70]. »

Aude Merlin souligne le parallèle entre le nazisme dont Moscou stigmatise les Ukrainiens et le terrorisme qui justifie les guerres contre les Tchétchènes, Caucasiens traités par bien des Russes de « culs noirs ». Ramzan Kadyrov, le chef tchétchène poutinien et partisan de l’invasion de l’Ukraine, fait partie des « bons » Tchétchènes, même s’il a introduit des lois contraires à celles de la Fédération de Russie, comme l’autorisation de la polygamie [71].

L’anthropologue Véronique Nahoun-Grappe observe « Il y a toujours un renforcement du « nous » en face d’un ennemi, cela encourage l’entre-soi et le patriotisme [72]. »

Le ministre israélien de la Défense après le massacre perpétré par le Hamas a déclaré « Nous combattons des animaux humains, et nous agissons en conséquence. » L’historien Stéphane Audoin-Rouzeau réagit : « Animaliser l’ennemi, c’est le rejeter de l’humanité. Et, en conséquence, se permettre vis-à-vis de lui des paroles, des gestes, des actes que l’on s’interdirait envers un semblable. Le temps de guerre, le temps du massacre, permet cela [73]. »

Le réalisateur iranien installé en France, Mehran Tamadon va à l’encontre des stigmatisations : « À part le dialogue, on n’a pas le choix. Prendre les armes ? Je ne sais pas faire, et je ne crois pas à la violence, avec laquelle on risque de se transformer en celui qu’on veut combattre. […] Comment tisser un lien avec celui qui me fait peur, qui est de l’autre côté d’un mur idéologique ? C’est ce que je cherche à travers mes films. […] Quand on a tissé du lien avec quelqu’un, c’est plus compliqué de lui faire du mal.
Pour vivre avec l’autre, il n’est pas nécessaire d’être d’accord sur ses idées.
[…] À travers l’expérience du film, les mollahs ont vu qu’un athée qui vit en Occident est traversé par les mêmes questions existentielles qu’eux, qu’il est plus complexe que ce qu’ils se figurent. […]
J’ai dû lutter contre mon ressentiment, afin d’entrer à nouveau en relation avec [les gardiens de la révolution]. Pour que l’autre m’entende, pour qu’il recule, je dois aussi accepter de reculer. Supporter l’idée que, même s’il soutient un pouvoir violent et injuste, il peut avoir raison sur certains points. Si je l’attaque avec la certitude d’être dans le vrai, l’autre s’enferme dans le même geste et il n’y a plus de parole possible. […]
C’est ça, la définition de la démocratie : accepter l’autre, non pas vouloir qu’il change [74]. »

Les films Mon pire ennemi et Là où Dieu n’est pas sont annoncés pour février et mars 2024.

En parallèle du reportage d’Emmanuel Carrère on peut écouter une interview, en français, de lui par l’universitaire et journaliste ukrainienne Tatiana Ogarkova sur le site L’Ukraine, face à la guerre qui donne la parole à des interlocuteurs dignes d’un grand intérêt.

Andrei Medvedev

Andrei Medvedev se présente comme un ancien commandant d’une unité de la milice Wagner. Il affirme que le prisonnier Evgueni Nujine a servi sous son commandement. Après sa désertion, le meurtre de Nujine, à coups de masse, par la milice a été médiatisé. En janvier 2023, Medvedev a franchi la frontière entre la Russie et la Norvège et a demandé l’asile politique. Il affirmait vouloir collaborer avec la justice contre Wagner.

En janvier 2024, les autorités de l’immigration ont refusé l’asile à Medvedev car elles ne le considèrent pas comme un combattant régulier des forces armées russes, qui ne peut être puni pour sa participation à des opérations de combat régulières. En raison des risques de représailles de Wagner, il ne risque pas l’expulsion vers la Russie [75].

Attaques contre les bureaux d’enrôlement militaires

Le service de renseignement du ministère de la défense britannique estime que « la recrudescence des attaques [contre les bureaux d’enrôlement militaire russes] est très probablement due à un sentiment de désaffection à l’égard de la guerre au sein de la population russe », en particulier de ceux qui redoutent une nouvelle vague de mobilisation. Le 22 janvier 2024, les autorités russes ont rapporté qu’il y a eu 220 attaques contre des centres de recrutement militaire depuis le début du conflit. Mediazona fait état de 113 attentats depuis le 26 juillet 2023. Ces statistiques indiquent un doublement de ces derniers en six mois [76].

À Paris

Des Cosaques du sud de l’Oural ont chevauché à travers toute l’Europe sur les talons de Napoléon, en 1814, après sa défaite. De retour, ils ont baptisé des villages en souvenir des villes qu’ils ont fréquentées. C’est le cas de Paris, 1 700 habitants, non loin de la frontière kazakhe. Une antenne en forme de tour Eiffel de 50 mètres est posée au centre du bourg.

Le village a payé un lourd tribut aux guerres. Cinq cents hommes, presque la totalité de la population masculine adulte, ont combattu pendant la Deuxième Guerre mondiale ; la moitié n’est pas revenue. Après l’Afghanistan et la Tchétchénie, c’est maintenant la guerre en Ukraine. Seize habitants ont reçu leur ordre de rejoindre les troupes engagées. Cinq fois plus, en proportion, que la moyenne pour l’ensemble du pays, où l’on annonce 300 000 mobilisés pour 140 millions d’habitants. Quatre engagés volontaires sont décédés. L’État paie au minimum 5 millions de roubles (52 200 euros) aux familles des soldats tués, parfois plus. À Paris, c’est une somme extravagante.

Les villageois se résignent à la guerre. « On voudrait la paix, on voudrait que les relations avec l’Ukraine reviennent comme elles étaient avant. Mais s’il le faut… Nous, nous regardons la télévision, nous écoutons le commandant en chef [Vladimir Poutine]. Ce n’est pas notre travail de décider… »

« Si on m’appelle, j’irai, lance un fermier. Pour défendre ma terre et pour préserver l’avenir de mes enfants. » Un seul autre est sceptique vis-à-vis de « l’opération spéciale ». Il n’a en tout cas « pas envie de mettre [s]a vie entre les mains d’inconnus et d’obéir à des ordres insensés ». Et pourtant, si on l’appelait, il irait. « Où est-ce que je me cacherais ? Comment mes parents supporteraient-ils le regard des voisins ? »

« Ce qui se passe donne un sens à notre vie », dit une retraitée membre d’un petit groupe de volontaires qui cousent des vêtements pour l’armée.

Un petit musée explique aux enfants que le conflit a été « planifié par l’Occident russophobe » dans le but de « prendre le pouvoir en Russie et s’emparer de ses richesses ». L’Ukraine, (« un État bâti sur le mensonge ») s’apprêtait à attaquer « environ deux semaines » après le début de l’« opération spéciale ». Elle cherchait à obtenir l’arme nucléaire et abritait sur son sol des « laboratoires américains d’armes biologiques [77]. »

Femmes de mobilisés

Le 3 février2024, lors d’un des rassemblements organisés chaque samedi sur la place Rouge par des femmes de soldats combattant en Ukraine, lesquelles demandent le retour de leurs maris du front, la police russe a interpellé plus d’une vingtaine de journalistes, dont des étrangers et des militants des droits de l’homme du mouvement For Human Rights [78]. La manifestation avait lieu pour marquer le 500ème jour depuis la mobilisation de septembre 2022 [79].

Russie-Libertés

Extrait d’un communiqué :

Notre association Russie-Libertés a été désignée « indésirable » par le régime de Poutine.
Ainsi nous avons rejoint la liste du ministère de la Justice russe au même titre que WWF, Transparency international, Greenpeace et 129 autres organisations internationales et russes qui œuvrent pour l’intérêt général et représentent la société civile.
Il s’agit d’une énième attaque contre la société civile perpétrée par le Kremlin, qui souhaite mettre la pression sur tous ceux qui se battent pour les droits humains en Russie et contre la guerre criminelle menée par Poutine en Ukraine. Il s’agit aussi d’une attaque contre la France et la société civile française puisque Russie-Libertés est une association Loi 1901, née et officiellement enregistrée en France, en 2012, à Paris. Mais, comme d’autres organisations qui sont dans ce cas, nous n’avons pas peur de ces menaces et allons poursuivre nos activités avec le soutien renforcé de nos partenaires.
Nous y voyons aussi un signe de l’importance du travail accompli par notre association dans notre opposition à l’atroce guerre menée par le Kremlin en Ukraine et notre soutien à la défense des droits et des libertés en Russie.
Mais nous y voyons également un signe de faiblesse de ce régime dictatorial qui craint toute forme de contestation et tente de l’étouffer.

Qu’est-ce qu’une organisation « indésirable » ?
Selon les autorités russes, il s’agit d’une organisation étrangère qui représente une « menace pour la Russie ». En aucun cas, notre association n’est une menace pour la Russie. Au contraire, nous nous battons pour une Russie libre, démocratique et pacifique, respectueuse des droits de ses voisins et de ses propres citoyens.

Vous pouvez réserver ici.

Atesh

Atesh, le feu en langue tatare de Crimée, est un mouvement criméen de résistance à l’occupation russe. Il revendique 1 800 agents. La Russie l’a désigné comme terroriste. Il en existe d’autres, le Ruban jaune et Zla Mavka, les Nymphes furieuses en ukrainien, un groupe de femmes de Melitopol.

Atesh transmet des informations à l’armée ukrainienne. Pour cela, il a soudoyé des officiers russes mécontents de ne pas avoir reçu leur salaire. Par Telegram, il forme ses membres au sabotage.

« Notre but est de détruire l’armée russe de l’intérieur », explique un coordinateur. Il veut même recruter au sein des services secrets russes (FSB). « Nous avons créé le mouvement en septembre 2022, après que Poutine a annoncé une mobilisation accrue. C’était l’occasion de profiter d’une opposition croissante à la guerre. » La persécution accrue des Tatars de Crimée rallie aussi des activistes. « Ils sont enrôlés illégalement dans l’armée d’occupation russe pour faire la guerre à leur propre pays. Des convocations sont même distribuées à la sortie des mosquées. », explique la représentante en Crimée de la présidence ukrainienne [80].

Mobilisation en Ukraine

À partir du 6 février 2024, le Parlement ukrainien doit étudier un projet de loi sur la mobilisation qui passera de 27 à 25 ans et sera limitée à 12 mois pour les combattants. Les sanctions contre les réfractaires seront renforcées. Les parties les plus impopulaires du projet précédent et critiquées par le commissaire aux droits humains ont été retirées. Les réquisitions brutales dans les lieux publics devraient prendre fin.

En prévision de la mobilisation, des jeunes font des stages dans des stands de tir [81].

Formation au droit de la guerre

En décembre 2023, au camp de La Courtine, dans la Creuse, une trentaine de militaires ukrainiens ont suivi une session de formation au droit de la guerre. Ils sont appelés à devenir conseillers juridiques aux opérations des armées pour le respect des conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977, signés par la plupart des pays du monde : l’obligation, par exemple, de distinguer les civils des combattants lors d’une frappe, la nécessité de limiter les dommages collatéraux, ou encore l’interdiction d’achever les blessés.

« Les Ukrainiens sont conscients que le respect du droit international humanitaire est une des conditions du soutien occidental », précise le chef de l’état-major opérationnel du service du commissariat des armées [82].

Répression en Biélorussie

La Biélorussie compte plus de 1 500 prisonniers politiques et de nouvelles arrestations surviennent chaque jour. Radio Liberty a calculé que soutenir matériellement un prisonnier condamné peut coûter plus de 2 000 dollars par an.

Avant les élections législatives prévue le 25 février 2024, plus de 160 personnes ont été arrêtées, interrogées ou ont vu leur domicile fouillé. Les personnes visées sont « des parents et des proches de prisonniers politiques ou d’anciens prisonniers politiques qui ont été récemment libérés et sont restés en Biélorussie », accuse l’ONG Viasna. Svetlana Tsikhanovskaïa, ex-candidate à la présidentielle de 2020, appelle « à ignorer les élections législatives » qui ne « changeront rien à ce qui se passe dans le pays », l’opposition ayant été poussée à l’exil ou emprisonnée.

« Le régime de Loukachenko continue sa déplorable tactique d’intimidation et de répression contre ceux qui le critiquent et contre d’éventuels opposants politiques avant les “élections” de février », a dénoncé le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell.

Après la dissolution de l’URSS, la Biélorussie a transféré ses armes nucléaires à la Russie. En 2023, le pays a accepté le retour d’armes nucléaires russes sur son territoire. Le 16 janvier 2024, le ministre de la Défense a annoncé que le pays allait présenter une nouvelle doctrine militaire prévoyant, pour la première fois, l’utilisation de bombes nucléaires [83].

[1Benoît Vitkine, « Dans l’ex-prison de Navalny, la routine de la torture », Le Monde, 28 février 2024.

[2https://zona.media/chronicle/pamyati-navalnogo, publié et consulté le 19 février 2024.

[4Benoît Vitkine, « Le corps d’Alexeï Navalny embarrasse le pouvoir russe », Le Monde, 20 février 2024.

[6« Les Ukrainiens ont bien des choses à reprocher à Navalny », 21 février 2024.

[7Alain Barluet, « "Big Brother" resserre son étau numérique sur les opposants au Kremlin », Le Figaro, 19 février 2024.

[9Florent Georgesco, « La Lituanie, la Lettonie et l’Estonie subissent les réécritures russes de l’histoire », Le Monde, le 27 février 2024.

[11https://paperpaper.ru/hochu-dozhit-do-togo-kak-etot-morok-zak/, 22 février 2024, consulté le 26 février 2024.

[12Sébastien Julian, « Kiev prépare la note », L’Express, 22 février 2024.

[13C. M., « Pour Stanislav Asseyev, victime de torture, "la justice existe encore" », L’Express, 22 février 2024.

[14Gwenlaouen Le Gouil « "Collabos !", l’Ukraine en guerre face à ses traîtres », 2003, diffusé le 20 février 2024.

[15Karsten Gravert, « Les Ukrainiens fuient le service militaire », https://www.arte.tv/fr/videos/118267-004-A/arte-regards/-, consulté le 25 février 2024.

[16Pierre Barbancey, « Ukraine : Pourquoi Zelensky a fait placer un pacifiste en résidence surveillée », L’Humanité, 12 septembre 2023, consulté le 25 février 2024.

[17Faustine Vincent, « En Ukraine, le traumatisme des civils », Le Monde, 23 février 2024.

[18« Après deux ans de guerre, nous sommes tous dans un état de vertige et de confusion », M, le magazine du Monde, 24 février 2024.

[19Charles Haquet, Béatrice Mathieu et Paul Véronique, « Il faut faire payer Poutine », L’Express, 22 février 2024.

[21Emmanuel Grynszpan et Léa Sanchez, « Un impact catastrophique sur la démographie », Le Monde, 23 février 2024.

[22Thomas Wieder, « L’Allemagne, refuge privilégié des exilés ukrainiens », Le Monde, 23 février 2024.

[23Hugo Van Offel et Martin Boudot, « Ukraine, le coût des armes », 2024, diffusé le 25 février 2024.

[24Thomas d’Istria, « Après deux ans de conflit, l’unité du pays éprouvée », Le Monde, 23 février 2024.

[25« Vie et rêves en temps de guerre », ibidem.

[27Traduction : Alexandre Starinsky, « Nous avons appris à vivre sans faire attention à la mort », Le Monde, 25-26 février 2024.

[28Propos recueillis par Marc Semo et Élise Vincent, « L’Europe n’est pas en guerre, mais le front ukrainien est bien le sien » 23 février 2024.

[30Tatiana Britskaya, https://novayagazeta.ru/articles/2024/02/16/fars-bez-geroia, 16 février 2024, consulté le 17 février 2024.

[32Dov Alfon, « Le prix du courage », Libération, 17-18 février 2024.

[33Boris Vitkine, « La mort de Navalny enterre "le dernier espoir" d’une Russie libre », Le Monde, 18 février 2024.

[34https://ovd.info, consulté le 18 février 2024.

[35https://theins.ru/news/269249, 18 février 2024.

[36https://t.me/paperpaper_ru/44295, 17 février 2024.

[38Laure Mandeville, « Comment Poutine élimine ses opposants dans le sillage sanglant de Lénine et de Staline », Le Figaro, 17-18 février 2024.

[40Nicolas Barotte, « La cyberguérilla russe contre l’Occident », Le Figaro, 17-18 février 2024.

[41Marc Nexon, « De Staline à Prigojine, le "savoir-faire" russe », Le Point, 15 février 2024.

[42Sugam Pokharel, Matthew Chance, Mihir Melwani et Nishant Khanal, https://edition.cnn.com/2024/02/10/asia/nepal-fighters-russia-ukraine-families-intl-cmd, 10 février 2024, consulté le 13 février 2024.

[44France 2, « Envoyé spécial », 15 février 2024.

[45Benoît Vitkine, « Maria Andreïeva veut que son mari rentre en Russie », Le Monde, 15 février 2024.

[46Benoît Vitkine, « La première ministre d’Estonie recherchée par la police russe », Le Monde, 15 février 2024.

[47Faustine Vincent, « Ukraine : l’infinie solitude des veuves de guerre », Le Monde, 14 février 2024.

[52Théophile Simon, « La fin de la guerre, un pari pour les investisseurs étrangers », Libération, 16 février 2024.

[53Propos recueillis par Romain Gubert, Le Point, 15 février 2024.

[54« Au bord de la guerre, Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil à Kyiv », diffusé sur France 5, le 16 février 2024, et disponible en replay.

[55Oleksiy Vassyliouk, « Dans l’Ukraine en guerre, la forêt reprend ses droits », Oukraïnska pravda, 5 octobre 2023, repris par Courrier international, 8 février 2024.

[56Pour en savoir plus : « Guerre en Ukraine : comment la France contourne l’embargo sur la Russie », Les Notes de l’Observatoire n° 7 • juin 2023 • 20 pages

[57S. Perez, C. Cormery, D. Padalka, V. Hyrshko, P. Miette, « Guerre en Ukraine : le laboratoire de recherche militaire de Kiev étudie les armes russes », https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-le-laboratoire-de-recherche-militaire-de-kiev-etudie-les-armes-russes_6351658.html#xtor=CS2-765-%5Bautres%5D-, 7 février 2024, consulté le 8 février 2024.

[62https://www.kommersant.ru/doc/6507359, 10 février 2024, consulté le 11 février 2024.

[64Marc Nexon, « À Odessa, la « dérussification" en marche », Le Point, 8 février 2024.

[65Clara Marchand, « Confrontée à un manque de soldats sur le front, l’Ukraine cherche à élargir la mobilisation », Le Figaro, 12 février 2024.

[66Kristina Berdynskykh, Stéphane Siohan, « Tu es en Ukraine, tout va bien se passer », Libération, 12 février 2024.

[67« Parler avec l’ennemi », Kometa n° 2, Hiver 2024, pp. 60-83.

[68Ioulia Leonkina, agent étrangère elle aussi, https://meduza.io/feature/2024/02/05/tak-kak-ranshe-takie-sobraniya-bolshe-ne-budut-provoditsya-nikogda, 5 février 2024, consulté le 6 février 2024.

[69« Rencontre avec Timothy Snyder », Kometa, op. cit., pp. 126-137.

[70Anna Colin Lebedev, Kometa, op. cit., pp. 150-151.

[71Aude Merlin, Kometa, op. cit., pp. 152-153.

[72Véronique Nahoun-Grappe, Kometa, op. cit., pp. 154-155.

[73Stéphane Audoin-Rouzeau, Kometa, op. cit., pp. 156-157.

[74Mehran Tamadon, Kometa, op. cit., pp. 158-159.

[75Gwladys Fouche, https://www.reuters.com/world/europe/ex-wagner-commander-who-escaped-norway-denied-asylum-2024-02-06/, 6 février 2024, consulté le 7 février 2024.

[76https://twitter.com/DefenceHQ/status/1751495386026414511/photo/1, 28 janvier 2024, consulté le 29 janvier 2024.

[77Benoît Vitkine, « “Puisqu’il le faut...” : dans la Russie profonde, l’acceptation fataliste de la guerre, malgré le deuil », M le magazine du Monde, 3 février 2024.

[80Pierre Polard, « Atesh, ce mouvement de résistants qui renseignent l’armée de Kiev. », Le Figaro, 31 janvier 2024.

[81Thomas d’Istria, « La laborieuse mobilisation des Ukrainiens pour le front », Le Monde, 1er février 2024.

[82Elise Vincent, « Des soldats ukrainiens formés au droit de la guerre par la France », Le Monde, 2 février 2024.

[83Faustine Vincent, « En Biélorussie, nouvelle vague de répression avant les législatives », Le Monde, 1er février 2024.

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