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Alliance de l’opposition russe et de l’Ukraine
Maxim Mironov est professeur de finance à l’IE Business School de Madrid. Pour lui, écrit-il dans Politico [1], « il convient de reconnaître que les chances de l’Ukraine de remporter la victoire par les seuls moyens militaires sont minces. » « Il pourrait être raisonnable de commencer à considérer une partie de la Russie comme un allié pouvant être mobilisé pour lutter contre le régime de Poutine et son impérialisme. » « La plupart des dirigeants de l’opposition russe se sont rangés du côté de l’Ukraine depuis les premiers jours de la guerre, plaidant pour une Ukraine libre, indépendante et démocratique fondée sur ses frontières de 1991. Et il est désormais temps d’ouvrir une deuxième ligne d’attaque depuis l’intérieur même de la Russie. »
« La bataille médiatique ukrainienne contre la propagande russe devrait recevoir la même importance que les lignes de front du conflit. […] Le monopole de l’information de Poutine peut être brisé […] d’autant plus que le mécontentement russe à l’égard de sa politique commence à émerger – comme lors des manifestations organisées par les épouses des soldats sur les lignes de front. »
« L’opposition russe dispose d’une multitude de données lui permettant de retracer les chaînes logistiques de livraison de composants depuis les entreprises occidentales jusqu’aux fabricants d’armes, ainsi que de déterminer quelles organisations contournent les sanctions. »
« Enfin, une autre collaboration utile consisterait à encourager conjointement l’exode du capital humain de Russie. De nombreux Russes partis immédiatement après février 2022 sont désormais pour la plupart rentrés dans leur pays d’origine. Et leur retour a été déclenché par les politiques d’immigration restrictives mises en œuvre dans d’autres pays, qui dissuadent même les individus hautement qualifiés. Naturellement, cela profite au régime de Poutine, car il permet à l’économie russe de fonctionner sans problème et de collecter les impôts.
Mais l’Ukraine devrait encourager les professionnels russes, notamment ceux des secteurs de l’informatique et de la défense, à quitter leur pays. Les groupes d’opposition ukrainiens et russes devraient plaider pour que les pays de l’Union européenne assouplissent les restrictions financières et les mesures d’immigration imposées à ces citoyens. »
Contrairement aux opposants biélorusses, les Russes exilés sont malheureusement très divisés sur les méthodes d’action et sur les personnalités susceptibles de les représenter. La paranoïa règne en raison du risque d’infiltration d’agents du régime poutinien [2].
Courriers aux détenus politiques
La répression empêche les manifestations publiques d’opposition à la guerre russe. Chaque mois, depuis deux ans, une cinquantaine de personnes se réunissent dans les locaux moscovites du parti d’opposition Iabloko et d’autres en province. Ils rédigent des courriers aux prisonniers politiques. Les textes politiques étant censurés, les messages sont des encouragements et des banalités qui comptent pour le moral des détenus. Il faut qu’ils sachent qu’ils ne sont pas oubliés. Parmi les participants une femme a fait trois ans de goulag et se désole de la régression du pays. Les réponses des détenus transitent, après censure, par une messagerie de l’administration pénitentiaire, le FSIN.
Une jeune Russe, exilée à Chamonix après l’invasion, correspond avec sept prisonniers. Elle explique : « Il y a une telle famine de couleurs, en prison, qu’une carte postale lumineuse, cela n’a pas de prix. »
Le site Telegram Svobot recense les détenus et leurs lieux de captivité. Memorial, l’organisation de défense des droits de l’Homme, dénombre plus de six cents prisonniers persécutés dont 418 pour leurs croyances religieuses, dont des Témoins de Jéhovah. En outre, 638 personnes subissent d’autres types d’interdiction judiciaire [3].
Le parti Iabloko a renoncé à opposer un candidat à Poutine aux prochaines élections présidentielles. Ekaterina Dountsova, la seule candidate opposée à « l’opération militaire spéciale », a réuni de nombreux soutiens. La Cour suprême a confirmé son rejet par la commission électorale. E. Dountsova a annoncé son intention de créer un parti pour défendre la paix, la liberté et la démocratie.
Les autres prétendants ne sont que des faire-valoir de Poutine, l’un d’eux allant jusqu’à annoncer qu’il ne veut pas prendre des voix au Président. Plein de sollicitude, le représentant du Parti communiste russe estime que « la santé du commandant en chef, dans un contexte de guerre, c’est la santé de la nation ! » Dans un entretien, il a refusé de dire s’il est meilleur que Poutine [4].
Le Parti des communistes de Russie, à ne pas confondre avec le précédent, propose « Dix coups staliniens portés au capitalisme et à l’impérialisme américain » pour achever l’offensive en Ukraine [5].
Dmitri Sedrakov
Le réseau « Traverser la forêt » (Iditié Lessom) a aidé Dmitri Sedrakov, un déserteur russe qui a combattu en Ukraine, à fuir en Arménie le 30 novembre 2023. Le 7 décembre, Sedrakov a été arrêté illégalement sur le territoire arménien par des forces russes qui se sont présentées comme des policiers militaires arméniens. Le 19 décembre, il a été transféré en Russie où il risque de 5 à 10 ans de prison.
Avant lui, plusieurs déserteurs ont été extradés du Kirghizstan et du Kazakhstan. Mais c’est le premier cas d’enlèvement à l’étranger par des militaires russes. Le responsable du bureau Vanadzor, membre arménien du réseau international de l’Assemblée des citoyens d’Helsinki, dénonce « une violation de la souveraineté arménienne. » Un membre du service fédéral de sécurité (FSB) lui a rétorqué « Les ordres de Poutine, on les exécute n’importe où. »
L’inquiétude règne désormais parmi les milliers de déserteurs en Arménie. Plus de 100 000 Russes ont fui dans ce pays pour éviter la mobilisation ou s’opposer à la guerre ou à Poutine [6].
Alexeï Navalny
Après 19 jours sans nouvelles, on a appris que l’opposant Alexeï Navalny a été transféré de sa prison vers le Grand Nord russe, au-delà du cercle polaire arctique, dans la colonie pénitentiaire à régime sévère « Loup polaire » où les récidivistes particulièrement dangereux travaillent notamment au tannage et à la couture de peaux de rennes, utilisées par les populations locales [7]. Ce transfert signifie un isolement maximal du monde et des mauvais traitements [8].
Ksenia Fadeïeva est une ancienne dirigeante de l’équipe d’Alexeï Navalny à Tomsk. Elle a été élue au conseil municipal de cette ville où le parti de Poutine, Russie unie, a été mis en minorité. Elle a été reconnue coupable d’avoir « créé une organisation extrémiste » et de « participation à une organisation portant atteinte aux droits des citoyens ». Elle écope de neuf ans de prison et 500 000 roubles d’amende. Alors que les coordinateurs du quartier général de Navalny se sont vu proposer par le régime « toute aide pour voyager », elle avait choisi de ne pas quitter la Russie [9]. « Ce qui s’est passé pendant ce procès n’a rien à voir avec la justice », se sont indignés ses avocats. Les témoins à charge interrogés lors du procès n’habitaient pas à Tomsk et certains d’entre eux ne connaissaient même pas Fadeïeva personnellement.
En juin 2023, Lilia Tchanycheva, la responsable du quartier général du dissident dans la ville d’Oufa avait écopé de sept ans et demi de prison, également pour « extrémisme [10] ».
Refuznik rime avec poétique
Un tribunal de Moscou a condamné à des peines allant de cinq ans et demi à sept ans de prison deux poètes russes qui ont participé, au pied de la statue de Maïakovski, à une lecture publique contre la guerre en Ukraine. Artiom Kamardine et Iegor Chtovba avaient été arrêtés en septembre 2022 [11]. Ils avaient notamment appelé à ne pas se rendre au bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire [12]. Des journalistes de SOTAvision, RusNews, une équipe de tournage de NTV, des employés de Life, des militants des droits humains d’OVD-Info et des membres d’un groupe de soutien aux poètes ont été arrêtés à la fin du procès [13].
Organisations indésirables
Help Desk est un média et un service situé en Lettonie et destiné à aider les victimes de l’agression russe contre l’Ukraine. La Russie l’a déclaré « organisation indésirable » ainsi que Real Russia qui « aide les personnes touchées par cette guerre et unit tous les peuples de culture russe qui s’opposent à l’agression militaire criminelle », et ainsi que le Réseau mondial des journalistes d’investigation qui rassemble 244 organisations non gouvernementales dans 90 pays. Plus de 120 organisations sont déjà « indésirables » [14].
L’association Memorial a été fondée en 1987 pour établir la vérité historique sur les crimes soviétiques et pour défendre les droits humains dans la Russie contemporaine. Elle a été dissoute par la Cour suprême le 28 décembre 2021. Un an plus tard, elle a reçu le Prix Nobel de la paix. Le président de Memorial France, Nicolas Werth, fait le point dans Le Monde. De nombreux responsables se sont exilés pour éviter les arrestations, les autres se réfugient dans la clandestinité. Iouri Dmitriev est détenu depuis 2016. Les peines infligées aux opposants s’alourdissent.
La solidarité avec l’Ukraine est un axe majeur de l’association qui documente les crimes de l’armée russe.
Historien lui-même, Nicolas Werth, auteur de Poutine historien en chef, analyse les nouveaux livres scolaires russes. Il n’y est question que de la Russie, sauf dans ses relations de politique étrangère. L’hostilité de l’étranger y est le moteur principal de l’histoire du pays. Les rares phrases sur le goulag sont pour signaler qu’il devient le premier producteur de certaines matières premières et évoquer la libération de 1,2 million de prisonniers à la mort de Staline, mais sans préciser qu’ils sont des détenus politiques et en ignorant les dissidents. L’impérialisme russe est nié. La majorité ukrainienne est définie russe par essence. La minorité néonazie, soutenue par « l’Occident collectif », veut lui imposer une culture ukrainienne artificielle.
Le mensonge le plus éhonté, au regard des pratiques du régime, dénonce : « Sous l’effet de la propagande occidentale, les valeurs traditionnelles russes, la bonté, la justice, le sens du collectif, la générosité, le sens du sacrifice, ont été bafouées [15]. »
Mobilisation en Ukraine
Le 19 décembre 2023, sur l’insistance de l’état-major, le président Zelensky a évoqué la mobilisation de 450 à 500 000 recrues. L’armée ukrainienne manque d’armes mais ne veut pas que la chair-à-canon lui fasse défaut. Jusqu’à présent, il est interdit aux hommes de 18 à 60 ans de quitter le pays. Bien que les postulants aient le choix de leur poste pour un salaire attrayant, l’engagement volontaire est désormais insuffisant. Il est obligatoire seulement pour ceux qui reçoivent une convocation nominative. Cependant il n’existe pas de fichier informatique de recrutement. Des raids militaires dans des lieux publics tentent d’engager des recrues. Les autorités estiment à moins de 10 % les mobilisables prêts à fuir [16].
Questions ignorées
Lors de l’intervention télévisée de Poutine, le 14 décembre 2023, les téléspectateurs posaient des questions lisibles sur un écran. En voici quelques unes que le président a ignorées :
Pourquoi votre réalité est-elle différente de la nôtre ?
Monsieur le Président, quand la vraie Russie ne sera-t-elle pas différente de la télévision ?
Combien de temps pouvons-nous tolérer la corruption de Gazprom ?
Combien de temps allez-vous truquer le pourcentage d’inflation ?
Nous avons donné du gaz à la Chine, nous avons donné du gaz à l’Europe, mais quand y aura-t-il du gaz en Khakassie ?
Pourquoi un plateau d’œufs coûte-t-il 550 roubles au Daghestan ?
Le pays est fier. Mais je veux vivre mieux.
Serez-vous candidat en 2030 ?
Il n’est pas nécessaire de briguer un autre mandat - laissez la place aux jeunes.
Quand les Russes cesseront-ils de tuer des Russes [17] ?
Dans au moins sept régions de Russie, les forces de l’ordre n’ont pas autorisé les résidents locaux à enregistrer des questions sur le manque d’eau dans leur village, sur l’opposition à la construction d’une décharge, sur l’état des routes ou sur l’environnement.
« Pendant plus de deux ans, les autorités n’ont pas répondu à nos demandes, et la situation n’a fait qu’empirer. Les autorités régionales et de district ne voulaient pas intervenir, mais maintenant elles ont décidé de nous intimider avec la police », s’est plaint un habitant d’Orenbourg [18].
Deux heures après la plainte d’écoliers à propos du délabrement de leur salle de sport, les présentateurs annoncent que les services municipaux sont en route. Le directeur de la salle a été convoqué par la police pour un interrogatoire [19]. Une autre question sans réponse était celle-ci : « Pourquoi les autorités locales fonctionnent-elles de telle manière que des milliers de personnes sont obligées de contacter personnellement le président ? Avons-nous besoin d’un tel pouvoir ? »
Aucune interrogation n’a porté sur le sujet, préoccupant pour beaucoup, de la démobilisation des combattants.
Dernière question des journalistes aux ordres :
− Que recommandez-vous pour les fêtes ?
− Passez du temps avec vos proches.
Répressions
L’homme politique Ilya Yashin, condamné à huit ans et demi de prison pour avoir dénoncé les exactions de l’armée russe, a refusé d’être affecté à un détachement de construction de casernes, invoquant ses convictions.
« J’ai expliqué à la commission ma position : j’ai une attitude positive envers le travail, je suis prêt à travailler, mais je ne construirai pas de prisons et de casernes dans un pays où le nombre de prisonniers politiques augmente chaque jour - cela contrevient à mes convictions. » Un acte de refus de travail a été dressé contre lui et il a été renvoyé en cellule disciplinaire. Après cinq jours, il a été transféré dans des conditions de détention strictes (SUS) à Smolensk [20].
Pour diffusion publique d’informations délibérément fausses contenant des données sur l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie, commises pour des raisons de haine politique, une affaire pénale a été ouverte contre Alsu Kurmashev, citoyenne américaine vivant en République tchèque, rédactrice en cheffe de Idel.Realii. En cause, la publication d’un livre intitulé Non à la guerre. 40 histoires de Russes opposés à l’invasion de l’Ukraine, condamnant l’opération spéciale en Ukraine [21].
Le 18 décembre 2023, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a demandé aux autorités russes de fournir des informations sur le lieu où se trouve Alexeï Navalny et sur son état de santé. Depuis treize jours, on est sans nouvelles de l’opposant politique qui a été emprisonné en 2021 après avoir survécu à une tentative d’assassinat par empoisonnement [22].
Le tribunal de garnison de Volgograd a condamné cinq militaires russes qui avaient versé des pots-de-vin au commandant afin d’éviter d’être renvoyés dans la zone de combat. Le gradé a admis avoir lui-même suggéré la corruption. Il n’a pas été inquiété [23].
Sur la chaîne Telegram « The Way Home », les proches des combattants russes ont publié un manifeste et une pétition contre la mobilisation illimitée. Ils ont organisé une flash-mob et diffusé des autocollants pour les voitures. Des membres du FSB se sont rendus aux domiciles de ces personnes. Les combattants eux-mêmes sont interrogés. Leurs téléphones sont confisqués. Ils sont menacés : « Enregistrez une vidéo disant que tout ici vous convient, sinon nous vous enverrons à l’assaut sans billet de retour. ». S’il leur arrivait quelque chose, leurs proches brandissent une riposte : « Tout le monde saura qui l’a fait. Nous donnerons une publicité internationale à vos atrocités. Et toute la vérité pourrie sera révélée et éclatera. Votre illusion de stabilité s’effondrera en un instant ! Pourquoi avons-nous besoin d’un président qui prétend que nous n’existons pas ? Qui vit uniquement dans une télévision entièrement sous son contrôle [24] ? »
Fin novembre 2023, l’anarchiste Ruslan Siddiqui a été arrêté, soupçonné d’avoir organisé le déraillement d’un train de marchandises dans la province de Riazan. Le 2 décembre, le tribunal du district Dorogomilovsky de Moscou a envoyé Ruslan en détention provisoire. Les actes de sabotage ferroviaire sont désormais très courants en Russie. Les partisans les utilisent pour bloquer la livraison de fournitures militaires aux forces armées opérant sur le territoire ukrainien. Le déraillement s’est produit le 11 novembre. Un tronçon de 300 mètres de voie a été endommagé. Un cratère s’est ouvert et les 19 premiers wagons du train de marchandises sont tombés dans un fossé. L’explosion a brisé la vitre de la cabine du conducteur du train qui a été légèrement blessé [25].
Sanctions japonaises
Le Japon a inscrit plus d’une centaine de personnes physiques et morales russes sur ses listes de sanctions, rapporte le service de presse du ministère japonais des Affaires étrangères. Notamment la commissaire aux droits de l’homme de la Fédération de Russie, Tatiana Moskalkova, la médiatrice des enfants de la région de Moscou, Ksenia Mishonova, la vice-ministre de la Défense de la Fédération de Russie, Tatiana Shevtsova, le commandant de la Région militaire centrale, Andrei Mordvichev et des personnes associées aux régions annexées de l’Ukraine.
Le Japon a également imposé des sanctions à l’organisation militaro-patriotique Yunarmiya, au Patriot PMC, ainsi qu’à l’usine de poudre de Kazan, à l’Institut central de recherche en chimie et mécanique, à l’Institut central de recherche Burevestnik, à l’usine d’aviation civile de l’Oural, à l’usine automobile de Briansk et sept sociétés de Biélorussie, d’Arménie, d’Ouzbékistan, de Syrie et des Émirats arabes unis [26].
Les émigrés russes
Selon diverses estimations, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, entre 800 000 et un million de personnes ont quitté la Russie. Il s’agit de militants des droits de l’Homme, journalistes et politologues qui courent un grand risque de représailles de la part des autorités ou des professionnels les plus recherchés, informaticiens, ingénieurs, chercheurs et enseignants. Généralement, ils sont relativement jeunes et diplômés de l’enseignement supérieur, très souvent en couple sans enfants.
L’organisation à but non lucratif Diploma of Freedom a mené une enquête anonyme en ligne de juillet à septembre 2023 sur les plus grandes chaînes de Telegram auprès des émigrés et de ceux qui envisagent de partir. 1 800 personnes vivant dans 41 pays ont répondu à l’enquête. Ceux qui sont partis avant février 2022 y sont sous-représentés.
Les sédentaires : 63 % pensent s’être installés définitivement dans un pays.
Les nomades : 28 % comptent partir dans un autre pays dans les six mois.
Sur le départ : 7 % veulent quitter la Russie dans les six mois. La vague d’émigration semble donc se tarir.
Lors du choix du pays d’émigration, les sédentaires ont été guidés principalement par la possibilité d’une entrée sans visa ou par la facilité d’obtention d’un permis de séjour. Des facteurs importants étaient la présence d’une diaspora russophone, ainsi qu’un climat et une sécurité favorables. Le niveau de protection des droits civiques et des libertés politiques les intéressait également, mais, le plus souvent, ne constituait pas l’argument décisif.
Les nomades sont pour la plupart des hommes de moins de 35 ans sans enfants, partis avec leur conjoint ou partenaire. Dans ce groupe, outre les journalistes et les informaticiens, on trouve également de nombreux entrepreneurs privés. Ils s’inquiètent davantage de la manière dont les droits de l’Homme et les libertés sont protégés dans le pays où ils vont ; ils sont attentifs à la culture locale et respectent le mode de vie. La possibilité d’obtenir un permis de séjour, l’accès à une bonne éducation et à des soins de santé, des perspectives de carrière et des revenus élevés sont également importants pour eux. Pour des raisons de visa et de langue, ils sont concentrés dans les principaux points de migration primaire, à savoir en Géorgie, en Arménie, au Kazakhstan, en Turquie, au Kirghizistan et en Ouzbékistan. En raison des liens étroits de ces États avec la Russie et des tendances similaires dans la politique intérieure, certains groupes, notamment les militants sociaux et les défenseurs des droits humains, se sentent particulièrement en danger et envisagent donc leur départ.
Une représentante typique du groupe sur le départ est une femme de moins de 55 ans, souvent divorcée et vivant avec des enfants et / ou ses parents. Elle étudie ou travaille dans le domaine culturel ou dans les médias, parfois dans le domaine du marketing et du commerce, ou exerce des activités scientifiques, souvent à distance.
La culture et le mode de vie, ainsi que la protection des droits et des libertés politiques, jouent un rôle clé dans le choix d’un pays de future installation de ce groupe. Beaucoup de ces personnes connaissent déjà la langue du pays dans lequel elles vont s’installer, y ont des parents ou des amis, ainsi qu’un visa ou un permis de séjour.
L’Allemagne est citée au premier rang des pays pour son accueil et l’assimilation des Russes. Sont également attractifs la Serbie, l’Espagne, les États-Unis, le Portugal, la France et d’autres pays de l’UE où existent déjà d’importantes diasporas russes.
L’Allemagne, la Serbie, l’Espagne, la France, la Pologne et l’Italie et les États-Unis sont privilégiés par les étudiants, ainsi que la Russie pour les cours en ligne.
22 % des émigrés excluent leur retour avant la fin de la guerre et le changement de régime.
Les exilés expriment leurs besoins par ordre décroissant : l’aide à l’apprentissage des langues, les conseils juridiques sur les questions de migration et de travail, l’aide à la recherche d’un emploi, l’éducation et la formation avancée, y compris le financement de l’éducation, des consultations psychologiques.
Pour beaucoup, notamment les militants politiques et les déserteurs, la possibilité d’obtenir des visas étrangers sans retourner en Fédération de Russie est extrêmement importante. Il est souvent impossible de résoudre le problème soi-même.
L’ampleur de l’exode instantané était telle que les forces et les ressources limitées des ONG étaient insuffisantes pour que leur soutien soit considéré comme tangible. En conséquence, les expatriés ont reçu le soutien le plus important de leurs employeurs, des organisations gouvernementales des pays d’accueil et de la population locale.
Il ne faut pas exclure que ce soient ces personnes – jeunes et instruites – qui devront retourner en Russie et participer au processus de développement du pays lors de la prochaine étape historique [27].
Igor Salikov
Vladimir Ossetchkine est le lanceur d’alerte qui a fondé le site Gulagu.net. Ce dernier a dénoncé et documenté la torture et la corruption dans les prisons russes et publié des entretiens avec des militaires et des mercenaires de Wagner. Ossetchkine s’est exilé en France. Les équipes de Gulagu.net ont participé à l’exfiltration d’opposants russes. Parmi ceux-ci, Pavel Filatiev, un ancien parachutiste, a obtenu le droit d’asile en France [28].
Le site Project reconnait les mérites de Ossetchkine mais lui reproche des malversations financières et des conflits aux dépens d’opposants, de s’attribuer abusivement le mérite d’exfiltrations, de diffuser des rumeurs infondées et des accusations calomnieuses et de collaborer avec les autorités russes [29]. Ossetchkine dément.
Igor Salikov, 60 ans, affirme avoir travaillé, pendant environ 25 ans, comme soldat puis colonel, d’abord dans l’armée russe, puis dans le groupe Wagner en Syrie et dans des pays africains puis en Ukraine, dans les provinces orientales de Donetsk et de Louhansk en 2014 et après l’invasion russe de février 2022. Il est arrivé aux Pays-Bas, le 18 décembre 2023. Son départ de Russie a été facilité par Gulagu.net.
Salikov dit avoir été témoin de nombreux crimes de guerre russes en Ukraine. Il souhaite en témoigner devant la Cour pénale internationale (CPI). Il écrit dans sa lettre à la CPI que les ordres venaient généralement directement du ministère de la Défense à Moscou, et parfois même du bureau du président Vladimir Poutine. Les services de renseignement sont également souvent impliqués dans des opérations illégales, comme le service de renseignement militaire (GRU) et le Service fédéral de sécurité (FSB), successeur du KGB. Selon lui, la corruption, le chantage et la fraude électorale ont été utilisés lors des référendums dans les territoires occupés. Après deux ans, il a réalisé que les raisons invoquées pour l’invasion étaient mensongères.
Il affirme avoir été témoin d’atrocités contre les civils et de mauvais traitements et d’exécutions infligées aux prisonniers. « J’ai vu des gens des services secrets emmener un grand nombre d’enfants sans parents de l’autre côté de la frontière vers la Biélorussie. »
L’ancien officier dit avoir refusé l’année dernière l’ordre d’exécuter un certain nombre de civils. Selon lui, il devait être traduit en cour martiale pour cette raison, mais il a finalement réussi à fuir la Russie [30].
Le vol MH17 était en route de Schiphol vers la capitale malaisienne Kuala Lumpur, le 17 juillet 2014. Au-dessus de l’est de l’Ukraine, l’avion a été touché par un missile Buk à une altitude d’environ 10 kilomètres et s’est écrasé près du village ukrainien de Hrabove. Les 283 passagers et 15 membres d’équipage sont morts dans la catastrophe, dont 196 Néerlandais.
Salikov se trouvait à cette époque dans la région pour le groupe Wagner. Il n’était pas impliqué à un niveau élevé à l’époque, mais il sait qu’il existait une compétition entre différents groupes russes dans l’est de l’Ukraine. Les séparatistes dirigés par Igor Girkin avaient proclamé la « République populaire de Donetsk ».
Quelques semaines avant la catastrophe, en juin 2014, un avion de l’armée ukrainienne avait été abattu au-dessus de la province de Louhansk. Selon Salikov, le groupe Wagner était à l’origine de cette attaque et les mercenaires ont reçu « beaucoup d’éloges » de la part de Moscou. L’armée séparatiste de Girkin, ancien officier du service de sécurité russe FSB, voulait en faire autant pour attirer l’attention du Kremlin. L’opération était planifiée par le Kremlin. « Ils voulaient abattre un avion militaire, mais une erreur a été commise quelque part. » et c’est le vol MH17 qui en a fait les frais. Le tribunal de La Haye a jugé le chef séparatiste Girkin, son bras droit Sergueï Dubinsky et le commandant de garnison Leonid Kharchenko. En novembre 2022, tous trois ont été condamnés, par contumace, à la prison à vie pour leur rôle dans la destruction de l’avion. « Il y a de fortes indications qu’en Russie, le président a décidé de fournir le Buk-TELAR aux séparatistes », a noté l’équipe d’enquête internationale [31].
Dimitri Skorobutov a travaillé comme chef de l’information pour la télévision Rossiya-1 pendant quinze ans. Il a reçu des instructions sur la manière de rendre compte de l’affaire du MH17. « Il n’y avait pas encore d’ordres directs du Kremlin, mais les rédacteurs étaient conditionnés à savoir ce qu’on attendait d’eux. Nous disons que l’Ukraine est indirectement responsable, car elle n’a pas fermé l’espace aérien. » raconte-t-il. Ou bien un avion de combat ukrainien aurait abattu le MH17 depuis les airs ou bien il pourrait s’agir d’une attaque ratée contre l’avion de Poutine. Les médias d’État russes avancent délibérément de nombreuses théories. Résultat : les gens ne savent plus quoi croire. « Trop de contradictions, trop de faits non prouvés. Même moi, j’étais confus à un moment donné. » Pas un mot n’a été autorisé à être dit sur l’enquête néerlandaise dans les journaux télévisés russes.
Dimitri Skorobutov refuse de collaborer au mensonge en diffusant des photos grossièrement truquées. Il est licencié illégalement, empêché de travailler, et harcelé et continue encore à en subir le stress. En 2019, il quitte la Russie [32].
Orphelins
En Russie, 288 000 orphelins patientent pour obtenir un logement. Ils y ont droit selon la loi, à leur sortie de l’orphelinat. Mais la réalité est qu’il faut attendre des années pour obtenir un appartement : presque personne ne l’obtient à 18 ans, de plus en plus souvent après 25 ans, et certains seulement à 30 ans.
En mai 2023, la Douma d’État a trouvé une « solution » au problème : elle a proposé d’accorder un logement « prioritaire » aux orphelins qui acceptent de participer aux hostilités en Ukraine. L’examen du projet de loi proposé par la commission de la famille, de la femme et de l’enfant a été adopté rapidement. Le président l’a approuvé 11 jours après son adoption par les députés [33].
Porno
Meduza [34] rapporte que la société luxembourgeoise de vidéos pornographiques Pornhub publie les tendances 2023. Le nombre de recherches pour le mot « uniforme », qu’il soit militaire ou policier, a augmenté de 243 % dans le monde. Le nombre de recherches avec le mot « soldat » a augmenté de 332 %. Dans le même temps, la requête « femme soldat » a pris la cinquième place en termes de popularité, devant « soldat gay ».
La Dr Laurie Betito, sexologue citée par Meduza, explique que les gens sont attirés par les uniformes qui symbolisent le pouvoir et que les uniformes des militaires, des policiers et des pompiers sont également associés à l’héroïsme, à la responsabilité, au courage et au désir d’aider les gens. Cette interprétation ne suffit pas à justifier la croissance importante de l’attrait du militaire. Ne peut-on pas penser que la domination exercée dans le porno et le viol comme arme de guerre dans les conflits médiatisés s’alimentent mutuellement ?
Répression des opposants russes
Avant l’accession de Gorbatchev au pouvoir, on dénombrait 700 prisonniers politiques en URSS. Selon l’ONG Memorial, ils sont actuellement 1 352 en Russie.
En moyenne, du 4 au 8 décembre 2023, 35 audiences par jour ont eu lieu pour juger des accusés de critiques contre la guerre.
Lioudmila Razoumova et son mari ont été condamnés à sept ans de colonie pénitentiaire pour des vidéos et des inscriptions au pochoir.
Comme à l’époque soviétique, Viktoria Petrova, Maria Ponomarenko et Elena Rodina ont été internées dans des hôpitaux psychiatriques.
Des prisonniers sont torturés, subissent de mauvais traitements. D’autres sont privés de soins, comme l’élu municipal Alexeï Gorinov dont le Parlement européen exige la libération et pour qui 94 médecins ont réclamé un traitement à Vladimir Poutine. « L’état de cette personne met sa vie en danger et peut rapidement se détériorer. », diagnostiquent-ils [35].
Les procès pour désertion, abandon de poste et refus d’obtempérer sont passés de 708 en avril 2023 à 4 000 en décembre [36].
OVD-Info
Lors des manifestations contre les fraudes des élections de 2011, OVD-Info est créé pour défendre les droits de l’Homme, « un mouvement en réseau, enraciné dans tout le territoire de la Russie, largement basé sur l’initiative locale, afin d’être plus difficile à appréhender par le pouvoir », commente un des cofondateurs, Daniel Beilinson. 7 000 volontaires, 200 000 donateurs ! Plus de 500 avocats interviennent entre 200 et 300 fois par mois. Du début du conflit à décembre 2023, 19 747 personnes ont été détenues pour des prises de position antiguerre.
Une bonne centaine d’employés permanents d’OVD-Info sont exilés en Europe et ailleurs. Daniel Beilinson, émigré à Paris, se plaint : « On doit se battre pour obtenir des titres de séjour. On aimerait tant n’avoir à se concentrer que sur notre travail [37]. »
Femmes proches des combattants russes
Olga Kats, une habitante de Novossibirsk, qui tentait de ramener de la guerre son jeune frère mobilisé, a créé la chaîne Telegram « Ramenons les gars ». Dans son dernier message, Olga a annoncé qu’Alexandre, 25 ans, était décédé. La chaîne The Way Home a pris le relai. Il y a désormais 30 500 abonnés dans la communauté, un peu plus de cinq mille dans la réserve. Il existe également une trentaine de chaînes régionales. The Way Home se distingue d’autres groupes en demandant la démobilisation complète et non la relève des combattants.
Des messages sur les réseaux prétendent que les articles de The Way Home sont rédigés sous la dictée. Une administratrice, Kristina Arkhipova réplique : « Nous, les filles, sommes économistes, avocates, spécialistes du marketing. Nous avons fait des études supérieures, nous avons travaillé dans nos domaines, nous apprenons et nous nous développons tout le temps. Il existe un stéréotype selon lequel la femme d’un conscrit est une femme au foyer, elle doit être une femme au foyer. De plus, pendant ce temps, nous avons analysé tant de lois, toutes ces réponses, ces réunions avec les députés de la Douma d’État... » Des messages orduriers et misogynes sont les réactions les plus fréquentes aux propos du groupe. Les autorités exercent des menaces sur ces femmes [38].
Nos enfants ont été envoyés à la mort
Irina Tchistyakova cherche son fils Kirill, disparu sur le front russe depuis le 22 mars 2022. Il avait signé un contrat d’engagement sans le lire. Avant de l’envoyer en Ukraine, on lui a retiré ses papiers et sa plaque d’identité. Irina est obsédée par une vidéo montrant des soldats ultranationalistes ukrainiens des régiments Azov et Kraken tirer dans les jambes de captifs au mépris de la Convention de Genève. Dans un hôpital un soldat blessé lui a révélé que, parti en hélicoptère, le commandant de son fils a abandonné ses subordonnés. « C’est un meurtre. Nos enfants ont été envoyés à la mort. », s’insurge-t-elle. Sur les quarante hommes de la compagnie, trente-deux ont été tués, quatre ont été capturés ou échangés. Kirill et les trois autres disparus sont-ils vivants ou prisonniers ? Elle endosse un treillis militaire pour pénétrer au ministère de la Défense. Les autorités ne lui répondent pas.
Jour et nuit elle consulte les réseaux sociaux. Son compte Telegram regroupe un millier de femmes russes et ukrainiennes dans la même détresse, avec lesquelles elle échange des informations et des photos de défunts. « Une fois, nous avons pleuré ensemble avec une mère ukrainienne qui avait retrouvé son fils mort. » Elle a noué des liens avec une fondation ukrainienne de recherche des militaires et des civils disparus. Elle fréquente les morgues. « J’ai apporté des brosses à dents et du dentifrice. Pendant deux jours, j’ai brossé les dents pleines de terre de ces cadavres pour les comparer avec la carte dentaire que m’a remise le dentiste de mon fils. » Elle a créé une fondation pour la recherche des soldats disparus. Elle a identifié des centaines de cadavres dont des camarades de Kirill, enterrés ensuite par leurs familles.
Elle se dit patriote. Elle déplore les souffrances de la guerre sans en dénoncer les causes. Si elle ne retrouve pas son fils elle fera « tout pour que ceux qui l’ont envoyé là-bas soient jugés [39]. »
À l’opposé, en Ukraine, si les autorités ne révèlent pas le nombre des soldats tués, « Il y a toujours une réponse qui est donnée aux familles qui interrogent sur le sort d’un proche. Mort, blessé, disparu : si la réponse ne vient pas d’un commandant, elle viendra d’un camarade. On perçoit que dans chaque unité militaire, les pertes sont précisément recensées », constate Anna Colin Lebedev, spécialiste des sociétés post-soviétiques [40].
Privés de passeport
Les Russes entre dix-huit et trente ans convoqués pour le service militaire et les hommes recrutés par la mobilisation de septembre 2022, toujours en vigueur, font partie des millions de citoyens qui doivent remettre leur passeport aux autorités. L’objectif est sans doute d’empêcher leur expatriation.
Dmitri Goudkov, député d’opposition exilé à Chypre, éprouve déjà des difficultés pour renouveler ses papiers d’identité. Un père de famille, en France, n’a pu obtenir du consulat un nouveau passeport pour son fils en âge du service militaire.
Les opposants à l’étranger redoutent un durcissement comme celui de la Biélorussie qui refuse à ses ressortissants exilés tout document administratif, empêchant les transactions immobilières et forçant les contestataires à devenir apatrides [41].
Arménie
La branche arménienne du groupe de défense des droits de l’Homme « Assemblée des citoyens d’Helsinki-Vanadzor » rapporte que la police militaire russe a arrêté le Russe Dmitri Setrakov en Arménie. Soldat contractuel, D. Setrakov est accusé d’avoir quitté le service sans autorisation et d’être ensuite passé en Arménie. L’enlèvement et les actions illégales contre une personne sous la protection juridique de l’Arménie par la police militaire russe sur le territoire arménien sont condamnés par les militants des droits de l’Homme [42].
Biélorussie
Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, et Svetlana Tsikhanovskaïa, cheffe du cabinet de transition uni de Biélorussie et ancienne candidate à la présidence lors de l’élection truquée en faveur de Loukatchenko, appellent dans une tribune du Monde [43] à la démocratisation de ce pays.
« Le Parlement européen soutient les déclarations des dirigeants démocratiques biélorusses affirmant les ambitions européennes de leur peuple. Notre porte restera toujours ouverte à tous les États européens qui partagent nos valeurs et nos idéaux et qui considèrent l’Europe comme leur patrie. Cela vaudra pour la Biélorussie, une fois qu’elle sera devenue un pays démocratique, libre et indépendant.
[… Nous devons par ailleurs adopter une position unie afin de protéger et de soutenir ceux qui ont fui la répression et trouvé refuge au sein de l’UE. »
Irlande
Le gouvernement irlandais réduit le soutien aux Ukrainiens qui fuient la guerre. Ce pays de 5 millions d’habitants accueille 101 200 personnes en provenance d’Ukraine, dont 74 500 sont hébergées par l’État. Plus de 16 000 ont un emploi. Moins de nouveaux arrivants d’Ukraine seront reçus. Ils auront droit à un hébergement pour une durée limitée à quatre-vingt-dix jours. Leurs allocations financières seront réduites [44].
COP 28
Trois jeunes femmes écologistes ukrainiennes sont présentes à la COP 28 de Dubaï. Elles souhaitent assurer une reconstruction verte du pays : des bâtiments économes en énergie, une agriculture soutenable. Elles veulent une transition écologique sociale et une formation de reconversion professionnelle pour les mineurs de charbon. « C’est une façon d’apporter de l’espoir que de préparer la reconstruction de l’Ukraine, en mieux. » « En Ukraine, il y a tellement d’acteurs locaux qui travaillent, malgré la guerre, à la reconstruction. Et se tiennent prêts à mettre en œuvre un véritable changement. »
La destruction du barrage de Kakhova, en juin 2023, a déversé 18 milliards de tonnes d’eau sur des centaines de kilomètres carrés, détruisant la faune, la flore, les sols, amenant de multiples épisodes de pollution [45].
Objecteur attaché à un arbre
Dans la région annexée de Donetsk, Gennady Kiskorov et son frère Semyon ont demandé, comme la constitution russe le prévoit, à remplacer leur service militaire par un service civil. Ce qui a été refusé car cette procédure « pour les personnes mobilisées n’est pas prévue par la loi ». Comme d’autres mobilisés, Gennady a été attaché à un arbre une nuit, dans le froid et sous la pluie. Après cette torture, il accepté de partir au front.
Les faits étant rendus publics par le Mouvement des objecteurs de conscience, le commandant du régiment a exigé que les frères retirent leurs accusations, effacent les photos de leurs téléphones [46] et prétendent que les Ukrainiens auraient attaché Gennady. Il a fait pression sur Semyon qui a téléphoné à sa femme pour qu’elle retire son accusation. Depuis Semyon n’a plus donné de nouvelles.
« Nous avons très peur pour sa vie et sa santé. Tout le monde comprend pourquoi une personne appelle ainsi sa femme. Il est à la merci de ceux qui ont torturé les gens parce qu’il est sans défense […]. Mais Tatiana ne va pas retirer sa déclaration », ont écrit les militants.
Elena Popova, coordinatrice du Mouvement des objecteurs de conscience, a entrepris des démarches auprès des départements des enquêtes militaires [47].
Soutien aux objecteurs russes, biélorusses et ukrainiens
Du 4 au 14 décembre 2023, des manifestations de soutien aux objecteurs de conscience russes, biélorusses et ukrainiens sont programmées dans plusieurs pays européens, en particulier dans de nombreuses villes allemandes [48].
Appel à Poutine
Plus de cent proches de membres de l’unité militaire 95411 (district militaire de l’Ouest) ont écrit un appel à Vladimir Poutine pour lui demander de traiter les « signes d’extermination délibérée » des soldats mobilisés dans la région Avdiïvka. Ils indiquent que ceux-ci vivent depuis plus de dix mois dans des tranchées sur la ligne de front, à 700 mètres d’Avdiïvka, et sont constamment sous le feu des tirs. Après le début de la phase active de l’offensive en novembre, le commandement a donné l’ordre d’envoyer des militaires légèrement blessés dans les unités d’assaut. Le 25 novembre 2023, un décret a stipulé que les blessés légers et moyens seront soignés dans les tranchées. L’unité militaire a été transférée au commandement du 1er corps d’armée de la prétendue République populaire de Donetsk. « Aucun des gars n’a signé quoi que ce soit sur ce sujet [49]. »
Conseil des droits de l’Homme de Saint-Pétersbourg
Le Conseil des droits de l’Homme de Saint-Pétersbourg publie un rapport. Selon Elena Shakhova, sa présidente : « La législation sur le discrédit de l’armée, sur les "fausses nouvelles", sur la trahison, la loi sur l’influence étrangère, la criminalisation de la coopération avec des organisations étrangères - tout cela a mis fin aux droits et libertés fondamentaux des citoyens. Et ceux qui s’opposent [à l’opération militaire spéciale] sont confrontés à la répression la plus dure. »
Les experts parlent d’une sérieuse limitation du plaidoyer. Surtout pour les avocats qui s’occupent des affaires relatives aux droits de l’Homme. Les ingérences dans la pratique du droit se produisent partout : cela inclut les modifications de la législation, les violences physiques et psychologiques contre les avocats et les membres de leurs familles, la violation du secret professionnel et les perquisitions. La persécution des avocats de la défense conduit à la violation des droits de leurs clients.
Un prêtre de Saint-Pétersbourg, Jean Kurmoyarov, a été condamné à trois ans de prison. Il doutait des paroles de Poutine selon lesquelles les soldats russes iraient au paradis après leur mort [50].
Élections présidentielles russes
L’avocate et journaliste Ekaterina Duntsova, a annoncé son intention de se présenter à la présidence de la Fédération de Russie. Son site Internet [51] indique qu’elle prône la cessation des hostilités, des réformes démocratiques et la libération des prisonniers politiques. « Depuis au moins dix ans, le pays va dans la mauvaise direction : le cap n’est pas mis sur le développement, mais sur l’autodestruction. Chaque jour, la vie des Russes ordinaires devient de plus en plus difficile. Les citoyens ne peuvent pas exprimer librement leurs opinions si elles ne coïncident pas avec la position des autorités. Le nombre de prisonniers politiques augmente, des centaines de milliers de personnes ont été chassées du pays. L’autonomie locale a été pratiquement détruite et, dans un État immense, tout est décidé par une seule personne. Les "opérations militaires" sur le territoire des États voisins conduisent à un isolement et à une dégradation inévitables. Les derniers alliés restent l’Iran, la Corée du Nord et l’Érythrée. »
Les virements bancaires de la candidate ont été bloqués [52].
Les Wagnériens
En octobre 2022, environ 200 prisonniers d’une colonie à sécurité maximale de la région de Tcheliabinsk ont été recrutés dans le PMC Wagner et sont partis en guerre en Ukraine. Le New York Times [53] a découvert le sort de 172 d’entre eux et a dressé un portrait du « wagnérien » moyen en étudiant les bases de données judiciaires et en discutant avec des proches d’anciens prisonniers et avec eux-mêmes. Un tiers des personnes recrutées ont purgé une peine pour meurtre. Un quart de ceux qui sont allés au front sont morts. La plupart des survivants sont rentrés chez eux. Certains d’entre eux ont encore enfreint la loi. D’autres racontent que leurs proches sont désormais fiers d’eux. De nombreux rapatriés ont déclaré au New York Times qu’ils avaient « gagné le respect après des années de honte ». Ils remercient Vladimir Poutine pour la chance de commencer une nouvelle vie. Ils ne mettent pas en doute les objectifs, la nécessité et les méthodes de la guerre, et apprennent à vivre avec les graves blessures reçues sur le champ de bataille et leurs traumatismes.
Le recrutement de condamnés a permis à Vladimir Poutine d’éviter une deuxième vague de mobilisation, qui serait devenue impopulaire. « Lorsque des civils sont mobilisés, ils sont arrachés à leur famille et à leur travail, mais quant à nous [issus de familles pauvres et rurales], nous n’avons rien à perdre », a déclaré au journal une recrue.
Lituanie
Les autorités lituaniennes ont expulsé du pays un Biélorusse, marié à une Lituanienne et père de deux mineurs. Il vivait dans le pays depuis 17 ans. La prolongation de son permis de séjour temporaire lui a été refusée parce qu’il avait servi dans l’armée biélorusse il y a 20 ans [54].
Népal
Avec l’aide des trafiquants d’êtres humains, de nombreux Népalais sont arrivés en Russie avec des visas d’étudiant et de touriste et ont rejoint son armée. Les Népalais sont attirés par des promesses de grosses sommes d’argent. Chaque individu paye jusqu’à 1 million de roupies à des passeurs.
La police népalaise a arrêté dix recruteurs russes. Selon elle, ils donnaient 9 000 dollars (le revenu mensuel moyen est de 103 dollars) et un visa touristique à chaque jeune volontaire. Pour le chef de la police, « il s’agit d’une affaire de trafic d’êtres humains... de crime organisé ». Katmandou a interdit à Moscou de recruter ses ressortissants et lui a demandé de renvoyer les soldats népalais dans leurs foyers. Six d’entre eux seraient déjà morts. Le pays himalayen demande l’indemnisation de leurs familles [55].
On estime qu’entre 150 et 200 ressortissants népalais ont servi dans l’armée russe en tant que mercenaires, a déclaré l’ambassadeur du Népal en Russie. « Nous renvoyons au moins un ressortissant népalais par jour. » Le gouvernement népalais n’autorise pas ses ressortissants à rejoindre les armées étrangères autres que celles de l’Inde et du Royaume-Uni [56].
Appels à la démobilisation en Ukraine
Deux caricatures de presse illustrent la situation ukrainienne. La première, de Morten Morland, dans The spectator [57], représente une ville dévastée par un bombardement. Au premier plan, Zelensky est assis à une table de négociation où sont posés les drapeaux ukrainiens et russes. La chaise russe est vide. Dans la deuxième, d’Aleksander Dubovsky, un homme, près d’une table ronde, tient un bouquet et consulte sa montre, inquiet du lapin qu’on lui pose, car là aussi une chaise est vide. Cette fois, c’est celle des États-Unis [58].
De l’aveu du commandant des forces armées à The Economist, la contre-offensive est « dans une impasse ». Le front est figé autour d’Avdiïvka, les combattants désapprouvent la désinvolture de l’arrière, le soutien occidental, frappé de lassitude, est réticent.
Le président Zelensky interroge : « Que faire des gens qui vivent sous l’occupation ? Que faire des milliers de gens qui ont été tués par Poutine et son armée ? Les oublier tout simplement ? Pas de responsabilité, pas de tribunal ? » À son propos, The Spectator [59] juge « L’optimisme est une chose, le refus béat de regarder la dure réalité en face en est une tout autre. […] Les gens qui croient que la victoire est certaine veulent préparer leur avenir et celui de leurs enfants. Ils ne risquent pas leur vie. »
« Le fossé se creuse entre les soldats sur le front, qui savent à quel point la situation est désespérée, et les civils dans les villes.
On a de plus en plus le sentiment que tous les hommes vont être appelés si bien que, désormais, 200 ukrainiens sont arrêtés chaque semaine en tentant de quitter illégalement le pays. Quelque 16 500 ont été interpellés à la frontière depuis le début de la loi martiale, mais on ne dispose d’aucun chiffre quant au nombre de ceux qui ont réussi à filer sur des bateaux ou à bord de camions. Le spectacle d’officiers qui se saisissent des hommes dans la rue et les traînent vers des centres de recrutement ne peut qu’en décider davantage à fuir. »
Le 2 décembre 2023, dans vingt-deux villes ukrainiennes, des rassemblements, prohibés par la loi martiale mais tolérés par la police, ont réclamé que les soldats soient démobilisés après dix-huit mois de combats épuisants et que d’autres prennent la relève. Ces manifestations, largement spontanées, ne sont pas contre la guerre. Une pancarte interroge : « Ils ont montré que l’État pouvait compter sur eux. Mais peuvent-ils compter sur l’État ? » Une autre, sur une poussette : « Je veux un père vivant pour mon fils, pas des médailles ! » La plupart des proches des manifestants sont des engagés volontaires dès l’invasion. Ils n’ont bénéficié que de quelques jours de permission [60].
15 % de soldats russes en plus
Le président russe, Vladimir Poutine, a signé, le 1er décembre 2023, un décret ordonnant d’augmenter de 15 % le nombre de soldats de l’armée du pays. Selon le ministère de la défense, cette augmentation des effectifs se fera « par étapes », sur la base d’engagements volontaires. Aucune « mobilisation n’est prévue [61]. » Mais les rafles massives de conscrits se poursuivent ainsi que les pressions sur eux pour qu’ils signent un engagement. C’est ainsi que, dans un bureau d’enrôlement, un jeune bipolaire s’est emparé d’une paire de ciseaux et s’est coupé le poignet. Il a finalement reçu un certificat taché de son sang attestant son exemption.
Le Mouvement des objecteurs de conscience donne sur sa chaîne Telegram des conseils pour résister à cette méthode de conscription .
Des médias ukrainiens ont publié des images d’une évasion par la fenêtre du deuxième étage d’un bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire de la ville de Moukatchevo, dans la région de Transcarpatie. La vidéo s’achève par une course poursuite dont on ignore l’issue.
Des Népalais en Ukraine
Le New-York Times [62] publie un reportage sur les Népalais que l’important chômage qui frappe leur pays pousse à combattre en Ukraine. Quelques-uns le font du côté ukrainien et la plupart du côté russe qui paye mieux.
La patrie reconnaissante
Des femmes réclament le retour des soldats qui leur sont proches. Principalement dans les républiques russes les plus pauvres, des responsables et des députés leur fournissent des dédommagements : du bois de chauffage ou un paquet de raviolis pour des familles de soldats tués. Sept tonnes de pommes de terre ont été allouées à des familles de combattants, ailleurs, ce sont des moutons vivants et du charbon ou cinq kilos de poissons ou des carcasses de cerfs ou un abonnement à un journal ou de la mousse à raser et du shampoing ou la médaille « Mère du défenseur de la patrie ». Les orphelins des mobilisés décédés reçoivent des places de cirque. La veuve d’un ancien combattant qui a donné naissance à des jumeaux a reçu une poussette.
Modestement, Sergueï Mironov, président du parti de Vladimir Poutine, a offert ses mémoires à une veuve chargée de deux enfants.
Plusieurs des messages annonçant ces cadeaux sur les réseaux sociaux ont bientôt été remplacés par un autre, expliquant que « les gens ont mal pris la bonne action [63]. »
En prétendue République populaire de Donetsk, des veuves ont été filmées en recevant des manteaux de fourrure. La Résistance féministe antiguerre rapporte :« L’une des femmes dans la vidéo nous a confirmé dans une correspondance qu’elle et au moins trois autres femmes s’étaient vu retirer leurs manteaux de fourrure après le tournage de la vidéo. Au départ, on leur a dit que les manteaux de fourrure distribués étaient de mauvaise qualité et on leur a promis d’en distribuer de nouveaux. Cependant, après de nombreux appels, les femmes ont été informées qu’il y avait une erreur et que les manteaux de fourrure étaient destinés à d’autres personnes [64]. »
Le congrès des initiatives antiguerre
Le 27 novembre 2023, s’est tenu à Bruxelles un congrès de 250 opposants à la guerre russe en Ukraine. Il était soutenu par l’Union européenne, le ministère allemand des Affaires étrangères et Russie-Libertés, une association active en France depuis 2012.
Ania Kourbatéva, réfugiée en Allemagne, apporte un soutien juridique, avec son groupe « Zone de défense », à seize Russes poursuivis pour leurs actions contre l’invasion russe.
Grâce à des filières en Russie, le mouvement « Traverser la forêt » de Grigori Sverdline a déjà aidé 2 004 réfractaires à quitter le pays pour ne pas partir au front. Plus de 20 000 hommes ont sollicité son aide sur la chaîne Telegram.
Des activistes anonymes sont venus de Russie en empruntant plusieurs vols. Ils défendent leurs nombreux compatriotes incarcérés ou placés en unité psychiatrique comme Victoria Petrova.
Sargylana Kondakova, émigrée en Australie, représentait la Fondation Yakoutie libre qu’elle a fondée. Les Yakoutes sont surreprésentés sur le front, en particulier les plus vulnérables socialement.
Parmi les autres participants, il y avait le Mouvement féministe antiguerre et des militants qui aident les Ukrainiens à quitter la Russie et tentent de rapatrier les enfants ukrainiens kidnappés.
La plate-forme des congressistes est horizontale, sans leader. Lev Ponomarev, cofondateur de l’ONG Memorial, commente « Ce qui se passe ici est unique car toutes les formes de protestation sont réunies [65]. »
L’infamante désignation comme agents de l’étranger frappe la plupart de ces opposants et, officiellement depuis le 30 novembre 2023, la communauté LGBT+ taxée d’extrémisme, d’incitation « à la haine sociale et religieuse » et de défense des valeurs occidentales honnies. Le soir même des descentes de police se sont déroulées dans les lieux de rencontre homosexuels [66].
La journaliste politique en exil Farida Roustamova analyse « En 2024, un candidat de 71 ans va solliciter un cinquième mandat après avoir déclenché une guerre qui dure depuis deux ans, a provoqué des pertes sans précédent et n’a pas de fin prévisible. La campagne va pousser les gens les uns contre les autres au nom de prétextes divers, aller toujours plus loin dans l’obscurantisme et la chasse aux boucs émissaires [67]. »
Sabotage
Des agents des services secrets ukrainiens (SBU) ont fait sauter une voie ferrée sibérienne que la Russie utilise pour se fournir en armes auprès de la Chine et de la Corée du Nord, ont déclaré, le 30 novembre 2023, des sources ukrainiennes à l’agence Reuters [68].
L’agriculture ukrainienne
« La plupart des exploitations sont à court de trésorerie. Depuis le début de la guerre, 7 % ont déjà mis la clé sous la porte », décrit le chef du bureau ukrainien de l’Organisation pour l’agriculture et l’alimentation. « Près de 500 000 hectares ne sont plus exploités à cause des mines, des bombardements et de la pollution des sols. » À Kharkiv, 28 000 hectares sont contaminés au cadmium.
Dans les territoires libérés, il y a beaucoup de villages détruits à 100 %. « Les Russes ont miné systématiquement en se retirant, y compris dans les champs, les forêts, les routes et les maisons. », rapporte l’ONG ukrainienne East SOS. Le chômage frappe ces régions. Pour éviter la mobilisation, beaucoup d’hommes ne postulent pas dans l’administration, ce qui impliquerait leur enregistrement dans les bureaux de recrutement militaire.
L’armée russe détruit et mine le couvert des forêts, abri contre les drones et les bombardements. Un portfolio illustre ces ravages [69].
Au 1er novembre 2023, les autorités ont recensés au moins 264 civils tués et 830 blessés par des mines dans tout le pays [70].
Près du front, les agriculteurs manquent de tout. L’exportation leur coûte très cher et se trouve bloquée aux frontières de l’Union européenne par les pays qui estiment la concurrence déloyale [71].
Le retour de Bohdan Yermokhin
Bohdan Yermokhin, orthographié Bogdan Ermokhin par l’état civil russe, est de retour en Ukraine. Enlevé de son orphelinat de Marioupol, il a été déporté en Russie. Le président Zelenski a remercié les médiations de l’Unicef et du Qatar qui ont permis le retour du jeune homme, via la Biélorussie, in extremis la veille de ses dix-huit ans alors qu’il était déjà convoqué au service militaire. La détermination de son avocate Kateryna Bobrovskaya a été aussi déterminante. Bohdan lui a confié ses dernières paroles en Russie. « J’ai dit à l’équipe de la commissaire russe aux droits de l’homme qui m’a accompagné à l’aéroport : “maintenant que je sais que ce n’est pas impossible, sachez que je veux aider tous les enfants ukrainiens à rentrer chez eux” [72]. »
Le plus jeune agent étranger
Le ministère de la Justice de la Fédération de Russie a mis à jour le registre des « agents étrangers ». L’actrice multirécompensée et animatrice de télévision Yana Troyanova y figure pour son soutien aux opposants politiques et sa dénonciation de la guerre en Ukraine. Elle s’est exilée en France [73]. Sont frappés par la même mesure : Grigory Sverdlin, ancien directeur de la Fondation Nochlezhka (Lumière de la nuit) de soutien aux sans-abris à Saint-Pétersbourg et à Moscou et coordinateur, depuis la Géorgie, du projet « Traverser la forêt » d’aide aux réfractaires, le politologue Alexander Morozov, le journaliste Ilya Ber et le journal Moscow Times. Ce quotidien anglophone s’est partiellement délocalisé à Amsterdam pour couvrir plus librement l’invasion de l’Ukraine. L’accès à l’édition russe du site web a été bloqué après la publication d’un article sur le refus de certains officiers russes de participer au conflit en Ukraine [74].
Grigory Sverdlin estime que « si vous faites quelque chose de concret – dans le cas présent en aidant les hommes, en Russie, qui cherchent à déserter - vos paroles auront beaucoup plus de crédit que si vous essayez de résister en luttant contre la propagande simplement avec des mots [75] ».
Marat Nikandrov, 19 ans, est le plus jeune inscrit sur le registre comme agent étranger. « Pour le plaisir », il a rempli un formulaire pour être inclus dans la liste. Il a reçu une convocation du bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire « pour vérifier les données ». Il n’a pas l’intention d’y aller.
« J’ai toujours été contre l’armée de conscription, car je crois qu’il s’agit d’un esclavage légalisé. […] Je n’ai pas fui le bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire, je ne me suis pas adressé à eux […] et je ne me suis pas inventé une sorte de maladie pour m’en débarrasser. J’ai simplement ignoré l’État, c’est tout [76]. »
Le cahier d’écolier du terroriste
En mai 2022, un conducteur russe de train de marchandises, a déclaré avoir vu sur les rails des feuilles d’un cahier d’écolier, attachées aux rails avec du fil de cuivre. Il a arrêté le train et a ramassé les feuilles sur lesquelles, selon lui, il était écrit notamment « Liberté pour la Sibérie ! ».
Les forces de sécurité ont facilement déterminé qu’Ilya Podkamenny, 19 ans, était à l’origine de l’incident et qu’il était également l’auteur des inscriptions. Son domicile est proche de la voie de chemin de fer et il dirige une chaîne Telegram « Mouvement de libération de Sibérie – États fédérés de Sibérie ».
Un tribunal militaire a condamné le jeune homme à douze ans de prison dans une colonie à sécurité maximale pour « terrorisme ». La mère de l’accusé a été témoin à charge devant le tribunal, affirmant que son fils « voulait mettre le feu aux bureaux d’enregistrement et d’enrôlement militaires [77]. »
Egor Balazeïkine
Egor Balazeïkine, arrêté à seize ans, a été condamné à six ans de prison pour une tentative avortée d’incendie de bureaux de recrutement. À l’audience, il a expliqué : « Je suis arrivé à la conclusion que je ne pourrais jamais approuver la présence des forces armées russes sur le territoire de l’Ukraine. J’ai essayé d’en parler autour de moi, d’aider les gens à prendre conscience de cela. Mais j’ai compris que les discussions étaient inutiles et j’ai voulu agir autrement. »
Ses parents le soutiennent [78]. Au tribunal, sa mère a évoqué des actions terroristes qui ont frappé la Russie, comme celle de 2004 au cours de laquelle 1 100 otages ont été retenus et 334 personnes sont décédées. Elle a demandé à la cour de respecter le principe de proportionnalité de l’acte [79].
OVD-Info
De février 2022 à octobre 2023, OVD-Info recense sur son site 19 834 détenus et 748 procès en Russie pour des protestations contre la guerre.
En octobre, 44 avocats d’OVD-Info ont aidé 68 accusés dans 58 affaires pénales « anti-guerre » [80].
Eugeniy Parasochka et Viktor Shkvarok ont été condamnés à 2,5 ans de prison dans une colonie pénitentiaire en raison de leur refus de se battre en Ukraine [81].
Le journal en ligne Vecherniye Vedomosti (Evening News) a été condamné à une amende de 110 000 roubles, et le rédacteur en chef du journal à une amende de 195 000 roubles pour avoir couvert des actions pacifistes. Des articles relataient les détentions de résidents locaux qui scandaient des slogans pacifistes [82].
Sasha Skochilenko : « Ah oui, la vie ! »
Alexandra, dite Sasha, Skochilenko est condamnée à sept ans de prison pour cinq étiquettes opposées à la guerre déposée dans un magasin.
Mediazona publie sa dernière déclaration au tribunal. En voici des extraits.
« Mon affaire est tellement bizarre et ridicule qu’elle a été initiée le 1er avril. Mon cas est si bizarre et ridicule que parfois je m’attends à entrer dans la salle d’audience, pour être accueillie par des confettis et des cris "Je t’ai eue ! Je t’ai eue !". Mon cas est tellement bizarre et ridicule que même les employés du centre de détention n° 5 s’étonnent et s’exclament : "Est-ce qu’ils mettent vraiment les gens en prison pour ça maintenant ?" Même certains partisans de l’Opération militaire spéciale que j’ai rencontrés ne croient pas que je mérite d’être mise derrière les barreaux pour ce que j’ai fait.
Mon enquêteur a démissionné avant la conclusion de mon affaire. Il a confié à mon avocat : "Je ne suis pas venu travailler pour la commission d’enquête pour poursuivre des affaires comme celle de Sasha Skochilenko." Il abandonne une affaire qui l’aurait propulsé vers une belle carrière, une affaire qui lui avait déjà valu une promotion. Il a quitté le comité d’enquête pour travailler dans un magasin de surplus militaire. Je respecte énormément sa décision et je pense que lui et moi sommes très semblables : nous avons tous deux agi selon notre conscience.
[…] Grâce à mes enquêteurs et procureurs, les informations que j’ai diffusées ont atteint des milliers de personnes en Russie et dans le monde entier. Si je n’avais pas été arrêtée, cela n’aurait été connu que d’une grand-mère [sa dénonciatrice], d’une caissière et d’un agent de sécurité du magasin Perekrestok.
[…] La procureure de la République a déclaré à plusieurs reprises que mes actions étaient extrêmement dangereuses pour la société et l’État. À quel point la confiance de la procureure dans notre État et notre société doit-elle être fragile si elle pense que notre État et notre sécurité publique peuvent être détruits par cinq petits bouts de papier ?
Lorsqu’une personne déclenche une mutinerie [allusion à Prigojine et sa milice Wagner] causant des dommages importants à notre pays, son dossier pénal est rapidement ouvert et clos en une journée. Personne n’a été blessé par mes actes, et pourtant je suis incarcérée depuis plus d’un an et demi maintenant, aux côtés d’assassins, de voleurs, de violeurs et de proxénètes. Le préjudice supposé que j’ai causé peut-il être comparable à ces crimes ?
[…] Je suis pacifiste. Les pacifistes ont toujours existé. C’est un certain credo de ceux qui accordent la plus grande valeur à la vie. Nous pensons que chaque conflit peut être résolu de manière pacifique. Je ne peux pas supporter de tuer ne serait-ce qu’une araignée, effrayée à l’idée même de prendre une vie.
Les guerres sont menées par des guerriers, mais la paix est apportée par des pacifistes. Emprisonner des pacifistes ne fait que retarder l’avènement de la paix tant attendue.
Oui, je pense que la vie est sacrée. Ah oui, la vie ! Supprimez les fantaisies du monde comme l’argent, le pouvoir, la gloire et le statut social, et tout ce qui reste, c’est la vie. Ah oui, la vie ! C’est persistant, tenace, émouvant, incroyable, puissant. Elle est originaire de la Terre et, à ce jour, nous n’avons rien trouvé de comparable, même dans l’immensité de l’espace. Elle peut se frayer un chemin à travers le trottoir, briser des pierres, passer d’une petite pousse à un énorme baobab. Elle prospère sur les sommets des montagnes, se cache dans la fosse des Mariannes, perdure dans les glaces arctiques et les déserts brûlants. La forme ultime de vie est l’être humain. Les humains représentent une forme de vie extraordinairement intelligente. C’est la vie consciente d’elle-même, de sa mortalité. Pourtant, nous l’oublions souvent, vivant comme si nous étions immortels. En vérité, la vie humaine est éphémère. C’est insignifiant, court. Tout ce que nous pouvons faire, c’est prolonger un bref moment de bonheur. […]
Aujourd’hui, nous perdons des jeunes. Encore la mort, encore le chagrin, encore la douleur. Et je n’arrive tout simplement pas à comprendre : pourquoi la guerre ?
[À la procureure :] Je ne vous en veux pas. Vous recherchez votre carrière, un avenir stable pour subvenir aux besoins de votre famille, la nourrir et garder un toit au-dessus de sa tête, pour subvenir aux besoins de votre avenir ou de vos enfants déjà nés. Mais qu’allez-vous leur dire ? À propos de la façon dont vous avez emprisonné une femme gravement malade pour cinq morceaux de papier ? Non, bien entendu, vous parlerez d’autres cas. Peut-être vous consolez-vous en pensant que vous faites simplement votre travail. Mais que ferez-vous lorsque le pendule basculera dans l’autre sens ?
[…] Vous trouverez peut-être cela étrange, mais je sympathise avec vous [83]. »
Le 21 novembre 2023, soit cinq jours après la condamnation, 400 médecins ont signé une lettre ouverte demandant à Poutine la libération de Sasha [84].
Un criminel grâcié
Nikolaï Ogolobyak, condamné en 2010 à 20 ans de prison pour le meurtre rituel et le démembrement de quatre adolescents dans la région de Iaroslavl, a été gracié en raison de sa participation à la guerre contre l’Ukraine [85].
Un condamné à 22 ans de prison pour meurtres et cannibalisme est parti combattre en Ukraine. Il serait blessé et hospitalisé [86].
Rendez-nous nos maris
Comme en Ukraine, les femmes des familles russes de combattant réclament leur retour. Le 7 novembre 2023, une trentaine d’entre elles ont manifesté à Moscou sous les pancartes « Rendez-nous nos maris, nos pères, nos fils ». Bien qu’elles ne soient pas opposées à l’« Opération spéciale », la police est intervenue mais sans les arrêter. Des autorisations de manifester ont été refusées dans une dizaine de villes au nom de normes anti-Covid qui ne s’appliquent pas aux rassemblements patriotiques. Les militantes subissent des intimidations. Le président Poutine aurait confirmé que la mobilisation sera prolongée jusqu’à la victoire [87].
Dans la région de Kemerovo et dans le territoire de Krasnoïarsk, la police s’est rendue au domicile de femmes participant à des forums de discussion où de telles actions étaient discutées.
Les femmes ont ensuite publié une pétition et un manifeste virulent :
« Nous sommes trahis et détruits par notre propre peuple. […] Nous sommes foutus et vous êtes foutus. […] On se souvient que le président avait promis que les réservistes ne seraient pas mobilisés et que les tâches dans la Région militaire Nord seraient accomplies uniquement par des volontaires professionnels. Et puis nos proches ont été emmenés en Ukraine. Les promesses se sont révélées vides de sens. Beaucoup ne reviendront jamais. La mobilisation s’est avérée être une terrible erreur. Nous avons été punis pour notre comportement respectueux de la loi. […] Nos hommes paient la stabilité avec du sang, et nous, avec la santé et les larmes. »
Elles qualifient la situation dans le pays d’absurde et critiquent Vladimir Poutine.
« Le président a déclaré 2024 année de la famille. Ironique, sachant que les femmes hurlent sans leur mari, que les enfants grandissent sans père et que beaucoup sont déjà orphelins. Et le sataniste cannibale, qui a rechuté après son premier emprisonnement, est libéré six mois plus tard, après avoir expié les meurtres en série dans la Région militaire Nord. Notre président a toujours le sens de l’humour ! [...] Apparemment, notre Patrie est en train d’être libérée pour la crème de la société : les maniaques, les ivrognes, les migrants, les fonctionnaires exorbitants et leurs enfants (pourquoi ne sont-ils pas dans les tranchées, d’ailleurs ?) [88].
Service civil alternatif
La Cour suprême de Russie a confirmé le droit constitutionnel au service civil alternatif à Pavel Mushumansky, un appelé à qui il avait été refusé et qui a subi plusieurs mois de prison [89].
Pas de prix réduit pour les anciens combattants
Plus de soixante employés du théâtre de Voronej ont demandé aux autorités de ramener Mikhaïl Bychkov au poste de directeur artistique. Il a été licencié après avoir refusé d’accorder des billets à prix réduit aux combattants de l’opération militaire spéciale. En 2022, il avait signé avec certains de ses homologues une lettre de protestation contre l’invasion de l’Ukraine [90].
Après le licenciement, trois actrices ont quitté le théâtre. Plus de six mille personnes ont signé une pétition en faveur de Bychkov [91].
Ukraine
Formation de militaires ukrainiens en France
Des soldats ukrainiens sont formés par l’armée française. L’un d’eux a déserté et des policiers militaires ukrainiens sont arrivés sur place.
Les Français et les Ukrainiens doivent rompre leurs contacts en fin de stage. Un capitaine le justifie : « On sait que certains des hommes que nous formons vont mourir. On se demande toujours si on a bien fait les choses, si on aurait pu mieux faire où autrement pour qu’ils s’en sortent. Mieux vaut ne pas savoir [92]. »
Maintenant, c’est au tour des autres
Le 13 novembre 2023, des femmes et des enfants manifestent à Kiev pour la démobilisation de leurs compagnons et de leurs pères. Des pancartes sont brandies : « Maintenant, c’est au tour des autres », « Parti défendre un pays libre et devenu un serf de la guerre ». Les femmes racontent la fatigue et la démotivation des combattants après dix-huit mois de guerre. Ils ne peuvent quitter le front faute de volontaires pour les remplacer. « On y va jusqu’à ce qu’on meure ou qu’on devienne handicapé [93]. »
Réfractaires
Selon la BBC, entre le début de la guerre et le 31 août 2023, 19 740 hommes ont fui l’Ukraine pour éviter d’être enrôlés. À pied ou, au risque de se noyer, à la nage, ils ont franchi les frontières avec les pays limitrophes où ils peuvent obtenir l’asile ou poursuivre leur périple.
21 113 autres hommes ont tenté de fuir mais ont été appréhendés, admettent les autorités ukrainiennes. 6 800 d’entre eux tentaient d’utiliser des documents d’exemption frauduleux. « Le gouvernement est conscient que ce phénomène n’est pas isolé et qu’il est répandu. Mais malheureusement, je voudrais souligner que la corruption est très résistante. », convient le représentant parlementaire du président. « Ceux qui tentent d’éviter la mobilisation représentent environ 1 à 5 %. Ils ne sont certainement pas essentiels à la défense de l’Ukraine. », minimise-t-il. Les réfractaires risquent huit ans de prison. L’un d’eux espère revenir sans sanction après la guerre. « Sans les gens - et surtout sans les gens intelligents qui gagnent beaucoup d’argent et versent beaucoup d’argent au Trésor public - il est plus difficile pour l’État d’exister. », estime-t-il.
Au moins six groupes Telegram proposent des services de passeurs ou de faussaires [94].
Le groupe libertaire ukrainien Assembly cite la police nationale qui fait état de 8 000 poursuites pénales engagées contre des réfractaires depuis le début de l’invasion.
Le même groupe relate que les statistiques de la Cour suprême de la Fédération de Russie démontrent, entre les premiers semestres de 2022 et de 2023, une augmentation de 40 % des militaires condamnés. De janvier à juin 2023, 1 270 délits de non-respect de l’ordre, de désertion, de cessation de service non autorisée, de simulation de maladie et de reddition volontaire ont été sanctionnés [95].
La justice ukrainienne a intenté 7 000 procédures contre des collaborateurs avec l’envahisseur russe, qui ont déjà abouti à 330 condamnations. Les défenseurs des droits humains jugent trop sévères les inculpations qui frappent des enseignants ou des agents administratifs mineurs et ignorent qu’il s’agit parfois d’une question de survie. Pour avoir donné vingt kilos de viande aux forces russes dans son village occupé, un homme est condamné à quatre ans de prison [96].
Mercenaires
Les combattants volontaires étrangers pour défendre l’Ukraine sont moins nombreux. Pour les remplacer, l’armée incorpore des Syriens, des Latino-Américains et des Africains, motivés essentiellement par l’argent [97].
Russie
Criminels de retour du front
Les combattants russes recrutés en prison, d’abord par la milice Wagner puis par le ministère de la Défense, sont démobilisés après six mois sur le front. Les soldats mobilisés en septembre 2022, eux, ne sont pas susceptibles de rentrer prochainement dans leurs foyers.
Leur culpabilité ayant été rachetée « par le prix du sang », les anciens prisonniers sont graciés et retournent dans les villes et villages de leurs méfaits, souvent atroces. Là, ils croisent les proches de leurs victimes qui en sont traumatisés. Ils sont protégés par une loi qui interdit de « discréditer les participants à l’opération militaire spéciale ». Les morts au combat sont enterrés avec les honneurs dus aux héros.
Sur dix-sept meurtriers graciés identifiés, souvent récidivistes, trois ont déjà commis de nouveaux crimes : incendie ayant causé deux morts, sœur brûlée vive, meurtre d’une fille de quatre ans [98].
Les femmes sont les premières victimes des violences. Une femme sur cinq subit la violence de son mari. Les coups domestiques ne sont punis que d’une amende de moins de cinquante euros. 85 % des femmes emprisonnées le sont pour avoir résisté à leur partenaire [99].
Alexeï Arbouzenko, Alexandra Skotchilenko, Vladimir Milov…
Alors que les criminels quittent les prisons, les prisonniers politiques les remplacent.
Le 14 novembre 2023, Alexeï Arbouzenko a été condamné à six ans de prison pour avoir dégradé des affiches représentant des militaires russes.
Après un procès interminable, le 16 novembre 2023, un tribunal de Saint-Pétersbourg a condamné à sept ans de prison l’artiste russe Alexandra Skotchilenko, pour avoir remplacé dans un magasin les étiquettes de prix par de courtes notules sur les crimes de l’armée russe. Depuis mars 2022, elle était en détention provisoire et sans les soins médicaux qui lui sont nécessaires. « Oui, je suis assise dans une cage maintenant, mais je suis plus libre que vous. », a-t-elle répliqué au procureur [100]. « Tout le monde voit et sait que vous ne jugez pas une terroriste. Vous ne jugez pas une extrémiste. Vous ne jugez même pas un activiste politique. Vous jugez une pacifiste. »
Réfugiée à Paris auprès de la famille d’Anya, son autre fille, Nadejda, la mère d’Alexandra, parle de celle-ci : « Les créatifs sont dangereux pour la Russie : ils détournent l’attention de la télévision, détournent l’attention de l’actualité et présentent ce qu’il se passe en Russie d’une manière complètement différente. »
Dans une lettre ouverte à Vladimir Poutine, déjà une centaine de médecins confirment le caractère destructeur du régime carcéral pour la santé d’Alexandra Skochilenko et appellent à sa libération immédiate. « Dans le contexte d’informations faisant état de libérations anticipées massives de personnes ayant commis des crimes graves, tels que des viols et des meurtres, l’emprisonnement effectif d’une personne dont l’acte n’a aucun corpus delicti et aucune victime semble particulièrement injuste [101]. »
Pour embrouiller les électeurs pour la douma municipale de Saint-Pétersbourg, deux candidats, dont un membre du parti poutinien « Russie unie » [102], avaient changé de nom et de prénom pour prendre ceux de Boris Vishnevski, le candidat du parti d’opposition Yabloko. Leurs photos retouchées lui ressemblaient [103]. Le vrai Boris Vishnevski a pourtant été élu. Il commente la condamnation d’Alexandra : « Pour un meurtre, on prend parfois moins que pour cinq étiquettes de prix dans un supermarché. » « Il s’agit de représailles démonstratives, d’une action d’intimidation de la société - pour que les gens se taisent, cessent d’exprimer ouvertement leur désaccord avec la position officielle des autorités, déclarées infaillibles, et que tout désaccord avec elle soit punissable [104]. »
Amnesty international a dénoncé « un simulacre de procès », estimant que l’affaire Skotchilenko « est devenue synonyme de l’oppression absurde et cruelle à laquelle sont confrontés les Russes qui s’opposent ouvertement à la guerre [105]. »
Le même jour, Vladimir MIlov, ancien vice-ministre de l’énergie, passé dans l’opposition liée à Alexeï Navalny et réfugié en Lituanie, a été condamné par contumace à huit ans de détention. Selon l’accusation, il diffuse des informations mensongères sur les forces armées russes au demi-million d’abonnés à sa chaîne YouTube.
Toujours le même 16 novembre, les trois avocats de Navalny, placés en détention provisoire en octobre, ont été ajoutés à la liste des personnes liées à « des activités extrémistes ou terroristes [106]. »
Sur Telegram, le média d’opposition Astra relate les appels quasi quotidiens de proches de soldats russes à propos de la détention, en dix jours, d’au moins 173 refuzniks dans le sous-sol d’un camp de détention illégal à Zaitsevo, dans la région de Lougansk. Ce camp déjà dénoncé par Astra en 2022 avait alors été dispersé. Au total, seize camps similaires ont été dénombrés. D’autres appels dénoncent les commandants ivres, le manque de munitions, de reconnaissance, de soutien d’artillerie, de nourriture et d’eau [107].
Chypre
Limassol, la capitale économique de l’île de Chypre, accueille des sociétés russes et israéliennes de la zone grise de l’économie numérique : sites pornographiques, régies publicitaires agressives, services de paiement à risque, ventes de technologies de surveillance, fermes de contenus… Les entreprises sont attirées par le très faible taux d’imposition et l’ouverture vers l’Europe de l’argent blanchi. Un avocat fiscaliste rassure : « Lorsqu’il y a des changements dans la loi, c’est toujours au bénéfice des investisseurs. »
Après l’invasion de l’Ukraine, le géant biélorusse du jeu vidéo a fermé toutes ses activités en Russie et en Biélorussie et renforcé sa présence à Chypre. Plus de 10 000 Ukrainiens se sont installés à Limassol. Les développeurs et ingénieurs russes fuyant la mobilisation militaire et le durcissement du régime ont afflué dans la ville. Les loyers, multipliés par quatre, sont inabordables pour les Chypriotes. Les écoles sont engorgées.
Dans un salon professionnel du marketing numérique, presque tout le monde parlait russe. Pourtant, des tee-shirts et d’autres objets à l’effigie de Volodymyr Zelensky furent vendus aux enchères au bénéfice du soutien à l’Ukraine [108].
Darya Apakhonchich
La loi russe sur les agents étrangers a été introduite en 2012 à la suite de manifestations antigouvernementales massives et ciblait initialement les ONG qui, selon le Kremlin, disposaient de financements étrangers. Depuis, la Russie l’a progressivement élargie pour inclure les organisations et médias « indésirables », ainsi que, en 2019, les citoyens ordinaires. La loi précise que la désignation d’agent étranger peut être appliquée à toute personne diffusant des informations provenant de médias reconnus comme agents étrangers. L’avocat Pavel Chikov, directeur du groupe de défense des droits humains Agora, explique que n’importe qui pourrait être considéré comme un agent étranger pour avoir obtenu un « soutien de l’étranger », et pas seulement un financement étranger.
Darya Apakhonchich est une ancienne consultante linguistique de la Croix-Rouge qui a donné des cours de russe à des femmes migrantes et réfugiées. Elle est militante féministe à Saint-Pétersbourg. Elle a organisé des performances visant à protéger l’environnement, à défendre des causes féministes et LGBT et à protester contre l’aventurisme militaire russe [109]. Elle a notamment participé au « Week-end militarisé », consistant à marcher en tenues de camouflage « tachées du sang des Russes, des Ukrainiens et des Kazakh », à les laver dans des bassines et à les étendre le long de la perspective Nevski [110].
En 2020, en même temps que Lev Ponomarev, militant des droits humains, et que quelques journalistes, elle a été une des premières citoyennes qualifiées d’agents étrangers. Son avocat, Pavel Chikov, pense que c’est en raison de son activisme en faveur des droits des femmes et non de fonds étrangers pour la rétribution de ses cours. Nasiliu.net, « non à la violence » en russe, le groupe d’aide aux femmes le plus actif de Russie, est aussi « agent de l’étranger ».
« Saint-Pétersbourg possède une société civile dynamique, de nombreux artistes, penseurs critiques et militants protestataires. C’est aussi le berceau du féminisme russe. Darya […] a été choisie au hasard dans le but démonstratif d’intimider toutes les autres », estime Tatyana Lokshina, directrice associée pour l’Europe et l’Asie centrale à Human Rights Watch.
D. Apakhonchich a déclaré qu’elle avait perdu ses différents contrats d’enseignement avec la Croix-Rouge et que son propriétaire l’avait expulsée de son appartement avec sa famille. Elle sera désormais également obligée de soumettre des rapports financiers trimestriels au ministère de la Justice. Elle doit mentionner qu’elle est un agent étranger dans toute candidature à un nouveau poste d’enseignante [111].
Depuis le début de la guerre, Daria Apakhonchich a cessé de se conformer aux exigences imposées aux « agents étrangers ». Au lieu de rapports fastidieux, elle envoie au ministère de la Justice des dessins, des déclarations anti-guerre et anti-autoritaires figurant sur des formulaires destinés aux rapports « d’agents étrangers ». En septembre 2023, un tribunal de Saint-Pétersbourg a déclaré Apakhonchich coupable de ne pas avoir fourni de rapports et lui a infligé une amende de 40 000 roubles ( 410 dollars) [112].
Photo : réseaux sociaux de Darya Apakhonchich
Organisations indésirables
En août et septembre 2023, des organisations ont été classifiées indésirables par la Russie : le Centre ouralien pour le développement des peuples autochtones (Estonie), la Free Buryatia Foundation, l’Hudson Institute, la Foundation for Democratic Development (États-Unis), l’International Transport Workers Foundation (Royaume-Uni), EastCham Finland (Finlande), et l’organisation à but non lucratif Unkremlin (Allemagne) [113].
Bataillon sibérien
Le 24 octobre 2023, l’armée ukrainienne a présenté à la presse un bataillon de cinquante volontaires russes, essentiellement bouriates et yakoutes. Les recrues ont déclaré qu’elles voulaient lutter contre l’impérialisme russe tant en Ukraine que dans leur pays. La fondation non gouvernementale « Bouriatie libre » estime que la volonté de mobiliser les Bouriates, pour des soldes dix fois supérieures à la moyenne des salaires dans cette république, est due au fait que le Kremlin considère la Bouriatie comme le territoire présentant le moins de risques de manifestations antigouvernementales [114].
Incitation à la désertion
Le Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) a arrêté pour « haute trahison » un « complice des nazis ukrainiens » sur le territoire de la République de Bouriatie. Le suspect aurait « persuadé des militaires russes de rejoindre les forces armées ukrainiennes après leur arrivée dans la zone d’opérations spéciales [115] ».
Condamnation pour un projet d’incendie
Selon l’agence Tass [116], Valeria Zotova, une Russe de 20 ans, a été condamnée à six ans de prison pour « terrorisme ». Elle avait été arrêtée en février 2023, au nord-est de Moscou, alors qu’elle prévoyait d’incendier un point de collecte devant recevoir des vêtements et de la nourriture pour les Russes mobilisés sur le front ukrainien [117].
Témoignage d’un déserteur russe
« Je ne voulais pas contribuer à l’effort de guerre. J’étais contre tout cela dès le premier jour. Ils ont évoqué ce projet "I Want to Live" ["Je veux vivre", programme ukrainien d’aide à la désertion]. Ainsi, l’une des options était de franchir la ligne de contact [et de se rendre]. Il existe une autre organisation qui aide [les militaires russes] à quitter la ligne de front. L’itinéraire que j’ai emprunté était assez intéressant, mais je préfère le garder secret car d’autres pourraient l’emprunter.
Alors, j’ai déserté. J’aurais risqué jusqu’à 15 ans de prison si j’avais été arrêté. Malheureusement, je ne peux pas révéler mon nom. L’endroit où je me trouve actuellement n’est toujours pas ma destination finale et j’ai peur qu’ils m’attrapent. S’ils le font, je pense qu’ils me feront passer en justice puis me renverront [au front] [118]. »
La vraie Russie
L’association Russie-Libertés a organisé à Paris, les 29 et 30 septembre 2023 un forum d’opposants russes, ou plus exactement, comme l’a précisé une femme du public, de la vraie Russie.
Les vidéos sont disponibles ici [119]. On y entend Irina Kniazeva de la Plate-forme des initiatives antiguerre qui regroupe 80 organisations de trente pays. Grigoriy Sverdline, fondateur du projet Get Lost ou Traverser la forêt, explique que 16 000 déserteurs russes, menacés de quinze ans de prison, ont été aidés par son organisation. Il regrette l’absence de critères communs à l’Europe pour accorder l’asile aux réfractaires. La mère d’Alexandra Skotchilenko, toujours prête à témoigner, a quitté la Russie pour éviter d’être utilisée pour faire pression sur sa fille, emprisonnée pour avoir remplacé des étiquettes de supermarché par des slogans antiguerre. Une porte-parole d’Amnesty international prend également la défense de la militante.
Dans un débat sur la démocratisation de la Russie, l’ancien journaliste et eurodéputé Bernard Getta déplore que le pays n’ait pas la culture du débat politique.
Déportation et embrigadement russes de jeunes Ukrainiens
19 546 jeunes Ukrainiens ont été déportés en Russie ou dans les territoires occupés. Seuls 386 d’entre eux, tous mineurs, ont été rendus à leurs familles. Il y a au moins quarante-trois camps de regroupement en Russie, sanatoriums ou orphelinats, et cinq en Biélorussie. Grâce à des procédures simplifiées et accélérées, des familles russes adoptent les plus jeunes et reçoivent une prime plus forte que pour un enfant russe. Les nom, prénom, date et lieu de naissance peuvent être changés pour que les enfants ne puissent pas être retrouvés. Les traces de soixante enfants handicapés d’une institution de Kakhovka et de quatorze bébés de Kherson sont perdues.
La marraine d’un garçon cherche à le ramener en Ukraine. Elle est arrêtée, interrogée pendant 24 heures et expulsée en Biélorussie. Elle est contrainte d’avouer, face caméra, qu’elle est agente du Service de sécurité d’Ukraine (SBU). Le garçon est toujours en Russie.
Les adolescents qui deviennent majeurs ne peuvent pas quitter le pays. Lavage de cerveau ou syndrome de Stockholm, certains s’engagent avec conviction dans l’armée.
En octobre 2022, une Ukrainienne apprend, en quelques heures, le décès de sa mère dans un bombardement et la déportation de son fils Vladislav, 17 ans. Celui-ci est logé au Sanatorium de l’Amitié puis formé comme capitaine de vaisseau. Il refuse de chanter l’hymne national russe et d’accepter un passeport du pays. En mai 2023, avec sept autres, sa mère se rend sur place. Elle subit le détecteur de mensonges du FSB. Après cinq jours dans un sous-sol, elle cède au chantage d’une interview de remerciement aux autorités sur RIA Novosti, l’organe de propagande du Kremlin. Elle rentre avec Vladislav. La personnalité de ce dernier a changé. Il est devenu taciturne et solitaire. Il rêve maintenant de rejoindre l’armée ukrainienne.
Un mandat d’arrêt comme criminels de guerre pour la déportation d’enfants vise Poutine et la Commissaire aux droits des enfants, Maria Lvova-Belova, elle-même mère adoptive d’un jeune Ukrainien. Depuis lors, pour récupérer son enfant, il faut posséder un passeport russe et subir un test ADN, prétendument pour éviter les trafics d’enfants des réseaux pédophiles.
Très jeunes, les enfants russes sont embrigadés dans des formations militaires. Dans les territoires ukrainiens occupés, les parents qui refusent d’inscrire leurs enfants à une association patriotique sont menacés de la déchéance de leurs droits parentaux.
Les migrants d’Asie centrale sont convoqués à un « entretien culturel et patriotique » qui dissimule une forte incitation à un engagement militaire [120].
Bogdan Ermokhin est un des 31 enfants transférés d’un orphelinat de la ville de Marioupol conquise par l’armée russe en mai 2022. La commissaire aux droits de l’enfant de Moscou les avait exhibés à la télévision et a adopté l’un d’entre eux, ami d’enfance de Bogdan. Sur les réseaux sociaux, Bogdan a souhaité retourner en Ukraine, chez sa tutrice légale. Une tentative de fuite a échoué à la frontière biélorusse. Sous la contrainte, il a enregistré une vidéo pour demander à rester en Russie.
« À leur majorité, les enfants ukrainiens sont envoyés dans des institutions militaires, et leur rapatriement devient impossible », dénonce une juriste de l’ONG Regional Center for Human Rights. La proximité de la date de la majorité de Bogdan et les obstacles russes à son rapatriement inquiètent sa tutrice et son avocate ukrainienne. Il est déjà convoqué dans un bureau de recrutement militaire [121]. Il a enregistré un appel au président ukrainien Vladimir Zelensky, diffusé par son avocate [122].
Ksenia, de l’oblast de Kharkiv, a été placée avec son jeune frère dans une famille d’accueil. Le garçon est envoyé dans un camp d’été en Crimée d’où il ne revient pas, emmené par une famille de réfugiés ukrainiens. Devenue majeure, Ksenia fait le voyage pour retrouver son frère. « Quand je l’ai vu avec sa famille, j’ai tout de suite vu que quelque chose clochait. […] Il détournait le regard chaque fois que je lui parlais. Il répétait qu’il ne voulait pas revenir en Ukraine, “à cause de la guerre et des nazis”. » Après des heures de discussion, il accepte le retour en Ukraine. Ils vivent maintenant dans un hôtel de Kiev avec une centaine d’enfants pris en charge par l’organisation Save Ukraine qui recherche et rapatrie les enfants déportés.
Une adolescente de quatorze ans rate une tentative d’évasion. « L’intermédiaire qui m’avait aidée à m’évader a été arrêté et torturé. On l’a accusé faussement de m’avoir violée. J’ai été interrogée à plusieurs reprises, à n’importe quelle heure, pour me faire craquer et l’accuser, j’ai dû subir un examen gynécologique fait par un homme. Ensuite, j’ai été internée un mois dans un hôpital psychiatrique. J’étais tellement stressée que j’ai perdu mes cheveux et j’ai souffert de ménorragie pendant 104 jours. » Elle réussit enfin à être exfiltrée.
Oleg Bourak travaille dans le renseignement ukrainien. Son fils de quinze ans est déporté. « Dès le lendemain, dit Oleg, un haut gradé de la milice de Kadyrov [dirigeant tchétchène] m’a appelé pour échanger mon fils contre un militaire ukrainien qu’ils recherchaient. » Oleg a refusé. Vlad a alors été accusé d’espionnage et mis à l’isolement pendant un mois et demi, avant d’être transféré à Melitopol et maintenu en résidence surveillée 42 jours. « J’avais le droit de l’appeler tous les huit jours, et je le voyais peu à peu se transformer en zombie », raconte Oleg. Dans la cellule adjacente à celle de Vlad, il y avait une salle de torture où le jeune garçon entendait hurler ses compatriotes. « Tous les soirs, il devait y faire le ménage et nettoyer le sang des soldats ukrainiens. Il a été témoin de choses atroces. » Vlad a été libéré. Il vit aujourd’hui en Angleterre avec sa mère et son petit frère : « Il va au collège et travaille le soir dans une pizzeria. Il a l’air d’aller bien, mais je sais qu’il y a en lui quelque chose de cassé à tout jamais. »
Tigran et Mykyta, deux adolescents, ont été enlevés. « Pendant cinq jours, Tigran a été torturé. Parce qu’il avait crié qu’il était un partisan de l’Ukraine, il a reçu des décharges électriques sur tout le corps. Il a même subi une simulation de fusillade », témoigne à Kiev le journaliste de Magnolia TV Alexandre Vassiliev, qui présente une émission sur les enfants volés. Tigran et Mykyta ont été inculpés pour tentative de sabotage des voies ferrées. L’Union européenne et la Croix-Rouge sont intervenues vainement en leur faveur. Le 24 juin 2023, les jeunes gens sont abattus par des snipers. Un communiqué laconique des forces d’occupation russes annonce : « Détails de la fusillade à Berdiansk : deux terroristes pro-ukrainiens ont été éliminés [123]. »
Aide russe aux réfugiés ukrainiens
Un anonyme témoigne :
« Je m’occupe bénévolement des réfugiés ukrainiens afin qu’ils puissent quitter la Russie. J’achète des billets, je réserve un hébergement, je recherche un traitement médical et je fournis les articles nécessaires, entre autres. […]
C’est l’effort collectif de nombreuses personnes vaguement liées les unes aux autres, sans supérieurs ni subordonnés. […]
Les personnes touchées par la guerre sont profondément traumatisées. Leurs choix découlent souvent de peurs et de souffrances profondes. Ces choix sont influencés par leur histoire personnelle et leur capacité à faire face à des expériences déchirantes. S’ils choisissent de rester en Russie, ils essaient peut-être simplement d’éviter de reconnaître leurs expériences passées et de craindre de nouveaux bouleversements. Aider les personnes qui choisissent de s’installer en Europe est, à certains égards, plus facile. Elles ont le désir d’aller de l’avant et la volonté de reconstruire leur vie. […]
Il existe des défis, en particulier aux frontières européennes, notamment en Estonie, en Lettonie et en Pologne. […] D’après mon expérience, les difficultés les plus fréquentes surviennent lors de l’entrée dans l’UE. Les Ukrainiens se voient souvent refuser l’entrée, car les agents des frontières exigent la preuve qu’ils sont de "vrais réfugiés" qui se trouvaient réellement en Ukraine au début de l’invasion à grande échelle. Le fait que des individus aient effacé des données de leur téléphone [pour passer la frontière russe] et manquent de documents pour diverses raisons n’est pas pris en compte. En général, déterminer si une personne a droit à une protection devrait relever de la responsabilité des autorités chargées de l’immigration à l’intérieur du pays, et non des gardes-frontières. Il s’agit essentiellement d’une violation des droits des réfugiés. » Il conclut : « L’ampleur du désastre est si immense que peu importe tout ce qui est fait, ce n’est pas suffisant [124]. »
La face sombre de l’Ukraine
À Kryvyï Rih, ArcelorMital est le principal employeur : 21 000 salariés. À cause de la guerre, l’entreprise n’utilise que 20 à 25 % de ses capacités de production. À la fin de l’été 2023, seuls 12 000 employés travaillaient à temps plein. Au 18 octobre 2023, près de 14 % des effectifs ont été appelés sur le front et 106 n’en sont pas revenus.
Un contremaître a reçu sa convocation. Avec deux doigts invalides, il aurait pu être réformé. Le médecin militaire exigeait 4 000 dollars pour le certificat d’inaptitude. « Mais je me suis fixé un principe : si on m’appelle à la guerre, j’irai. »
La population est de plus en plus divisée entre ceux qui sont au front ou qui y ont un proche et les insouciants de l’arrière. Les soldats ont des contentieux pour leurs soldes et les mutilés pour faire reconnaître leurs droits.
Le gouvernement réduit les droits des travailleurs. Tous les chaînes diffusent le même journal télévisé patriotique. 2 471 procédures pénales ont été ouvertes pour la légitimation ou le déni de l’agression russe ou sa glorification [125].
[1] « Il est temps pour l’Ukraine de travailler avec l’opposition russe », https://www-politico-eu.translate.goog/article/time-ukraine-work-with-russia-opposition/?_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr, 19 décembre 2023, consulté le 20 décembre 2023.
[2] Emma Collet, « Guerre des ego chez les dissidents russes », L’express, 21 décembre 2023.
[3] Alain Barluet, « Écrire aux détenus en Russie, l’ultime résistance légale », Le Figaro, 2 novembre 2023.
[4] Benoît Vitkine, « Présidentielle russe : Le Kremlin écarte la candidature la plus critique », Le Monde, 27 décembre 2023.
[5] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/12/29/en-direct-guerre-en-ukraine-la-france-condamne-la-strategie-de-terreur-russe-apres-la-derniere-vague-massive-de-bombardements_6207516_3210.html, publié et consulté le 29 décembre 2023.
[6] Faustine Vincent, « Un déserteur russe enlevé en Arménie et emmené en Russie », Le Monde, 22 décembre 2023.
[7] https://www.nouvelobs.com/monde/20231226.OBS82547/transfert-de-navalny-dans-une-prison-en-arctique-pourquoi-sa-situation-inquiete.html?at_medium=email&at_emailtype=retention&at_campaign=ObsActu8h&at_send_date=20231227&M_BT=68431130352995, 26 décembre 2023, consulté le 27 décembre 2023.
[8] https://meduza.io/cards/zaschita-nakonets-nashla-alekseya-navalnogo-ego-etapirovali-v-koloniyu-za-polyarnym-krugom-chto-eto-za-mesto-i-kak-tam-obhodyatsya-s-zaklyuchennymi, 26 décembre 2023, consulté le 27 décembre 2023.
[9] https://meduza.io/feature/2023/12/29/kseniyu-fadeevu-posadili-na-devyat-let-ona-byla-odnoy-iz-nemnogih-soratnits-navalnogo-kto-ne-uehal-iz-rossii, publié et consulté le 29 décembre 2023.
[10] https://www.liberation.fr/international/europe/russie-ksenia-fadeieva-une-opposante-proche-de-navalny-condamnee-a-9-ans-de-prison-20231229_TV4HNK4OBBBFHI2H6DCISCKVMA, publié et consulté le 29 décembre 2023.
[11] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/12/28/en-direct-guerre-en-ukraine-le-novotcherkassk-a-bien-ete-detruit-estime-le-ministre-de-la-defense-britannique_6207516_3210.html, publié et consulté le 28 décembre 2023.
[12] https://meduza.io/feature/2023/03/15/organizovannaya-prestupnaya-gruppa-poetov, 15 mars 2023, consulté le 28 décembre 2023.
[13] https://meduza.io/news/2023/12/28/tverskoy-sud-moskvy-posadil-uchastnikov-mayakovskih-chteniy-artemu-kamardinu-sem-let-kolonii-egoru-shtovbe-pyat-s-polovinoy, publié et consulté le 28 décembre 2023.
[14] https://meduza.io/news/2023/12/27/proekt-sluzhba-podderzhki-ob-yavili-nezhelatelnoy-v-rossii-organizatsiey, publié et consulté le 27 décembre 2023.
[15] Propos recueillis par Florent Georgesco, « Pour le pouvoir poutinien, l’hostilité de l’étranger est le moteur principal de l’histoire russe », Le Monde, 30 novembre 2023.
[16] Florence Aubenas, « En Ukraine, la douloureuse question de la mobilisation », Le Monde, 30 novembre 2023.
[17] akar Sitkin,https://novayagazeta.ru/articles/2023/12/14/gospodin-prezident-kogda-realnaia-rossiia-ne-budet-otlichatsia-ot-televizionnoi, 14 décembre 2023, consulté le 15 décembre 2023.
[18] Andrey Karev, https://novayagazeta.ru/articles/2023/12/16/pereiti-za-priamuiu-liniiu, 16 décembre 2023, consulté le 17 novembre 2023.
[19] Benoît Vitkine, « Poutine s’affiche confiant sur sa guerre en Ukraine », Le Monde, 16 décembre 2023.
[20] Andrey Karev, art.cit.
[21] https://www.tatar-inform.ru/news/na-redaktora-idel-realii-alsu-kurmasevu-vozbudili-eshhe-odno-ugolovnoe-delo-5929012, 12 décembre 2023, consulté le 17 novembre 2023.
[22] https://meduza.io/news/2023/12/18/komitet-po-pravam-cheloveka-oon-potreboval-ot-rossii-ob-yasnit-gde-nahoditsya-navalnyy-s-nim-net-svyazi-13-dney, publié et consulté le 18 décembre 2023.
[23] https://meduza.io/news/2023/12/18/v-volgograde-pyateryh-voennyh-osudili-za-popytku-otkupitsya-ot-povtornoy-otpravki-na-front-na-komandira-bravshego-vzyatki-ugolovnoe-delo-ne-zaveli, publié et consulté le 19 décembre 2023.
[24] https://meduza.io/news/2023/12/19/zheny-mobilizovannyh-zayavili-chto-ih-muzhyam-na-peredovoy-stali-ugrozhat-sotrudniki-fsb, publié et consulté le 19 décembre 2023.
[25] https://antimilitarismus.noblogs.org/post/2023/12/14/the-anarchist-ruslan-siddiqui-is-charged-with-railway-sabotage-and-attacking-a-military-airfield, 14 décembre 2023, consulté le 20 décembre 2023.
[26] https://www.mofa.go.jp/press/release/pressite_000001_00050.html, publié et consulté le 15 décembre 2023.
[27] Vladimir Metelkine, https://meduza.io/feature/2023/12/15/chto-segodnya-nuzhno-rossiyanam-uehavshim-za-granitsu-posle-nachala-voyny-i-hotyat-li-oni-vernutsya, publié et consulté le 15 décembre 2023.
[28] https://t.me/agentstvonews/3766, consulté le 20 décembre 2023.
[29] https://meduza.io/feature/2023/09/11/proekt-obvinil-osnovatelya-gulagu-net-vladimira-osechkina-v-tom-chto-on-prisvaivaet-sebe-chuzhie-zaslugi-i-obmanyvaet-informatorov, consulté le 20 décembre 2023.
[30] Sammy Shawky, Sjoerd Fennema, « Un ancien officier de Wagner aux Pays-Bas doit faire rapport à la CPI : "Les ordres pour crimes de guerre venaient directement du Kremlin" », Een Vandaag, 18 décembre 2023, consulté le 19 décembre 2023.
[31] Coen Crawford, Sjoerd Fennema, « La destruction du MH17 est le résultat de luttes intestines entre mercenaires russes en Ukraine, déclare un ancien officier de Wagner aux Pays-Bas. », Een Vandaag, 18 décembre 2023, consulté le 19 décembre 2023.
[32] Rianne van der Linden, « En tant que responsable de l’information à la télévision d’État russe, Dimitri a dû semer la confusion et dissimuler le vol MH17 : "Je dors encore à peine" », Een Vandaag, 9 mars 2020, consulté le 19 décembre 2023.
[33] https://novayagazeta.ru/articles/2023/12/20/nichi-malchiki, publié et consulté le 20 décembre 2023.
[34] 17/12/2023, consulté le 18/12/2023.
[35] https://zona.media/news/2023/12/10/gorinov?source=suggestions&id=1, publié et consulté le 10 décembre 2023.
[36] Isabelle Mandraud, « En Russie, la machine répressive s’emballe », Le Monde, 11 décembre 2023.
[37] Régis Genté, « L’activisme en réseau d’OVD-Info », Le Figaro, 11 décembre 2023.
[38] Alla Konstantinova, https://zona.media/article/2023/12/06/sisters, 6 décembre 2023, consulté le 9 décembre 2023.
[39] Alain Berluet, « En Russie, l’émouvante quête d’une mère pour retrouver son fils soldat », Le Figaro, 11 décembre 2023.
[40] Pierre Polard, « En Ukraine le bilan meurtrier de la guerre reste un secret jalousement gardé par les autorités », Le Figaro, 12 décembre 2023.
[41] Benoît Vitkine, « Des millions de Russes sommés de confier leur passeport aux autorités », Le Monde, 14 décembre 2023.
[42] https://hcav.am/en/hcav-statement-08-12-2023, 8 décembre 2023, consulté le 10 décembre 2023.
[43] « Le Parlement européen appelle à un soutien sans faille aux forces démocratiques et à la société civile biélorusses », 12 décembre 2023.
[44] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/12/13/en-direct-guerre-en-ukraine-la-hongrie-n-a-aucune-raison-de-bloquer-l-adhesion-de-l-ukraine-a-l-ue-estime-volodymyr-zelensky_6204959_3210.html, publié et consulté le 13 décembre 2023.
[45] Camille Richir, « Militer pour le climat dans un pays en guerre », La Croix, 13 décembre2023.
[46] Mouvement des objecteurs de conscience, https://t.me/stoparmy/3835, 4 décembre 2023, consulté le 5 décembre 2023.
[47] https://meduza.io/news/2023/12/05/rossiyskogo-mobilizovannogo-po-prikazu-komandovaniya-privyazali-na-noch-k-derevu-za-otkaz-vozvraschatsya-na-peredovuyu, publié et consulté le 5 décembre 2023.
[48] https://objectwarcampaign.org/en/2023/12/02/dates-of-the-week-of-action-in-december-2023/#more-1000, 2 décembre 2023, consulté le 4 décembre 2023.
[49] https://storage.googleapis.com/istories/news/2023/12/05/gonyat-k-pryamoi-linii-rodstvenniki-mobilizovannikh-pozhalovalis-putinu-chto-boitsov-kidayut-na-myasnie-shturmi-avdeevki-chtobi-vzyat-gorod-k-press-konferentsii-prezidenta/index.html, publié et consulté le 5 décembre 2023.
[50] Natalia Chkurenok, https://novayagazeta.ru/articles/2023/12/05/vkhod-zapreshchen, 5 décembre 2023, consulté le 6 décembre 2023.
[51] https://duntsova2024.ru, consulté le 6 décembre 2023.
[52] https://meduza.io/news/2023/12/06/zhurnalistke-ekaterine-duntsovoy-zayavivshey-o-namerenii-ballotirovatsya-na-post-prezidenta-rf-zablokirovali-bankovskie-perevody, publié et consulté le 6 décembre 2023.
[53] 4 novembre 2023, cité par https://meduza.io/feature/2023/12/05/the-new-york-times-otsledila-sudbu-172-zaklyuchennyh-zaverbovannyh-prigozhinym-v-chelyabinskoy-kolonii, publié et consulté le 5 décembre 2023.
[54] https://meduza.io/news/2023/12/05/belorusu-kotoryy-zhil-v-litve-17-let-otkazali-v-prodlenii-vnzh-ego-vyslali-iz-strany-poschitav-ugrozoy-bezopasnosti-iz-za-sluzhby-v-belorusskoy-armii-20-let-nazad, publié et consulté le 5 décembre 2023.
[55] Le Figaro, site Web, 6 décembre 2023.
[56] https://kathmandupost.com/national/2023/12/04/six-nepali-youths-serving-in-russian-army-killed-says-foreign-ministry, 4 novembre 2023, consulté le 5 novembre 2023.
[57] Republié par Courrier international, 7 décembre 2023.
[58] https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/retour-de-somaliland-ukraine-le-spectre-de-la-division-2561743, publié et consulté le 8 décembre 2023.
[59] Svitlana Morenets, 16 novembre 2023, repris par Courrier international, 7 décembre 2023.
[60] Pierre Polard, « La lassitude de la guerre s’installe chez les Ukrainiens », Le Figaro, 8 décembre 2023.
[61] https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/02/vladimir-poutine-signe-un-decret-ordonnant-d-augmenter-de-15-les-effectifs-de-l-armee-russe_6203447_3210.html, publié et consulté le 2 décembre 2023.
[62] Bhadra Shamara, Jeffrey Genttleman, « Ces chômeurs qui vont se battre en Ukraine », 20 octobre 2023, repris par Courrier international, 30 novembre 2023.
[63] Svetlana Vidanova, https://novayagazeta.ru/articles/2023/12/02/piat-kilo-ryby-i-serdolik-na-schaste, publié et consulté le 2 décembre 2023.
[64] https://t.me/femagainstwar/7041, 8 février 2023, consulté le 2 décembre 2023.
[65] Isabelle Mandraud, « Contre Poutine, des réseaux russes antiguerre », Le Monde, 1er décembre 2023.
[66] Makar Sitkin, https://novayagazeta.ru/articles/2023/12/02/pridut-liudi-v-pogonakh-v-sviazi-s-nedavnimi-zakonom, publié et consulté le 2 décembre 2023.
[67] Benoît Vitkine, « Moscou condamne les organisations LGBT à la clandestinité », Le Monde, 2 décembre 2023.
[68] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/12/01/en-direct-guerre-en-ukraine-les-dernieres-informations_6202441_3210.html, publié et consulté le 1er décembre 2023.
[69] 28 juillet 2023, consulté le 3 décembre 2023.
[70] Faustine Vincent, « En Ukraine, le sombre quotidien des habitants des territoires libérés », Le Monde, 4 décembre 2023.
[71] Charles Haquet, « L’agriculture européenne au cœur des débats », L’Express, 30 novembre 2023.
[72] Rémy Ourdan, https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/20/deporte-de-marioupol-le-retour-de-bohdan-yermokhin-de-russie-en-ukraine_6201265_3210.html, publié et consulté le 20 novembre 2023.
[73] Evgenia Vinogradova, https://www.starhit.ru/novosti/yana-troyanova-v-speshke-pokinula-rossiyu-v-2022-godu-i-teper-ozvuchila-svoe-mestonakhozhdenie-887443, 29 mai 2023, consulté le 20 novembre2023.
[74] https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Moscow_Times, consulté le 20 novembre2023.
[75] Isabelle Cornaz, https://www.rts.ch/info/monde/14100432-les-opposants-russes-en-exil-tentent-de-sunir-a-bruxelles.html, 14 juin 2023, consulté le 20 novembre 2023.
[76] https://meduza.io/feature/2023/11/19/ya-voobsche-v-zhizni-vse-po-prikolu-delayu, 19 novembre 2023, consulté le 20 novembre 2023.
[77] https://zona.media/news/2023/10/27/12_let, 27 octobre 2023, consulté le 20 novembre 2023.
[78] Benoît Vitkine, https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/22/en-russie-egor-balazeikine-terroriste-de-17-ans-condamne-a-six-ans-de-prison_6201775_3210.html, publié et consulté le 22 novembre 2023.
[79] Nina Petlianova, https://novayagazeta.ru/articles/2023/11/23/opravdaniia-dlia-sebia-ne-proshu, publié et consulté le 23 novembre 2023.
[80] https://en.ovdinfo.org/persecution-anti-war-movement-report-october-2023#2, consulté le 26 novembre 2023.
[81] https://ovd.info/express-news/2023/10/12/na-kamchatke-dvukh-voennykh-prigovorili-k-25-godam-kolonii-poseleniya-za, 12 octobre 2023, consulté le 26 novembre 2023.
[82] https://en.ovdinfo.org/persecution-anti-war-movement-report-october-2023#5, consulté le 26 novembre 2023.
[83] https://en.zona.media/article/2023/11/16/yes-life, 16 novembre 2023, consulté le 21 novembre 2023.
[84] https://meduza.io/news/2023/11/21/prepodavatel-uvolilsya-iz-spbgu-posle-rolika-studentov-o-svetlane-drugoveyko-dolzhanskoy-ona-vystupila-ekspertom-zaschity-po-delu-sashi-skochilenko-i-poteryala-rabotu-v-vuze, publié et consulté le 21 novembre 2023.
[85] https://meduza.io/feature/2023/11/21/uchastnik-ritualnogo-ubiystva-chetyreh-podrostkov-v-yaroslavle-poluchil-pomilovanie-za-uchastie-v-voyne-s-ukrainoy, publié et consulté le 21 novembre 2023.
[86] https://meduza.io/news/2023/11/23/sibir-realii-zhitel-sahalinskoy-oblasti-osuzhdennyy-na-22-goda-za-ubiystvo-i-kannibalizm-vyshel-na-svobodu-i-otpravilsya-na-voynu, publié et consulté le 23 novembre 2023.
[87] Benoît Vitkine, « En Russie, des femmes protestent contre la "mobilisation infinie" », Le Monde, 23 novembre 2023.
[88] https://meduza.io/news/2023/11/27/nas-na-bali-i-vas-na-but-zheny-mobilizovannyh-opublikovali-manifest-i-petitsiyu-protiv-bessrochnoy-mobilizatsii, publié et consulté le 27 novembre 2023.
[89] https://meduza.io/news/2023/11/23/verhovnyy-sud-rf-podtverdil-pravo-mobilizovannogo-zhitelya-leningradskoy-oblasti-na-alternativnuyu-grazhdanskuyu-sluzhbu, publié et consulté le 23 novembre 2023.
[90] https://meduza.io/news/2023/11/23/sotrudniki-voronezhskogo-teatra-poprosili-vlasti-vernut-mihaila-bychkova-na-dolzhnost-hudruka-ego-uvolili-posle-otkaza-dat-lgotnye-bilety-uchastnikam-voyny, publié et consulté le 23 novembre 2023.
[91] https://meduza.io/news/2023/11/27/on-zhil-v-mire-bez-svo-minkult-voronezhskoy-oblasti-prokommentiroval-uvolnenie-sozdatelya-voronezhskogo-kamernogo-teatra-mihaila-bychkova, 27 novembre 2023, consulté le 28 novembre 2023.
[92] Cédric Pietralunga, « En France, l’intense formation des soldats ukrainiens », Le Monde, 14 novembre 2023.
[93] Thomas d’Istria, « A Kiev, des familles réclament la démobilisation de leurs proches », Le Monde, 14 novembre 2023.
[94] Oana Marocico et Kelvin Brown, https://www.bbc.com/news/world-europe-67120904, publié et consulté le 17 novembre 2023.
[95] https://www.anarchistcommunism.org/2023/10/26/strike-at-a-military-airfield-and-other-refusals-to-fight-in-russia-and-ukraine-mid-autumn-2023, 26 octobre 2023, consulté le 18 novembre 2023.
[96] Thomas d’Istria, « En Ukraine, justice expéditive dans les zones libérées », Le Monde, 19-20 novembre 2023.
[97] Maurine Mercier, https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-des-mercenaires-syriens-aux-cotes-des-combattants-de-kiev-faute-de-volontaires-etrangers_6188220.html, publié et consulté le 17 novembre 2023.
[98] Benoît Vitkine, « En Russie, le retour du front des meurtriers graciés », Le Monde, 15 novembre 2023.
[99] Vera Grantseva, Les Russes veulent-ils la guerre ?, Éditions du Cerf, octobre 2023, 181 pages, ISBN 978 2 204 15988 3, p. 111 et 171.
[100] https://novayagazeta.ru/articles/2023/11/16/moe-delo-takoe-chto-moi-sledovatel-uvolilsia, publié et consulté le 16 novembre 2023.
[101] https://meduza.io/feature/2023/11/18/rossiyskie-vrachi-v-otkrytom-pisme-potrebovali-ot-putina-nemedlenno-osvobodit-sashu-skochilenko-ey-dali-sem-let-kolonii-za-antivoennuyu-aktsiyu, 18 novembre 2023, consulté le 19 novembre 2023.
[102] « En Russie, un opposant confronté à deux candidats "sosies" », Le Point, 6 septembre 2021.
[103] Andrew Roth, « Three near-identical Boris Vishnevskys on St Petersburg election ballot », The Guardian, 6 septembre 2021.
[104] Boris Vishnevsky, https://novayagazeta.ru/articles/2023/11/18/vedaiushchie-chto-tvoriat, publié et consulté le 18 novembre 2023.
[105] https://www.france24.com/fr/europe/20231117-guerre-en-ukraine-une-artiste-russe-%C3%A9cope-de-sept-ans-de-camp-pour-une-action-pacifiste, 17 novembre 2023, consulté le 18 novembre 2023.
[106] Emmanuel Gryszpan, « Russie : sept ans de prison pour des étiquettes contre la guerre », Le Monde, 17 novembre 2023.
[107] https://t.me/astrapress/41025, 24 octobre 2023, consulté le 18 novembre 2023.
[108] Damien Leloup, « À Chypre, la « start-up island » bouleversée par la guerre en Ukraine », Le Monde, 17 novembre 2023.
[109] Michael Scollon, Yelena Vladykina, https://www.rferl.org/a/russian-artist-vows-to-fight-foreign-agent-label/31027157.html, 30 décembre 2020, consulté le 31 octobre 2023.
[110] https://www.svoboda.org/a/27344900.html, 4 novembre 2015, consulté le 31 octobre 2023.
[111] Pjotr Sauer, https://www.themoscowtimes.com/2021/05/21/this-russian-teacher-and-feminist-activist-is-a-foreign-media-agent-a73958, 21 mai 2021, consulté le 31 octobre 2023.
[112] https://en.ovdinfo.org/repressions-report-september-2023, 19 octobre 2023, consulté le 31 octobre 2023.
[113] Ibidem.
[114] https://www.svoboda.org/a/nekotorye-gotovy-k-otpravke-na-front-v-sostave-vsu-poyavilsya-sibirskiy-bataljon/32658809.html, 29 octobre 2023, consulté le 31 octobre 2023.
[115] http://www.fsb.ru/fsb/press/message/single.htm%21id%3D10439851%40fsbMessage.html, publié et consulté le 8 novembre 2023.
[116] https://t.me/tass_agency/218192, publié et consulté le 10 novembre 2023.
[117] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/11/10/en-direct-guerre-en-ukraine-suivez-les-dernieres-informations_6198168_3210.html, publié et consulté le 10 novembre 2023.
[118] https://novayagazeta.eu/articles/2023/10/24/id-be-facing-15-years-in-prison-en, 24 octobre 2023, consulté le 7 novembre 2023.
[119] Consulté le 4 novembre 2023.
[120] Manon Quérouil-Bruneel, « Enfants ukrainiens, la nouvelle chair à canon de Poutine », Paris-Match, 2 novembre 2023.
[121] Rémy Ourdan, « La tutrice d’un orphelin ukrainien déporté craint que la Russie le mobilise », Le Monde, 11 au 13 novembre 2023.
[122] https://meduza.io/news/2023/11/09/podrostok-kotorogo-vyvezli-iz-mariupolya-a-zatem-vruchili-povestku-v-podmoskovnyy-voenkomat-poprosil-zelenskogo-vernut-ego-domoy, 9 novembre 2023, consulté le 10 novembre 2023.
[123] Marie Vaton, https://www.nouvelobs.com/monde/20231111.OBS80700/guerre-en-ukraine-le-cauchemar-des-enfants-deportes-par-la-russie.html?at_medium=email&at_emailtype=retention&at_campaign=ObsActu8h&at_send_date=20231111&M_BT=68431130352995, publié et consulté le 11 novembre 2023.
[124] https://posle.media/language/en/action-is-easier-than-inaction, 19 octobre 2023, consulté le 7 novembre 2023.
[125] Hélène Richard, « Loin du front, la société ukrainienne coupée en deux », Le Monde diplomatique, novembre 2023.