Retrouvez la sixième partie de cette rubrique, juin 2023

Retrouvez la cinquième partie de cette rubrique, mai 2023

Retrouvez la quatrième partie de cette rubrique, mars et avril 2023

Retrouvez la troisième partie de cette rubrique, janvier et février 2023

Retrouvez la deuxième partie de cette rubrique, décembre 2022

Retrouvez la première partie de cette rubrique, novembre 2022

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Wagner au service de l’Ukraine ?

Le militant d’extrême droite Denis Kapustin a publié une vidéo. Au lendemain de la mort d’Evgueni Prigojine, il y appelle les mercenaires du Groupe Wagner, s’ils n’ont pas commis de crime de guerre, à rejoindre le Corps des volontaires russes (RDK), qu’il commande et qui combat le régime poutinien aux côtés des troupes ukrainiennes [1]. « Il semblerait que votre père fondateur et vos commandants aient été cyniquement exécutés hier. Et vous savez très bien qui se cache derrière cela. Vous êtes désormais confrontés à un choix sérieux : soit entrer dans les écuries du ministère de la Défense comme des chiens enchaînés au service des bourreaux de vos commandants, soit les venger. Et pour les venger, vous devez changer de camp et servir l’Ukraine. » Il propose « Mettons fin à ce foutu hachoir à viande puis faisons demi-tour et marchons sur Moscou. […] Cette fois, nous irons jusqu’au bout. » Le pouvoir ukrainien n’a pas commenté la proposition de ses alliés de plus en plus compromettants [2].

Récits d’officiers russes déserteurs

Selon les nouvelles lois russes, les déserteurs risquent jusqu’à quinze ans de prison. Et tandis que certains signent des contrats et partent en guerre, d’autres sont prêts à tout pour y échapper.

Important Stories a recueilli le témoignage de trois officiers russes.

Alexandre

Après le lycée, sous la pression familiale et dans l’espoir d’un bon salaire, Alexandre, a suivi les cours d’une académie militaire. « Si vous n’avez aucune éducation, si vous avez la tête confuse, l’armée est une bouée de sauvetage », se justifie-t-il.

« J’ai rejoint l’armée en 2016. […] J’ai immédiatement commencé à avoir des doutes : les gens là-bas, je m’en excuse, sont analphabètes, pour la plupart idiots. »

Contre l’avis familial, il rédige plusieurs lettres de démission. Ses commandants les déchirent ou y dessinent un pénis.

En février 2022, il participe à l’invasion de l’Ukraine.

« Avant cela, dans la vie normale, je n’avais jamais vu de cadavres. Mais en temps de guerre, cela ne vous passionne pas tellement. Il y a un camarade mort à côté de vous, mais vous ne pouvez rien y faire. […] Vous devez agir pour éviter de devenir comme lui. »

Il est témoin de crimes de guerre. Il s’exile au Kazakhstan. « Mes proches ne m’ont pas soutenu. Ils ont dit que j’étais un traître, que si nécessaire, ils prendraient eux-mêmes les armes et feraient la guerre. J’ai répondu : "Eh bien, vous êtes des idiots, je n’ai plus rien à vous dire. J’ai essayé de vous expliquer toutes ces années à quel point les choses vont mal dans l’armée. Je suis revenu de guerre, je vous ai raconté tout cela, je vous ai montré des vidéos, je vous ai montré des photos. Vous ne m’avez pas cru." J’y ai renoncé. Nous ne sommes pas en contact à ce jour. »

« À ceux qui souhaitent signer un contrat avec l’armée russe, je voudrais dire : vous ne devez en aucun cas le faire. Cela met en danger votre vie, votre santé et votre liberté. Ce n’est pas votre guerre. »

Dmitri

Pour financer ses cours à l’Université, Dmitri signe un contrat pour trois ans d’engagement militaire après ses études. En cas d’abandon, il aurait à payer trois fois la somme dépensée pour lui par le ministère de la Défense. « Un pacte avec le diable », concède-t-il. « Quand j’ai fini mes études, j’avais déjà une idée de la vie et j’ai réalisé que l’armée n’était pas un endroit où je voulais passer trois ans. »

« Quelques années dans un centre de formation militaire ne m’ont rien apporté. À l’université, nous recevions le strict minimum : nous apprenions seulement à marcher en formation. » Il veut démissionner. Il sabote le service. Son commandant le menace : « Il serait plus facile pour moi de vous emmener dans la forêt et de vous abattre. »

On le menace de l’envoyer au Karabakh. Il répond : « Non, toute action militaire est inacceptable pour moi. » Après quelques autres épisodes, il décide de se faire aider par l’organisation « Traverser la forêt » pour fuir en Géorgie. « Nous avons passé quelques semaines à préparer notre évasion, à élaborer un plan, à tout réfléchir : comment répondre aux questions à la frontière, quelles affaires emporter, comment acheter des billets, comment utiliser les communications. »

« Les pays européens considèrent désormais tout Russe comme une menace pour leur sécurité. Et si la personne était également militaire, c’est-à-dire déserteur, c’est une raison plus sérieuse de craindre pour sa sécurité. C’est dur : on ne veut pas de nous là ou à proximité. »

« Mais je ne me considère pas comme un traître. Comment peut-on être un criminel aux yeux des criminels ? S’il y avait vraiment eu une guerre dans laquelle nous aurions défendu quelqu’un, peut-être que je ne me serais pas échappé. Même si je ne suis toujours pas favorable à la violence.
Mais ce qui se passe actuellement est un acte de terrorisme. C’est juste que Poutine et ses amis bandits ont décidé de privatiser l’Ukraine. La seule chose que je peux faire pour mettre un terme à la guerre, c’est raconter mon histoire. Cela pourrait par exemple convaincre quelqu’un de rompre ses relations avec l’armée. »

Eugène

Eugène a étudié dans un internat puis une académie militaires. Il a été envoyé en Ukraine.

« Je pensais que Poutine était un voleur, mais pas un fanatique. La guerre aurait pu être déclenchée par Napoléon ou par Hitler, mais pas par lui. Il aurait pu rester tranquille, voler tout le reste de sa vie, et tout le monde aurait été heureux – c’est le contrat social que nous avons avec le gouvernement. »

« Les commandants étaient confrontés à un dilemme : en théorie, ils ne pouvaient pas tuer les prisonniers, mais il n’y avait nulle part où les mettre. Nous ne pouvions pas les ramener en Russie et personne ne voulait organiser de lieux de détention. Alors ils ont été abattus. »

« Un homme qui se trouvait dans une voiture de tourisme a été blessé. Nous avons commencé à l’aider. L’officier supérieur a dit : "Achevez-le." Tout le monde a refusé. Nous l’avons laissé à proximité pour que les locaux viennent le chercher. »

Eugène est blessé et pratique la rééducation. « J’ai commencé à penser que ce serait plus facile de mourir. Au moins, tout cela serait fini. Mais je ne rêvais pas de mourir dans une tranchée pour les ambitions d’un fou. Je suis prêt à mourir pour la Russie, en la défendant des ennemis qui voudraient l’attaquer. Mais je ne veux pas mourir pour des bandits, des criminels et des voleurs. »

« Je suis revenu brisé de la guerre, mais mes proches m’ont aidé. Ils sont tous de mon côté, amis et parents. Ils sont en Russie, certains veulent déménager, mais c’est très difficile — à cause des finances, de la langue, de la peur de ne pas pouvoir s’adapter. Pour être honnête, même si le régime change, je n’ai pas vraiment envie de retourner en Russie. Le régime va changer, mais il y aura une augmentation insensée de la criminalité, un flux incontrôlé d’armes, un grand nombre de pauvres, beaucoup de gens revenant de la guerre dont personne ne se souciera. »

« Même avant la guerre, j’ai réalisé que je devais quitter l’armée. […] Beaucoup sont déçus, et j’en fais partie. En fait, nombreux sont ceux qui ne sont pas d’accord avec ce qui se passe. Et la mobilisation en témoigne : elle a été annoncée non seulement pour recruter de nouvelles personnes, mais aussi pour empêcher les contractuels de démissionner. Les contrats sont devenus à durée indéterminée, on ne peut pas démissionner. »

Il quitte la Russie grâce à Traverser la forêt.

« Que dirais-je à ceux qui envisagent désormais de signer un contrat [avec l’armée russe] ? Ayez assez de courage pour votre propre opinion. […]
Si vous êtes envoyé au front, vous devez agir de manière décisive et rapide, car plus vous avancez, moins vous avez de chances de rester en vie ou du moins indemne. Il y a des organismes qui aident [à sortir], ils vont vous aider financièrement et vous guider. Surtout les jeunes, les hommes, dans la fleur de l’âge : ils trouveront du travail n’importe où et pourront en vivre. Il ne faut pas craindre de bouger. Il vaut mieux sauver sa vie et vivre comme étudiant que mourir. Alors personne ne se souviendra de vous. Nous ne nous soucions pas des vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Dans quelles conditions vivent-ils ? Et les vétérans de Tchétchénie et d’Afghanistan ? Qu’arrivera-t-il aux anciens combattants en Ukraine ? C’est clair pour tout le monde [3]. »

Empoisonnements

Depuis l’automne 2022, des opposantes russes exilées ont été victimes d’empoisonnements mais y ont survécu : les journalistes Elena Kostyuchenko, de Novaya Gazeta et de Meduza, et militante des droits des homosexuels [4], à Munich et Irina Babloyan d’Ekho Moskvy, à Tbilissi et Natalia Arno, responsable de la Free Russia foundation, à Prague [5].

Un ancien ministre réfractaire

Un ancien ministre de l’Agriculture de la région de Komi, dans le nord de la Russie, limogé en janvier 2022, Denis Sharonov, a demandé l’asile politique aux États-Unis après avoir reçu son ordre de mobilisation [6].

Procès en Russie

Lioudmila Razouomova et Alexandre Martinov ont été condamnés à respectivement six ans et demi et sept ans de colonie pénitentiaire pour avoir tagué « Poutine = Hitler ».

Anatoly Roshine risque trois ans de prison pour discrédit de l’armée. À leur arrivée pour perquisitionner sa maison, les agents du FSB connaissaient déjà les mots de passe de ses appareils [7].

Menaces pour la sécurité nationale

Russie

Un projet de loi a été présenté sur la privation de citoyenneté par naissance en raison d’une condamnation pour des crimes qui créent une « menace à la sécurité nationale ». Parmi ces crimes, par exemple, la désertion, le discrédit des forces armées de la Fédération de Russie et l’incitation à l’extrémisme [8].

Serbie

Non astreints au visa, 200 000 Russes ont quitté la Russie, après la mobilisation de septembre 2022, et se sont installés en Serbie, surtout dans la capitale qui compte 1,6 million d’habitants. La plupart des exilés sont diplômés et bénéficient d’un pouvoir d’achat élevé. « Cela fait des années que vivre en Russie est devenu insupportable. Avec la guerre est venue la peur de la mobilisation. », raconte l’un d’eux. Ils fréquentent les mêmes lieux branchés. Les librairies ont ouvert des rayons en russe.

« [Les Serbes] ne sont pas informés de la nature du régime russe. Pour moi qui ai quitté Moscou par pacifisme dans la semaine qui a suivi le déclenchement de la guerre, je suis très surpris. Notamment de voir des Z inscrits sur les murs », regrette un trentenaire qui suit les cours de serbe dispensé par la Société démocratique russe. Peter Nikitin, un avocat qui vit à Belgrade depuis 2006, a créé cette structure pacifiste qui tente d’alerter les Serbes sur la réalité russe.

Le régime autoritaire serbe espionne les pacifistes pour le compte du Kremlin. Peter Nikitin, de retour de vacances, n’a pu éviter d’être refoulé comme « danger pour la sécurité nationale » que grâce à la pression de libéraux serbes. Il s’estime « très inquiet que la Serbie ne prenne le chemin répressif du régime du Kremlin et ne devienne une petite Russie de Poutine ». Pour le même motif, un ancien emprisonné comme opposant à Poutine n’a pas pu renouveler son titre de séjour. Une centaine de manifestants ont dénoncé ces pressions à Belgrade [9].

Lituanie et Biélorussie

Après la réélection frauduleuse de Loukatchenko en 2020 et la répression des manifestations qui a suivi, les Biélorusses sont entrés en Lituanie avec des visas humanitaires pour des raisons de sécurité. Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le traitement par la Lituanie des exilés a changé. Ils ne sont plus classés opposants au régime biélorusse mais menaces pour la sécurité nationale lituanienne [10]. Les pays amis et les pays adversaires de Poutine et de Loukachenko traitent donc de la même manière les opposants à ces despotes.

Début 2023, environ 48 804 Biélorusses ont cherché refuge en Lituanie en raison des manifestations de 2020 et de la guerre, et environ 55 000 y résidaient en juillet 2023. En six mois, plus de 1 165 Biélorusses ont été qualifiés de « menaces pour la sécurité nationale », souvent sur la base de leur service militaire antérieur ou de leur fréquentation d’une académie de cadets, sans accusations spécifiques [11].

« Il y a trois ans, la Lituanie soutenait ceux qui se sont battus contre le régime biélorusse, et maintenant elle traite ces gens comme des terroristes. », se plaint la réalisatrice ukrainienne Anna Bilobrova, qui, avec son fiancé Mantas Kvedaravichyus, tué en Ukraine, a réalisé le film Mariupol-2 et a reçu le prix « Européen de l’année » [12].

Le centre international d’initiatives civiques « Notre maison » (Nash Dom) fournit une assistance humanitaire, psychologique et autre aux Biélorusses tant dans leur patrie qu’en Lituanie où les réfugiés sont nombreux. Il surveille également les violations des droits de l’Homme. « Notre maison » publie sur son site des photos de citoyens ordinaires de tous âges qui posent des actes héroïques de résistance, comme ouvrir la porte d’un fourgon cellulaire arrêté à un carrefour pour libérer les passagers ou, comme cette dame âgée, se faire arrêter trois fois par semaine en manifestant seule devant le KGB [13]. La campagne « NON c’est NON » de Notre Maison aide les objecteurs de conscience et les déserteurs à fuir l’armée biélorusse.

Dans l’ensemble, en Biélorussie, le nombre d’affaires pénales liées à l’évasion de la conscription et du service militaire n’est pas rendu public, il s’agit d’informations classifiées. Cependant, on sait, par exemple, qu’en 2022 à Minsk, 79 personnes ont été poursuivies pour ces infractions, la plupart (96,2 %) pour s’être soustraites à l’appel régulier au service militaire actif. Les personnes condamnées ont reçu diverses peines. Les plus courantes étaient les travaux d’intérêt général et les amendes, mais neuf condamnés l’ont été à la privation de liberté avec sursis.

Le 18 janvier 2023, la responsable de « Notre maison », la journaliste biélorusse Olga Karach, s’est adressée en visioconférence aux membres de la délégation du Parlement européen pour les relations avec la Biélorussie afin notamment de défendre les objecteurs [14]. Elle est exilée en Lituanie depuis neuf ans. Le Département lituanien des migrations lui a refusé l’asile politique. Il l’a qualifiée de « menace pour la sécurité nationale ».

La décision a été motivée par les faits qu’Olga Karach a interviewé Vladimir Jirinovski, fondateur russe d’un parti d’extrême-droite, et a participé, avant la guerre, à des conférences en Russie, dont certaines organisées par la Commission européenne. La Biélorussie qui avait emprisonné et torturé la militante l’a inscrite dans la liste des terroristes et a annulé son passeport [15], ce qu’elle a appris, en 2022, en étant obligée de quitter son avion en partance de Rome [16]. C’est précisément pour cela qu’elle sollicite la protection de l’asile politique [17].

La campagne « NON c’est NON » est soutenue par le Mouvement international de la réconciliation (MIR), le Bureau européen de l’objection de conscience (BEOC), la Fédération de défense sociale (Allemagne), Connexion eV (Allemagne), l’Internationale des résistants à la guerre (IRG) et le Bureau international de la paix (IPB). L’antimilitarisme de ces mouvements, y compris en Ukraine, pèse-t-il dans la décision lituanienne ?

La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté désigne chaque mois une « Ministre de la Paix ». Honorée de ce titre pour septembre 2023, Olga Karach a annoncé son programme :

« Aujourd’hui, il existe un moyen de mettre fin à la guerre et d’empêcher la Biélorussie, ma patrie, de s’y engager. C’est la voie que toute femme et tout homme biélorusse peut choisir - la voie de la non-participation à la guerre. Aujourd’hui, comme jamais auparavant, nous nous retrouvons à lutter pour ce qui devrait être un droit fondamental pour les femmes et les hommes – le droit de ne pas porter les armes et de vivre selon sa conscience, dans la paix et l’harmonie.
Cependant, en Biélorussie, rien qu’en 2022, environ 400 poursuites pénales ont été engagées contre des hommes courageux qui ont refusé de rejoindre l’armée et de prendre les armes. Il est décourageant de constater qu’en Biélorussie, le refus de jeunes hommes de rejoindre l’armée conduit à leur emprisonnement. Les objecteurs de conscience en Biélorussie sont confrontés à des défis allant même au-delà des limites du service militaire - ils ne peuvent pas trouver d’emploi car, selon la loi biélorusse, lorsqu’ils postulent un emploi, ils doivent présenter leur attestation militaire, un élément qu’ils ne possèdent naturellement pas. La désertion en Biélorussie est passible de la peine de mort sous couvert de "trahison d’État". […]
À partir de quel moment un homme qui refuse de prendre les armes et de se battre deviendrait-il un criminel à traquer ? Depuis quand est-il devenu une menace pour la sécurité des autres pays ? Remarquez que ce ne sont pas les membres du groupe Wagner, mais les hommes biélorusses qui refusent de prendre les armes qui sont considérés comme une menace par la Lituanie.
Les objecteurs de conscience biélorusses sont invisibles et persécutés partout. En Lituanie, ils sont considérés comme une menace pour la sécurité nationale s’ils ont effectué un service militaire ou une formation dans des institutions militaires. […] Pourtant, toute tentative d’un ancien militaire de poursuivre la voie de la paix et de la non-violence se heurte à la résistance non seulement de Loukachenko et de son régime (cela pourrait être compréhensible), mais aussi de l’Union européenne. Au sein de l’Union européenne, aucun statut officiel n’est prévu, et même l’exemple de la Lituanie, d’où les objecteurs de conscience biélorusses sont renvoyés aux mains du régime militariste, suscite de tristes réflexions : souhaitent-ils vraiment la paix comme ils le prétendent ?
Et donner asile aux objecteurs de conscience coûte moins cher que n’importe quelle arme, et c’est la voie pacifique qui, pour des raisons qui ne m’apparaissent pas claires, est bloquée par tous les gouvernements.
[…] Nous avons besoin d’un corridor humanitaire pour tous les objecteurs de conscience biélorusses.
Nous avons besoin de l’asile politique pour les déserteurs biélorusses [18]. »

La Lituanie, la Lettonie et la Pologne envisagent de fermer leurs frontières avec la Biélorussie. Andrius Mazuronis, chef lituanien du parti travailliste d’opposition, estime que ça nuirait à l’économie de son pays. Selon lui, cette décision limiterait les possibilités pour les nombreux informaticiens biélorusses de venir en Lituanie [19].

La principale rivale de Loukachenko lors de l’élection truquée d’août 2020, Sviatlana Tsikhanouskaya, a déménagé en Lituanie et poursuit ses activités politiques depuis Vilnius. Elle y est considérée comme la représentante de l’opposition biélorusse. « C’est un travail très difficile, compte tenu des défis auxquels nous sommes confrontés, tant pour ceux qui ont déménagé que pour ceux qui sont restés en Biélorussie. La répression dans le pays se poursuit et les gens ne sont pas libres de s’exprimer contre le régime ou de s’exprimer en faveur de l’Ukraine : arborer le drapeau ukrainien, chanter une chanson ukrainienne, parler biélorusse devient une infraction pénale. », a-t-elle dénoncé en conférence de presse. Comme dans de nombreux pays européens et aux USA [20], des manifestants ont défilé à Vilnius pour marquer l’anniversaire de l’élection de 2020. 500 personnes ont marché de la place de la cathédrale dans le centre de Vilnius à l’ambassade de Biélorussie [21]. « La victoire de l’Ukraine déclenchera quelque chose de grand – un changement de régime non seulement en Russie, mais aussi en Biélorussie », prophétise S. Tsikhanouskaya [22].

Vers la fin des combattants volontaires ?

Selon Radio free Europe Radio Liberty, l’expression « combattant volontaire » perd de son attrait en Ukraine. « Le terme "insoumis" gagne du terrain et un tollé public contre l’enrôlement et les mauvais traitements infligés aux soldats a atteint un point de basculement. »

D’après Valeriy Bolhan, rédacteur en chef du média indépendant Intent et associé du Center for Public Investigations, une ONG anti-corruption à Odessa, pas moins de 50 000 personnes ont payé des recruteurs militaires pour éviter la conscription ou partir à l’étranger.

Le besoin incessant de nouvelles recrues conduit à une mobilisation sauvage. La Fondation ukrainienne indépendante des avocats défend des dizaines d’hommes qui affirment avoir été illégalement convoqués ou recrutés. « L’Ukraine doit choisir entre les besoins de l’armée, les besoins de l’économie et les droits de l’homme - on ne peut pas tout avoir. », regrette son porte-parole.

Les recruteurs d’Odessa ont distribué des convocations directement à partir d’une ambulance qu’ils conduisaient en ville. À Tcherkassy, trois membres du personnel d’un centre de recrutement ont battu un civil ; l’un d’eux lui a donné un coup de pied au visage. À Ternopil, un groupe de femmes a empêché les recruteurs de détenir brutalement un homme dans la rue. À Kiev, un groupe de coureurs de rue nocturnes illégaux a reçu des convocations en guise de punition – une pratique qui s’est généralisée pour les suspects de délits mineurs malgré les critiques de la société civile et de l’armée. Les chaînes Telegram et les comptes Tiktok pro-russes ont amplifié ces messages et les ont mélangés à de la désinformation, cherchant à semer la peur.

Selon Yulia Zasoba, une avocate de l’organisation de défense des droits humains Yurydychna Sotnya, les hommes appelés à l’armée ignorent souvent leurs droits, et de nombreux centres de recrutement les mobilisent simplement sans fournir d’informations pertinentes [23].

Conscription et corruption

112 procédures pénales ont été engagées contre des fonctionnaires des bureaux d’enrôlement militaire ukrainiens. « Enrichissement illégal, légalisation de fonds obtenus illégalement, profits illicites, transport illégal de l’autre côté de la frontière de conscrits » énumère Volodymyr Zelensky [24].

Militaires vétérans sans abri

133 000 Russes ont reçu le statut d’anciens combattants de l’« opération militaire spéciale » en Ukraine. La Russie se préoccupe peu de leur réinsertion.

En Occident, la situation des vétérans est étudiée. Selon des scientifiques de la Yale School of Medicine, 10 % des anciens combattants aux États-Unis deviennent sans-abri. Les raisons sont multiples. Les anciens militaires souffrent de problèmes de santé physique et mentale, trouble de stress post-traumatique, alcoolisme, toxicomanie… Leurs liens sociaux s’affaiblissent, surtout après une longue absence. Leurs proches ne les comprennent plus. Ils éprouvent des difficultés à s’adapter à la vie civile. Leurs compétences ne s’appliquent pas au marché du travail. Des chercheurs suggèrent que les volontaires pour les hostilités courent un plus grand risque d’inadaptation que les mobilisés. Bref, ils sont souvent en difficultés financières et sans soutien familial.

Le médecin britannique Max Pemberton, auteur d’un livre sur le sujet constate : « Il y avait beaucoup d’anciens soldats parmi les sans-abri. Ils semblaient s’être tellement habitués à la discipline militaire que lorsqu’on la leur enlevait, ils restaient complètement désemparés, dépourvus du sentiment d’appartenance à un groupe particulier. [… comment peut-on] attendre d’une personne qu’elle s’adapte au monde ordinaire après avoir été sous contrôle constant dès l’âge de 16 ans ? On lui a appris à obéir aux ordres et à ne faire que ce qui lui était ordonné - c’est-à-dire complètement privé de sa propre volonté. »

L’organisation caritative Nochlezhka, à Moscou, est une des rares à assister les vétérans, notamment dans leurs démarches pour bénéficier de leurs droits. Mais il y a pénurie de logements sociaux. Les troubles de stress post-traumatiques ne sont pas pris en charge et leurs victimes les affrontent en dépensant leurs faibles revenus pour de l’alcool. « Les relations familiales se brisent parce que l’expérience de participer à des opérations de combat est souvent associée à des troubles et à des comportements agressifs. », déplore la directrice de l’organisation [25].

"Inscriptions contre la guerre sur des billets de banque russes. Source.

Les tribulations d’un démocrate russe

Dani Akel, âgé de vingt-cinq ans en 2023, sert dans l’armée à dix-huit ans. « Il me semblait que je pouvais construire une carrière militaire et devenir l’avant-garde du changement démocratique dans l’armée. », se souvient-il. Et puis il ajoute : « C’est en partie un fantasme. J’ai une imagination riche. » « J’en ai assez vu de ce qui se passe dans l’armée russe. » Il étudie la philosophie. Il milite. Il est arrêté et battu pour la première fois en 2021 pour avoir manifesté pour soutenir Alexeï Navalny. Il est condamné à plusieurs reprises à des amendes et est expulsé de l’Université.

L’invasion russe de l’Ukraine le traumatise. Il décide de prendre les armes pour l’Ukraine. Il réussit, après plusieurs échecs, à passer en Estonie. Il passe quatre mois dans un centre de détention.

Lucy Shtein, membre de l’orchestre punk et féministe Pussy Riot, qui est aussi députée municipale de Moscou, a fui le risque d’emprisonnement, elle aussi, en Estonie. Sur Twitter, elle s’était filmée en coupant son bracelet de surveillance électronique. Avec son goût de la provocation, elle avait commenté : « La séparation est une petite mort, mais je suis obligée de rompre plus tôt que prévu mes relations avec la Fédération de Russie. Pas une évasion, mais une opération spéciale pour baiser. » Dani Akel avait témoigné à sa décharge lors de son procès. Il la sollicite. Elle le met en relation avec Konstantin Chadlin, exilé de la république du Bachkortostan (de la Fédération de Russie), en 2017, pour fuir les menaces pénales. Celui-ci a obtenu une protection internationale en Estonie. Il soutient Dani Akel, se porte garant pour sa libération et lui trouve un logement. Bientôt le Centre estonien des droits de l’Homme, dont le travail a quintuplé depuis le début de l’invasion russe, se charge du cas de Dani Akel, plaide et obtient sa libération, une protection internationale, un passeport de réfugié et un permis de séjour en Estonie.

D. Akel effectue de nombreuses vaines démarches pour combattre avec les Ukrainiens. Il réussit enfin son intégration dans la légion Liberté de la Russie qui est une unité au sein des Forces de défense ukrainiennes. En mai et juin 2023, la légion Liberté de la Russie, en collaboration avec le Corps des volontaires russes (RDK), a mené deux raids dans la région de Belgorod. D. Akel y a participé.

« Le premier combat est plus doux que le premier rapport sexuel, sérieusement, je recommande de l’essayer. » témoigne-t-il sur Instagram.

Dani Akel insiste sur le fait qu’il ne se bat pas contre ses concitoyens, mais contre un État qui « détruit » leur vie. Ses proches sont toujours en Russie [26].

Un déserteur

Novaya Gazeta publie le récit d’un Russe opérateur de missile [27]. Il est envoyé pour des exercices en Biélorussie. Lors de l’invasion de l’Ukraine, des missiles sont propulsés. « Quand j’ai vu les séquelles des bombardements, j’ai été horrifié, car j’ai réalisé que j’étais littéralement complice de ces crimes. » Au cours d’un congé, il discute avec sa mère et son frère et décide de déserter. Aidé par l’organisation Traverser la forêt, il passe au Kazakhstan via la Biélorussie. « Quant à mes camarades militaires, s’ils ne peuvent pas quitter l’armée, leur sort est très incertain et n’est pas à envier. Pendant des années, ils ont été trompés, inculqués d’idées fascistes et misanthropes. Je leur souhaite de retrouver une vie humaine normale. »

Répression

100 déserteurs condamnés par semaine

Selon les données obtenues par Mediazona sur les sites Internet des tribunaux militaires russes, ces derniers, au cours du premier semestre 2023, ont été saisis de 2 076 affaires liées à des absences non autorisées des unités militaires, soit deux fois plus que pour toute l’année 2022. Ces désertions sont en constante augmentation et concernent essentiellement les soldats qui ont été mobilisés à partir de septembre 2022. La majorité des peines prononcées le sont avec sursis, ce qui permet le renvoi au front avec la menace de la prison en cas d’insubordination [28].

Navalny

Alexeï Navalny a été condamné à dix-neuf ans supplémentaires en colonie pénitentiaire à régime sévère. « Ne perdez pas la volonté de résister. », a-t-il exhorté. Un membre de son équipe, Danya Kholodny, a écopé d’une peine de huit ans. Il a déclaré : « Ce n’est pas la prison qu’il faut craindre, c’est l’avenir de notre Patrie. Vous devez avoir peur qu’un jour vos petits-enfants vous demandent : "Où étiez-vous quand [29]…" »

La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock a écrit : « Poutine ne craint rien plus que ceux qui s’opposent à la guerre, à la corruption et défendent la démocratie, même depuis une cellule de prison. Il ne fera pas taire les voix critiques [30]. »

Incendiaires contre la guerre

Depuis le début de la guerre, la Russie a connu au moins 113 attaques contre des bureaux de recrutement militaire, des bâtiments administratifs et des centres de maintien de l’ordre. Au moins 102 personnes ont été détenues et 31 verdicts prononcés. Vingt-trois auteurs sont en fuite. Les peines varient d’un an et demi de probation (7 personnes) à 19 ans d’emprisonnement selon la localisation et la nature de l’inculpation : incendie criminel ou terrorisme. Les motifs politiques ou le succès de l’incendie n’influencent généralement pas la sentence. Toutefois, une collégienne munie de plusieurs cocktails Molotov, n’a réussi qu’à enflammer l’herbe devant le bureau de recrutement et a bénéficié d’un sursis.

"Flammes bleues avant l’annonce de la mobilisation de septembre 2022 ; flammes rouges après. Infographie Mediazona"

Ivan Astashin de Zone of Solidarity, un projet de défense des droits de l’homme qui aide les personnes persécutées pour des actions anti-guerre radicales, constate : « D’en haut, la consigne est simple : punir tout le monde, le plus dur est le mieux. Mais sur le terrain, c’est à chaque agence de décider [du type d’inculpation]. » L’avocat Evgeny Smirnov du groupe de défense des droits de l’homme Perviy Otdel confirme : « Si cela relève de la police, il y a de fortes chances que ce soit limité à l’article 167 (dommages matériels). S’il est remis au FSB, ils essaieront sans aucun doute d’engager l’affaire qui leur est la plus avantageuse [31]. »

Incendiaires par naïveté

De la fin juillet au 8 août 2023, au moins trente-six tentatives d’incendies de bureaux d’enrôlements militaires ont eu lieu dans plusieurs régions russes. Leurs auteurs, majoritairement des femmes et souvent des retraités, affirment l’avoir fait de bonne foi à la demande d’escrocs se faisant passer pour des membres du FSB prétendant chercher à débusquer des criminels, des espions ou des traîtres. Certains l’auraient fait pour effacer des emprunts souscrits auprès des escrocs [32]. Des tromperies similaires avaient réussi précédemment [33].

Une tribune

Une tribune appelle au changement de régime en Russie sans recours à la violence et appelle pour cela au soutien de la part des gouvernements anti-Poutine. L’appel est signé par Lev Ponomarev du mouvement, Paix progrès et droits de l’homme et par des responsables d’autres organisations comme Russie-Libertés, Vesna et Free Russians [34].

Ukraine

Accusation contre un pacifiste

Le 3 août 2023, les services secrets ukrainiens SBU ont fouillé l’appartement du pacifiste Yurii Sheliazhenko à Kiev et ont pris son téléphone portable, son ordinateur et quelques documents. Accusation : « justification de l’agression russe ». Comme « preuve », ils citent son « Agenda de paix pour l’Ukraine et le monde » adopté lors de la Journée internationale de la paix, le 2 septembre 2022 et envoyé à Zelensky. Ce texte est pourtant clair à propos de l’invasion russe :

« Condamnant l’agression russe contre l’Ukraine, l’Assemblée générale des Nations Unies a appelé à une résolution pacifique immédiate du conflit entre la Russie et l’Ukraine et a souligné que les parties au conflit devaient respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire. Nous partageons cette position. »

Un cessez-le-feu et des pourparlers de paix sont réclamés.

« L’autodéfense peut et doit être menée par des méthodes non violentes et non armées. Tout gouvernement brutal est illégitime, et rien ne justifie l’oppression des peuples et l’effusion de sang pour les objectifs illusoires de contrôle total ou de conquête de territoires. […]
Le droit de l’homme à l’objection de conscience au service militaire en Ukraine n’est pas garanti selon les normes internationales, même en temps de paix, sans parler des conditions actuelles de la loi martiale. L’État a honteusement évité pendant des décennies et continue maintenant d’éviter toute réponse sérieuse aux suggestions pertinentes du Comité des droits de l’homme des Nations Unies et aux protestations publiques. Bien que l’État ne puisse déroger à ce droit même en temps de guerre ou d’autre état d’urgence publique, comme le dit le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’armée ukrainienne refuse de respecter le droit universellement reconnu à l’objection de conscience au service militaire, refusant même de remplacer le service militaire coercitif par mobilisation par un service non militaire alternatif conformément à la prescription directe de la Constitution de l’Ukraine. […]
En raison de leur tendance à organiser des effusions de sang massives et à contraindre les gens à tuer, les États-nations se sont révélés incapables d’une gouvernance démocratique non violente et de l’exercice de leurs fonctions fondamentales de protection de la vie et de la liberté des personnes [35]. »

Corruption

Le chef de l’un des départements du quartier général des forces terrestres de l’armée ukrainienne, qui occupe également le poste de chef de l’un des départements militaires de la ville de Kiev a été arrêté. Il fournissait, pour 10 000 dollars, des attestations d’inaptitude au service militaire [36].

Nucléaire

À l’approche de l’anniversaire du bombardement d’Hiroshima, plus d’une centaine de revues médicales et scientifiques, dont les plus prestigieuses, ont signé un éditorial commun conte le danger d’une guerre nucléaire. Elles rappellent notamment les menaces proférées par Poutine et le risque de destruction de l’humanité entière lors d’un conflit nucléaire entre la Russie et les USA [37].

Engagez-vous

Selon certaines estimations, la Russie pourrait dépenser jusqu’à 850 milliards de roubles (8,5 milliards d’euros) par mois pour la guerre contre l’Ukraine. Cette somme incroyable représente non seulement des armes et des salaires, mais aussi une vaste gamme d’avantages sociaux pour les militaires.

Novaya Gazeta [38] détaille ces avantages destinés à inciter à l’enrôlement.

Andrey Kolesnikov, chercheur principal au Carnegie Russia Eurasia Center à Berlin, est convaincu que le maintien et le renforcement de la dépendance de la population à l’égard de l’État est un élément fondamental du système de Poutine.

« C’est devenu une doctrine de maintenir la population dans la pauvreté afin qu’elle soit reconnaissante d’avoir son pantalon retenu par les aides sociales. »

Un père qui a pris les armes peut subvenir aux besoins de sa famille bien mieux que la plupart des civils. Il peut gagner quatre fois plus qu’un docteur qui lui-même gagne le double d’un instituteur.

En plus des salaires mensuels et des sommes forfaitaires pour les familles des personnes tuées au combat, les soldats qui ont servi pendant la guerre d’Ukraine et leurs familles ont droit à une soixantaine de types de paiements et d’avantages non monétaires.

Un homme de 35 ans qui travaille jusqu’à sa retraite à 65 ans peut s’attendre à gagner moins pendant cette période que les prestations auxquelles les familles des anciens combattants ont droit. La différence sera de 17,6 % à Saint-Pétersbourg et de 59,2 % en Ossétie du Nord.

Toutefois, un nombre croissant de personnes se plaignent de ne pas recevoir les sommes promises ou de ne rien avoir reçu.

Biélorussie

Frédéric Petit, député Modem, est président du groupe d’études sur la Biélorussie à l’Assemblée nationale, première institution du genre en Europe à envisager la chute du régime biélorusse. Il préconise dans une tribune de collaborer avec l’opposition au président Loukachenko, qui s’organise autour de Svetlana Tsikhanovskaïa en vue d’assurer le passage à la démocratie. « Soutenir l’opposition biélorusse c’est aider l’Ukraine ; aider l’Ukraine, c’est aussi soutenir l’opposition biélorusse [39]. »

Féminisme

Michelle Perrot, co-autrice de Le Temps des féminismes, est interviewée par Siné mensuel [40] :

« Les féministes doivent soutenir l’idée que les sociétés doivent être des sociétés de paix et que régler les problèmes par la guerre, ça nous est imposé par Poutine. Et Poutine est un modèle de virilité exacerbée que le féminisme doit condamner. De ce point de vue, espérons qu’il y a encore aujourd’hui en Russie des féministes avec lesquelles nous pourrions collaborer. Le féminisme est une pensée. Dans les conflits actuels, il doit jouer son rôle, et la condamnation de la guerre peut se faire au nom du féminisme. L’idéal des femmes n’est pas la guerre. »

Il y a certes des féministes russes. En exil, ou en Russie où elles sont durement sanctionnées. Les plus notoires sont les Pussy Riots et le Mouvement féministe antiguerre.

Selon leurs gouvernements respectifs, les combattantes ukrainiennes et russes sont de plus en plus nombreuses. La milice Wagner avait recruté dans les prisons des hommes pour le front, au lieu de purger leurs peines. Depuis, l’armée russe le fait aussi, y compris avec des femmes emprisonnées qui signent des contrats de deux ans [41].

"Escouade féminine russe de tireurs d’élite. Photo : Unité de volontaires"

École de guerre

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, les écoles, jardins d’enfants et autres établissements d’enseignement russes ont organisé 200 000 événements patriotiques. Le nombre de ces activités a doublé en mai 2023 par rapport à l’année précédente. Le pic a eu lieu lors du premier anniversaire de « l’opération militaire spéciale ».

Les enseignants demandent aux enfants de coudre des filets de camouflage et des pulls pour les conscrits, de leur confectionner des bibelots et surtout d’écrire des lettres au front. Ils organisent des concours de marche, de chant et de lancement de grenades et des séances de rencontre avec des militaires. Des élèves d’une école professionnelle fabriquent des brancards.

Un millier d’établissements d’enseignement ont tenté de convaincre les adolescents, juste après l’obtention de leur diplôme, de signer un contrat militaire et de partir combattre.

Les écoles dont les anciens élèves ont été tués pendant la guerre collent les photos et les biographies des militaires sur des pupitres d’école ordinaires. Il existe déjà plus de 3 500 bureaux de ce type dans tout le pays. Seuls les meilleurs étudiants sont autorisés à les utiliser.

Chaque lundi, un cours de « conversation sur les sujets importants » est obligatoire. Le ministère de l’Éducation diffuse des vidéos, avec des intervenants comme le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le patriarche russe Kirill. Parmi les sujets que les enseignants sont obligés d’aborder lors de ces conférences figurent le patriotisme, la mémoire historique et les valeurs familiales traditionnelles. Même les garderies sont touchées. « Nous savions que ce ne serait pas facile. Après tout, raconter la guerre aux enfants d’âge préscolaire n’est pas une tâche facile. La chose la plus importante ici n’est pas de leur faire peur, mais plutôt de leur assurer que nous sommes protégés par de courageux guerriers. » ont expliqué des organisateurs.

Daniil Ken, le leader de l’Alliance des enseignants, précise « En termes juridiques stricts, non seulement les enseignants ne sont pas obligés de dispenser ces cours, mais ils n’ont pas non plus le droit de le faire. La loi sur l’éducation interdit la propagande et l’agitation politique. Il est évident cependant que si un enseignant refuse de dispenser ce cours et s’adresse à l’inspection du travail ou au procureur, il sera débouté. Il sera également confronté à de graves problèmes au travail et sera très probablement licencié. ».

Plus d’un million d’enfants sont membres de Yunarmiya, le Mouvement national des jeunes cadets de l’armée. Un cours de formation militaire préliminaire devrait faire son retour dans les écoles russes en septembre 2023. D’anciens soldats apprendront aux lycéens à manier un fusil d’assaut Kalachnikov, à utiliser des grenades F-1 et RGD-5 et à prodiguer les premiers soins [42].

Demandeurs d’asile

Eurostat, l’Office statistique de l’Union européenne, publie des données, établies au 2 juin 2023, sur les Russes demandeurs de l’asile politique. Il faut noter que le traitement des demandes prend souvent plusieurs années.

C’est contrintuitif, mais le plus grand nombre de demandes russes ne date pas de 2022 (18 445 en UE, 3 350 en France, 3 855 en Allemagne) mais de 2013, avant l’annexion de la Crimée (41 355 en UE, 5 145 en France, 15 475 en Allemagne). Il y a des contre-exemples. La Bulgarie qui n’avait jamais dépassé les quinze demandes annuelles en a eues 170 en 2022. Dans le même cas, la Croatie en a eu 2 065. Le Montenegro est passé à 70 demandes en 2022 contre 10 les quatre années précédentes [43].

Selon l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (EUAA), 664 000 dossiers d’asile attendaient toujours d’être examinés fin mars 2023 [44].

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) indique, dans son Rapport d’activité 2022 [45], l’augmentation de 75 % des demandes d’asile en provenance de Russie, soit 2 167 personnes. Les Russes font « dorénavant part de leurs craintes du fait de leurs opinions politiques d’opposition à la guerre ainsi que de leur refus de la conscription ou de la mobilisation dans les forces armées russes. » Les demandeurs Témoins de Jéhovah sont nombreux. Sur le continent européen, les allégations de torture émanent essentiellement de dissidents politiques russes, tchétchènes et biélorusses et de personnes homosexuelles russes.

La très grande majorité des Ukrainiens ayant fui leur pays pour échapper au conflit ont bénéficié du mécanisme européen de protection temporaire. 1 882 Ukrainiens ont cependant déposé une demande d’asile. Ils invoquent principalement la situation sécuritaire dans leur région d’origine, ainsi que la crainte de se voir mobilisés au sein de l’armée ukrainienne. Une petite part de leurs demandes est fondée sur les discriminations ethniques, les violences conjugales ou l’orientation sexuelle, la situation de conflit exacerbant les groupes nationalistes et rendant la protection des autorités encore moins effective à leur égard.


Source : OFRA

Des demandes émanent de Biélorussie, de militants, d’artistes et de journalistes ayant pris position contre le gouvernement. Des requérants évoquent une participation aux manifestations du 27 février 2022 contre la guerre en Ukraine ou la crainte d’être mobilisés par les autorités biélorusses pour combattre en Ukraine.

Des demandeurs d’Azerbaïdjan font état de craintes liées au service militaire, expliquant notamment ne pas avoir voulu combattre au Haut-Karabakh, lors du conflit de l’automne 2020.

L’Ofpra estime le nombre de personnes protégées au 31 décembre 2022 à 4 679 d’Azerbaïdjan, 901 de Biélorussie, 33 868 de Russie et 3 469 d’Ukraine.

La Cour nationale du droit d’asile a dégagé, le 20 juillet 2023, une jurisprudence à propos des déserteurs et objecteurs de conscience russes. Les réfractaires à la guerre en Ukraine peuvent obtenir le statut de réfugiés si rejoindre l’armée les rendait susceptibles de commettre des crimes de guerre. La Cour reconnaît que l’armée russe a perpétré des attaques généralisées de civils, des viols ou la déportation illégale d’enfants ukrainiens.

Le même jour, la Cour a rejeté une demande, en l’absence de preuve de risque de mobilisation [46].

En 2022, la France n’a approuvé les demandes des Russes que dans 34 % des cas, l’Allemagne dans 17,2 %. Selon le projet To Be Precise, plus de la moitié des décisions positives en 2022 ont été prises dans six pays européens : aux Pays-Bas (87 %), au Royaume-Uni (72 %), en Autriche (65 %), en Italie (61 %), en Norvège (60 %), en Suisse (58 %) et en Espagne (53 %). En Irlande et au Portugal, les rares demandeurs ont obtenu satisfaction. La Grèce, le Danemark, la Slovaquie, le Luxembourg, la Croatie et la Hongrie n’ont pris aucune décision positive en 2022 [47].

Retour en Russie

Non, ce titre n’est pas celui de la chanson des Beatles Back in USSR, encore moins Revolution.

Meduza, le journal d’opposition à Poutine, a sollicité le témoignage de lecteurs de retour en Russie après un exil en raison de la guerre.

Dmitri s’est envolé pour la Turquie au lendemain du début de la mobilisation de septembre 2022. Il est rentré quelques semaines plus tard, la séparation avec sa femme et leur fils lui était insupportable.

Nikita est parti au même moment et revenu pour des raisons similaires. Il pense que sa décision est la bonne, car « quelque chose doit être fait pour libérer la Russie. […] Il est important qu’au moment de l’effondrement de la dictature de Poutine, des personnes actives aux opinions démocratiques prennent la responsabilité de construire une nouvelle Russie. »

Andreï a émigré en Géorgie par crainte d’une éventuelle nouvelle mobilisation. Ses ressources épuisées, sans travail ni moyen d’obtenir un visa pour l’Europe, il est rentré quatre mois plus tard.

Sergueï est parti en Serbie avec sa femme qui est tombée enceinte. Ils ont préféré retourner à Saint-Pétersbourg pour l’accouchement.

Chris a quitté Moscou pour la France via Bakou et Belgrade. Il a dû rentrer car sa femme a refusé de déménager et des parents malades sont restés à Moscou. « Je ne sais pas si c’est la bonne solution. Je vais peut-être le regretter. » Il trouve que la guerre a transformé la Russie en « quelque chose ressemblant à un mélange de Corée du Nord et d’Allemagne après la Première Guerre mondiale. »

Marquer est allé au Kazakhstan, puis il est revenu chercher sa famille pour partir en Turquie. Le permis de séjour leur a été refusé et ils ont renoncé à la pénible vie de migrants. « Mais j’ai décidé pour moi-même que je continuerais à me battre de l’intérieur. »

Michael est rentré pour être présent à la naissance de son enfant. « Je ne peux pas dire que [la décision de revenir] était la bonne. Je ne veux pas que mon enfant grandisse dans un pays où on commence à enseigner dès la maternelle que la guerre est bonne. »

Kate est vite revenue d’Italie pour rejoindre son groupe musical.

Daniel : « La Russie, où je suis de retour, a accepté tout ce qui se passe à l’intérieur, et maintenant elle essaie simplement de ne pas le remarquer. Les gens ont peur d’en discuter : je prends le métro et je vois comment les gens tournent tranquillement leur téléphone sur le côté tout en parcourant les actualités. Et seuls ceux qui sont responsables de toute cette folie n’ont pas peur de parler fort. Obscurité, décadence et ténèbres. »

Ilya est toujours en exil. « Je ne veux pas que mon enfant grandisse dans la Russie d’aujourd’hui. C’est fou pour moi quand la police, les fonctionnaires, les enseignants persécutent une famille à cause d’un dessin scolaire. C’est fou pour moi qu’il y ait une éducation "patriotique" dans les écoles et les universités. Je ne comprends pas comment traiter avec des personnes qui pourraient potentiellement vous dénoncer, vous, votre femme, votre enfant ou vos parents. »

Eugène : « En général, le pays est le même, comme si le temps s’était arrêté ici. […] Seuls de nombreux excès sont devenus une norme législative, et les gens sont fatigués, encore plus désespérés et renfermés. »

Élisabeth : « A notre retour, nous avons tout de suite remarqué une publicité appelant à faire la guerre, des tracts dans les transports et dans les magasins proposant des contrats de service, des banderoles représentant des militaires morts. Les gens ont commencé à placer des portraits d’amis ou de parents sur les vitres des voitures, apparemment également tués pendant la guerre. Avant notre départ, je n’avais pas vu autant de signes de guerre.

Si vous regardez ce côté extérieur, alors nous sommes revenus dans une Russie complètement différente. Dans le même temps, un grand nombre de personnes restent dans le pays qui ne soutiennent pas la guerre. Presque tout mon entourage, resté en Russie, a conservé ses convictions.

Une autre question est que beaucoup de gens autour de moi ont encore de l’incertitude et de la peur pour leur avenir. Il n’y a plus le sentiment de sécurité qui était présent avant la guerre, les gens ont cessé de faire des plans à long terme. Nous pouvons à peine imaginer comment vivre [48]. »

En 2022, 4 306 Russes, selon le ministère russe des Affaires étrangères, ont renoncé à leur passeport. L’économiste Andreï Movtchan a publié sa lettre d’adieu à son « ancienne patrie » : « Ma chère, mon autrefois aimée. […] Tu m’as toléré, mais je n’ai jamais été celui que tu voulais : tu aimes les brutaux, les simples, les dévoués à 100 % loyaux, prêts à te baiser les mains et à tuer pour toi sans poser de questions, sans principes [49]. »

Un vieil homme qui a le cul coincé dans le trône du Kremlin

Ilya Yashine a eu 40 ans le 29 juin 2023. C’était aussi le premier anniversaire de son arrestation. « Coupable » d’avoir informé ses abonnés YouTube des massacres de Boutcha, il a été condamné à huit ans et demi de prison. Novaya Gazeta l’a interrogé.

Il raconte ses rencontres, dans les fourgons de police, au tribunal et en prison, avec des milliardaires, de petits délinquants, un général du service pénitentiaire arrêté pour corruption et un militaire de retour d’Ukraine, suspecté de trafic d’armes. Leurs conversations sont passionnées mais sereines. « Cela vous apprend à vous entendre avec les personnes qui ont des opinions et des valeurs qui s’opposent aux vôtres. » « Je vais essayer d’utiliser le temps passé derrière les barreaux pour mieux comprendre la nature humaine et apprendre à m’entendre avec pratiquement n’importe qui. Je vais essayer de lire plus de livres et de devenir plus intelligent. Je vais essayer d’acquérir une expérience précieuse et de devenir plus sage. »

Il a toujours refusé de s’exiler. « Les politiciens doivent rester là où se trouve leur peuple. Ils doivent partager le sort du peuple au lieu de prodiguer des conseils depuis l’étranger. […] Les activités publiques de l’étranger peuvent être productives et utiles, je n’en doute pas. Vous pouvez développer efficacement les médias, organiser des rassemblements devant les ambassades, soutenir les prisonniers politiques, parler à la presse étrangère et aux leaders d’opinion étrangers. […] Pourquoi diable suis-je censé partir simplement parce que mes déclarations et mes activités ne conviennent pas à un vieil homme qui a le cul coincé dans le trône du Kremlin ? C’est là que se trouve ma maison que j’aime et qui compte beaucoup pour moi. C’est là que j’ai grandi. C’est là que vivent des gens que j’aime et qui comptent sur moi. […] Je veux me battre pour mon droit de vivre et de faire mon travail honnête ici, chez moi. Je souhaite être dans ce combat au lieu de le fuir. Alors, je me bats. »

« Ma principale source de pouvoir, d’enthousiasme et d’inspiration, ce sont les gens. Des centaines de personnes qui ont assisté à mes procès, des milliers de lettres et de cartes postales avec des mots de soutien... Beaucoup d’amour, de sympathie et de gentils mots que je suis heureux d’apprécier. […] Ainsi, tous ceux qui partagent nos opinions se tiennent en quelque sorte à côté de moi et me rendent plus fort, et avec ce type de soutien, je ne peux pas abandonner. »

« On dit que le peuple russe est génétiquement inapte à la démocratie. Mais nous savons avec certitude que c’est faux. […] La partie anti-guerre de la population est terrifiée, démoralisée et atomisée. Ils ont besoin d’espoir et de foi […]. Notre mission est de leur donner cet espoir, de leur remonter le moral, de les aider à ne pas devenir fous sous cette pression, de les garder actifs.

C’est pourquoi nous sourions derrière les barreaux, et une fois qu’on nous donne la parole au tribunal, nous disons littéralement ceci : les gars, vous n’êtes pas seuls, nous sommes là avec vous […]. Les gens de l’extérieur écrivent qu’il devient gênant pour eux de céder au désespoir si même les prisonniers politiques gardent leur optimisme et continuent de sourire. […] Les gens désespérés qui ont abandonné ne vaincront jamais la dictature. Ils ont besoin d’un exemple, de quelqu’un qui puisse se redresser. Navalny, Gorinov, Chanysheva, Kara-Mourza, Kriger, Andrey Pivovarov, Dmitry Ivanov et bien d’autres ont donné cet exemple. C’est ce qui est important et c’est le but de tout cela. »

« J’ai entendu dire que [l’analyste politique russe] Ekaterina Schulmann a pris la parole lors d’un des récents forums à Bruxelles et a suggéré qu’un poste de médiateur soit créé à la Commission européenne, quelqu’un pour représenter les intérêts des émigrés russes. C’est, je crois, une initiative vraiment utile et solide, et cela vaut la peine de s’y investir. »

« Prenez soin de vous et de vos proches, et n’oubliez pas que le découragement est un péché mortel [50]. »

Dissidents russes

Liberté de la Russie

Alexeï Baranovski est porte-parole du centre politique et des réseaux partisans de la légion Liberté de la Russie. Il estime que « La Russie ne peut changer qu’en perdant en Ukraine. De plus, une victoire de l’Ukraine sans le renversement de Poutine n’est pas envisageable, car elle ne serait que temporaire. Comme les deux guerres de Tchétchénie, où après avoir initialement perdu, la Russie a reconstitué ses forces et a relancé son offensive quelques années après. » Ces objectifs sont partagés par d’autres corps étrangers intégrés à l’armée ukrainienne, sous les ordres du renseignement militaire ukrainien. Ces volontaires géorgiens, tchétchènes et biélorusses veulent la libération de leurs territoires. Un représentant des Biélorusses rappelle : « En Biélorussie, si on s’oppose c’est directement la prison et le KGB [le Comité pour la sécurité de l’État qui, en Biélorussie, a gardé son nom de l’époque soviétique]. » « La victoire de l’Ukraine ne provoquera pas directement la chute de Loukachenko. Il faudra que le peuple biélorusse se libère de lui-même. »

L’ancien avocat Baranovski pense que les réfugiés russes en Occident sont « des immigrants plus que des opposants » et que Navalny et son équipe forment « une chapelle politique ne voyant pas au-delà de sa bulle. »

Congrès des députés du peuple

À Varsovie, siège le Congrès des députés du peuple qui n’est actuellement reconnu par aucun pays. Pour lui appartenir, il faut avoir été élu membre du Parlement russe avant le 14 mars 2014 et n’avoir jamais soutenu l’annexion de la Crimée et la guerre contre l’Ukraine [51].

L’Ordre de la République

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, des militaires russes, anciens ou actifs, se sont prononcés contre la guerre. Comme Vladimir Bilevich, pilote à la retraite qui, en mars 2022, circulait dans les rues de Belgorod vêtu d’un gilet avec l’inscription « Non à la guerre » [52].

Pilote d’hélicoptère de combat, Dmitry Mishov s’est échappé de Russie pour éviter d’être envoyé au front et a demandé le statut de réfugié en Lituanie. Son interview par la BBC [53] a révélé l’existence de Orden Respubliki (Ordre de la République). Cette organisation clandestine l’a aidé à franchir la frontière.

Des journalistes de Mozhem Obyasnit ont interviewé des représentants d’Orden Respubliki. Ceux-ci ont expliqué que l’association, créée après l’invasion de l’Ukraine, est un club secret d’anciens et d’actuels officiers. L’Ordre de la République lutte contre « un groupe criminel organisé qui s’est emparé de tous les leviers du pouvoir en Russie et détient 140 millions de personnes en otage. » Ils plaident pour la transformation de la Russie en une république parlementaire et l’arrêt immédiat de la guerre en Ukraine. Selon eux, le président Vladimir Poutine et l’état-major russe des forces armées ont violé les lois de la guerre, et la Russie n’aurait pas dû envahir l’Ukraine car « il est impossible de se battre avec des proches. » L’organisation n’est pas liée à l’armée ukrainienne ni aux militaires russes qui combattent à ses côtés [54].

Viande hachée

Andrey Senin est un artiste anti-guerre. Il diffuse sur Instagram une série de sculptures intitulée « Viande hachée russe » [55]. Un soldat en porc haché est accompagné d’une réflexion sur ceux qui soutiennent l’invasion de l’Ukraine par la Russie : « Quand se rendront-ils compte que, dans ces guerres, ils ne sont que de la viande hachée ? ». Interrogé sur une éventuelle répression, il répond : « Je comprends que je puisse avoir des risques à cet égard. Mais je ne vois pas non plus la possibilité de ne pas parler. C’est pourquoi je continue à travailler [56]. »

Oleg Orlov

La parodie de procès d’Oleg Orlov, coprésident de l’organisation Memorial dissoute par le pouvoir russe, continue. Son avocate accuse : « L’expert en linguistique convoqué dans ce procès a, dans une autre affaire, été appelé comme expert en sexologie. En réalité, c’est un spécialiste des mathématiques [57] ! »

Agressions

La journaliste d’investigation Elena Milachina et son avocat Alexander Nemov ont été passés à tabac, annonce l’ONG russe Memorial de défense des droits humains.

« Les doigts d’Elena Milachina sont cassés et elle perd de temps en temps connaissance », a précisé l’ONG dans un communiqué. « Tout son corps est couvert de contusions ». Elle souffre d’un traumatisme crânien [58]. La voiture a été attaquée par des hommes armés et cagoulés sur la route de l’aéroport vers la capitale tchétchène, Grozny. Ils ont jeté le chauffeur de taxi hors de la voiture . « On a violemment tabassés [la journaliste et l’avocat] avec des coups de pied, y compris dans la figure, menacés de les tuer en mettant un pistolet contre leur tête » et en répétant : « "On vous a avertis. Partez d’ici et n’écrivez rien" ». La journaliste, dont les agresseurs ont rasé le crâne et badigeonné le visage de teinture verte, et l’avocat, « qui parle et bouge à peine », la jambe transpercée par une arme blanche, ont été transférés à Moscou. Le ministre de l’Information dit voir dans ces faits « la signature des services secrets occidentaux. »

La victime, Elena Milachina est une journaliste russe. Elle travaille depuis 25 ans pour le journal indépendant Novaïa Gazeta. Après l’assassinat d’Anna Poiltkovskaïa, en 2006, elle a pris sa suite à propos des violations des droits de l’Homme en Tchétchénie. Elle a suscité l’ire des autorités tchétchènes notamment en documentant les exécutions extrajudiciaires commises dans cette république de la Fédération de Russie. En février 2022, elle a dû temporairement quitter la Russie, selon son journal, après des menaces émises par le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov qui l’a qualifiée de « terroriste ». La journaliste et l’avocat allaient à Grozny pour l’énoncé du verdict contre Zarema Moussaïeva, la femme d’un ancien juge fédéral russe d’origine tchétchène, Saïdi Iangoulbaïev, qui est devenu opposant à Ramzan Kadyrov. Arrêtée en janvier 2022 dans le nord de la Russie par les forces de l’ordre tchétchènes, Mme Moussaïeva a été ramenée de force dans le Caucase. Accusée d’« escroquerie » et de « recours à la force » contre un policier. En l’absence de son avocat, elle a été condamnée à cinq ans et demi de prison. La répression vise indirectement ses enfants, activistes exilés et placés sur la liste des terroristes [59].

Trois jours plus tard, l’avocate russe Elena Ponomareva a été aspergée de colorant antiseptique vert à un arrêt de bus à Moscou [60].

Des corbeaux

L’écrivain Sergei Dovlatov disait des répressions soviétiques « Nous maudissons Staline constamment, et, bien sûr, à juste titre. Mais je voudrais demander, qui a écrit quatre millions de dénonciations ? ». La pratique est de retour dans la Russie de Poutine. Au cours des six premiers mois seulement de la guerre contre l’Ukraine, l’agence de surveillance et de censure russe Roskomnadzor a rapporté que le gouvernement avait reçu 145 000 rapports de citoyens, la plupart concernant des publications sur les réseaux sociaux critiquant l’armée russe. Verstka, un média en ligne, a déclaré en mars, après avoir analysé les archives judiciaires russes, que cela était devenu un phénomène de masse, des personnes rapportant des conversations dans des cafés, des magasins, des bureaux de poste et même entendues dans la rue. Dire du mal des actions russes en Ukraine, aussi vaguement soit-il, peut désormais être qualifié de « discrédit public des forces armées russes » ou de « diffusion publique de fausses informations sur les forces armées russes », des infractions passibles d’une lourde peine de prison.

En 2019, Panorama, une agence de presse satirique, avait évoqué une application téléphonique imaginaire « Ma dénonciation ». « Mais maintenant, en 2023, nous voyons quelles requêtes envoient des personnes vers Panorama à partir du moteur de recherche Yandex, et beaucoup ont entendu parler de cette application et veulent la télécharger. »

Nikolai Bobryshev a dû payer une amende. Il a été dénoncé par le parent d’un élève qui l’a filmé, à son insu, pendant qu’on l’interrogeait à propos de « l’opération spéciale ».

Le DJ Sergei Vasiliev a été condamné, aussi sur dénonciation, pour avoir diffusé une ancienne chanson ukrainienne pourtant apolitique.

Un passager du métro de Moscou a vu l’écran du téléphone de Yury Samoilov qui affichait le logo d’Azov, une unité militaire ukrainienne. Samoilov a été renvoyé du poste de police après deux semaines de détention.

Dans un forum de discussion, Oleg Belousov a désigné Poutine comme le « Traître numéro un ». Dénoncé, il est condamné à cinq ans et demi de prison [61].

Recrutements en Tchétchénie

Le projet de défense des droits de l’Homme SK SOS a signalé que les forces de l’ordre en Tchétchénie recouraient au chantage et aux menaces pour envoyer des résidents locaux dans la guerre russe en Ukraine.

Une campagne de recrutement de volontaires a été lancée par les autorités tchétchènes après le déclenchement de la guerre, promettant de généreuses récompenses pour le service militaire. Pourtant, lorsque cette initiative n’a pas donné les résultats escomptés, les agents des forces de l’ordre ont adopté une nouvelle approche.

Les forces de sécurité tchétchènes maintiennent une base de données complète des personnes précédemment détenues pour des infractions liées à la drogue et à l’alcool, exprimant des opinions critiques à l’égard du gouvernement ou étant soupçonnées de s’identifier comme LGBTQ. Dans le passé, ces personnes étaient exploitées à des fins lucratives par le biais d’un système de détention et de libération contre rançon. Les autorités obligent maintenant ces individus à signer des contrats et à partir en guerre. S’ils refusent, les détenus sont menacés de persécution ou de la perspective que les membres de leur famille soient envoyés au front.

Selon SK SOS, les individus sont détenus dans des prisons secrètes, plutôt que dans des centres de détention provisoire officiels, et n’ont donc aucun statut juridique. SK SOS a fourni des détails sur l’un de ces établissements clandestins, qui abrite quelque 70 prisonniers, dont au moins deux étaient détenus parce qu’ils étaient soupçonnés de s’identifier comme LGBTQ, tandis que d’autres étaient incarcérés pour des infractions liées à la drogue, à l’alcool, à la falsification de documents et au vol.

La guerre est également un prétexte pour éliminer les concurrents commerciaux. Selon SK SOS, Tabarik, la fille du dirigeant de la République tchétchène Ramzan Kadyrov, est associée à Grozny Taxi, un service qui a monopolisé le marché par la pression politique. Le rapport suggère que, à l’annonce de la mobilisation, les forces de sécurité ont lancé de fréquents raids dans les zones où opèrent généralement les chauffeurs de taxi. Les agents ont infligé des amendes pour des motifs fallacieux ou ont confisqué des véhicules, laissant les chauffeurs sans ressources. On leur a alors dit : « Vous n’avez ni argent ni travail maintenant, allez défendre votre patrie [62]. »

Nativité de la Vierge Marie

En 2010, la hiérarchie orthodoxe, soumise au patriarcat de Moscou, convoque les prêtres de la région ukrainienne de Kherson. Elle leur remet des tracts et de l’argent pour qu’ils participent, sous la menace de gros bras, à la campagne présidentielle en faveur du candidat pro-russe. Lors de la guerre dans le Donbass, en 2014, le clergé doit dissuader les potentiels combattants pro-ukrainiens.

En 2019, l’Église orthodoxe d’Ukraine est reconnue par le patriarcat de Constantinople et commence à s’éloigner de Moscou. A Kherson, des fidèles manifestent pour le rattachement à cette Église. Ils sont rossés par des hommes de main.

À l’église orthodoxe de la Nativité de la Vierge Marie, à Kherson, la messe n’est plus célébrée en russe mais en ukrainien. Des fidèles changent de paroisse. Lors de l’invasion russe et des tortures qui l’accompagnent, la hiérarchie incite à fêter les envahisseurs. Le prêtre de la paroisse fuit avec sa famille.

Pendant la libération de Kherson par les troupes ukrainiennes, trente-deux prêtres de la région fuient avec les collaborateurs pro-russes. Des perquisitions dans 12 000 églises ukrainiennes dépendant de Moscou permettent de découvrir des armes, des documents militaires secrets et des tracts pro-russes.

La Nativité de la Vierge Marie rouvre. 238 fidèles votent à l’unanimité pour que leur paroisse soit la première de la région à se rattacher au patriarcat de Kiev et mérite ainsi son surnom de « l’église aux couilles d’acier », un terme qu’aucune liturgie n’associe à la Vierge Marie [63].

Coopération militaire

Un officier français chargé de superviser la formation des soldats ukrainiens raconte : « Plus de la moitié des Ukrainiens formés, envoyés sur le front de Bakhmout, n’ont plus donné signe de vie ensuite. On a vu des cas de stress post-traumatiques chez les formateurs [64]. »

Washington transférera des armes à sous-munitions à l’Ukraine, a déclaré le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, lors d’un point de presse avec des journalistes [65]. Les armes à sous-munitions peuvent être larguées par des avions ou des missiles, projectiles et roquettes lancés au sol. Ils s’ouvrent dans les airs et dispersent des dizaines, voire des centaines de sous-munitions plus petites, sur une zone de la taille d’un pâté de maisons. De nombreuses sous-munitions n’explosent pas lors de l’impact initial et agissent comme des mines terrestres, constituant une menace pour les civils, ukrainiens en l’occurrence, pendant des années, voire des décennies. Les armes à sous-munitions sont totalement interdites par la Convention sur les armes à sous-munitions [66], à laquelle 123 pays, dont la majorité des États européens, ont adhéré. Mais la Russie, l’Ukraine et les USA ne l’ont pas fait. Quoi qu’il en soit, une attaque aveugle d’armes à sous-munitions dans des zones peuplées de civils viole des lois humanitaires internationales et peut-être un crime de guerre.

Le préambule de la convention de 2008 déplore que « les restes d’armes à sous-munitions tuent ou mutilent des civils, y compris des femmes et des enfants, entravent le développement économique et social, y compris par la perte des moyens de subsistance, font obstacle à la réhabilitation et la reconstruction post-conflit, retardent ou empêchent le retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, peuvent avoir des conséquences néfastes sur les efforts nationaux et internationaux dans les domaines de l’établissement de la paix et de l’assistance humanitaire et ont d’autres conséquences graves pouvant persister pendant de nombreuses années après l’utilisation de ces armes. »

Un homme du village de Hlynske a déclaré qu’en mai 2022, il avait entendu une roquette à sous-munitions frapper près de chez lui. « Soudain, j’ai entendu mon père crier : "J’ai été touché ! Je ne peux pas bouger." J’ai couru en arrière et j’ai vu qu’il était tombé à genoux mais qu’il ne pouvait pas bouger […] et qu’il y avait beaucoup de morceaux de métal en lui, dont un qui sortait de sa colonne vertébrale et un autre dans sa poitrine. Il avait ces petites billes de métal logées dans ses mains et ses jambes. » Le père est décédé un mois plus tard, après avoir subi une intervention chirurgicale.

Un rapport des Nations Unies a révélé que les forces armées ukrainiennes avaient utilisé des armes à sous-munitions lors d’attaques contre Izium entre mars et septembre 2022 [67], ce que dénie l’Ukraine. Human rights watch a enquêté et dénoncé l’usage de ces armes par les armées ukrainiennes et russes, les morts et les blessures graves qu’elles infligent aux civils. « Les armes à sous-munitions utilisées par la Russie et l’Ukraine tuent des civils maintenant et continueront de le faire pendant de nombreuses années » « Les deux parties devraient immédiatement cesser de les utiliser et ne pas essayer d’obtenir plus de ces armes aveugles [68]. »

Daryl Kimball, directeur de l’organisation américaine Arms Control Association, dénonce ces armes qui « ne feront pas la différence entre un soldat ukrainien et un soldat russe. L’efficacité des bombes à sous-munitions est largement survendue et l’impact sur les non-combattants est reconnue mais trop souvent ignorée. »

Amnesty International exhorte le gouvernement américain à reconsidérer sa décision, à adhérer à la Convention, à détruire ses stocks et à cesser toute utilisation, production et transfert d’armes à sous-munitions [69].

Le Premier ministre britannique rappelle que le Royaume-Uni a signé la convention et il « décourage » l’utilisation des armes à sous-munitions. Les gouvernements espagnol, canadien et néo-zélandais ont également pris leurs distances sur ce sujet. La France rappelle son engagement mais déclare comprendre la décision américaine [70].

Micheal Martin, le ministre des Affaires étrangères d’Irlande, a rappelé « J’étais l’un des signataires en tant que ministre des Affaires étrangères, en 2008, de la Convention des Nations Unies sur les armes à sous-munitions. […] L’Irlande, en collaboration avec le Pérou, la Norvège et le Vatican, a fait un travail fantastique dans la création de cette convention. ». Il a déclaré « que l’Irlande n’autoriserait pas les États-Unis à transporter des armes à sous-munitions via l’aéroport de Shannon vers l’Ukraine, car cela serait contraire à la politique gouvernementale [71]. »

Pour Pékin, le « transfert irresponsable » de ces armes « peut mener à des problèmes humanitaires. »

À l’inverse, le président de la République fédérale d’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, a appelé à ne pas « bloquer » la livraison à l’armée ukrainienne. « Si l’Ukraine n’a plus les moyens de se défendre, ou si ceux qui l’aident à assurer sa défense ne le font plus, alors ce sera la fin de l’Ukraine. », justifie-t-il [72].

Faisant fi de l’éthique à propos des sous-munitions d’une part, la Maison Blanche a, d’autre part, annoncé, le même jour, la destruction de son dernier stock d’armes chimiques.

Le 20 juillet 2023, la Maison Blanche a annoncé que l’Ukraine a commencé à utiliser les armes à sous-munitions « de manière assez efficace [73]. »

Aux États-Unis, toujours sans notion éthique, d’autres ont une manière paradoxale d’opposer les différents types d’armes. « Si nous avions assez d’obus classiques, nous ne serions pas obligés d’envoyer des bombes à sous-munitions », explique Jon Wolfsthal, ancien membre du Conseil de sécurité nationale sous Barack Obama et conseiller auprès de l’organisation Global Zero, qui plaide pour une dénucléarisation du monde. « Le Pentagone dépense beaucoup d’argent pour les armes nucléaires, les chasseurs de cinquième génération, les sous-marins et des armes compliquées. Or, il apparaît que nous avions besoin de production d’artillerie. Nous avons, semble-t-il, fait de mauvais paris. Nous voilà avec de nombreuses armes inutilisables, et dépourvus de celles dont nous avons besoin [74]. »

Le 20 juillet, en désaccord avec le président Zelensky, le ministre ukrainien de la Culture, Oleksandre Tkatchenko, a démissionné. « Pendant la guerre, les fonds privés et budgétaires pour la culture ne sont pas moins importants que pour les drones. », a-t-il écrit [75].

L’Ukraine a été acceptée comme candidate à l’Union européenne. S’agit-il d’une Europe où la culture a toute sa place, où l’usage des armes est limité par le respect des droits humains, où les objecteurs de conscience gardent leurs droits en temps de guerre, où les droits sociaux sont respectés. Il faut rappeler que le Parlement ukrainien, profitant de l’état de guerre, a voté des lois favorables aux employeurs et contraires aux normes de l’Union européenne [76].

Parallèle entre deux guerres coloniales

Pourquoi les Russes ne se révoltent-ils pas contre la guerre ? En 1960, Maurice Blanchot, un des initiateurs du Manifeste des 121, titré « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », répondait à ce type de question :

« Au fond d’eux-mêmes et confusément, les Français dans leur grande majorité sont convaincus que cette guerre est injuste et, en effet, absurde. On pourrait donc croire qu’ils vont se révolter contre le fait que leurs fils y participent. Mais la pensée doit être retournée : parce que leurs fils y participent - fût-ce automatiquement, par le seul automatisme du service militaire - ils ne peuvent plus reconnaître que cette guerre est injuste, et ils s’en font les complices. L’armée ainsi tient tout le monde : les fils, physiquement, et parce que peu à peu elle les change ; les parents, solidaires et complices des fils. C’est le piège. L’armée est ce piège [77]. »

Sciences

Les sanctions contre la Russie entravent la collaboration scientifique avec l’Europe. Le Centre national de la recherche scientifique a rapatrié ses équipes travaillant en Russie. Des chantiers sont retardés ou suspendus. Toutefois, La Russie honore ses engagements y compris financiers ou de livraison de matériel de haute technologie dans les infrastructures de recherche internationales dont elle était membre ou associée. Des liens personnels entre chercheurs sont maintenus ; les Français précisent souvent que leurs correspondants sont contre la guerre.

Le programme national d’accueil en urgence des scientifiques en exil (Pause) a été mis à contribution. 240 Ukrainiens et principalement Ukrainiennes sont accueillies en France. Ce sont à 75 % des femmes, compagnes de combattants. Mais il y a aussi un physicien réputé de 84 ans et toujours actif. Les 120 Russes, sont surtout de jeunes opposants au régime redoutant la mobilisation. Hélas, les deux nationalités rechignent à travailler ensemble et le programme de soutien est censé s’arrêter au bout de deux ans.

L’anthropologue Alexandra Arkhipova est soutenue par Pause. Elle a été désignée comme « agent de l’étranger. » Quelques jours plus tard, son nom et ses travaux avaient disparu du site de l’Académie des sciences de Russie. Les bourses de l’État en sciences humaines sont dorénavant attribuées aux travaux sur la civilisation russe ou les « valeurs traditionnelles ».

La moitié des professeurs de la faculté de mathématiques de Saint-Pétersbourg a quitté la Russie, certains conservant une partie de leurs activités à distance.

L’astrophysicien Sergueï Popov a proclamé, dès février 2022, son opposition à la guerre puis a quitté la Russie pour l’Italie. Cependant il lui est interdit de signer des articles avec des confrères européens. « Nous limitons nous-mêmes nos recherches pour ne pas même approcher des sujets qui pourraient être sensibles. » Il estime la science russe en danger. « La science fondamentale sera la première à souffrir. […] Dans la science appliquée, quelques domaines seront privilégiés, en particulier tout ce qui est lié au militaire. Certaines recherches ne seront plus demandées du tout, par exemple tout ce qui touche à l’économie verte. » Au début de l’invasion, des milliers de chercheurs et d’enseignants se sont exprimés contre la guerre. Des dizaines de professeurs et de recteurs ont été renvoyés, parfois aussi les élèves qui les avaient soutenus [78].

Frustrés scientifiquement et humainement de ne pouvoir se rencontrer, des chercheurs profitent de congrès pour dialoguer avec leurs collègues. Erevan, capitale arménienne, s’est muée en organisatrice de congrès scientifiques. C’est là que sera rendu un hommage au cosmologiste russe Valery Roubakov, un des instigateurs de la pétition de scientifiques contre la guerre, décédé en 2022.

C’est dans le domaine spatial que les mauvaises relations entre la Russie et l’Europe mènent à l’impasse P [79].

Mikhail Lobanov, professeur agrégé à l’Université d’État de Moscou et ancien candidat à la Douma d’État, soutenu par le Parti communiste de la Fédération de Russie dont il n’est pas membre, a été arrêté en juin 2022 et condamné à quinze jours de prison pour avoir affiché « Non à la guerre » sur son balcon [80].

Le 23 juin 2023, il a été ajouté à la liste des « agents étrangers » [81]. La loi interdit à ceux-ci d’enseigner mais n’oblige pas les universités à les licencier, comme l’a fait la sienne, dont le recteur était le conseiller scientifique de la fille de Poutine pour sa thèse de doctorat [82].

Lobanov a quitté le pays dans l’intention de créer un mouvement d’union des émigrés pour changer le régime russe et pour interagir avec les progressistes étrangers [83].

Jane Birkin

Jane Birkin est décédée le 16 juillet 2023. Pendant la deuxième guerre de Tchétchénie, elle a défendu les droits de l’Homme. En 2009, elle a chanté en Russie au profit du Comité des mères de soldats et de Memorial. Au cours du concert, elle a cité des informations d’Amnesty international à propos de l’Ouzbékistan et de la Birmanie [84]. Elle a tenu une conférence de presse avec les organisations bénéficiaires et Sova qui milite contre le nationalisme et la xénophobie [85]. Elle a maudit Poutine et la politique de la Fédération de Russie dans le Caucase du Nord [86].

Peuples autochtones

L’État russe se déclare multi-ethnique et compte plus de 180 groupes ethniques. 47 sont considérés comme des minorités autochtones, c’est-à-dire d’une taille inférieure à 50 000 personnes. Les Kereks de Chukotka ne sont plus que vingt-trois [87]. Plus de 90 langues sont vivantes sur le territoire. Mais dans la parfaite continuité de la politique soviétique de russification, l’État russe écrase ces langues minoritaires [88]. Les populations des deux tiers des minorités ont baissé, parfois de manière importante, notamment les populations de l’Arctique, tout au Nord, comme les Nenets, ou de Sibérie, à l’Est, comme les Evenks de Yakoutie. Les réquisitions sont beaucoup plus nombreuses au sein des groupes ethniques minoritaires. Par exemple, dans un village près de Vladivostok, dans l’extrême orient russe, un homme sur trois a été mobilisé [89]. Très vite, au début de la guerre, il a été établi une surreprésentation sur le front de Tatars, de Kazakhs, de Daghestanais qui ne sont pas classées dans les minorités. Les minorités disposaient d’un statut particulier qui autorisait les hommes à choisir un service civil plutôt que militaire. C’est terminé. Avec la mobilisation, c’est l’armée pour tout le monde. Dans certaines ethnies composées uniquement de quelques dizaines ou centaines d’individus, comme les Kereks dans l’Extrême Nord, le départ au front des hommes jeunes peut signifier la disparition pure et simple. Il n’y a plus de moyens humains suffisants pour la chasse, la pêche, l’agriculture. Et si les hommes meurent, plus de géniteurs. À cela s’ajoutent les blessures et les problèmes de santé mentale. Pour ne rien arranger, les aides économiques de l’État russe sont en chute libre pour ces populations [90].

Dans les régions éloignées des grandes métropoles, où vivent des minorités ethniques, l’armée est souvent un refuge contre la pauvreté. Le nombre de militaires issus de ces contrées sur le front ukrainien explique la forte mortalité qui les frappe [91]. « En Ukraine, la mortalité des soldats bouriates s’avère trois cents fois plus élevée que celle des combattants venus de Moscou et de la Russie dans son ensemble. », dénonce la Fondation Bouriatie libre [92]. Cette estimation militante doit sans doute être tempérée par une étude d’Alexeï Bessudnov, chercheur britannique d’origine russe. Celui-ci a calculé que, au cours des neuf premiers mois de l’invasion, les Bouriates couraient cent fois plus de risques de mourir en Ukraine que les Moscovites [93].

L’objectif de la Fondation Bouriatie libre est double : lutter contre la guerre contre l’Ukraine et « résoudre le problème du racisme et de la xénophobie en Russie ». Sa fondatrice dénonce aussi la surreprésentation dans les médias des Bouriates comme principaux auteurs de violences au front, en particulier de la part du pape François qui avait stigmatisé leur cruauté et celle des Tchétchènes, avant de s’excuser [94].

Le gouvernement et les sociétés minières utilisent le prétexte de la guerre pour assouplir les exigences environnementales pour les opérations commerciales extractives dans les territoire écologiquement fragiles et parfois sacrés pour les autochtones. Aux yeux de ces derniers, des entreprises occidentales qui boycottent le pays étaient plus respectueuses [95].

Depuis 2020, trente régions et provinces ont connu d’importantes manifestations sociales, politiques ou séparatistes. Les revendications ethniques constituent la moitié des mouvements recensés. Sept républiques sont majoritairement musulmanes. La Kalmoukie est à majorité bouddhiste [96].

Le 6 juillet 2023, la Fondation Yakoutie libre a lancé un appel aux proches des mobilisés : « Combien de familles se retrouvent sans père ni mari. Qui élèvera les enfants ? […] Nous devons récupérer les gars avant que les choses n’empirent ! […] Mères, épouses, sœurs ! Prenez d’assaut les bureaux d’enregistrement et d’enrôlement militaires et l’appareil gouvernemental avec des lettres [97]. »

Alexander Prokopyevich Gabyshev, concierge, soudeur, homme à tout faire et diplômé du département d’histoire de l’Université d’État de Yakut, a entrepris une randonnée à travers le pays jusqu’à Moscou dans le but d’expulser pacifiquement le président Vladimir Poutine du pouvoir et de « restaurer la démocratie » en Russie en effectuant un rituel chamanique sur la Place Rouge. Il est détenu en traitement psychiatrique obligatoire depuis 2019 et reconnu prisonnier politique par Memorial. La Fondation Yakoutie libre estime que « On peut établir des parallèles entre son périple de l’Extrême-Orient russe à Moscou avec la "Marche du sel" du Mahatma Gandhi [98]. »

Le 17 juillet 2023, des représentants des peuples autochtones de Russie qui ont dû fuir le pays en raison de la persécution ont organisé une manifestation contre la guerre en Ukraine lors d’une session d’experts sur les droits des peuples autochtones du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève. Ils brandissaient des pancartes « Russie, arrêtez la guerre » et « La Russie doit cesser de tuer les peuples autochtones ». Ils se plaignaient que « la délégation russe est entièrement composée de [représentants] des peuples autochtones fidèles au gouvernement ». Les discours de la délégation russe se résumaient à faire l’éloge du gouvernement russe, sans aucune remarque critique. Selon eux, les paragraphes les concernant sont compilés à partir d’informations officielles russes, par exemple, les informations sur le service alternatif pour les peuples autochtones de Russie [99]. »

Recrutement russe de citoyens d’Asie centrale

Dix millions d’Ouzbeks, Tadjiks, Kirghizes et Kazakhs travaillent en Russie. Tous les moyens sont bons pour les envoyer au front. L’avocate Valentina Tchoupik explique que des centres de migration ont fait signer à 1 400 de ses clients une pile de documents qu’ils n’ont pas eu le temps de lire parmi lesquels un contrat d’engagement militaire volontaire.

Des ouvriers en bâtiment sont envoyés reconstruire les villes des prétendues républiques annexées. À la fin de leur mission, le retour en Russie leur est interdit. Ils ne touchent qu’un tiers de la paye promise, sur une carte bancaire inutilisable en Ukraine [100].

Un vétéran de la guerre américaine au Vietnam

David Cortright a participé à la guerre américaine au Vietnam. Puis il s’est joint à la protestation des soldats contre ce conflit. Il a enseigné à l’International Peace Institute, milité et écrit à propos du changement social non violent, du désarmement nucléaire et de l’utilisation de sanctions et d’incitations multilatérales comme outils de diplomatie internationale [101].

Interviewé par Meduza, il rappelle que des groupes anti-guerre au Canada, en Suède, en Allemagne, en France, au Japon, aux Philippines et en Australie ont aidé les réfractaires américains.

« Ceux d’entre nous qui ont parlé pour la paix alors qu’ils étaient dans l’armée étaient une minorité, mais au fil du temps, beaucoup de ceux qui n’ont pas protesté et peut-être même soutenu la guerre ont réalisé que c’était une grave erreur. »
Parmi ceux qui ont combattu en Irak et en Afghanistan, il y a plus de morts par suicide qu’en servant dans ces guerres.
« À mon avis, tous ceux d’entre nous qui s’opposent à cette guerre dans d’autres pays devraient aider la résistance anti-guerre russe de toutes les manières possibles. Lorsque les Russes refusent de participer à cette guerre ou s’y opposent, ils soutiennent la cause de la paix. Ils sont les alliés de tous ceux qui veulent que cette guerre se termine.
Malheureusement, certains États européens créent des obstacles sur le chemin de ceux qui veulent y entrer depuis la Russie. À mon avis, c’est contre-productif. […]
À mon avis, tout Russe qui souhaite obtenir un visa ou l’asile pour éviter de participer à cette guerre doit être chaleureusement accueilli. Les groupes civiques et les comités de paix dans d’autres pays devraient fournir un soutien et une assistance juridique à toute personne venant de Russie qui en a besoin. »
« Le plus grand succès de l’opposition anti-guerre en Russie, à mon avis, a été la vague massive de résistance à la conscription qui a balayé le pays en septembre-octobre [2022]. Ce fut un événement totalement sans précédent dans l’histoire du mouvement anti-guerre, plus important que n’importe quelle vague de résistance à la conscription pendant [la guerre au Vietnam]. Lorsque des centaines de milliers de recrues potentielles fuient le pays, cela crée de sérieux problèmes pour la machine militaire.
Le Mouvement peut continuer à encourager et à soutenir la résistance à la conscription en fournissant un soutien juridique et des services de conseil aux personnes risquant d’être enrôlées. Il est également utile de fournir aux recrues potentielles des informations sur d’autres pays où elles pourraient s’échapper, de diffuser les histoires de ceux qui sont déjà partis, de raconter leurs motivations.
Il est important de soutenir la dissidence et la résistance des soldats - en particulier ceux qui ont déjà combattu. D’après notre expérience de la guerre du Vietnam, je dirais que l’aide la plus importante est juridique. […] Les déserteurs peuvent également avoir besoin d’un logement, d’une aide financière et d’une aide pour se rendre dans d’autres pays. »
« Lorsque les soldats et leurs familles commencent à remettre en question les militaires et la mission qu’ils accomplissent, cela crée un autre problème potentiellement grave pour la machine de guerre. Sur les réseaux sociaux, beaucoup soulignent que les soldats qui se plaignent des conditions et du matériel ne critiquent pas ouvertement la guerre et ne s’y opposent donc pas vraiment. C’est, à mon avis, une mauvaise compréhension de la situation. De tels commentaires ne tiennent pas compte de la répression en Russie. Lorsque les sanctions pour être ouvertement anti-guerre sont aussi sévères qu’en Russie, il est peu probable que les soldats expriment leur mécontentement sous la forme de plaintes contre la guerre ou l’armée. […]
Peu importe comment les citoyens russes expliquent les actions de résistance à la conscription, ces actions contredisent objectivement les objectifs de la guerre, et elles doivent être considérées comme une manifestation de l’affaiblissement de la volonté de gagner au sein de l’armée [102]. »

La répression évoquée par David Cortright est illustrée par la décision d’autodissolution du Conseil des mères et des épouses créé à l’automne 2022 pour défendre les droits de leurs proches mobilisés et conscrits. Les militantes refusent que les autorités stigmatisent le Conseil et l’humilient en le déclarant « agent étranger ».

L’organisatrice Olga Tsukanova a été détenue à plusieurs reprises. Elle a déclaré « Nous continuerons chacune à défendre la justice là où nous sommes [103]. »

Éviter la guerre

La Douma d’État russe a adopté, le 25 juillet 2023, des amendements resserrant fortement la loi sur le service militaire. Sous l’influence du ministère de la Défense [104], l’âge plancher de la conscription est maintenu à dix-huit ans, et non vingt comme initialement prévu. Le plafond a été relevé à trente ans. Il pourra ainsi y a avoir une augmentation de 1,5 million de recrues. Les voyages à l’étranger sont interdits à partir du moment où une convocation est reçue. Les amendes pour ne pas se présenter au bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaires ont été multipliées par dix. Les conscrits, qui sont censés ne pas pouvoir être envoyés hors de Russie, sont incités, par des soldes intéressantes et d’autres avantages, à souscrire un contrat qui leur permettrait de combattre à l’étranger. Les régions ont désormais le droit de créer leurs propres compagnies militaires publiques.

Un avocat de la coalition « Appel à la conscience » explique à Meduza comment éviter la guerre : Exigez un service civil de remplacement. L’État est susceptible de résister, mais votre persévérance peut l’emporter. Si vous n’êtes pas prêt à ces procédures, quittez le pays. L’avocat et ses collègues ont emporté plusieurs affaires judiciaires.

« Ceux qui font désormais leur service militaire sous contrat et se retrouvent au front sont surpris de constater que ce contrat est à durée indéterminée. […] Il est valable jusqu’à la fin de la période de mobilisation, qui est toujours en cours, et ne peut prendre fin que par un décret présidentiel [105]. »

« Un mensonge classique des militaristes : Ils disent qu’il faut se préparer à une grande guerre pour qu’elle n’arrive pas, mais en fait c’est le contraire qui se passe : le militarisme croissant est ce qui mène à la guerre. Et la situation ne fera qu’empirer [106]. »

[3https://istories.media/en/stories/2023/08/15/deserters, 15 août 2023, consulté le 26 août 2023.

[5https://meduza.io/feature/2023/08/15/ya-hochu-zhit-poetomu-ya-pishu-etot-tekst, 15 août 2023, consulté le 16 août 2023 ; Benoît Vitkine « Suscipcion d’empoisonnements de trois femmes russes en exil », Le Monde, 20-21 août 2023.

[7Paul Gogo, « Le combat solitaire des militants antiguerre », L’Express, 10 août 2023.

[9Milica Cubrilo, « Belgrade met la pression sur ses exilés russes », Le Figaro, 17 août 2023.

[10« Lithuania Declares More Than 1,000 Belarusians And Russians To Be National Security Risks », RadioFreeEurope Radio Liberty, https://www.rferl.org/a/lithuania-belarusians-russians-national-security-risk/32534400.html, 4 août 2023, consulté le 19 août 2023.

[11https://news.house/60784, août 2023, consulté le 19 août 2023.

[13https://news.house/action/browse/new_hero, consulté le 20 août 2023.

[14https://news.house/56281, 21 janvier 2023, consulté le 19 août 2023.

[16https://www.svaboda.org/a/32186039.html, 21 décembre 2022, consulté le 18 août 2023.

[18Olga Karach, https://news.house/60776, consulté le 20 août 2023.

[20https://www.svaboda.org/a/32541411.html, 9 août 2023, consulté le 18 août 2023.

[23Alexandre Palikot, https://www.rferl.org/a/ukraine-scandals-problems-military-enlistment-reforms/32554383.html, 18 août 2023, consulté le 19 août 2023.

[24Emmanuel Grynszpan, « Ukraine, sur fond de scandales, les recruteurs militaires limogés », Le Monde, 14 août 2023.

[26Kristina Safonova, https://meduza.io/feature/2023/08/14/samyy-obychnyy-paren, publié et consulté le 14 août 2023.

[28Maxim Litavrin, Yegor Skovoroda, https://en.zona.media/article/2023/07/19/337, 19 juillet 2023, consulté le 29 juillet 2023.

[29https://meduza.io/feature/2023/08/04/vsem-privet-eto-danya-holodnyy, 4 août 2023, consulté le 5 août 2023.

[31Olya Romashova, https://en.zona.media/article/2023/07/28/arson, 28 juillet 2023, consulté le 30 juillet 2023.

[38Maria Ehrlich, https://novayagazeta.eu/articles/2023/08/05/till-death-make-us-rich-en, publié et consulté le 5 août 2023.

[39Frédéric Petit, « En Biélorussie, une société démocratique n’est pas utopique », Le Monde, 9 août 2023.

[40« #MeToo a ranimé la flamme du féminisme », juillet-août 2023.

[41Ilya Volzhsky, https://novayagazeta.eu/articles/2023/08/08/women-at-war-en, 8 août 2023, consulté le 9 août 2023.

[42Daria Talanova, https://novayagazeta.eu/articles/2023/06/27/school-of-war-en, 27 juin 2023, consulté le 28 juin 2023.

[46Julia Pascual, « La Cour nationale du droit d’asile rappelle que le demandeur "doit fournir les éléments permettant d’établir qu’il est appelé à servir dans les forces armées" », Le Monde, 22 juillet 2023.

[49Benoît Vitkine, « Un sixième milliardaire russe renonce à sa nationalité », Le Monde, 3 juillet 2023.

[50Propos recueillis par Mira Livadina et Kirill Martynov, https://novayagazeta.eu/articles/2023/06/30/believe-me-there-are-many-more-of-us-than-it-might-seem-en, 30 juin 2023, consulté le 3 juillet 2023.

[51Pierre Polard, « Les oppositions russe et biélorusse installées à Kiev fourbissent leurs armes », Le Figaro, 4 juin 2023.

[52https://www.svoboda.org/a/byvshiy-letchik-protiv-voyny/31740666.html, 7 mars 2022, consulté le 7 juillet 2023.

[53Anastasia Lotareva, https://www.bbc.com/russian/features-65812907, 8 juin 2023, consulté le 7 juillet 2023.

[54https://www.russianlife.com/the-russia-file/military-against-war, 19 juin 2023, consulté le 7 juillet 2023.

[55https://www.instagram.com/sen_i_n, consulté le 7 juillet 2023.

[56https://www.russianlife.com/the-russia-file/war-and-beef, 7 juin 2023, consulté le 7 juillet 2023.

[57Nicolas Ruisseau, « Russie : à son procès, Oleg Orlov continue le combat », Le Monde, 23-24 juillet 2023.

[59Benoît Vitkine, « En Tchétchénie, un avocat et une journaliste violemment agressés », Le Monde, 6 juin 2023.

[60https://tass.ru/proisshestviya/18219599, publié et consulté le 18 juillet 2023.

[61https://www.russianlife.com/magazine/spring-2023/last-words, 1er mai 2023, consulté le 7 juillet 2023.

[62https://www.russianlife.com/the-russia-file/go-defend-your-homeland, 14 juin 2023, consulté le 7 juillet 2023.

[63Florence Aubenas, « À Kherson, l’église orthodoxe qui défie la Russie », Le Monde, 4 juillet 2023.

[64Nicolas Barotte, « Ukraine : les formateurs français misent sur l’expérience opérationnelle. », Le Figaro, 4 juin 2023.

[70Philippe Ricard et Benoît Vitkine, « Les alliés réservés face à l’envoi d’armes à sous-munitions par les États-Unis », Le Monde, 11 juillet 2023.

[73Élise Vincent « Des armes à sous-munitions utilisées par l’armée ukrainienne », Le Monde, 22 juillet 2023.

[74Piotr Smolar, « Biden livre à Kiev des armes à sous-munitions », Le Monde, 8 juillet 2023.

[76Tatiane Libermann in Brigades éditoriales de solidarité, L’Ukraine insurgée, M Éditeur (Montréal), Page 2 (Lausanne), Syllepse (Paris), octobre 2022, 396 pages, pp. 263-264.

[77Entretien avec Madeleine Chapsal, cité par Catherine Brun, https://histoirecoloniale.net/Le-Manifeste-des-121-un-texte-fondamental-dont-Catherine-Brun-eclaire-la-genese.html#nh18, 14 avril 2021, consulté le 8 juillet 2023.

[78Benoît Vitkine, « L’avenir de la science russe menacé », Le Monde, 12 juillet 2023.

[79ierre Barthélémy, Nathaniel Herzberg, Jean-Baptiste Jacquin et David Larousserie, « La recherche victime collatérale de la guerre », Le Monde, 12 juillet 2023.

[81https://en.wikipedia.org/wiki/Mikhail_Lobanov, consulté le 12 juillet 2023.

[84Munipov, https://t.me/fermate/5067, 16 juillet 2023, consulté le 19 juillet 2023.

[85Konstantin Benyumov, https://www.kommersant.ru/doc/1155698, 17 avril2009, consulté le 19 juillet 2023.

[88Anna Colin Lebedev, https://twitter.com/colinlebedev/status/1531179016388059136, 30 mai 2022, consulté le 16 mai 2023.

[89https://indigenous-russia.com/archives/30664, consulté le 23 juillet 2023.

[93https://indigenous-russia.com/archives/29069, consulté le 23 juillet 2023.

[95https://indigenous-russia.com/archives/34241, consulté le 23 juillet 2023.

[96Romain Gubert, « La possibilité d’une implosion », Le Point, 29 juin 2023.

[97https://t.me/freeyakutiafoundation/2789, consulté le 23 juillet 2023.

[98https://indigenous-russia.com/archives/33569, consulté le 23 juillet 2023.

[100Emma Collet, « Ces migrants qui servent de chair à canon en Ukraine », L’Express, 27 juillet 203.

[101https://en.wikipedia.org/wiki/David_Cortright, consulté le 27 juillet 2023.

[106https://meduza.io/feature/2023/07/26/v-rossii-za-odin-den-uzhestochili-zakon-o-sluzhbe-v-armii-uezzhat-iz-strany-edinstvennyy-vyhod-kak-ne-okazatsya-na-voyne, 26 juillet 2023, consulté le 27 juillet 2023 ; Marie Jégo, « Russie : l’âge limite de la conscription relevé », Le Monde, 29 juillet 2023.