Retrouvez la cinquième partie de cette rubrique, mai 2023
Retrouvez la quatrième partie de cette rubrique, mars et avril 2023
Retrouvez la troisième partie de cette rubrique, janvier et février 2023
Retrouvez la deuxième partie de cette rubrique, décembre 2022
Retrouvez la première partie de cette rubrique, novembre 2022
Ecoutez l’intervention de Guy Dechesne dans l’émission Paroles de Paix sur RCN du 23 février 2023
Kangourou, hanneton, chiens et colombe
Deux poids, deux mesures
« Nous poursuivrons les terroristes partout […]. Si on les prend dans les toilettes, eh bien, excusez-moi, on les butera dans les chiottes. » déclarait Vladimir Poutine en 1999. Le 24 juin 2023, il fait preuve de plus de mansuétude envers Evguéni Prigojine, chef d’une mutinerie armée qui vient d’abattre plusieurs hélicoptères. Les motifs de l’acharnement, de la sévérité et de l’arbitraire qui frappent les démocrates, opposants à Poutine, sont démesurément faibles par rapport aux griefs contre Wagner.
Alexeï Navalny
Le 19 juin 2023, le nouveau procès du leader de l’opposition russe, Alexeï Navalny, s’est ouvert au sein de la colonie pénitentiaire, au régime extrêmement sévère, dans laquelle il purge sa peine depuis deux ans et demi. L’audience devait être retransmise sur écran pour les journalistes et les parents, privés de visites et de conversations depuis un an. La diffusion a été interrompue après une demi-heure, par suspicion d’une perturbation de l’audience, ce qui est paradoxal dans un établissement de haute sécurité.
Selon la loi, la direction de la prison est obligée de répondre à chaque demande et plainte des condamnés. Navalny en profite pour ridiculiser l’administration par des sollicitations incongrues : un kangourou ou qu’on attribue à son voisin de cellule le plus haut grade de karaté, car le codétenu avait tué un homme à mains nues. On lui répond « On ne peut pas attribuer de kimono et de ceinture noire dans une cellule d’isolement », « l’administration pénitentiaire ne s’occupe pas de l’attribution des titres en matière d’art martial ». « Vous avez demandé si une autorisation était nécessaire pour garder un hanneton dans votre cellule. Nous vous informons que cet insecte appartient au royaume des animaux et qu’on ne pourra pas vous le donner. » Ou, à sa demande de connaître les noms des chiens de garde : « Non, vous pourriez devenir leur ami et les utiliser pour organiser votre évasion [1]. »
Pelles et pinceaux
Colombe de la paix
Quatre habitants de Petrozavodsk ont dessiné, avec des pelles, sur la glace du lac Onega, une copie mesurant cent mètres de la colombe de la paix créée par Pablo Picasso [2].
Dmitry Skurikhin
Dmitry Skurikhin, épicier au village de Russko-Vysotskoye, conduit une voiture avec un autocollant « Non à la guerre », refuse de se raser la barbe tant que Vladimir Poutine restera au pouvoir et affiche des slogans et des affiches politiques et antiguerre sur la devanture de son magasin. Après l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, l’inscription « Paix à l’Ukraine, liberté à la Russie » est apparue sur le bâtiment. Skurikhin peint en rouge les noms des villes ukrainiennes attaquées par les Russes.
Photos Victor Yuliev pour The Village
Il a été condamné à des amendes pour « violation de l’aménagement paysager ». Elles sont passées de 300 à trois mille roubles. Skurikhin a été en détention provisoire et assigné à résidence pour « discrédit répété de l’armée ». Au cours d’une perquisition, son toit a été partiellement démonté [3]. La plupart de ses voisins lui maintiennent leur sympathie. Le 9 juin 2023, huit personnes masquées ont recouvert les inscriptions [4].
Boycott
Le géant américain de l’alimentaire, Mondelez International, qui contrôle des marques comme Toblerone, Milka, LU, Côte d’Or ou Belin, est inscrit par l’Ukraine sur la liste des « sponsors internationaux de la guerre ». Il emploie 3 000 salariés dans trois usines en Russie et refuse de quitter le pays. Ses produits sont boycottés en Suède et en Norvège, notamment par les compagnies aériennes, les chemins de fer et les parcs d’attraction et même les forces armées suédoises qui ont communiqué que « Cette dernière année, nous avons soutenu l’Ukraine de différentes façons et c’est une manière supplémentaire d’offrir notre soutien. » À Stockholm, le palais royal a fait savoir qu’il étudiait la possibilité de retirer son titre de « fournisseur officiel de la cour » à l’entreprise [5].
« Beaucoup de soldats seraient prêts à partir, s’ils avaient une porte de sortie. Cela pourrait contribuer à faire s’effondrer l’armée russe. »
Les pays démocrates n’incitent pas les soldats russes à l’insoumission ni à la désertion et sont réticents à accorder l’asile politique aux opposants démocrates. Ces derniers en sont réduits à s’exiler dans des pays totalitaires, parfois inféodés à la Russie. Les anciens pays de l’URSS ont figuré parmi leurs destinations favorites, ils ne demandent pas de visa aux Russes et sont géographiquement proches. Au printemps 2023, certains ont cessé d’être sans danger. Les autorités russes ont fourni à ces alliés des données sur plus de 85 000 personnes pour qu’ils les traquent avec un système de reconnaissance faciale.
Kirghizistan
Le 30 mai 2023, au Kirghizistan, le Comité d’État pour la sécurité nationale, GKNB, a arrêté l’anarchiste anti-guerre Aleksey Rozhkov, accusé en Russie de tentative de meurtre pour avoir lancé un cocktail Molotov contre un bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire. La détention a eu lieu le lendemain de sa démarche au centre de service public, pour prolonger son enregistrement temporaire. Extradé en Russie sans aucune trace de décision judiciaire, il a été accueilli par des agents du FSB qui lui ont asséné des coups de pistolet paralysant. L’activiste se trouve dans un centre de détention provisoire à Ekaterinbourg.
Quelques jours plus tard, deux autres militants russes, Lev Skoryakin et Alena Krylova, ont été arrêtés à Bichkek, la capitale. Skoryakin est accusé, en Russie, de hooliganisme en raison d’une action contre la répression politique, Krylova est accusée de participer au mouvement Résistance de gauche, qui organise des piquets de protestation et des manifestations. Les autorités de la Fédération de Russie la considèrent comme « extrémiste ». En 2022, dans la même affaire, un tribunal de Moscou a condamné à 9 ans de prison la militante Daria Polyudova. Les activistes ont demandé l’asile politique, ce qui les protège provisoirement d’une expulsion [6].
L’organisation Red Roof, qui travaillait et organisait des événements pour la communauté russe, a également été perquisitionnée et menacée par des agents des forces de l’ordre. Elle a décidé d’arrêter ses activités au Kirghizistan.
« En Arménie, au Kazakhstan, il y a eu des cas de détention de personnes recherchées en Russie pour des motifs politiques, mais [dans la plupart des cas] tout s’est terminé par des interrogatoires et des libérations. », explique Anastasia Burakova, fondatrice de l’organisation de défense des droits de l’Homme Kovcheg [7].
Igor Sandzhiev
Un Kalmouk, Igor Sandzhiev, a été mobilisé en septembre 2022. Il a dit au commandement que, en tant que bouddhiste, il adhère aux vues pacifistes, n’a pas l’intention de prendre les armes et veut faire un service alternatif. En réponse, il a été menacé d’une poursuite pénale.
« Dans ma vision du monde en tant que bouddhiste, la guerre est un mal », considère-t-il. « De plus, l’agression injustifiée d’un pays voisin est condamnée par toute la communauté mondiale indépendante de la Russie. »
Il a dû assister à des conférences sur le fait que les Kalmouks descendent d’un peuple combattant, et doivent remplir leur devoir militaire pour éradiquer le nazisme. « Prenez exemple sur vos camarades qui veulent le faire volontairement. » Igor Sandzhiev a répondu que la majorité d’entre eux combattaient pour la solde.
Après un mois dans un camp d’entraînement militaire, il a creusé un trou sous la clôture et s’est enfui. Faute de pouvoir travailler, il est passé en Biélorussie et a demandé l’asile politique aux consulats lituanien, letton, allemand et espagnol. Ce dernier a accepté sa candidature à condition qu’il vienne dans le pays. Il a été arrêté à Minsk alors qu’il avait obtenu un rendez-vous au consulat letton. Il a passé quinze jours dans une cellule où dix-huit prisonniers devaient dormir alternativement. Leur sommeil était interrompu par des appels toutes les deux heures. Il a encore passé deux semaines dans une cellule pour migrants en attente d’expulsion. Il a été extradé, à ses frais, vers la Russie. Après d’autres péripéties, il a été ramené au camp d’entraînement. Il s’en est échappé à nouveau. Sans passeport, il a traversé illégalement la frontière kazakhe, ce qui lui vaut une condamnation à six mois de prison et à l’expulsion. Le Bureau international des droits de l’homme du Kazakhstan appuie sa demande d’asile et celles d’autres réfractaires. Seul le président du Kazakhstan peut accorder le droit d’asile politique. « Mais je ne me souviens pas qu’il ait donné quoi que ce soit à qui que ce soit ces dernières années. », note Denis Jivaga, directeur adjoint de l’ONG. Selon lui, le gouvernement essaie, dans une certaine mesure, de se conformer aux normes du droit international. Jusqu’à présent, les autorités n’ont fait preuve d’aucun zèle particulier pour extrader les émigrés politiques russes qui se sont installés dans le pays après le début de la guerre. Ils obtiennent un permis de séjour temporaire.
L’anarchiste Denis Kozak est peut-être la seule exception. Accusé en Russie de justifier le terrorisme, il a été arrêté en février 2023. Il attend la décision sur sa demande d’asile. En mars, sa période de détention a été prolongée d’un an. « Si un pays tiers l’accueille, [peut-être] nos autorités accepteront-elles de le libérer. […] Au moins, il n’a pas été extradé », explique Jivaga. La convention avec la Russie interdit l’extradition de personnes accusées d’avoir commis des crimes qui ne figurent pas dans le code pénal du pays de l’extradition, tels que la justification du terrorisme, le « discrédit » de l’armée et les fausses nouvelles relatives à l’armée [8].
La journaliste bouriate Yevgenia Baltatarova est également menacée d’expulsion du Kazakhstan. En septembre 2022, elle a découvert qu’elle figurait sur la liste interétatique des personnes recherchées dans l’affaire de diffusion de « faux » sur l’armée russe. De plus, le ministère de la Justice l’a reconnue comme un « agent étranger » [9].
Kazakhstan
Des déserteurs russes réfugiés au Kazakhstan témoignent :
« J’ai été placé sur la liste des personnes recherchées en Russie pour avoir déserté l’armée, j’encours jusqu’à quinze ans de prison. », raconte Nikita, qui a participé à six mois de guerre comme officier, spécialiste des communications et signaux. Après le lycée, sa famille l’incite fortement à entrer à l’académie militaire, où il passera cinq ans. « J’ai assez vite compris que la vie de caserne, l’obéissance, ce n’était pas pour moi. Depuis 2018, j’étais décidé à quitter cette voie une fois mon diplôme obtenu. »
À l’automne 2021, moins d’un an après être devenu officier, Nikita lance son processus de démission. On la lui refuse à deux reprises.
Le 24 février 2022, « On n’était pas sûrs de ce qui se passait. Mais on a vite compris que ce n’était pas un exercice. Au loin retentissaient les premières explosions. La peur montait. J’ai écrit à ma compagne en Russie qu’on était sans doute en train d’attaquer l’Ukraine. Elle a pleuré, m’a dit de ne pas y aller. Mais depuis la Crimée, il n’y avait aucun moyen de fuir, nous étions coincés. » Lorsque son unité s’était rassemblée pour monter dans les camions de transport, Nikita avait vu un commandant tirer une balle dans le genou d’un officier qui refusait d’embarquer. « Je peux vous garantir qu’il y avait très peu de gars qui sautaient d’excitation ou criaient : “Hourra, pour la patrie !” Personne ne voulait être là, même pas les chefs. » « La plupart des soldats ne réfléchissent pas, ils sont là sans enthousiasme mais font ce qu’on leur dit, pour la promesse d’un appartement payé dans vingt ans et 1 500 euros par mois. Pour ça, ils sont prêts à aller tuer pour Poutine. »
Lev est d’origine ukrainienne. « Je connais des gars là-bas qui ont refusé d’entrer en Ukraine. On les a jetés dans un trou creusé dans le sol pendant des jours, afin de les faire plier. » « J’ai des cousins qui défendent leur pays actuellement. Pour moi, c’était inconcevable de participer à cette agression contre une partie de mon histoire. » Cinq fois, il doit signifier son refus de rejoindre le front et commence à être vu comme un traître. Un jour, un agent du FSB l’attend à la sortie de la caserne. Il est conduit au siège de la branche locale, où un agent le cuisine en lui disant qu’il pourrait représenter une menace pour la sécurité nationale… Lev tient bon et réussit à éviter son envoi au front.
« Quitter son unité en pleine guerre, c’est mission impossible. Je n’avais pas envie de finir en prison en Russie, pour ensuite être renvoyé au hachoir avec Wagner ! » Fiodor se résout à se tirer une balle dans le mollet. Des centaines de soldats feront comme lui, seule façon d’échapper à l’enfer.
Le 24 septembre 2022, une loi interdit aux militaires de carrière de démissionner ou de refuser l’appel. Des centaines de milliers d’hommes en âge de servir fuient le pays. Nikita et Lev, avec sa famille, partent en voiture au Kazakhstan. Fiodor est exfiltré par l’organisation Traverser la forêt.
« Cette guerre est une honte, une abomination, je me devais de partir », commente Nikita qui s’est brouillé avec ses proches « zombifiés par la télévision. » Il s’est engagé dans l’aide aux exilés russes et a rejoint l’équipe de Tochka (ne) vozvrata (« Point de [non-]retour »). Sa fondatrice est une ancienne journaliste indépendante, Evguenia Boltatarova, originaire de Bouriatie. Cette région de Sibérie orientale est le foyer de la minorité ethnique bouriate qui a été fortement mobilisée et a payé un tribut humain particulièrement lourd à l’invasion russe. « J’ai quitté mon pays en mars 2022, après diverses intimidations. C’est devenu dangereux de mener une activité dissidente en Russie. Ici, on tente de reformer autant que possible notre société civile. On aide quiconque est contre cette infamie – y compris les objecteurs de conscience et vétérans de cette guerre. » Les activistes sont soutenus localement par le Bureau pour la défense des droits de l’Homme.
« Après la mobilisation, on a entendu tout un tas de politiciens, allemands, américains, dire que nous étions les bienvenus. Tu parles ! » ironisent les déserteurs. Depuis huit mois, Nikita ne compte plus les lettres adressées aux ambassades occidentales à Astana, la capitale, ou aux antennes des Nations unies. Il n’a reçu que des refus polis. Il montre ses e-mails à l’ambassade de France au Kazakhstan, et fait écouter l’enregistrement audio d’un appel où il est simplement redirigé vers le service des visas. Sans suite aucune. Contactée par Julian Colling, journaliste de L’Obs, l’ambassade a laconiquement renvoyé vers le service de presse du Quai-d’Orsay.
« Je ne serais pas contre l’idée de refaire ma vie ici au Kazakhstan, mais en sécurité, assure Nikita. Même si j’aurais sans doute quelque chose à apporter à une enquête internationale sur l’Ukraine. » Ces déserteurs comprennent que, face aux souffrances du peuple ukrainien, leur sort n’est pas la priorité des pays européens. « Beaucoup de gars seraient prêts à partir, malgré l’apathie qui règne dans les rangs, s’ils avaient une porte de sortie. Cela pourrait contribuer à faire s’effondrer l’armée russe. »
Lev a pensé rejoindre la légion étrangère ukrainienne. « Eux au moins se battent pour quelque chose, pour défendre leur pays. » Fiodor y a pensé aussi. « Mais cela impliquerait de me battre contre des Russes. Or je n’ai plus envie de me battre contre qui que ce soit [10]. »
Iabloko
Au centre de la capitale russe, on voit des Moscovites assis à des tables en train d’écrire des lettres et des cartes postales aux prisonniers politiques. Il s’agit d’un événement organisé une fois par mois par Iabloko, l’un des derniers partis indépendants de Russie encore autorisés à fonctionner [11].
Anatoly Berezikov
« Voici Ryk, également connu sous son vrai nom Anatoly Berezikov. Musicien, constructeur de synthétiseurs sonores, peintre et voyageur. Il n’est plus avec nous. Je parie qu’il n’aimerait pas que quelqu’un prie pour le repos de son âme. Mais ce n’est plus à lui de décider », a écrit le musicien Valentin Sokhorev.
Anatoly Berezikov était soupçonné d’être impliqué dans la diffusion de tracts du mouvement ukrainien « Je veux vivre ». Les imprimés contenaient des instructions pour les militaires russes sur la façon de se rendre à l’armée ukrainienne. Il a été arrêté brutalement le 10 mai 2023 et vraisemblablement torturé. Son avocate raconte que, le 13 juin, il lui a confié : « Je n’irai pas jusqu’au 15 juin [date prévue de sa libération]. J’ai peur qu’ils me tuent. Je ne sortirai pas de prison. ». Le lendemain, il était mort [12].
Redditions russes
Le Wall street journal a interviewé des militaires russes qui se sont rendus aux Ukrainiens. Les prisonniers étaient un mélange de professionnels, de conscrits et de mercenaires. Plusieurs étaient issus de minorités ethniques de Sibérie, d’autres de Saint-Pétersbourg ou de Vladivostok. Beaucoup portaient des treillis de combat en lambeaux. Ils attendaient dans un garage d’être transférés en prison.
Les combattants du groupe paramilitaire russe Storm Z, généralement des condamnés recrutés dans les prisons russes, n’étaient pas autorisés à battre en retraite, sous peine d’être abattus. Ancien soldat en prison pour trafic de drogue, un combattant s’était engagé dans Storm Z pour six mois de combat en Ukraine et la promesse d’une grâce. En mars, il a été blessé par des éclats d’obus à la tête et aux membres. La blessure à la tête était particulièrement grave, le laissant avec un bégaiement. Un médecin a jugé qu’il n’était pas apte au combat, mais son commandant lui a ordonné, ainsi qu’à d’autres blessés, de retourner au front, a-t-il déclaré. « Ce que je commence à réaliser, c’est que dans cette guerre, nous ne sommes pas du bon côté. », constate-t-il. Il a été blessé au bras et à la jambe. Lui et les autres hommes, pour la plupart blessés, ont crié aux troupes ukrainiennes invisibles qu’ils voulaient se rendre : « Si nous reculons, ils nous tireront dessus ! » Ensuite, ils se sont assis et ont attendu l’arrivée des Ukrainiens.
Un autre raconte « Je ne savais pas quoi faire, j’avais peur, je paniquais. » Avec un camarade, il est sorti de la tranchée, les mains levées. Alors que les Ukrainiens les étendaient au sol et leur liaient les mains, un autre Russe a sauté de la tranchée et a lancé des grenades, blessant des Ukrainiens avant d’être tué. Le détenu espère ne pas être renvoyé en Russie dans le cadre d’un échange de prisonniers, par crainte de la façon dont le service de sécurité du FSB le traiterait [13].
Retour en Russie ?
En octobre 2022, Forbes, citant une source au sein de l’administration présidentielle de la Fédération de Russie, écrivait qu’environ 600 à 700 000 personnes avaient quitté la Russie depuis le début de la mobilisation. Un autre interlocuteur de la publication a affirmé que le nombre de ceux qui sont partis avait atteint près d’un million de personnes . Mais il n’y a pas de données officielles sur le nombre de Russes qui ont quitté le pays après le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, puis après l’annonce de la mobilisation en septembre 2022. Néanmoins, le président de la Douma d’État, Viatcheslav Volodine, a déclaré que la moitié de ceux qui avaient quitté la Russie après le début de la guerre étaient déjà revenus et que « ce processus se poursuit ».
Certains, écrit Volodine, ont réalisé « que la maison est là où se trouvent la famille, les parents, les amis, la langue maternelle ». Selon lui, il en est qui ont décidé de retourner au confort, « reconnaissant que peu d’États peuvent offrir des conditions de vie telles qu’en Russie », et « influencés par la politique russophobe des États occidentaux. » « Beaucoup de ceux qui sont partis ont été traités comme des gens de seconde classe. […] Les enfants sont victimes d’intimidations dans les écoles. Les entreprises font faillite. » « Aujourd’hui, il y a une opportunité pour revenir ; demain, avec l’hystérie qui est attisée en Europe occidentale, ce ne sera peut-être plus le cas. » Volodine ne caractérise nullement l’opportunité qu’il évoque ni ce qui pourrait y mettre fin [14].
Déserteurs
Le département des migrations du ministère lituanien des affaires intérieures a autorisé le pilote militaire russe Dmitry Mishov à s’installer dans le pays jusqu’à ce que le département examine sa demande d’asile. Il se promène dans Vilnius et s’étonne « Ils ne demandent pas de passeport ici si vous allez au musée ? ».
Il a vainement tenté de quitter l’armée dès le début de l’agression russe en Ukraine. Sa démission acceptée a été annulée lors de la mobilisation de septembre 2022. Il s’est ouvert les veines. Menacé d’un procès, il s’est enfui de l’hôpital, comme d’autres soldats l’ont fait [15]. Il a quitté la Russie avec l’aide de l’Ordre de la République, une organisation d’officiers à la retraite anti-Poutine.
« Je suis un militaire, je dois protéger mon pays des agressions. Je ne dois pas participer, ne dois pas être complice d’un crime. […] Ils ne nous ont jamais expliqué pourquoi cette guerre a commencé. Pourquoi devrions-nous attaquer les Ukrainiens et les tuer, détruire des villes ? Personne n’a expliqué cela. Et la moitié des Ukrainiens, par exemple, ont des parents en Russie. […] Je pense que tout cela n’est fait que pour préserver le pouvoir d’une personne, Poutine. »
Selon lui, un petit pourcentage de ses collègues soutient pleinement la guerre, un petit pourcentage la condamne fermement, et la majorité est tout simplement mécontente des salaires. Ni le personnel militaire ordinaire ni les officiers ne croient à la propagande télévisée. « Ils ne croient pas que nous nous battons pour une cause juste. Qu’il y ait des nazis, des fascistes en Ukraine [16]. »
Le 24 mai 2023, 39 ex-prisonniers, mercenaires de Wagner, se sont évadés du camp d’entraînement « Storm Z » à Lisichansk, dans la prétendue République populaire de Lougansk. Un militaire du ministère de la Sécurité d’État de cette république a été tué en tentant d’empêcher les désertions.
Le 27 mai, on a appris l’évasion de sept ex-prisonniers, armés, d’une unité militaire russe dans la région de Donetsk. Bientôt, trois d’entre eux furent capturés, deux autres ont été arrêtés ivres dans un café, le dernier avait été abattu par ses « camarades » car il désirait se rendre [17].
Le long périple d’un réfractaire bouriate
En septembre 2022, Vladimir Maraktaev, un étudiant bouriate fuit la mobilisation, en voiture avec trois autres réfractaires. Il a servi dans l’armée et ne se cacherait pas si c’était nécessaire pour protéger son pays des attaques. « Mais c’est une tout autre histoire quand mon pays devient un agresseur. Je ne prendrai jamais les armes et je n’irai pas tuer des innocents en Ukraine [18]. » Il franchit la frontière mongole en payant 2 000 roubles à des passeurs. À Oulan-Bator, il croise beaucoup de Bouriates dans le même cas que lui. Il part aux Philippines où il prend un vol vers le Viêtnam avec escale en Corée du Sud. Il ne prend pas le vol de correspondance et demande l’asile politique à la Corée. En 2021, la Corée du Sud a accepté 1,3 °% des demandes d’asile, un des deux plus faibles taux des pays du G20. La requête de V. Maraktaev est rejetée le 19 novembre 2022. Il reste bloqué dans l’aéroport avec quatre autres Russes. L’un d’entre eux, après une tentative de suicide, repart en Russie pour participer à la guerre. Un autre est parti pour un pays de l’ex URSS. Les deux autres ont été autorisés à quitter l’aéroport et à déposer une nouvelle demande.
En février, les avocats de V. Maraktaev manifestent en sa faveur dans la rue en déployant une banderole contre la guerre et une pancarte illustrée d’un fusil brisé.
En mars 2023, un voyageur américain, qui avait précédemment sympathisé avec Vladimir Maraktaev, lui offre, après quatre mois dans l’aéroport, un billet d’avion pour Dubaï puis le Mexique. Le 1er mai 2023, le Bouriate est autorisé à entrer aux États-Unis où il dépose une demande d’asile.
La Fondation Bouriatie libre a aidé des Bouriates à ne pas participer à la guerre. En septembre 2022, raconte Aleksandra Garmazhapova, sa fondatrice, la fondation a affrété dix bus de Bouriatie vers la Mongolie avec environ 400 personnes qui craignaient d’être enrôlées. Selon l’organisation, six mois après l’annonce de la mobilisation, environ 10 000 Bouriates ethniques se sont retrouvés aux États-Unis [19].
L’ancien footballeur du Spartak, Jashar Khubiev, redoutait d’être tué sur le front, comme plusieurs de ses connaissances. Il a fui la Russie. Il a été bloqué comme Maraktaev dans l’aéroport coréen. Il a refusé l’aide de la fondation.
Le pacifisme est incompatible avec les enseignements de l’Église orthodoxe
Ioann Burdin était recteur d’une église. En mars 2022, il a été condamné à une amende de 35 000 roubles parce qu’il avait prononcé un sermon antiguerre. Le prêtre a également publié sur le site Internet de la paroisse un lien vers une pétition Change.org appelant à la fin des hostilités. Peu de temps après le procès, il a été relevé de son ministère religieux. Il commente : « Nous ne pouvons pas honteusement nous couvrir les yeux, dire que le noir est blanc et que le mal est le bien, prétendre qu’Abel a peut-être eu tort d’avoir provoqué son frère aîné. »
Un tribunal d’église doit juger ses déclarations qui « dénigrent clairement les activités des plus hautes autorités ecclésiastiques », qui « sapent la confiance des croyants dans le patriarche et les évêques » et nuisent à « l’unité de l’Église ». « Sa position politique antirusse, [est] inacceptable dans notre pays. » Le document préparatoire proclame que « le pacifisme est incompatible avec les enseignements de l’Église orthodoxe » et qu’il « était présent dans les doctrines hérétiques, les gnostiques, les pauliciens, les bogomiles, les albigeois, les tolstoïens » et d’autres idéologies utopiques et messianistes. L’Église orthodoxe tout au long de son histoire « a béni les soldats pour défendre la patrie [20] », fidèle en cela à l’enseignement de Saint Athanase le Grand : « Il n’est pas permis de tuer, mais tuer des ennemis au combat est à la fois licite et digne de louanges. »
« Une personne qui va à l’église ne peut pas être un ennemi de la Russie, et […] ne peut pas être neutre sur un sujet crucial comme la protection de l’État russe. », a prêché le patriarche Kirill.
Ces dernières années, l’Église orthodoxe russe protège sa réputation en retirant son patronage aux prêtres tombés en disgrâce et en les laissant seuls face à la justice répressive russe. Le Synode du Patriarcat bulgare a officiellement décidé d’admettre le prêtre comme membre de son clergé [21].
Vous n’êtes pas seuls
Du début de l’invasion russe au 21 mai 2023, OVD Info a recensé 19 718 personnes détenues pour des positions antiguerre et de nombreux cas de violences policières et de mauvais traitements. En mai, la police a fracassé le visage et cassé les dents de la moscovite Inna Olenich, qui a été arrêtée en octobre en raison de critiques sur la guerre en Ukraine.
Un soldat qui a déserté pendant un an a été condamné à sept ans dans une colonie pénitentiaire. Des insoumis ont été condamnés. Konstantin Pavlov, un député de la Douma régionale de Briansk, qui avait aidé quarante personnes mobilisées à ne pas entrer en guerre, a été envoyé dans un centre de détention provisoire. Il est accusé d’escroquerie.
Artem Lebedev, un étudiant de Nizhny Novgorod, qui était soupçonné d’avoir incendié un bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire, a poursuivi l’État pour obtenir une compensation de persécutions injustifiées. Les poursuites pénales à son encontre ont été abandonnées faute de preuves.
En mai 2023, les défenseurs d’OVD-Info ont aidé 62 accusés dans 53 affaires criminelles anti-guerre, dans 33 villes. Les avocats ont assisté des militants lors d’une perquisition et de 10 interrogatoires. Ils ont soutenu des détenus pour une exposition antiguerre.
Une enseignante a été condamnée à une amende de 30 000 roubles pour une mention sur l’invasion de l’Ukraine dans Wikipédia. La Wikimedia Foundation a de nouveau été condamnée à une amende de deux millions de roubles pour ne pas avoir supprimé des informations sur la guerre.
La confiseuse Anastasia Chernysheva a été condamnée à une amende de 35 000 roubles pour des gâteaux portant des inscriptions antiguerre.
Au moins deux membres du clergé ont été défroqués en mai pour des propos anti-guerre, le protodiacre Andrei Kuraev et le prêtre Ioan Koval.
Une directrice d’école a signalé à la police une fille qui est venue à l’école avec des tresses afro-jaunes bleues, couleurs de l’Ukraine. Un contrôle a été lancé contre l’artisane qui a fait les tresses.
Le statut « d’indésirabilité » a été imposé à l’assemblée des anciens députés russes « Congrès des députés du peuple » et à Greenpeace International.
Le ministère de la Justice a indiqué qu’en 2022, le montant des amendes contre les « agents étrangers » s’élevait à 228,6 millions de roubles, soit 60 fois plus qu’en 2021.
Les sites Web du Mouvement des objecteurs de conscience et de Human rights without frontiers, du projet des journalistes de Novaya Gazeta, de l’homme politique d’opposition Nikolai Bondarenko et celui de la chaîne de télévision allemande OstWest ont été bloqués [22].
Le 12 juin 2023, Rain, Meduza, Mediazona, Important Stories, The Insider, Kholod, Popular politics, Brekfast show et d’autres médias indépendants ont lancé un marathon de solidarité avec les prisonniers politiques en Russie, ainsi qu’avec tous les opposants à la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine. « Vous n’êtes pas seuls. », affirment-ils [23]. Le marathon a permis de récolter près de 39 millions et demi de roubles [24].
Vitaly Koltsov, 46 ans, est diplômé de la faculté de philosophie. Il a été condamné, au début juin 2023, à six ans de prison pour avoir jeté deux bouteilles d’essence dans un fourgon cellulaire de la Garde nationale [25].
Oleg Borisenko, ancien militaire et chef du club militaro-patriotique russe a été arrêté. Dans une vidéo, il a appelé les élèves du club à ne pas participer à l’opération militaire spéciale. Dans une autre, il a invité le gouverneur de la région de Tambov à aller voir les tombes des morts. Il a précédemment été condamné pour avoir versé de la peinture sur une affiche avec la lettre Z et pour un autocollant sur sa voiture.
Des manifestants qui ont témoigné de leur solidarité à l’occasion de l’anniversaire de l’opposant emprisonné Alexei Nalvalny ont subi des emprisonnements de sept à quinze jours.
Elena Osipova
L’artiste Elena Osipova proteste contre les autorités russes depuis 20 ans, elle est surnommée la « conscience de Saint-Pétersbourg ». À peine quinze jours après une hospitalisation pour un AVC, elle a manifesté seule avec une banderole indiquant « La Russie a besoin d’une réhabilitation après une maladie grave » [26].
Sasha Skochilenko
Sasha (abréviation d’Alexandra) Skochilenko est une artiste, musicienne et créatrice de bandes dessinées traitant de la santé mentale. En mars 2022, elle a remplacé les étiquettes de prix d’un supermarché russe par des messages sur la guerre en Ukraine : « L’armée russe a bombardé une école d’art à Marioupol. Environ 400 personnes se cachaient à l’intérieur » ; « Des conscrits russes sont envoyés en Ukraine. Le prix de cette guerre est la vie de nos enfants. » ; « Au cours des trois premiers jours, 4 300 soldats russes ont été tués. Pourquoi ne le montrent-ils pas à la télévision ? » ; « Poutine nous ment depuis 20 ans sur nos écrans de télévision. Maintenant nous sommes prêts à justifier la guerre et les morts inutiles. » ; « Mon arrière-grand-père n’a pas combattu pendant la Seconde Guerre mondiale pendant quatre ans pour que la Russie puisse devenir un État fasciste et attaquer l’Ukraine. »
La femme est accusée de « diffusion publique d’informations délibérément fausses sur l’utilisation des forces armées russes sous le couvert de messages fiables… pour des motifs de haine ou d’inimitié politique, idéologique, raciale, nationale ou religieuse, ou sur les motifs de haine ou d’inimitié envers un groupe social ».
« Quelles méthodes scientifiques avez-vous utilisées pour établir que les propos de Skochilenko étaient faux ? », a demandé l’avocate à l’assistant du procureur. « S’il vous plaît, expliquez. Ne restez pas silencieux. Alexandra risque jusqu’à 10 ans derrière les barreaux à cause de cette conclusion ! »
« L’accusée a-t-elle soumis des demandes aux organes officiels de l’État, par exemple au ministère russe de la Défense, pour vérifier les informations qu’elle a reproduites sur les étiquettes de prix ? », interroge le magistrat. L’avocate, qui l’a fait elle-même, réplique qu’elle s’est vu répondre qu’il s’agit de secrets d’État.
« Les conditions dans le centre de détention sont vraiment préjudiciables à ma santé physique et mentale. », s’est plainte Sasha, lors d’une des audiences du tribunal, près d’un an après son arrestation. Le procès se déroule en présence de représentants des consulats d’Allemagne, des Pays-Bas, de Norvège, de Pologne, de Slovaquie, de Finlande, de Suède, et de Suisse.
Étiquettes diffusées par le Résistance féministe anti-guerre, traduites en anglais
Un ami de l’accusée a raconté au tribunal que la police a utilisé son compte Telegram sans son consentement pour tendre un traquenard à la jeune femme et l’arrêter.
La prochaine audience se tiendra le 23 juin 2023.
Kirghizistan
Reconnaissance faciale
Depuis le 2 juin 2023, le Kirghizistan a lancé un système d’identification des personnes recherchées inscrites sur la liste interétatique des pays de la CEI (des anciennes républiques de l’URSS). En dix jours, 57 personnes ont été reconnues par les caméras de vidéosurveillance. Quatre personnes, dont trois russes, ont été arrêtées [27].
Recrutements de mercenaires
Environ un million de migrants du Kirghizistan vivent en Russie, le plus souvent ils travaillent dans la construction et le commerce. Selon un avocat kirghize anonyme basé à Moscou, le recrutement de citoyens kirghizes reconnus coupables de divers crimes en Russie a commencé dans les colonies pénitentiaires en été 2022. À partir du 28 septembre, ils ont été forcés de s’inscrire dans la milice Wagner pour combattre dans les prétendues républiques annexées par la Russie.
Les journalistes ont trouvé six cimetières jusque-là inconnus où sont enterrés des mercenaires de Wagner. BBC Russian Service, Mediazona et une équipe de bénévoles, ont confirmé l’identité de 629 personnes enterrées là-bas. Au total, selon la BBC, au moins 93 mercenaires, citoyens de pays d’Asie centrale, ont été tués : 19 du Kirghizistan, 34 d’Ouzbékistan et 40 du Tadjikistan. Les familles apprennent les décès avec plusieurs mois de retard. Les autorités kirghizes n’ont pas commenté la mort de leurs citoyens dans la guerre en Ukraine.
Opposants, russes et de Crimée annexée, au régime de Poutine
Vladimir Kara-Mourza
Condamné à vingt-cinq ans de prison pour « haute trahison », l’opposant russe Vladimir Kara-Mourza devait comparaître le 8 juin 2023 en appel à Moscou. Son épouse estime que sa condamnation « montre que le régime a vraiment très peur de chaque voix qui s’oppose à lui. Et ce régime dépend beaucoup de l’image du pseudo-soutien de tout le peuple russe à la guerre et à la politique de Vladimir Poutine. Si ce soutien était vraiment aussi fort, le régime n’aurait pas besoin de recourir à des méthodes de répression dignes des années soviétiques, avec des peines de prison pouvant aller jusqu’à quinze ans pour un simple non à la guerre, avec l’usage de la psychiatrie punitive, une violence extrême, sexuelle Tous ceux qui s’opposent au régime de Poutine sont qualifiés de criminels, de traîtres ou d’espions. »
Le 14 avril 2023, par l’intermédiaire de ses avocats, le prisonnier a adressé une lettre à Jacques Maire, membre du groupe Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe (ADLE) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il écrit notamment :
« Malgré l’exclusion de la Russie du Conseil de l’Europe, il est important pour ceux qui croient au futur démocratique et européen de la Russie que l’Assemblée continue de focaliser son attention sur ce qui se passe dans notre pays et de maintenir un dialogue avec cette (grande) partie de la société russe qui s’oppose à la guerre en Ukraine et au régime autocratique de Vladimir Poutine. C’est particulièrement important en préparation pour le jour où une Russie différente – pacifique, démocratique et libérée de Poutine – puisse reprendre sa place légitime dans la communauté des nations européennes [28]. »
Son épouse, exilée aux États-Unis avec leurs enfants, est interviewée par Libération [29].
Qu’est-ce qui empêche les Russes de protester ? « La peur est là, bien sûr. Mais aussi cette absence de conscience politique du peuple russe qui est le résultat d’une stratégie très constante de l’État. Parce qu’on parle d’un peuple qui n’a pas eu accès à de véritables élections indépendantes depuis 2003, ou à une seule chaîne de télévision vraiment indépendante. Je parle de chaînes de télévision qui soient réellement accessibles à tout le peuple. Pas de chaînes payantes accessibles par satellite ou VPN. On parle d’une population qui n’a pas la liberté de se rassembler, qui ne dispose pas de liberté de parole, une population privée des libertés et droits qui sont garantis aux citoyens du monde démocratique. C’est pour ça qu’il est très difficile, vraiment, de comprendre pourquoi la majorité de la population russe se tait. Je crois qu’une partie se tait parce qu’elle voit ce qui arrive à ceux qui s’opposent, à ceux qui se battent. […]
Ce qui me donne aussi de l’espoir, c’est que je sais, par l’intermédiaire de ses avocats, que mon mari reçoit des centaines de lettres, de partout dans le monde, mais aussi de partout en Russie. Et ces gens qui lui écrivent de l’intérieur du pays doivent passer par le système informatique des prisons, donner leur identité, leurs coordonnées personnelles. C’est un risque et ils le prennent. […]
Ce qui se déroule aujourd’hui en Ukraine, cette guerre d’agression horrible, est le résultat des plus de vingt ans d’impunité dont Vladimir Poutine a joui sur la scène internationale. Parce que tous les crimes que son armée est en train de commettre en Ukraine avaient déjà été commis avant. En Géorgie en 2008, en Crimée en 2014 et avant en Syrie et en Tchétchénie. Et même en Russie, où toutes les manifestations de masse ont été violemment réprimées, où le nombre de prisonniers politiques avant la guerre contre l’Ukraine était déjà de plus de 300. Tout cela sans vraies répercussions pour Poutine. Rien n’a été fait pour lui montrer qu’il ne pouvait pas faire quelque chose comme ça sans être puni. Pendant toutes ces années, il a été invité, traité comme un partenaire, sur toutes les plateformes internationales. Cela lui a fait croire qu’il pouvait se permettre n’importe quoi. […] La seule manière de s’assurer que la Russie cesse d’être un danger pour elle-même et pour le reste du monde, c’est de permettre qu’elle devienne une véritable démocratie. »
Oleg Orlov
Le 8 juin 2023 s’est ouvert le procès d’Oleg Orlov, coprésident de Memorial, l’ONG russe qui est cotitulaire du Prix Nobel de la paix 2022. « Oleg Orlov était contre la guerre depuis celle d’Afghanistan, que la Russie menait dans les années 1980. Il était contre la guerre il y a déjà quarante ans, contre la guerre en Tchétchénie, contre la guerre en Syrie, en Géorgie, etc. », affirme Natacha Morozova, consultante juridique auprès de la Fédération internationale des droits de l’Homme. Le militant, qui savait qu’il risquait la prison, est malgré tout resté en Russie, « parce que c’est son pays, il ne veut pas le quitter, il veut se battre, et cela, même s’il est tout à fait conscient qu’il peut finir en prison ». Depuis 1990, en tant qu’observateur du Mémorial, il a visité de nombreuses zones de conflits armés dans l’espace post-soviétique.
En avril 2022, Orlov a brandi ce slogan : « URSS 1954 : le pays vainqueur du fascisme. Russie : 2022 le pays du fascisme victorieux ». Quelques instants plus tard, il est interpellé et condamné à une amende pour la cinquième fois depuis l’invasion de l’Ukraine [30].
« Le procès d’Oleg Orlov […] est une parodie de justice qui révèle un mépris envers les droits de l’homme les plus fondamentaux », a déclaré, le 7 juin 2023, dans un communiqué la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic. Selon elle, la procédure engagée contre M. Orlov vise à « le punir pour sa dénonciation continue de la guerre d’agression de la Russie en Ukraine ». « Le courage d’Oleg Orlov et sa dévotion aux droits de l’homme sont cruciaux lorsqu’il s’agit de dire la vérité au pouvoir », a-t-elle estimé. « Il n’aurait jamais dû faire l’objet de poursuites [31]. »
Bogdan Zizu
Le 6 juin 2023, un tribunal militaire de Rostov-sur-le-Don a condamné l’artiste de Crimée Bogdan Zizu à 15 ans dans une colonie pénitentiaire. Au printemps 2022, l’accusé a aspergé de peintures aux couleurs de l’Ukraine l’entrée de l’administration d’Eupatoriya et a jeté un cocktail Molotov dans le bâtiment pour protester contre la guerre. La vidéo de son action est visible sur Internet [32]. Il a déclaré « Je continue à protester même depuis la prison. Pleinement conscient de la peine d’emprisonnement possible et de la façon dont cela peut affecter ma santé et même ma vie. Mais suis-je digne de ma vie ? Est-ce que chacun de nous est digne de sa vie insouciante, quand on se tait, alors que des innocents meurent chaque jour ? ». « Je ne suis pas du tout un terroriste, c’est même ridicule de le dire. Je suis un homme de morale et de principes, qui préfère donner sa vie plutôt que de prendre celle d’un autre. Mais même moi, je ne suis pas prêt à donner ma vie au système du Service pénitentiaire fédéral de la Fédération de Russie. J’annonce une grève de la faim exigeant que je sois déchu de ma nationalité russe [obtenue à la suite de l’annexion russe de la Crimée] et que tous les prisonniers politiques ukrainiens soient libérés. S’il m’arrive quelque chose en détention, je veux que la société sache que c’est uniquement parce que je suis un Ukrainien qui s’est opposé à la guerre dans mon pays. Ce sont mes derniers mots prononcés publiquement en russe dans ce pays [33]. »
Sa sœur a annoncé qu’au début de son jeûne, il a été transféré dans une cellule isolée. « Il y a un lit, mais pendant la journée, il est plié, vous ne pouvez pas vous coucher avant l’extinction des feux. Si une personne s’assoit, ils la battent. » « Il est heureusement en bonne santé. Mais je sais que le moral est un peu déprimé, car il est en prison depuis plus d’un an [34]. » « En Russie, les prisonniers politiques sont condamnés à des peines plus sévères que les meurtriers et les violeurs [35]. »
À Moscou
« Si le fasciste est conte la guerre, chacun de nous est un fasciste. », se moque un poète qui clame ses vers contre le « paradis de Poutine », dans le sous-sol d’un restaurant moscovite. Dans le public, un jeune homme, de retour à Moscou après sa fuite pour éviter la mobilisation, a repris son travail « sans déclarer de revenus, sans payer d’impôts : c’est ma façon de ne pas contribuer à l’effort de guerre et de m’opposer au Kremlin. »
En même temps, la ville est insouciante ou belliciste. Pour une fête scolaire, un enfant s’est fait tondre sur la tête un « Z » de soutien à l’armée. Un autre lance « Mon projet pour cet été ? Vacances en Crimée. Et si j’avais l’âge, stage de formation chez Wagner ! ». Son père cache mal sa gêne quand le grand-père gonfle le torse de fierté. Un autre père a trouvé un pédiatre conciliant pour dispenser sa fille du cours « sur les choses importantes », c’est-à-dire sur le patriotisme va-t-en-guerre [36].
Andrei Yakovlev
Professeur d’université russe, exilé aux États-Unis, Andrei Yakovlev considère que la Russie est en « guerre civile froide », à cause de la prolifération des compagnies militaires privées - Wagner et celles créées par les entreprises publique (Gazprom) et privée (Lukoil) - et à cause de la multiplication des crimes perpétrés par des combattants de retour du front qui touchaient des soldes équivalentes à trois fois le salaire moyen. Les oligarques sont mécontents de la restriction de leurs privilèges due aux sanctions occidentales. « Un futur stable en Russie ne peut être envisagé qu’avec un changement de régime. […] Pour l’heure, il y a un manque total de vision du futur non seulement dans l’opposition russe, mais aussi du côté des Occidentaux [37]. »
La démocratie par une révolution pacifique
Il ne faut pas confondre Lev Ponomarev et Ilia Ponomarev qui coordonne, sur le plan politique, les transfuges de l’armée russe de la légion Liberté de la Russie qui combattent aux côtés de l’armée ukrainienne.
Dans une tribune du Monde [38], Lev Ponomarev rappelle le consensus établi par le Club démocratique russe : Soutien à l’Ukraine, arrêt de la guerre russe, retrait des territoires occupés jusqu’aux frontières internationalement reconnues, illégitimité du régime de V. Poutine, procès des criminels de guerre, indemnisation des victimes. Environ 70 groupes d’opposants au conflit se sont déjà retrouvés en avril à Berlin pour s’entendre sur une déclaration commune, signée par 30 000 Russes.
Lev Ponomarev souligne ensuite les divergences sur la méthode. « Avec mes collègues du mouvement Paix, progrès et droits de l’homme, nous pensons que le seul moyen d’amener la Russie à la démocratie est une révolution pacifique. Celle-ci demande beaucoup de temps et d’efforts de la part de la société civile russe et de l’Occident, mais il n’y a pas d’autre solution. De nombreuses organisations antiguerre qui n’ont pas perdu le contact avec la Russie travaillent dans ce sens.
[…] Je sais que le soutien à la guerre diminue chaque jour parmi la population. […]
Nous supposons que le changement de pouvoir en Russie passera par un coup d’État au sein de l’élite. […] Nous proposons de rendre la politique de sanctions encore plus sévère. […]
Une lutte armée pour le pouvoir en Russie, dont les signes sont déjà là, pourrait s’avérer désastreuse. Le plus inquiétant est que cette lutte est soutenue ou, tout du moins, n’est pas dénoncée par de nombreux leaders de l’opposition. Nous sommes convaincus que la lutte armée et l’instauration d’un pouvoir démocratique en Russie sont incompatibles. […]
Le principe d’une révolution pacifique est soutenu par la plupart des initiatives populaires antiguerre en Russie. […] L’option d’une lutte violente, exprimée par certains collègues, est inacceptable pour de nombreux démocrates, en particulier ceux qui restent en Russie.
[…] Comment faire face à l’invasion de la région de Belgorod par des unités militaires russes affiliées à l’armée ukrainienne ? Ces milices – le Corps des volontaires russes et la Légion Liberté de la Russie – ont déclaré qu’elles rentraient "chez elles" les armes à la main. Leurs responsables n’ont pas fait état d’un soutien à la restauration de la démocratie en Russie, mais ont revendiqué "des opinions politiques conservatrices de droite" et des "convictions traditionalistes". […]
Rappelons-nous que les personnes qui prennent le pouvoir les armes à la main ne laissent pas tomber les armes. Nous sommes catégoriquement opposés à ce que ces groupes reviennent armés sur le territoire russe. Ce serait la voie directe vers une guerre civile aux conséquences imprévisibles. Une répétition de la catastrophe d’octobre 1917 est possible. »
Au Parlement européen
Près de 300 politiciens et militants de l’opposition russe en exil se sont retrouvés, le 5 juin 2023, au Parlement européen pour demander l’aide de l’UE afin de préparer l’après-guerre et de restaurer la démocratie. Ils se sont rendus à Bruxelles depuis Berlin, Vilnius, Paris, Tbilissi et de nombreuses autres villes qui sont devenues des plaques tournantes pour les exilés russes.
« C’est la première fois que quelqu’un parle de la possibilité d’un post-poutinisme. Il y a trois mois, ce n’était pas possible. Les pays de l’UE pensaient que Poutine serait président pendant des années et des années, voire des décennies et des décennies… Maintenant, la perception a changé. », a déclaré Bernard Guetta, l’eurodéputé français qui était l’un des organisateurs du forum.
Andrius Kubilius, l’eurodéputé lituanien et ancien Premier ministre qui était le principal organisateur de la conférence, pense qu’un véritable changement démocratique pourrait arriver en Russie et que c’est un argument important à faire valoir pour le bien de la Russie et l’Ukraine.
Mikhail Khodorkovsky, exilé en Suisse et l’un des opposants au président russe, regrette que la résistance contre la guerre ne soit pas plus populaire. « Les Russes croient aussi qu’en commençant cette guerre, même si c’est à tort, ils ne peuvent pas se permettre de la perdre car cela conduirait à la désintégration de la Russie. Ce motif de la propagande de Poutine est complètement erroné du point de vue de la réalité, mais il est absolument efficace sur le cerveau des gens [39]. » « Ce régime devrait être détruit. Il n’y a pas d’autre voie vers un avenir pacifique et normal pour la Russie, l’Europe et le monde entier. »
Le seul Ukrainien présent au forum était Oleksiy Arestovych, qui a démissionné en janvier. Il était un ancien conseiller principal du président Volodymyr Zelenskiy. Arestovych a rejeté le point de vue, courant en Ukraine, selon lequel l’opposition russe devrait être ignorée car elle partage la mentalité impériale du Kremlin. Il a déclaré qu’il était important de réfléchir à la manière de changer le régime en Russie, plutôt que de simplement espérer la désintégration de la Russie [40].
Exilés en Finlande
Depuis le début de la guerre en Ukraine, plus de 1 300 Russes ont demandé l’asile politique en Finlande. La plupart n’ont pas encore de réponse, mais ils ne peuvent pas quitter le pays ni choisir leur domicile. Novaia Gazeta a rencontré trois réfractaires envoyés en Laponie, à Loimaa, où les conditions d’accueil sont confortables. Ils ont créé le groupe Loimaa Against War sur Facebook [41]. Ils organisent une distribution mensuelle de tracts à laquelle s’associe une voisine retraitée.
Un autre exilé participe à une organisation qui a aidé dix mille Ukrainiens à fuir les territoires occupés par la Russie [42].
Recrutements forcés en Tchétchénie
SK SOS, qui vient en aide aux personnes persécutées dans le Caucase du Nord, a publié une enquête sur les méthodes par lesquelles les autorités tchétchènes obligent les habitants à aller se battre en Ukraine. Les autorités de la république ont déclaré le « djihad » à l’Ukraine et promis d’importants paiements en espèces aux volontaires. Chaque fonctionnaire, imam et commandant en Tchétchénie a dû recruter des candidats. Ceux qui sont arrêtés par les forces de sécurité sont victimes de chantage et menacés d’aller à la guerre, eux ou un membre de leur famille. Les volontaires potentiels sont empêchés de quitter la république. SK SOS estime pourtant significatif le nombre de réfractaires qui quittent la Tchétchénie avec leur famille.
Après l’annonce de la mobilisation, en septembre 2022, la police tchétchène a commencé à effectuer régulièrement des descentes dans des lieux où se trouvaient des recrues potentielles, notamment des cafés, des gymnases et des stations de taxis.
Le 21 septembre 2022, plusieurs dizaines de femmes ont tenté d’organiser une action de protestation à Grozny contre la mobilisation annoncée. Toutes les manifestantes ont été arrêtées et conduites au bureau du maire. Des hommes y ont également été amenés. Selon Memorial, les proches « ont été forcés de battre les femmes, menacés que sinon les forces de sécurité elles-mêmes le feraient - et ce serait bien pire ».
Le chef de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, a qualifié le même jour les personnes opposées à la mobilisation « d’ennemis du peuple ». Le lendemain, il a déclaré que les proches d’environ 40 femmes qui avaient manifesté avaient déjà été mobilisés et envoyés en Ukraine [43].
Selon SK SOS, des recruteurs ont suggéré qu’il serait possible de voler, de tuer et de violer en toute impunité. Cependant, après que les morts et les blessés ont commencé à revenir, « même ceux qui rêvaient de vol et de violence ont changé d’avis. »
Malgré le fait que beaucoup, en Tchétchénie, ne soutiennent pas la guerre, il n’y a pas de protestations ouvertes dans la république [44].
Réfractaires ukrainiens
Libération d’un objecteur
Le mouvement italien Azione nonviolenta, dans le cadre de la Campagne d’objection à la guerre, a mandaté l’avocat Nicola Canestrini pour intervenir devant la Cour suprême ukrainienne à Kiev, appelée à discuter des recours de deux objecteurs de conscience, Andrii Vyshnevetsky et Vitaly Alekseenko, lors des audiences prévues le 22 et 25 mai 2023.
L’avocat a présenté un mémoire en tant qu’expert international des droits de l’Homme, signé avec le Suisse Derek Brett du Bureau européen de l’objection de conscience et le Grec Foivos Iatrellis d’Amnesty International. Ils ont fait valoir que :
- L’Ukraine a l’obligation légale de garantir le droit de l’Homme à l’objection de conscience au service militaire, même quand la loi martiale est appliquée ;
- L’objection de conscience en tant que droit individuel doit être protégée indépendamment de l’appartenance de l’individu à des organisations religieuses ;
- Les objecteurs de conscience enrôlés de force doivent être autorisés à quitter les forces armées [45].
La Cour suprême de Kiev a annulé le verdict de culpabilité de Vitaly Alekseenko, un des rares objecteurs de conscience ukrainiens et prisonnier d’opinion. Elle a ordonné sa libération et un nouveau procès en première instance [46].
Insoumis et déserteurs en Roumanie
« La Tisa était moins profonde que ce à quoi je m’attendais, juste jusqu’à ma poitrine. », a déclaré un déserteur à la BBC. « Alors je n’avais pas besoin de nager. J’ai juste traversé la rivière à gué. » Lorsqu’il a atteint la côte roumaine, une patrouille ukrainienne l’a repéré. « J’ai d’abord entendu des coups de feu, puis une série d’insultes. Mais je n’ai pas eu peur. Quand on a passé du temps au front, on connaît la différence entre des balles tirées en l’air et des balles tirées sur soi. » Il risquerait 10 ans de prison s’il était arrêté. Il lui aura fallu plusieurs semaines et des milliers d’euros versés à un réseau de « guides », pour traverser toute l’Ukraine depuis la zone de guerre orientale jusqu’à cette frontière.
Sa première nuit dans les tranchées, un mois après le début de la guerre, a été la pire. « Nous avons eu 27 morts et 57 blessés. » Il fait défiler sur son téléphone les photos de ses camarades. « Tous ces gens sont morts, sauf moi et celle-là. », déplore-t-il, en désignant une femme en treillis.
À la recherche de réfractaires, l’armée ukrainienne arrête des voitures et des bus sur la route qui longe la rivière Tisa, frontalière avec la Roumanie. La police des frontières interpelle jusqu’à vingt hommes par jour.
Selon l’autorité roumaine de l’immigration, depuis l’invasion de la Russie, 6 200 hommes ukrainiens en âge de servir ont obtenu une protection temporaire, après avoir franchi illégalement la frontière qui sépare les deux pays sur 600 km. Quelque 20 000 autres y sont arrivés légalement, munis d’exemptions, parfois obtenues par des pots-de-vin, et ont choisi de ne pas repartir.
La frontière entre l’Ukraine et la Roumanie longe une crête de montagne. Il y a un dénivelé presque vertical du côté roumain. Selon des chiffres ukrainiens non officiels, en quinze mois, 90 hommes sont morts lors du voyage vers la Roumanie, noyés dans la Tisa ou morts de froid dans les montagnes.
À la réception de son appel, un insoumis a fui l’Ukraine. Il a perdu tous ses orteils à cause des engelures, lorsqu’il a traversé les montagnes du Maramures de l’ouest de l’Ukraine. En essayant de descendre, il a perdu l’équilibre dans le vent et la glace et a dévalé la montagne, perdant ses bottes, son téléphone et une de ses chaussettes. Contusionné, saignant et secoué, il a improvisé une chaussette avec sa jambe de pantalon déchirée et son câble de téléphone. Les secours roumains, alertés par sa femme, l’ont retrouvé à peine vivant après quatre jours et trois nuits en montagne. Il a été transporté en lieu sûr par hélicoptère. L’un des quatre hommes de son groupe est décédé.
« Que répondriez-vous si quelqu’un vous traitait de lâche ? » demande le journaliste. « "Je n’ai pas de pays. J’ai juste une famille. »
Veronika était médecin à Zaporizhzhia, une ville qui a fait face à des attaques constantes de roquettes russes. Elle a quitté son travail et a emmené son fils en lieu sûr, en Roumanie, quelques semaines avant son 18ème anniversaire, pour le tenir à l’écart de l’armée.
Maria, une garde-frontière roumaine de 22 ans, ouvre le coffre de sa voiture de patrouille pour montrer un sac en plastique rempli de couvertures et de vêtements pour hommes. « Quand les hommes traversent la rivière ici, ils ont froid, ils sont mouillés et ils ont peur. Ils pensent que nous allons les renvoyer. Mais nous ne le faisons jamais. Je fais de mon mieux pour les aider et prendre soin d’eux car c’est ce dont ils ont besoin de nous. Et leur donner de la nourriture et des soins médicaux, si nécessaire. »
Des commandants ukrainiens demandant au bureau de recrutement de cesser de leur envoyer des hommes qui ne veulent pas ou craignent de se battre. Ils ne sont qu’un fardeau au combat [47].
Vendeurs de rue
Début mai 2023, des vendeurs de rue de 47 pays se sont réunis à Kigali, la capitale du Rwanda, pour le 7ème congrès international de StreetNet.
StreetNet est une alliance de vendeurs de rue réunissant des organisations membres (syndicats, coopératives ou associations) qui organisent directement les vendeurs de rue et défendent les droits des travailleurs de l’économie informelle.
Valentina Korobka, responsable du syndicat indépendant des entrepreneurs d’Ukraine, a parlé de la situation après l’attaque militaire de l’armée russe, de la vie et du travail sous les tirs constants de missiles et d’artillerie et sous les bombardements. Valentina Korobka a indiqué que 41 membres de l’Union libre des entrepreneurs d’Ukraine étaient décédés au cours de la seule année écoulée. Les délégués au Congrès ont exprimé leur soutien sincère et émotionnel à l’Ukraine. « Nous savons que les membres les plus vulnérables de la société, les pauvres, comme les travailleurs de l’économie informelle, les civils qui n’ont jamais choisi la guerre sont toujours ceux qui souffrent le plus, contrairement à ceux des conseils géopolitiques jouant avec des vies humaines. La guerre, la déstabilisation et l’insécurité creusent les inégalités au nom des intérêts économiques et nous condamnons ces mesures inhumaines qui ne respectent pas la souveraineté du peuple […].
Nous ne pouvons qu’en appeler à la solidarité entre tous les travailleurs pour résister aux bellicistes et nous tenir aux côtés de nos camarades ukrainiens dans l’unité et la prière pour la paix [48]. »
Anarchie
Le 19 avril 2023, trois combattants anarchistes et internationalistes mourraient à Bakhmout sous un bombardement russe : Cooper Andrews venait des États-Unis, Finbar Cafferkey d’Irlande et Dmitry Petrov de Russie. Sur le site crimethInc, un hommage est rendu à ce dernier. Il est d’abord précisé : « Personne dans notre collectif ne croit que le militarisme d’État peut engendrer le monde dans lequel nous voulons vivre. Nous sommes divisé-es en interne sur la question de la participation des anarchistes à la résistance militaire à l’invasion russe de l’Ukraine. Certaines personnes d’entre nous pensent que servir dans une formation militaire d’État ne peut jamais faire avancer la cause anarchiste. »
Dmitry Petrov était cofondateur et militant très engagé de l’Organisation de Combat Anarcho-Communiste.
« Déjà avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, Dmitry a rejoint des anarchistes ukrainiens et biélorusses pour tenter de mettre sur pied une unité militaire explicitement anarchiste et anti-autoritaire. L’une des fonctions d’une telle unité était de s’assurer que les participant-es n’auraient pas à combattre côte à côte avec des fascistes, qui sont effectivement présents dans l’armée ukrainienne. En outre, Dmitry voyait dans la participation à la défense de l’Ukraine une occasion de rendre crédible les idées anarchistes aux yeux du grand public ukrainien et de poursuivre sa propre lutte de longue date contre le régime de Poutine.
Au cours de la première phase de l’invasion russe, Dmitry et ses camarades ont participé à la défense territoriale de la région autour de Kiev, s’intégrant en tant qu’unité indépendante dans les forces de défense territoriale. Par la suite, leur “section anti-autoritaire” s’est enlisée dans la bureaucratie militaire, laissant dans l’incertitude le statut des membres non ukrainiens et éloignant l’ensemble de la section des combats. […]
Dmitry et d’autres membres du peloton étaient impatients d’aller au front. Finalement, la section a été dissoute et ils sont parvenus à aller au front avec une formation différente. La dernière fois que nous avons eu de ses nouvelles, il nous a dit qu’il était sur le point de quitter cette unité, dans l’espoir d’essayer une fois de plus de créer une sorte d’unité explicitement anti-autoritaire. […]
Rien de tout cela ne vise à glorifier la mort au combat. À mesure que le XXIe siècle progresse, la vie devient de plus en plus bon marché - en témoigne la façon dont le groupe Wagner a intentionnellement utilisé des prisonniers comme chair à canon. […] Plutôt que de chercher à prouver notre engagement par notre mort, exprimons notre passion pour la liberté dans la façon dont nous vivons chaque instant de notre vie [49]. »
D. Petrov écrit dans une lettre posthume « À l’heure où l’impérialisme meurtrier suscite en réaction une vague de nationalisme et de mépris pour les Russes, j’affirme en paroles et en actes qu’il n’y a pas de “mauvaises nations”. Toutes les nations ont un malheur : des dirigeants avides et assoiffés de pouvoir [50]. »
Le Groupe communiste Guerre de classe défend le défaitisme révolutionnaire, opposé au soutien critique à la guerre pratiqué par Dmitry Petrov. Il a publié une plaquette d’origine tchèque Antimilitarisme anarchiste et mythes sur la guerre en Ukraine [51]. Trente et un « mythes » invoqués pour participer à la guerre en Ukraine y sont contestés. « Il n’y a pas de révolution sociale à défendre en Ukraine. […] Les personnes qui se disent anarchistes sont simplement envoyées pour "défendre la patrie" et l’État, jouant le rôle de chair à canon pour le Capital et renforçant les sentiments nationalistes et militaristes parmi les masses. »
« Les proclamations des politiciens critiquant l’agression de l’armée russe sont une manifestation d’hypocrisie alors même qu’ils refusent de fournir de bonnes conditions de vie aux personnes qui refusent de servir dans l’armée. Et d’ailleurs, pourquoi et comment agiraient-ils autrement, ces dignes représentants de l’ordre bourgeois !? Il est nécessaire de s’opposer de manière cohérente aux agresseurs de Poutine, ainsi qu’aux hommes d’État d’autres pays qui, par leurs propres politiques, permettent à l’armée de conserver son potentiel de guerre. Ce sont les gouvernements des pays dans lesquels nous vivons qui rendent effectivement plus difficile la désertion, contribuant ainsi à la poursuite de la guerre.
Ceux qui se préoccupent de sauver des vies devraient réfléchir à la manière d’affaiblir la capacité de combat des armées, d’encourager les soldats à quitter le front, de les inciter à désobéir, de les motiver à utiliser leurs armes contre ceux qui les forcent à faire la guerre [52]. »
Anarchie ! défend cette idée : « Nous ne partageons pas plus les perspectives belliqueuses des pays de l’Union Européenne et de l’Otan que celle de la Russie de Poutine. [Nous incitons] au défaitisme : il s’agit de transformer la guerre des États entre eux en une guerre contre les États.
[…] Les productions d’armement et d’engins de guerre, de systèmes de défense et de sécurité, de surveillance et de contrôle qui servent à faire la guerre sont les mêmes que celles qui arment le bras de la répression ici.
La paix restera un vain mot tant que nous n’aurons pas détruit tous les États et leurs frontières, tant que fleuriront les intérêts de ceux qui s’enrichissent sur l’exploitation et sur la guerre, ceux qui l’ont voulue, ceux qui l’étudient, ceux qui la fomentent, ceux qui la promeuvent, ceux qui la financent, ceux qui la préparent, bref de tous ceux qui de près ou de loin collaborent avec elle. Quelles que soient leurs nationalités, ce sont eux que nous reconnaissons comme nos ennemis, car ils seront toujours des ennemis de la liberté [53]. »
Lecteurs de Meduza et favorables à la guerre russe
Le journal russophone en ligne Meduza, basé en Lettonie, a toujours défendu une ligne opposée à l’invasion de l’Ukraine. À ce titre, la Russie le désigne comme un « agent de l’étranger » et une « organisation indésirable » qui menace « l’ordre constitutionnel et de la sécurité » du pays. Il est interdit de diffuser ou de partager ses contenus, sous peine d’amende [54]. Toutefois certains de ses lecteurs sont favorables à la poursuite de la guerre que mène la Russie. Le journal leur a demandé d’expliquer leurs raisons. Quelques lecteurs reprennent des arguments du pouvoir ou se plaignent de la russophobie des étrangers. Mais la plupart des témoignages sont dans la tonalité de ceux-ci :
« Je ne soutiens pas la guerre, mais je ne veux pas non plus que la Russie perde. Dans ce cas, ce sera pire pour tout le monde, et le monde auquel nous sommes habitués s’effondrera certainement et des ténèbres encore plus grandes viendront. La guerre est mal, mais perdre est inacceptable. »
« La seule chose pire qu’une guerre est une guerre perdue. C’était une erreur folle de la lancer, mais maintenant nous devons la gagner, sinon nous affronterons le chagrin des vaincus. Je ne soutiens pas Poutine, putain de lui [55]. »
Détournements de règles
Contourner les sanctions contre la Russie
Aéronautique
Le dérèglement climatique impose la réduction des transports aériens. Pourtant, en 2022, Airbus a assemblé dans ses usines près de sept cents appareils et obtenu des bénéfices records en hausse de 16 % par rapport à 2021. Pour cela, il a importé des pièces en titane traitées par l’entreprise russe VSMPO-Avisma, filiale de la grande société de défense russe Rostec dont dépend l’essentiel de l’armement du Kremlin. En 2020, les ventes de titane ont rapporté 415 millions de dollars à VSMPO-Avisma, détaillait le Wall Street Journal. Son PDG, Sergei Chemezov, ex-membre du KGB et proche de Poutine, figure sur plusieurs listes de personnalités russes sanctionnées, ainsi que les membres de sa famille.
Pour obtenir le retrait de VSMPO-Avisma de la liste des entreprises sanctionnées et donc continuer à financer la guerre russe, la direction d’Airbus a fait pression sur les dirigeants européens réunis le jour anniversaire de l’invasion de l’Ukraine [56]. En conséquence, le « commerce de biens générant des revenus substantiels pour l’économie russe » est interdit. Mais « Par dérogation, les autorités compétentes peuvent autoriser l’importation, le transfert ou l’exportation de […] biens à base de titane nécessaires à l’industrie aéronautique pour lesquels il n’existe pas d’approvisionnement alternatif [57]. » Safran bénéficie de la même dérogation.
La Russie n’abrite pas de gisements de titane sur son territoire, mais transforme depuis l’ère soviétique du titane extrait en Ukraine, qui en est la sixième productrice mondiale. La mainmise sur cette ressource, d’autres matières stratégiques et les infrastructures énergétiques fait partie des enjeux du conflit qui oppose les grandes puissances en Ukraine [58].
Lacoste
Une mobilisation de collectifs de défense des Ukrainiens, dont Ukraine solidarity project, s’est tenue le 1er juin 2023, devant l’entrée du stade Roland-Garros. Elle dénonçait la vente de produits Lacoste dans des dizaines de magasins de la firme en Russie. Les produits sont fabriqués en Turquie puis exportés. Lacoste reporte sa responsabilité sur un partenaire indépendant [59].
Armes belges
Des armes belges produites par la FN (Fabrique nationale), et fournies à l’Ukraine par les autorités belges, ont été récemment utilisées par des milices anti-Poutine sur le territoire russe, ressort-il d’une enquête du Washington Post. Les services de renseignement américains confirment également cette information. Il s’agirait de fusils d’assaut SCAR utilisés par des membres de la légion « Liberté de la Russie » et du « Corps des volontaires russes », deux milices anti-régime de Poutine, dont certains membres sont des néonazis. « La règle est stricte : les armes sont fournies uniquement pour la défense du territoire ukrainien. », explique le Premier ministre Alexander De Croo. Des clarifications vont être demandées à l’Ukraine. « Ces livraisons sont destinées aux forces armées ukrainiennes pour protéger leur territoire et leur population contre l’invasion russe. C’est expressément indiqué dans les documents accompagnant chaque livraison. […] Ces armes ne sont donc pas autorisées pour des groupes isolés qui ont un agenda interne russe [60]. »
Bon anniversaire, Alexeï !
Alexeï Navalny, le plus célèbre prisonnier politique de Russie, profite de la moindre faille dans le système pour déposer une plainte. Chacune donne lieu à des audiences, en première instance puis en appel, voire devant l’équivalent de la Cour de cassation à Moscou. Et, malgré le lien réduit à des visios, à la connexion parfois défaillante, ces audiences sont autant d’occasions pour lui de se raccrocher au monde extérieur. Il dénonce le manque d’éclairage dans sa cellule, les fenêtres opaques, la peinture et les murs couverts de chaux sale, l’absence d’eau chaude et de ventilation, les carences des règles hygiéniques...
Un jour, s’enchaînent six audiences entre 10 heures et 18 heures, mobilisant dans deux salles différentes trois juges, tout un personnel judiciaire et policier. Dans ce jeu aux rôles inversés, l’administration carcérale se retrouve sur le banc des accusés. La plupart du temps, la plainte de Navalny est rejetée. Mais les gardiens sont tout de même contraints de répondre aux questions à distance de l’opposant [61].
Le 4 juin 2023, anniversaire de Navalny, des manifestations pour le soutenir étaient prévues dans plus de 120 villes eu Europe, aux USA, au Canada, en Amérique du Sud, en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Israël, en Turquie, en Thaïlande, en Corée du Sud… Alors que des rassemblements ont eu lieu dans onze villes allemandes, la mobilisation a été plus faible en France [62]. En raison des menaces de répression, aucune consigne n’était donnée en Russie. Plus de cent militants ont pourtant affronté les risques et ont été arrêtés pour des inscriptions à la craie ou des manifestations de groupe ou solitaires, voire pour un simple ballon « Bon anniversaire » [63], comme en témoignent, sur le site Meduza, de nombreuses photos et vidéos prises dans différentes villes [64].
Manifestation à Tbilissi, capitale de la Géorgie
Les avocats d’OVD-Info ont diffusé des conseils aux protestataires pour évaluer les risques et assurent la défense des détenus.
De sa prison, Ilya Yashine a félicité Navalny. Celui-ci a adressé un message de solidarité avec les prisonniers politiques russes et biélorusses. Il raconte que, à son seizième emprisonnement, le psychologue qui l’a examiné s’est étonné : « Vous plaisantez toujours et votre humeur est bien meilleure que celle des membres de la commission. ». Il reste optimiste : « Le jour viendra sûrement où dire la vérité et faire respecter la justice deviendront quelque chose d’ordinaire et pas du tout dangereux en Russie [65]. »
Un objecteur de conscience bouddhiste en appel
En appel, un tribunal a réduit de trois mois la peine de deux ans et cinq mois de prison de l’objecteur de conscience bouddhiste Dmitry Vasilets, en raison du traumatisme psychologique qu’il a subi sur le front avant de refuser de combattre [66].
Émigration russe
Statistiques
Au moins 500 à 650 000 personnes ont quitté la Russie en 2022 et n’y sont pas revenues - ce ne sont que les pays et les cas qui sont reflétés dans les statistiques. Les calculs, au 16 mars 2023, prennent en compte les déclarations des autorités des pays d’accueil, le nombre de titres de séjour reçus, ainsi que la différence entre les Russes qui sont entrés dans le pays et ceux qui en sont sortis.
Les destinations les plus populaires parmi les pays voisins sont le Kazakhstan (seulement du 21 septembre à fin décembre, 146 000 Russes y sont entrés et y ont séjourné), l’Arménie (110 000), la Géorgie (60 000) et le Kirghizistan (32 000).
Les citoyens russes se sont souvent déplacés vers la Turquie (plus de 78 000 citoyens russes y ont reçu un permis de séjour en 2022), Israël (35 300 rapatriés et ceux en attente de ce statut), 33 700 citoyens russes ont tenté d’entrer aux États-Unis par la frontière mexicaine. Plus de 36 000 personnes sont entrées dans les pays de l’UE par les frontières terrestres.
La croissance de l’émigration russe est perceptible partout dans le monde. Ainsi, en Argentine, on s’inquiète du fort afflux de Russes enceintes : en 2022, près de 22 000 Russes sont entrées dans le pays, et la moitié d’entre elles sont des femmes enceintes. Un enfant né en Argentine reçoit immédiatement la citoyenneté de ce pays et ses parents peuvent obtenir un passeport grâce à une procédure simplifiée.
Au Mexique, le nombre de permis de séjour temporaires délivrés aux Russes est passé de 219 en 2019 (pré-pandémique) à 835 en 2022. Aux Émirats arabes unis et en Turquie, le nombre de transactions pour l’achat de biens immobiliers par des étrangers a fortement augmenté - dans les deux cas, les Russes sont devenus les leaders du nombre de transactions.
Le démographe Aleksey Raksha estime l’ampleur de l’émigration entre 550 000 et 800 000 personnes. L’expert note qu’il y a beaucoup plus de pays vers lesquels les citoyens russes choisissent de s’installer que ceux pour lesquels des données sont disponibles. Ainsi, les Émirats arabes unis, l’Inde, le Sri Lanka, la Thaïlande, le Vietnam, les Philippines et l’Indonésie contribuent de manière significative à l’émigration des Russes. Faute de statistiques, on peut estimer que 100 000 à 200 000 personnes au total pourraient y être parties.
Le nombre officiel de citoyens russes dans les pays d’accueil varie en fonction de la politique migratoire locale. Par exemple, depuis fin janvier 2023, de nouvelles règles de séjour pour les étrangers sont en vigueur au Kazakhstan. Désormais, on peut rester dans le pays sans permis de séjour "pour un total de 90 jours calendaires au cours de chaque période de 180 jours". Pour rester longtemps dans le pays, il est nécessaire de trouver un emploi sur le marché du travail local, d’ouvrir une entreprise ou de confirmer le regroupement familial.
Selon toute apparence, la vague d’émigration actuelle est la plus importante depuis des décennies. Ainsi, en 1990, après la chute du rideau de fer, 450 000 personnes ont quitté l’URSS.
L’ampleur de l’émigration peut également être indirectement jugée à partir des données russes sur les passages frontaliers (cependant, le FSB enregistre tous les départs, y compris ceux de courte durée, et ne divulgue pas le nombre de ceux qui sont revenus). Par exemple, un nombre record de citoyens russes dans l’histoire sont entrés au Tadjikistan, en Ouzbékistan et au Kirghizistan en 2022, note Raksha [67].
Aux USA
De novembre 2022 à mars 2023, plus de 25 000 Russes sont entrés aux États-Unis par la frontière sud, selon les données du service frontalier américain. Dans les années qui ont précédé le déclenchement des hostilités en Ukraine, le nombre de Russes traversant la frontière terrestre du sud des États-Unis n’a pas dépassé quelques centaines de personnes. Ainsi, au cours de l’exercice fiscal 2020 (du 1er octobre au 30 septembre), le nombre de Russes entrés aux États-Unis s’élevait à 467 personnes, et en 2022 à 21 763.
Selon le ministère américain de la Justice, au cours de l’exercice 2023 (commençant le 1er octobre 2022), la part des Russes ayant obtenu l’asile dans le pays était de 63 % [68].
Après le déclenchement des hostilités en Ukraine, les États-Unis ont suspendu la procédure d’expulsion vers la Russie et plusieurs autres pays européens [69], mais cette mesure a désormais été levée et des demandeurs d’asile russes ont été expulsés ou menacés de l’être, écrit The Guardian le 18 mars 2023 [70].
En janvier 2023, l’administration du président Joe Biden a annoncé que désormais, le seul moyen légal pour les demandeurs d’asile d’entrer aux États-Unis serait de s’inscrire via une application gouvernementale. Les immigrants se plaignent que l’application est intermittente et génère souvent des erreurs. Les gens sont coincés au Mexique pendant des semaines voire des mois en attendant de traverser. Les abris sont surpeuplés, des camps de tentes spontanés se forment le long de la frontière sud. Des militants locaux des droits de l’Homme parlent avec inquiétude de la crise humanitaire croissante [71].
Récit d’une demandeuse d’asile
La journaliste Elizaveta Kirpanova raconte son expérience, dans Novaïa Gazeta. Le 21 mars 2022, avec son mari et deux valises, elle a quitté la Russie pour les Émirats arabes unis, de là vers l’Arménie, et quelques semaines plus tard vers le Mexique. Ils se sont présentés à la frontière des États-Unis et ont demandé l’asile politique. Après près d’une semaine dans de minuscules cellules froides surpeuplées, ils ont été transportés, menottés, dans une prison d’immigration en Louisiane. Elle y est restée neuf jours et son mari trois semaines. L’oncle de son mari, titulaire d’un passeport américain, s’est porté garant pour qu’ils soient libérés. Des escrocs monnaient leur garantie sans l’assumer effectivement, ce qui retarde la libération des migrants.
Les démarches suivantes ont nécessité les services d’un avocat pour 10 000 dollars. Le pourcentage moyen de refus du droit d’asile des juges d’Atlanta est de 94 %.
Devant la juge, la journaliste a raconté les violences qu’elle et ses collègues ont subies, de la part de la Garde nationale, alors qu’ils couvraient un rassemblement de soutien à Navalny, les multiples menaces de mort adressées à la rédaction de Novaïa Gazeta, l’attaque chimique qui a frappé celle-ci, les millions d’amendes imposés à la publication, le retrait de sa licence, l’émigration forcée des rédacteurs et les persécutions politiques d’autres organes de presse.
La juge a reconnu que la crainte d’une future persécution en cas de retour en Russie était justifiée. Elle a accordé l’asile au couple .
Appel pour la paix en Ukraine
Des organisations de la société civile ukrainienne s’adressent aux mouvements pacifistes et artisans de la paix de tous les pays au sujet de la guerre en Ukraine.
« Nous – acteurs de la société civile ukrainienne, féministes, artisans de la paix, médiateurs, facilitateurs de dialogue, universitaires et défenseurs des droits humains – avons conscience de la montée en puissance d’une divergence d’opinions en matière de stratégie au niveau mondial. Un nombre croissant de voix pacifistes, issues de la droite comme de la gauche, réclament l’arrêt de l’aide militaire à l’Ukraine. En guise de stratégie pour mettre fin à la guerre, ces voix appellent aussi à un cessez-le-feu immédiat entre l’Ukraine et la Russie. Il faut comprendre que ces appels à cesser toute résistance pour négocier avec Poutine reviennent à demander à l’Ukraine de renoncer à sa souveraineté et à son intégrité territoriale. […]
L’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine ne conduirait pas à "la paix par des moyens pacifiques", mais offrirait la possibilité au régime autoritaire de Poutine de reprendre des forces pour réitérer son agression contre l’Ukraine. […]
La reconnaissance de facto de l’occupation par la Russie d’une partie du territoire ukrainien et l’impunité qui en découlerait créeraient un dangereux précédent pour d’autres régimes autoritaires désireux de réviser les frontières internationales. Cela entraînerait également une accélération de la prolifération de l’armement nucléaire dans le monde, en propageant l’idée délétère selon laquelle seule la possession de l’arme nucléaire peut garantir la sécurité d’un pays [72]. »
[1] Zoïa Svetova, propos recueillis par Céline Lussato, https://www.nouvelobs.com/monde/20230623.OBS74874/balalaika-kangourou-et-karate-navalny-s-accroche-par-tous-les-moyens-aux-bribes-de-liberte-qui-lui-restent.html?at_medium=email&at_emailtype=retention&at_campaign=ObsActu8h&at_send_date=20230624&M_BT=68431130352995, publié et consulté 23 juin 2023.
[2] https://yap-hastily-194543.appspot.com/kak-na-onezhskom-ozere-sozdali-100-metrov, 2 février 2023, consulté le 26 juin 2023.
[3] Vita Chiknaeva, https://yap-hastily-194543.appspot.com/vandaly-obyski-sizo-istoriya-vladelc, 13 mars 2023, consulté le 26 juin 2023.
[4] https://meduza.io/feature/2022/06/15/ya-demonstrativno-vstal-na-storonu-ukrainy-i-vse-prekrasno-odnoselchane-zdorovayutsya-nikto-ne-shlet-menya-na-hren, 15 juin 2023, consulté le 26 juin 2023.
[5] https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/06/25/guerre-en-ukraine-suedois-et-norvegiens-boycottent-les-confiseries-du-groupe-mondelez_6179157_3234.html.
[6] https://meduza.io/feature/2023/06/21/rossiyskie-aktivisty-presleduemye-vlastyami-chasto-nahodili-ubezhische-v-kyrgyzstane-teper-ih-tam-zaderzhivayut-po-zaprosam-iz-rf-pri-pomoschi-sistemy-raspoznavaniya-lits, 21 juin 2023, consulté le 22 juin 2023.
[7] Alla Konstantinova, https://zona.media/article/2023/06/20/gknb, 20 juin 2023, consulté le 22 juin 2023.
[8] Nikita Sologub, https://zona.media/article/2023/02/21/kozak, 21 février 2023, consulté le 23 juin 2023.
[9] Pavel Vasiliev, https://zona.media/article/2023/06/16/escape, 16 juin 2023, consulté le 23 juin 2023.
[10] Julian Colling, « Ces soldats qui ont déserté l’armée de Poutine », L’Obs, 22 juin 2023.
[11] Steve Rosenberg, https://www.elimparcial.com/mundo/El-nivel-de-crueldad-es-propio-de-la-era-de-Stalin-el-desafiante-mensaje-de-un-activista-ruso-juzgado-por-criticar-la-guerra-en-Ucrania-20230609-0118.html, 9 juin 2023, consulté le 16 juin 2023.
[12] Elena Romanova, https://novayagazeta.eu/articles/2023/06/17/im-afraid-i-wont-make-it-to-15-june-en, 17 juin 2023, consulté le 18 juin 2023.
[13] Marcus Walker, https://www.wsj.com/articles/tattered-and-bandaged-russian-pows-describe-ukraines-offensive-3ee8c7e3?mod=hp_lista_pos3, 17 juin 2023, consulté le 19 juin 2023.
[14] https://meduza.io/news/2023/06/19/segodnya-est-vozmozhnost-vernutsya-zavtra-mozhet-ee-uzhe-ne-byt-vyacheslav-volodin-zayavil-chto-polovina-uehavshih-posle-nachala-voyny-rossiyan-vernulis-nazad, publié et consulté le 19 juin 2023.
[15] Alexeï Sakhine et Lisa Smirnova, « En Russie, le mirage du soutien à la guerre », Le Monde diplomatique, juin 2023.
[16] Anastasia Lotareva, https://www.bbc.com/russian/features-65812907, 8 juin 2023, consulté le 13 juin 2023.
[17] https://nowar.solidarite.online/blog/gr%C3%A8ve-sauvage-dans-une-usine-du-complexe-militaro-industriel-russe-et-premi%C3%A8re-d%C3%A9sertion-arm%C3%A9e-massive-dans-le-donbass, 2 juin 2023, consulté le 11 juin 2023.
[18] https://russianfreepress.com/2023/01/09/the-russians-who-fled-from-the-mobilization-got-stuck-at-the-seoul-airport-korea-denies-them-asylum/, 9 janvier 2023, consulté le 13 juin 2023.
[19] Kristina Safonova, https://meduza.io/feature/2023/06/13/sbezhat-ot-mobilizatsii-a-potom-prozhit-chetyre-mesyatsa-v-aeroportu-v-yuzhnoy-koree, publié et consulté le 13 juin 2023.
[20] https://meduza.io/news/2023/06/11/v-rpts-zayavili-chto-patsifizm-ne-sovmestim-s-ucheniem-pravoslavnoy-tserkvi, 10 juin 2023, consulté le 11 juin 2023.
[21] Alexey Malyutin, https://novayagazeta.eu/articles/2023/06/14/russian-orthodox-church-officially-renounces-pacifism-en, 14 juin 2023, consulté le 15 juin 2023.
[22] https://antiwar.ovdinfo.org, consulté le 12 juin 2023.
[23] https://meduza.io/feature/2023/06/12/ty-ne-odin, publié et consulté le 12 juin 2023.
[24] https://meduza.io/news/2023/06/14/na-marafone-ty-ne-odin-v-podderzhku-rossiyskih-politzaklyuchennyh-sobrali-bolee-39-millionov-rubley, publié et consulté le 14 juin 2023.
[25] https://meduza.io/news/2023/06/14/vitaliya-koltsova-brosivshego-dve-butylki-s-benzinom-v-avtozaki-rosgvardii-prigovorili-k-shesti-godam-kolonii, publié et consulté le 14 juin 2023.
[26] https://meduza.io/news/2023/06/13/rossii-nuzhna-reabilitatsiya-posle-tyazheloy-bolezni-77-letnyaya-hudozhnitsa-elena-osipova-snova-vyshla-na-piket-v-peterburge-vskore-posle-insulta, publié et consulté le 13 juin 2023.
[27] https://meduza.io/news/2023/06/13/v-kyrgyzstane-zapustili-sistemu-raspoznavaniya-lits-dlya-poiska-lyudey-nahodyaschihsya-v-mezhgosudarstvennom-rozyske-s-nachala-iyunya-v-strane-zaderzhali-troih-rossiyskih-aktivistov, publié et consulté le 13 juin 2023.
[28] Vladimir Kaza-Murza, « une Russie différente, libérée de Poutine », Libération, 6 juin 2023.
[29] Recueilli par Sonia Delesalle- Stolpe, 6 juin 2023.
[30] Jonathan Littell, « Des hommes comme Orlov se battent pour ce que la Russie devrait être », Le Monde, 7 juin 2023.
[31] https://www.rfi.fr/fr/europe/20230608-ouverture-du-proc%C3%A8s-d-oleg-orlov-de-l-ong-m%C3%A9morial-pour-discr%C3%A9dit-de-l-arm%C3%A9e-russe, 8 juin 2023, consulté le 9 juin 2023.
[32] Victoria Vesselova, https://ru.krymr.com/a/krym-yevpatoriya-bogdan-ziza-sud-protest/32447307.html, 6 juin 2023, consulté le 11 juin 2023.
[33] Anna Konstantinova, https://novayagazeta.eu/articles/2023/06/09/vot-zhe-stuki, publié et consulté le 9 juin 2023.
[34] https://ru.krymr.com/a/news-bogdan-ziza-ob-yavil-golodovku/32453210.html, 10 juin 2023, consulté le 11 juin 2023.
[35] Victoria Vesselova, art. cit.
[36] Benjamin Quénelle, « À Moscou, la cohabitation des vies contraires », La Croix, 9 juin 2023.
[37] Propos recueillis par Charlotte Lalanne, « La Russie est déjà en guerre civile », L’Express, 8 juin 2023.
[38] « Non à la lutte armée pour renverser Poutine », 7 juin 2023.
[39] Efi Koutsokosta, https://fr.euronews.com/my-europe/2023/06/05/lopposition-russe-cherche-le-soutien-de-lunion-europeenne, 5 juin 2023, consulté le 10 juin 2023.
[40] Shaun Walker, https://www.theguardian.com/world/2023/jun/10/russia-exiles-life-after-vladimir-putin, publié et consulté le 10 juin 2023.
[42] Alena Itskova, https://novayagazeta.eu/articles/2023/06/10/skovannye-odnim-begstvom, publié et consulté le 10 juin 2023.
[43] https://meduza.io/feature/2022/10/04/pravozaschitniki-rasskazali-chto-v-chechne-umer-muzh-uchastnitsy-protestov-protiv-mobilizatsii-pered-etim-ego-zastavili-izbit-zhenu-a-syna-otpravili-na-voynu, 4 octobre 2022, consulté le 9 juin 2023.
[44] https://meduza.io/feature/2023/06/09/u-tebya-net-deneg-i-raboty-ezzhay-zaschischat-rodinu, publié et consulté le 9juin 2023.
[45] https://www.azionenonviolenta.it/la-corte-suprema-ucraina-discute-lobiezione-di-coscienza, 24 mai 2023, consulté le 8 juin 2023.
[46] https://www.azionenonviolenta.it/liberta-per-gli-obiettori-un-giusto-processo-in-ucraina, 25 mai 2023, consulté le 8 juin 2023.
[47] Nick Thorpe, https://www.bbc.com/news/world-europe-65792384, 8 juin 2023, consulté le 10 juin 2023.
[48] https://www.afriquesenlutte.org/communiques-luttes-et-debats/communiques-autres/article/les-vendeurs-de-rue-africains-soutiennent-l-ukraine, 26 mai 2023, consulté le 1er juin 2023.
[49] https://fr.crimethinc.com/2023/05/03/a-la-memoire-de-dmitry-petrov-biographie-incomplete-et-traductions-de-son-oeuvre-1, 3 mai 2023, consulté le 1er juin 2023.
[50] https://renverse.co/infos-d-ailleurs/article/communique-de-l-organisation-militante-des-anarcho-communistes-de-russie-boak-3998, 30 avril 2023, consulté le 1er juin 2023.
[51] Auteurs : Quelques anarchistes de la région d’Europe centrale, éditeur : Guerre de classe, octobre 2022, 50 pages
https://antimilitarismus.noblogs.org/post/2022/09/13/antimilitarisme-anarchiste-et-mythes-sur-la-guerre-en-ukraine, 13 septembre 2022, consulté le 3 juin 2023, disponible en plusieurs langues.
[52] Quelques anarchistes de la région d’Europe centrale, novembre 2022, traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe.
[53] Anarchie !, n° 23, mars 2022.
[54] Fabien Magnenou, https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/meduza-le-plus-grand-media-independant-russophone-declare-indesirable-en-russie_5624327.html, 26 janvier 2023, consulté le 3 juin 2023.
[55] https://meduza.io/feature/2023/06/03/dazhe-nekotorye-chitateli-meduzy-opravdyvayut-vtorzhenie-v-ukrainu-my-poprosili-ih-ob-yasnit-pochemu-vot-chto-iz-etogo-vyshlo, publié et consulté le 3 juin 2023.
[56] « Russian Titanium Maker Is Pulled Off Sanctions List », Wall Street Journal, 21/07/22.
[57] https://www.reedsmith.com/en/perspectives/2023/02/further-sanctions-against-russia-announced, 27 février 2023, consulté le 3 juin 2023.
[58] Célia Izoard, https://lempaille.fr/occitanie-lindustrie-finance-la-guerre-de-poutine, 23 mai 2023, consulté le 3 juin 2023.
[59] Julien Lecot, « L’année dernière, Lacoste avait dit qu’ils arrêtaient leurs ventes en Russie », Libération, 2 juin 2023.
[60] https://www.lesoir.be/517491/article/2023-06-05/utilisation-darmes-belges-en-russie-alexander-de-croo-reagit, publié et consulté le 5 juin 2023.
[61] https://www.la-croix.com/Monde/Russie-prison-Alexei-Navalny-continue-lutte-contre-Kremlin-2023-05-29-1201269188, 29 mai 2023, consulté le 4 juin 2023.
[62] https://meduza.io/live/2023/06/04/aktsii-v-podderzhku-alekseya-navalnogo-onlayn-meduzy, publié et consulté le 4 juin 2023.
[63] https://t.me/rusnews/35761, publié et consulté le 4 juin 2023.
[64] https://meduza.io/feature/2023/06/04/storonniki-navalnogo-mitinguyut-v-den-ego-rozhdeniya-aktsii-zaplanirovany-v-gorodah-po-vsemu-miru-posmotrite-kak-oni-prohodyat, publié et consulté le 4 juin 2023.
[65] https://novayagazeta.eu/articles/2023/06/04/segodnia-navalnyi-vstretil-den-rozhdeniia-v-shizo, publié et consulté le 4 juin 2023.
[66] Tatiana Britskaya, https://novayagazeta.ru/articles/2023/06/02/v-pervuiu-ochered-ia-dolzhen-byt-chelovekom-a-potom-uzhe-grazhdaninom, 2 juin 2023, consulté le 4 juin 2023.
[67] Irina Chirmanova, https://tochno.st/materials/rossiyan-mogli-pokinut-stranu-v-2022-godu, consulté le 4 juin 2023.
[68] Evgueni Poudovkine et Anton Koniev, https://rtvi.com/news/rekordnoe-chislo-rossiyan-vehalo-v-ssha-iz-meksiki-chto-ih-zhdet-na-puti-v-ameriku-i-grozit-li-im-deportacziya, 23 mars 2023, consulté le 4 juin 2023.
[69] Camilo Montoya-Galvez, https://www.cbsnews.com/news/ukraine-russia-ice-deportations-suspended, 3 mars 2022, consulté le 4 juin 2023.
[70] Luke Harding, https://www.theguardian.com/us-news/2023/mar/18/biden-administration-russia-deportations, 18 mars2023, consulté le 4 juin 2023.
[71] Elizaveta Kirpanova, https://novayagazeta.eu/articles/2023/06/04/kak-ia-poluchala-ubezhishche-v-ssha, publié et consulté le 4 juin 2023.
[72] http://www.reseau-bastille.org/index.php/2023/06/05/appel-pour-la-paix-en-ukraine, 5 juin 2023, consulté le 10 juin 2023.