Deux entreprises de la région Auvergne-Rhône-Alpes sont impliquées : Lynred et STMicroelectronics. La première a fourni des capteurs infrarouges pour les drones ukrainiens tandis que la seconde expédie des composants qui sont utilisés dans les drones, les missiles et les avions de chasse russes. Des micro-contrôleurs permettant notamment, selon l’article du journaliste, « à la caméra [des drones] d’observer 24 heures/24 et de mesurer la distance et les coordonnées angulaires de la cible ». Les avions de chasse russe Sukhoi sont aussi concernés : un appareil abattu fin 2022 possédait un ordinateur monocarte AMPRO CM2-420 doté d’un composant STM32 [1].
Dans sa réponse du 4 avril 2023 [2], STMicroelectronics refuse de donner plus de détails sur les conditions dans lesquelles ces composants ont pu se retrouver dans les armes russes. Elle déclare sommairement avoir revu ses procédures suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ne plus avoir d’activités dans ce pays.
Cette affirmation vient d’être dernièrement contredite par le média suisse RSI : les sociétés russes Ural Telecom System, SMT iLogic, Vest-Ost ont continué de mars à août 2022 d’importer les composants de fabrication franco-italienne [3]. Ural Telecom System, spécialisée dans les appareils de télécommunication et médicaux, est le plus gros importateur russe de la multinationale tandis que les deux dernières sont bien connues par l’Union européenne qui les a placées dans la liste des entreprises russes sous sanctions.
L’article du Dauphiné libéré se fait l’écho d’autres questions restées sans réponse, à savoir le partenariat avec GlobalFoundries pour la construction d’une nouvelle usine. L’entreprise américaine est en effet la propriété d’un fonds souverain des Émirats arabes unis, une puissance alliée de la France engagée au Yémen. Le savoir-faire développé à Grenoble sera-t-il transféré à Abu Dhabi pour fabriquer, entre autres, de l’armement ?
L’activité industrielle doit respecter un équilibre global qui allie maintien de la paix et protection des écosystèmes locaux. Or les usines de composants à Grenoble posent également un grave problème écologique pointé par le mouvement Stop Micro [4] : la consommation en eau potable cumulée de ST Microelectronics et Soitec à l’horizon 2023-2024 est de 336 litres par seconde [5]. Selon Le Postillon, « dans un an ou deux, la consommation annuelle des usines de puces du Grésivaudan équivaudra à 16 méga-bassines de Sainte-Soline [6] » !
Ces derniers mois, nous avons initié des échanges avec les différentes sections syndicales CGT à Grenoble et les élus écologistes au Conseil régional.
Nous réclamons un audit sur les financements de ces entreprises par les différentes collectivités territoriales (métropole de Grenoble, conseil départemental d’Isère et région Auvergne-Rhône-Alpes).
Nous restons ouverts au dialogue avec STMicroelectronics et Lynred mais face à leur refus d’aller vers plus de transparence, nous demandons aux sections syndicales d’enclencher un travail mesurant l’impact de ces sociétés sur les conflits internationaux. Une expertise qui doit également intégrer leur empreinte écologique en amont et aval.