Ce composant se range dans la catégorie des « biens à double usage », à la fois civils et militaires. Or l’embargo de l’Union européenne visant la Russie, édicté en 2014 proscrit l’exportation de ce type de biens « s’ils sont destinés entièrement, ou en partie, à un usage militaire, ou à un utilisateur final militaire ».

Dans sa réaction, l’entreprise affirme sommairement respecter l’embargo sur la Russie sans répondre précisément aux observations formulées par l’Observatoire et Jérôme Morin. Le composant a-t-il été livré tout d’abord en Chine, comme l’affirme une de nos sources se basant sur une déclaration interne de l’entreprise ? Comment celle-ci peut-elle respecter l’embargo de 2014 sur la Russie alors que le composant est issu d’une série introduite sur le marché l’année suivante ? Comment peut-elle se dédouaner « des agissements de ses clients » alors que les mesures d’embargo l’invitaient précisément à la plus grande vigilance ?

Ce n’est pas la première fois que l’entreprise est épinglée pour la fourniture de technologies à des pays en guerre et régimes répressifs. L’histoire semble se répéter. Au début des années 2010, Sofradir (qui a fusionné avec Ulis pour devenir Lynred) a été accusée par les États-Unis de livrer à la Chine des détecteurs infrarouge qui se seraient retrouvés en Iran [1]. En 2012, la société a signé un contrat avec la Russie pour la livraison de ce type de capteurs. Malgré l’embargo de 2014, elle "devait encore livrer « 258 détecteurs infrarouges » à une société russe de défense." en 2016 selon Disclose. [2] En 2021, le bimestriel grenoblois Le Postillon a révélé que l’entreprise avait également fourni des composants à la Turquie qui réprime le peuple kurde [3].

Comme la direction de Lynred poursuit la même politique tout en se refusant à la moindre transparence sur le sujet, nous invitons la section syndicale CGT et les représentants du personnel à engager un travail mesurant l’impact de l’entreprise sur les répressions et conflits internationaux.

Nous demandons également à la région Auvergne-Rhône-Alpes, à la métropole de Lyon et à celle de Grenoble de mettre en œuvre un audit sur les financements des entreprises d’armement et l’impact de celles-ci sur les répressions et conflits internationaux. Lynred a touché 3,2 millions d’euros d’aides publiques de la part des collectivités territoriales (Région Auvergne Rhône-Alpes, métropole Grenoble Alpes Métropole et Conseil départemental d’Isère) dans le cadre du plan Nano 2022.

C’est notamment le sens de l’intervention du groupe des élus écologistes il y a deux semaines au Conseil régional d’AURA : obtenir un état des lieux précis des subventions attribuées au secteur de l’armement.