Retrouvez la première partie de cette rubrique, novembre 2022
Retrouvez la deuxième partie de cette rubrique, décembre 2022
Retrouvez la troisième partie de cette rubrique, janvier et février 2023
Bernard Guetta
Bernard Guetta, député européen Renew, vice-président de la sous-commission des Droits de l’homme et ancien chroniqueur à France Inter, est interviewé par cette radio. Il y défend l’idée d’une défense européenne. Interrogé sur la guerre en Russie, il répond : « Il faut plus soutenir les opposants. » Il a suggéré à Emmanuel Macron de recevoir les épouses de Vladimir Kara-Mourza et d’Alexeï Navalny, les deux opposants russes les plus notoires, victimes d’empoisonnement et de lourdes peines d’emprisonnement [1].
Sur son site, il écrit :
« Un jour, nous aurons tous besoin d’eux. Le jour où l’échec de l’agression contre l’Ukraine ouvrira la question d’une relève au Kremlin, Alexeï Navalny et Vladimir Kara-Mourza seront aussi indispensables à la Russie, à l’Europe et au monde que Nelson Mandela l’avait été à son pays lorsque l’apartheid y a pris fin.
Ils seront essentiels car tant des hommes qui auraient pu incarner la Russie post-poutinienne ont été assassinés ou broyés qu’il ne reste qu’eux. Connus ou encore inconnus, d’autres se révèleront bien sûr. En exil ou en Russie même, Ilia Iachine au premier chef, beaucoup s’affirment déjà mais, pour l’heure, aucun autre n’a l’expérience et la notoriété qu’Alexeï Navalny et Vladimir Kara-Mourza ont acquises en quelque quinze années de rassemblement de l’opposition, de défense du droit et de dénonciation de la corruption.
Nous aurons, un jour, tous besoin d’eux parce que la Fédération de Russie est maintenant menacée, à court ou moyen terme, de fractionnements et de chaos et qu’aux premiers craquements, il faudra des hommes de leur force pour faire entendre la voix de la Raison et préserver la stabilité de l’Europe et du monde en préservant celle de la Russie.
Nous aurons tous besoin d’eux car si des guerres civiles venaient à déchirer un pays possédant le deuxième stock mondial d’armes nucléaires, de si longues frontières avec la Chine et l’Union européenne et de telles proximités avec l’Iran, l’Asie centrale et la Turquie, ces guerres s’étendraient vite au reste de la planète.
Ce n’est ainsi pas seulement parce leur bravoure et leur détermination sont admirables qu’il faut sauver Alexeï Navalny et Vladimir Kara-Mourza. Il faut empêcher que l’absences de soins, l’isolement systématique et les mauvais traitements ne les fassent mourir en prison parce que ni la Russie ni le monde ne peuvent se passer d’eux et que la violence avec laquelle le despote du Kremlin s’acharne contre eux dit toute sa peur de voir les Russes le rejeter et reprendre leur marche vers la liberté.
Ce sont les trois raisons pour lesquelles Timothy Garton-Ash, spécialiste de l’Europe contemporaine à Oxford, Ezio Mauro de la Repubblica, Adam Michnik, fondateur de Gazeta Wyborcza et moi-même, journaliste et eurodéputé, venons de lancer dans plusieurs journaux européens un appel aux hommes d’État et à tous les démocrates, aux artistes, aux syndicats, aux Églises et aux intellectuels. Collectivement ou individuellement, y écrivons-nous, face-à-face ou sur les sites des ambassades russes ou du Kremlin, chacun de vous doit d’urgence dire à Vladimir Poutine : « Non, M. le Président, vous ne devez plus vous acharner contre Alexeï Navalny et Vladimir Kara-Mourza. Vous devez renoncer à vouloir leur mort, vous assurer qu’ils vivent et leur rendre la liberté [2]. »
Dans Le Monde du 1er avril 2022, Bernard Guetta avait signé une tribune collective de députés européens adressée au peuple russe qui affirmait : « La seule chose qui menace votre président est sa crainte que l’Ukraine puisse devenir une démocratie aboutie et prospère, débarrassée de la corruption et de l’emprise des oligarques et pouvant offrir un modèle pour une meilleure Russie [3]. »
En février 2023, à la tribune européenne, il apostrophe le président russe : « Sachez Monsieur Poutine que pas plus que le monde ne vous pardonnera le martyre de l’Ukraine, nous ne pourrions vous pardonner le meurtre du combattant de la liberté qu’est votre opposant. La Russie aura besoin d’Alexeï Navalny et de tous ceux qui vous résistent aujourd’hui. Sans eux, la Russie n’aurait pas d’étendards derrière lesquels se rallier, faire front et refuser ce nouveau Temps des troubles dont votre guerre la menace. Il faut un Navalny à la Russie et si vous l’en priviez, c’est elle que vous achèveriez de détruire [4]. »
Mobilisation électronique
Après la loi russe qui permet la mobilisation électronique et l’interconnexion de nombreux fichiers, la politologue Tatyana Stanovaya (Carnegie Politika) commente :
« Les citoyens qui ont été enregistrés comme non fiables (par exemple, pour leur sympathie avec Alexeï Navalny) pourraient ensuite rencontrer des difficultés dans une université ou au travail, voire recevoir le statut d’agent étranger. C’est-à-dire avec une répression beaucoup plus souple que les tribunaux et les peines traditionnels. […]
La pandémie a fait un pas de géant à cet égard. Des systèmes de reconnaissance faciale sont apparus dans les régions, les responsables ont acquis une vaste expérience dans le travail avec divers outils numériques tels que les codes QR, les carnets de vaccination via les services de l’État, le suivi des violations à l’aide de caméras, d’applications, etc.
[…] Il ne s’agit plus seulement de réglementer la conscription ou la mobilisation, mais de reformater le système traditionnel de coercition étatique. Un mécanisme automatisé de contrôle des comportements apparaît sans l’intervention du citoyen lui-même, de ses avocats ou des tribunaux. Les droits garantis par la Constitution deviennent conditionnels - leur mise en œuvre est subordonnée au statut de citoyen dans le système de contrôle numérique de l’État.
Un précédent de cette ampleur crée une tentation d’étendre des approches similaires à d’autres domaines. […] Il existe un registre des différentes catégories d’agents étrangers, et bientôt un registre des individus « associés aux agents étrangers » devrait être lancé [5]. »
Dépenses militaires
Philippe Escande, dans Le Monde [6], fait écho au rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (cf. le communiqué du Sipri sur le site de l’Observatoire des armements). « Les gouvernements de la planète, qui s’inquiètent pour la préservation du climat et de la biodiversité, n’ont de cesse de s’approvisionner en armes. Les dépenses en 2022 ont atteint le montant inédit de 2 240 milliards de dollars […], soit 2,2 % du produit intérieur brut mondial. […] Toutefois, les plus grosses progressions viennent de la vieille Europe. Depuis l’annexion unilatérale de la Crimée par la Russie, en 2014, l’est du continent se réarme à grande vitesse. […] Comme Thierry Breton [qui veut réarmer l’Europe], le gouvernement polonais voit le verre à moitié plein de dépenses qui contribueront à développer une puissante industrie militaire sur son sol, avec emplois et retombées économiques à la clé. Mais le verre à moitié vide est que cet argent manquera pour d’autres priorités, comme la transition écologique, la santé ou l’éducation. Les pays européens, et notamment les plus pauvres, glissent dans l’économie de guerre. C’est peut-être nécessaire, mais il est bien difficile d’y voir un progrès pour l’humanité. »
Résister en Russie
Alexeï Venediktov et Andreï Kolesnikov
Le journaliste Alexeï Venediktov et le politologue Andreï Kolesnikov ont choisi de résister au régime de Poutine en restant en Russie. « Si nous partons, qui fera notre travail ? », interrogent-ils. Le journaliste ne quittera le pays, où même le mot "guerre" est interdit, que s’il reçoit une menace physique contre lui ou sa famille, dit-il. « La Russie, c’est mon pays. Pourquoi le laisser au régime ? Quand je parle de "guerre" ici à Moscou, cela pèse beaucoup plus que si j’en parlais de Riga ou de Varsovie. On ne me croirait pas parce que je serais en sécurité à l’inverse de mes auditeurs en Russie. Je dois être avec eux. »
« Tant qu’aucune poursuite judiciaire ne me vise, je continuerai. », confirme le politologue. « Ma vie est ici. C’est mon devoir de rester. Si toutes les voix critiques partent, qui participera aux prémices de la transition politique ? De plus, pour étudier la société russe, il faut vivre avec elle. » Il a refusé un poste à Berlin quand la Fondation Carnegie a dû fermer ses bureaux à Moscou. « Ici, je reste avant tout dans l’analyse, sans recourir aux mots forts. J’utilise parfois le mot "guerre". Mais c’est dangereux. Je préfère des images : "catastrophe", "désastre"… » « Je parle et j’écris aussi librement que je peux. Sans autocensure. » « C’est difficile de maintenir le cap, je suis devenu un paria en Russie. »
Les deux hommes figurent dans la liste des « agents de l’étranger ». Ils doivent l’indiquer dans toute communication publique et ne peuvent participer à aucune conférence. Ils doivent déclarer la moindre de leurs dépenses. C’est fait pour les punir, les couper de leurs contacts, alourdir leur quotidien et donc les empêcher de travailler, détaille Alexeï Venediktov [7], l’ex-rédacteur en chef de L’Écho de Moscou fermé par le pouvoir. Il continue son travail sur YouTube [8]. « J’ai peur, mais je travaille [9]. »
Ilia Iachine
Le 19 avril 2023, en appel, la condamnation d’Ilia Iachine à huit ans et demi de prison a été confirmée. L’homme politique russe avait aussi décidé de témoigner en Russie. Il a démontré devant le tribunal le bien-fondé de sa dénonciation de la guerre russe et des massacres de Boutcha. Il a poursuivi :
« Poutine est un criminel de guerre, et je suis toujours derrière les barreaux, un homme qui s’oppose à la guerre qu’il a déclenchée. Ne pensez-vous pas, messieurs les juges, que, en l’aidant à me garder en prison, vous devenez ses complices ? Vous me direz sans doute que vous n’y êtes pour rien. Vous n’avez pas pris d’armes, n’est-ce pas ? […]
Mais Poutine non plus n’a pas pris personnellement de mitrailleuse, et pourtant il doit maintenant se cacher de la justice. Et il est tout à fait possible que je finisse par lui céder ma place en prison.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que Poutine a commis un crime non seulement contre l’Ukraine, mais aussi contre notre pays.
Par sa politique, il a porté atteinte à l’économie et à la sécurité nationales, il a isolé la Russie sur la scène internationale et il a envoyé des dizaines de milliers de nos concitoyens à l’abattoir. Pis encore, il a créé les conditions d’une augmentation radicale de la violence dans notre société.
Un flot ininterrompu d’hommes revient du front, ils sont psychiquement traumatisés par la guerre. Ils ont appris à utiliser des armes et à tuer, la mort n’est plus un tabou pour eux. Nous avons vu combien de bandes criminelles organisées sont apparues en Russie après la guerre d’Afghanistan. Le massacre en Ukraine dépassera de loin cette ampleur. Le nombre de crimes commis avec des armes à feu a déjà doublé à Saint-Pétersbourg et triplé à Moscou. Et nous nous attendons à un pic de violence et de déshumanisation de la société encore plus important et monstrueux. Vladimir Poutine en est absolument responsable.
Je suis tout à fait conscient que le seul moyen d’obtenir une réduction de la peine est de me repentir, d’implorer le pardon, de nommer et de dénoncer noir sur blanc certains de mes camarades. Cela n’arrivera pas. Je ne m’humilierai pas et ne ramperai pas devant vous, messieurs les juges. J’ai la conscience tranquille, j’accepte donc mon sort.
Ce qui me donne de la force, c’est un sentiment de supériorité morale sur les voleurs et les assassins qui ont pris le pouvoir. Ils savent que je n’ai pas peur d’eux. Je ne les ai pas fuis, je n’ai pas demandé grâce et je n’ai jamais baissé les yeux devant eux [10]. »
L’avocat de Iachine était Vadim Prokhorov, également défenseur de Vladimir Kara-Mourza, condamné à vingt-cinq ans de prison, et de la famille de l’homme politique Boris Nemtsov dans l’affaire de son meurtre. Menacé d’être expulsé du barreau et d’une affaire pénale, il a fui la Russie [11].
Alexeï Moskaliov
Le père séparé de sa fille pour un dessin dénonçant la guerre en Ukraine et condamné à deux ans de prison a conservé son autorité parentale. « La plainte en justice visant à limiter les droits parentaux d’Alexeï [Moskaliov] a été retirée, l’affaire est classée. », a déclaré son avocat [12].
Biélorussie
Le parquet biélorusse a requis des peines de 10 à 20 ans de colonie pénitentiaire à l’encontre des fondateurs du média d’opposition Nexta, qui a joué un rôle clé dans le mouvement de contestation de 2020, rapporte Viasna, l’organisation de défense des droits de l’homme dont le fondateur emprisonné, Ales Bialiatski, est colauréat du prix Nobel de la paix 2022.
Stepan Poutilo, cofondateur de la chaîne diffusée sur YouTube et Telegram, et deux autres journalistes, Ian Roudik et Roman Protassevitch sont poursuivis dans cette affaire. Ils ont entre 24 et 29 ans. Les deux premiers, qui ont fui leur pays, sont jugés par contumace. Roman Protassevitch, ancien rédacteur en chef de Nexta, a été arrêté en 2021 après l’interception de l’avion de ligne à bord duquel il se trouvait, alors qu’il survolait la Biélorussie [13]. Ils sont accusés d’« actions délibérées visant à inciter à la haine », « diffamation » ou « troubles de masse » [14].
Restrictions de l’accueil des migrants
Lituanie
Beaucoup d’opposants biélorusses au président Loukachenko sont passés clandestinement en Lituanie pour y chercher refuge. Sous prétexte d’éviter les déstabilisations du régime biélorusse voisin, les parlementaires lituaniens s’apprêtent à voter une loi limitant l’accès au territoire. Le texte prévoit des exceptions pour les personnes qui fuient un conflit armé ou des persécutions ou qui ont besoin d’une aide humanitaire. Pourtant, la directrice du bureau du Défenseur du droit au Parlement lituanien objecte : « C’est un service de l’immigration, et non pas des garde-frontières dans la forêt, qui est compétent pour déterminer si une personne fuit des persécutions, telles qu’elles sont définies par la Convention relative au statut de réfugiés. »
Selon les statistiques officielles, 20 150 refoulements ont eu lieu depuis août 2021. 550 kilomètres de barrières sont construits sur la frontière biélorusse. Les ONG ont dénoncé les conditions de vie désastreuses des migrants. Plus de trente organisations et 140 universitaires du monde entier ont signé une lettre ouverte pour dénoncer la loi qui « viole non seulement le droit à une procédure d’asile équitable et efficace et le principe de non-refoulement, mais restreint également l’aide humanitaire et les activités indépendantes de surveillance des droits de l’homme par les ONG. »
Un texte similaire est examiné en Lettonie [15].
Israël
L’alyah est l’immigration d’un juif en Israël. La politique répressive et guerrière du Kremlin a déclenché « l’alyah Poutine ». Le politologue Alexander Grinberg commente : « Les juifs russes n’ont nulle part d’autre où aller en dehors d’Israël, car aucun pays ne leur accordera le statut de réfugiés. »
Après l’annexion de la Crimée par Moscou, entre 2015 et 2019, 40 000 Juifs de Russie ont fait leur alyah, soit plus en cinq ans que les 38 000 de la décennie précédente.
En juillet 2022, le ministère russe de la Justice s’est prononcé pour la dissolution de l’organisation dédiée, en Russie, à l’immigration juive, qui avait depuis plusieurs années le statut d’agent financé par l’étranger. L’ancien grand rabbin de Moscou, après s’être prononcé publiquement contre l’invasion russe, a été poussé vers la sortie et démis de ses fonctions et s’est installé à Jérusalem [16].
En 2022 il y a eu un véritable afflux de candidatures de Russes, Ukrainiens et Biélorusses pour obtenir la citoyenneté israélienne. Au total, plus de 70 000 personnes sont arrivées (deux fois plus qu’en 2021), et fin avril 2023, leur nombre avoisine les 100 000 dont, selon le rapport du ministère israélien de l’Intérieur, du 24 février 2022 à début mars 2023, plus de 50 000 citoyens de la Fédération de Russie. En janvier 2023, 5 500 Russes ont utilisé le droit de rapatriement, soit 637 % de plus qu’en janvier 2022, un mois avant la guerre. Un nombre important de personnes fuyant la guerre ou craignant pour leur avenir dans l’État russe ont donc profité de la procédure simplifiée d’alyah.
Les autorités israéliennes ont constaté que de nombreux olim, c’est-à-dire ceux qui ont fait leur retour en Israël, ne l’ont fait que pour obtenir un passeport et repartent ensuite en Russie ou dans un autre pays. Désormais, le gouvernement ne veut plus dépenser d’argent pour ce que certains appellent le « tourisme de passeport » et il prépare un durcissement des règles d’accueil [17].
Chat GPT
Le journal Berliner Zeitung a chargé l’agent conversationnel ChatGPT-4 de rédiger un traité de paix entre la Russie et l’Ukraine [18]. ChatGPT propose celui-ci, à partir des dernières données auxquelles il a accès, celles de septembre 2021 :
« Projet de traité de paix pour régler le conflit ukrainien
Préambule
Les signataires de ce traité de paix, le gouvernement de la Fédération de Russie et le gouvernement ukrainien, reconnaissent la nécessité de mettre fin au conflit en cours entre leurs deux pays et de trouver une paix durable et stable, solution qui respecte et promeut la sécurité, la souveraineté et l’intégrité territoriale des deux États.
Les signataires s’efforcent de construire une coopération basée sur la confiance et d’améliorer les conditions de vie de leurs peuples sur la base du respect mutuel, de la justice et du respect des droits de l’homme et des normes internationales.
Article 1 : Cessez-le-feu
1.1 Les deux parties s’engagent à déclarer un cessez-le-feu immédiat et permanent et à cesser toute action militaire dans le cadre du conflit.
1.2 Les deux parties s’engagent à retirer leurs troupes sur les positions qu’elles occupaient avant le déclenchement de la guerre en février 2022.
Article 2 : Zone démilitarisée
2.1 Les deux parties conviennent d’établir une zone démilitarisée le long de la ligne de conflit actuelle, qui sera surveillée par les forces internationales de maintien de la paix.
2.2 Les limites exactes de la zone démilitarisée seront déterminées par une commission mixte composée de représentants des deux parties et d’experts neutres.
Article 3 : Autonomie des régions de Donetsk et de Louhansk
3.1 L’Ukraine accorde aux régions de Donetsk et de Lougansk un statut spécial d’autonomie à l’intérieur de ses frontières, garantissant des droits culturels, politiques et économiques renforcés aux habitants de ces régions.
3.2 L’Ukraine s’est engagée à protéger et à respecter les droits de la population russophone dans ces régions.
Article 4 : Reconstruction et aide humanitaire
4.1 Les deux parties s’engagent, de concert avec la communauté internationale, à soutenir la reconstruction des zones touchées et à fournir une aide humanitaire à la population civile touchée.
4.2 Les organisations internationales et les pays donateurs sont appelés à fournir une assistance financière et technique pour la reconstruction et la réconciliation des zones touchées.
Article 5 : Normalisation des relations
5.1 Les deux parties s’engagent à établir ou à rétablir des relations diplomatiques et à promouvoir la coopération dans les domaines politique, économique, culturel et autres.
5.2 Les deux parties s’engagent à travailler ensemble aux niveaux bilatéral et multilatéral pour assurer la sécurité et la stabilité régionales et promouvoir la paix en Europe.
Article 6 : Garanties et suivi
6.1 Les deux parties s’engagent à assurer le respect du présent traité de paix par des examens et consultations réguliers.
6.2 La communauté internationale, y compris les Nations Unies, l’Union européenne et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), est invitée à surveiller la mise en œuvre du présent Traité et à agir en tant que médiateur et arbitre si nécessaire. »
Espérons que les belligérants useront de leur humanité et de leur intelligence politique pour valider et respecter ce projet d’intelligence artificielle.
Vitaly Votanovsky
Le 24 février 2022, le jour de l’invasion russe de l’Ukraine, Vitaly Votanovsky a été arrêté et emprisonné vingt jours. L’ancien officier de l’armée russe avait manifesté dans des vêtements arborant les mots « Non à Poutine ! » et « Non à la guerre ! ».
Il s’est ensuite consacré à documenter les tombes des combattants russes dans la région de Krasnodar, dans l’Ouest de la Russie, notamment à Bakinskaya, un village où sont enterrés les mercenaires du groupe Wagner sans parents ou dont les corps ne sont pas réclamés. Le petit cimetière de village est devenu immense. « Ainsi va la vie. », a commenté Evguéni Prigojine en le visitant. Votanovsky a enregistré les noms et les détails de 1 300 tombes. « Le peuple russe ne connaît tout simplement pas les vrais chiffres. Je voulais montrer aux gens l’ampleur réelle de la catastrophe. » « Depuis décembre 2022, les pertes sur le champ de bataille de la Russie ont été multipliées par plusieurs. », constate-t-il. « Et récemment, dans les cimetières, les tombes ont toutes été de soldats mobilisés et de gars de Wagner. Il y a eu très peu [de soldats professionnels]. » Plusieurs fois menacé de mort, Vitaly Votanovsky s’est enfui en Arménie et envisage de demander l’asile politique en Allemagne [19].
Vladimir Kara-Mourza condamné
Un tribunal de Moscou a condamné à huis clos, le 17 avril 2023, l’opposant Vladimir Kara-Mourza à vingt-cinq ans de « colonie à régime strict » pour plusieurs chefs d’accusation : « haute trahison », « diffusion publique d’informations délibérément fausses sur l’armée russe » et « conduite d’activités d’une organisation non gouvernementale étrangère ou internationale dont les activités ont été déclarées indésirables sur le territoire de la Fédération de Russie ».
Quelques jours après le début de l’« opération militaire spéciale », il avait expliqué « C’est une obligation morale autant que politique : un homme politique russe doit être en Russie, en prison s’il le faut [20]. »
Le dissident russe avait été arrêté en avril 2022 pour avoir dénoncé l’invasion de l’Ukraine par la Russie. « Non seulement je ne me repens de rien de tout cela, mais j’en suis fier. », a-t-il lancé. Il s’est dit impatient du jour « où ceux qui ont allumé et déclenché cette guerre, et non ceux qui ont essayé de l’arrêter, seront reconnus comme criminels ».
Les ambassadrices américaine, britannique et canadienne ont assisté au procès, ce que Moscou a reproché comme une ingérence.
« Personne ne devrait être privé de sa liberté pour avoir exercé ses droits humains, et j’appelle les autorités russes à le libérer sans délai. Tant qu’il est détenu, il doit être traité avec humanité. », a réagi le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk [21].
Le lendemain du procès, les députés russes ont adopté de nouveaux durcissements de la répression des opposants, dont la perpétuité pour « haute trahison ». Cinq ans de prison menacent ceux qui « aident à mettre en œuvre les décisions d’organisations internationales » que la Russie ne reconnaît pas [22]. Cette disposition semble viser la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis en mars 2023 un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine. Le président de la Douma d’État, Viatcheslav Volodine, avait annoncé des amendements qui interdiraient les activités d’organes internationaux en Russie qui sont dirigées « contre la Fédération de Russie et ses citoyens » [23]. Selon OVD-Info, ceux qui « facilitent l’exécution des décisions judiciaires et les enquêtes sur les crimes de guerre » sont aussi menacés.
Féminisme
Principale suspecte dans l’affaire d’un blogueur ultranationaliste tué, le 2 avril 2023, dans un café [24], Daria Trepova affichait ses convictions féministes sur les réseaux sociaux. Oleg Matveïtchev, député à la Douma, la Chambre basse du Parlement russe, fait l’amalgame et veut attribuer au « féminisme radical » le statut « d’idéologie extrémiste » et l’interdire. Il argumente à la télévision : « Après le 24 février [2022], toutes ces féministes ont pris position contre “l’opération militaire spéciale”. Ça pourrait paraître normal, ce sont des femmes, elles sont pour la paix. […] Mais ce sont toutes des agents de l’Occident. Elles cherchent à détruire nos valeurs traditionnelles, leurs actions vont contre l’orientation donnée par Vladimir Poutine. Elles défendent le divorce, le célibat, l’avortement. Elles nuisent à la politique démographique de la Russie. Et, à l’Ouest aussi, les féministes sont toutes contre Poutine et la Russie. » Ailleurs, le député s’est scandalisé : « C’est un nid pour le recrutement de terroristes. »
La Résistance féministe antiguerre, une coalition de mouvements féministes a été dépeinte en organisation tentaculaire dirigée par les services secrets occidentaux. Dans le même temps, le conflit en Ukraine a renforcé les discours assignant les femmes à un rôle de génitrices.
« Le pouvoir a réellement peur du rôle central que jouent les femmes dans les mouvements antiguerres, assure au Monde Aliona Popova, une militante féministe aujourd’hui en exil, longtemps très active dans la protection des femmes battues. Et là où il a raison, c’est que l’agenda féministe ne peut être qu’antiguerre. En Russie, le combat prioritaire des féministes est celui contre la violence. Or, c’est bien la tolérance à la violence du système et de la société qui a permis l’irruption de la guerre [25]. »
C’est au nom des « valeurs traditionnelles » que les violences domestiques ont été dépénalisées en 2017, avec le soutien de l’Église orthodoxe.
Russie : un peuple qui marche au pas
Les journalistes franco-russes Ksenia Bolchakova (Prix Albert-Londres 2022 pour Wagner, l’armée de l’ombre de Poutine) et Veronika Dorman ont réalisé le documentaire Russie : un peuple qui marche au pas [26] et le livre Un peuple qui marche au pas, Les Russes sous Poutine [27] qui traitent des sujets abordés dans la présente chronique et montrent la terrible emprise du pouvoir russe sur sa population, de l’enfance par la militarisation des écoles à la vieillesse par la désinformation télévisuelle, et par des lois de plus en plus répressives.
Younarmia, l’« Armée des jeunes » créée par le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, revendique plus d’un million de membres. Ces troupes d’enfants, dès six ans, fusil d’assaut en main et en uniforme militaire participent aux exercices sportifs, assistent à des cours théoriques à la gloire de la nation russe, apprennent à démonter et remonter leur arme et s’entraînent au tir sous les ordres de leur instructrice qui leur annonce qu’ils vont en baver. Celle-ci explique sa mission : « Les enfants sont un terreau fertile et il nous revient d’y planter la bonne graine. Il faut profiter de la période où ils sont encore petits, ce que nous mettons dans leur tête déterminera ce qu’ils seront au futur. Aujourd’hui, nos braves militaires accomplissent leur devoir en Ukraine. Un jour, ce sera à ces petits de payer leur dette envers leur pays. Oui, ça fait de la peine de devoir sacrifier ses enfants. Tu l’as porté, tu l’as élevé… Mais un garçon naît pour être un défenseur de sa patrie. Une fille pour être la gardienne de son foyer [28]. » « Il ne s’agit pas seulement de démilitariser l’Ukraine et de la dénazifier. Avec elle, c’est l’ensemble du monde occidental que nous devons reformater. La Russie va les écraser. »
« Achevez pour toujours ces pourritures de fascistes », encourage une fillette d’environ huit ans dans un message adressé aux soldats partis au front [29]. Cependant, en encourant une sévère répression, des opposants résistent et refusent d’être un rouage soumis au régime. Tatiana Tchervenko, professeur de mathématique, refuse de bourrer le crâne de ses élèves de propagande va-t-en-guerre. Elle est licenciée. D’autres dénoncent les fraudes électorales, éhontément commises par des fonctionnaires serviles, et la violence omniprésente dans la société.
« Nous étions 114 dans ma compagnie. Officiellement, on m’a dit que 34 hommes étaient rentrés. En réalité, nous sommes deux », témoigne un soldat blessé en Ukraine et traumatisé ainsi que sa compagne. « L’armée est un sanctuaire de violence », commente l’historien Sergueï Medvedev.
Alexandre Tcherkassov, le président de l’ONG Memorial dissoute en décembre 2021, prix Nobel de la paix en 2022, est réfugié à Paris. Il prononce ce toast : « Au succès de notre cause désespérée. »
Prisonniers russes en Ukraine
Un journaliste du quotidien italien La Repubblica [30] a pu s’entretenir, sans témoin, avec des combattants russes emprisonnés en Ukraine. L’un d’eux confie : « J’ai atterri dans le Groupe Wagner parce qu’ils m’ont promis 194 000 roubles par mois [2 350 euros] et qu’ils m’ont dit que Poutine annulerait ma condamnation à dix ans de prison. » « Moi, je n’ai tué personne, je n’étais pas en première ligne… ». Sachant le sort réservé aux déserteurs de la milice Wagner, il insiste : « Je ne me suis pas rendu, je n’avais plus de munitions ». Le milicien parle d’une organisation en trois lignes : « La première, c’est le front, où l’on se bat. La troisième, c’est là où on entrepose les munitions. ». Et la deuxième ? « C’est là qu’opèrent les équipes qui menacent de mort ceux qui refusent de combattre. » « J’ai compris que ça allait tourner au fiasco dès les deux semaines de formation au camp de Louhansk : On était 93 galériens incapables de communiquer les uns avec les autres. Attaquer l’Ukraine, ça a été la plus grande erreur politique de ces vingt dernières années. Mais je ne suis pas un déserteur, écrivez-le s’il vous plait. » « Les surveillants ukrainiens nous traitent bien et ça m’étonne. Je n’ai pas été frappé. »
Les prisonniers sont échangés selon une liste fournie par Moscou qui semble prioriser les membres de famille avec un bon revenu au détriment des Ukrainiens des républiques autoproclamées. Un de ceux-ci a été mobilisé par les séparatistes le jour de l’invasion. « Refuser n’était pas possible. » Il se sent abandonné depuis dix mois. « Tout a commencé en 2014, quand j’avais douze ans : le plus clair de ma vie, je l’ai passé dans un monde qui était russe. Au point que j’ai oublié que j’étais né en Ukraine. »
Une tribune
Un collectif d’anciens hauts diplomates et experts des questions militaires publie une tribune dans Le Monde [31] afin d’inciter à armer davantage l’Ukraine. Il écrit notamment : Poutine « sous-estime totalement la force de la liberté. Il se trouve confronté à la résistance courageuse de forces prodémocratie : en Ukraine bien sûr, mais aussi en Biélorussie, en Moldavie, en Géorgie, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Asie centrale et même dans son propre pays. » Malheureusement, aucune suggestion n’est formulée pour le soutien aux forces démocratiques civiles – les réfractaires, insoumis et déserteurs, les journalistes et militants emprisonnés ou exilés – ni pour l’accueil de ces derniers.
La guerre, un « atout » pour orienter la société ukrainienne pour et par le complexe militaro-industriel ?
Oleksandr Serhiienko est directeur du centre d’études et d’analyses Institut de la ville, un groupe de réflexion de Kiev. Il publie dans l’hebdomadaire ukrainien Le miroir de la semaine un article sur les atouts de l’économie postérieure à la guerre [32]. À propos des entreprises de haute technologie comme Antonov, Motor Sich et d’autres, il écrit : « Ces entreprises font partie du complexe militaro-industriel du pays, qui, en raison de cette guerre, a toutes les cartes en main pour se retrouver parmi les leaders mondiaux des producteurs d’armes et d’équipements à double usage. La clé du succès pourrait résider dans le fait que, sur le marché mondial des armes, la valeur de la production d’un pays en guerre augmente plusieurs fois par rapport aux pays "en paix". Des sources ouvertes donnent la liste de centaines d’entreprises du complexe militaro-industriel en Ukraine. Il est évident qu’aujourd’hui le nombre de ces entreprises est beaucoup plus important, et c’est un grand potentiel pour l’avenir. […] En prenant en compte la "guerre froide" que connaîtra l’Ukraine en cas de victoire dans la guerre chaude, l’armée deviendra le facteur décisif de l’existence du pays. Dans les pays vraiment contraints de se militariser, les autres composantes de l’État doivent être édifiées en fonction. Les besoins de l’armée devraient ainsi permettre la mise en place d’un système d’éducation efficace, la reconstruction de l’industrie et un système de gouvernement non corrompu (on peut rêver !), et garantir à des millions d’Ukrainiens un emploi ou des services. Car il est bien plus rassurant de vivre sous la protection d’une armée puissante, n’est-ce pas ? »
Plus de 500 « cinq centièmes »
Dans l’armée russe, les refuzniks sont souvent appelés « cinq centièmes », par analogie avec les « trois centièmes » blessés et les « deux centièmes » morts.
Mediazona, le média fondé en septembre 2014 par Nadejda Tolokonnikova et Maria Aliekhina, membres du groupe musical Pussy Riot et dont la rédaction est en exil [33], fait le point sur les refuzniks [34] :
Les tribunaux de garnison ont déjà été saisis de 536 affaires (concernant 548 militaires, certaines affaires étant collectives) au titre d’articles aux peines alourdies après la mobilisation de septembre 2022 : il s’agit d’abandon non autorisé d’une unité, de non-respect d’un ordre, de désertion etc. 247 soldats ont déjà été condamnés.
J.A. Mediazona
Il y a de plus en plus de cas chaque mois. Huit jours avant sa fin, mars 2023 battait déjà le record.
L’accusation la plus courante est l’abandon non autorisé de l’unité : 471 affaires portées devant les tribunaux ; dans plus de la moitié des cas, le militaire a été absent plus d’un mois (249 cas).
Les condamnations sont souvent prononcées dans les unités militaires et suivies de « conversations » de mise en garde imposées aux soldats. Les procès-spectacles des refuzniks et des fugitifs sont utilisés pour intimider les autres militaires, « à des fins préventives », selon les tribunaux. Et, en même temps, ils sont cachés à la société : les condamnations ne sont généralement pas publiées, souvent les peines ne sont pas signalées, les statistiques sont supprimées sous prétexte de secret. La coalition Appel à la conscience confirme que les tribunaux sont fermés « à un public extérieur » et à la presse, mais qu’ils diffusent activement des informations au sein de l’armée.
Krasnoïarsk, 15/12/2022, procès d’un déserteur condamné à une an de prison, Photo du Service de presse du tribunal militaire de garnison de Krasnoïarsk
« Le procès contient certaines informations secrètes, non destinées à être distribuées à d’autres personnes. Vous savez comment fonctionnent les médias occidentaux, vous ne voyez pas de quoi on parle là-bas ? », a expliqué un juge à Mediazona. Le département judiciaire s’est justifié de classer les informations qui « lorsqu’elles sont reçues par des sources étrangères, peuvent être utilisées contre la sécurité de la Fédération de Russie » [35].
De nombreux militaires - plus d’un tiers des condamnations connues de déserteurs - reçoivent des peines avec sursis. Ce qui permet de les renvoyer au front en maintenant une menace sur eux.
Ceux qui ne fuient pas, mais refusent ouvertement d’aller à la guerre, sont accusés de désobéir à un ordre - le nombre de ces accusés augmente également. Il y a actuellement 25 affaires devant les tribunaux.
Des avocats d’Appel à la conscience fournissent des conseils :
Les militaires qui sont dans l’armée sous contrat ou qui y sont arrivés à la suite d’une mobilisation ont le droit de refuser de se battre pour des raisons de conscience et d’exiger un service sans armes.
Plus vous vous éloignez de la ligne de front et plus tôt vous commencez à défendre vos convictions, plus vous avez de chances de réussir. Les poursuites pénales, le cas échéant, peuvent être réduites au minimum.
Constitution, partie 3 de l’article 59 : « Un citoyen de la Fédération de Russie, si ses convictions ou sa religion sont contraires à l’accomplissement du service militaire, ainsi que dans d’autres cas établis par la loi fédérale, a le droit de le remplacer par un service civil alternatif. »
Constitution, article 28 : « Garantit à chacun la liberté de conscience et la liberté de religion, y compris le droit ... de choisir, d’avoir et de diffuser librement ses convictions religieuses et autres et d’agir conformément à celles-ci. »
La résolution du Conseil des droits de l’homme de l’ONU du 8 octobre 2013 « Objection de conscience au service militaire » note qu’une personne effectuant le service militaire peut avoir le désir de le refuser pour des raisons de conscience, et appelle les États à fournir des formes d’objection de non-combattant ou un service civil de remplacement compatibles avec des motifs d’objection de conscience, d’intérêt public et non punitifs. ».
Un objecteur bouddhiste
Le lieutenant principal Dmitry Vasilts, diplômé de l’école Suvorov de cadets militaires puis de l’institut militaire, a été envoyé comme commandant adjoint de compagnie pour le travail militaro-politique en Ukraine, en février 2022. Selon lui, il était au quartier général et n’a jamais tiré sur personne [36]. Beaucoup de militaires ont décidé de refuser de participer aux combats en Ukraine, dit Vasilts. Lui-même ne pensait pas au refus, se sentant responsable de ses subordonnés. Au début, il a même ressenti « une sorte de colère » envers les refuzniks et ne les a pas compris.
Au cours d’un congé, il a séjourné en Bouriatie pour rendre visite aux proches d’un collègue décédé. Il s’est alors converti au bouddhisme. « J’ai réalisé que cela n’a aucun sens de tuer des gens, cela n’aidera pas, mais ne fera qu’augmenter la souffrance, la destruction, ne fera qu’aggraver la situation. » Mobilisé en septembre 2022, il a affirmé ses convictions et refusé de retourner au front. Selon les militaires, l’ordre de l’envoyer à la guerre lui a finalement été présenté à quatre reprises, y compris après l’ouverture d’une procédure pénale. La dernière fois en janvier 2023, le commandement l’a enregistré en vidéo [37]. « Je sais qu’ils vont me mettre en prison. J’avais un choix et je l’ai fait. […] Il vaut mieux aller en prison que de se trahir. […] Je ne pourrai pas me dire plus tard : "On m’a ordonné de faire ça", - ce ne sera pas une excuse [38]. » Il a été condamné à deux ans et cinq mois en colonie pénitentiaire [39].
Le médecin militaire Denis Vasiliev, est accusé dans une affaire similaire. Il est prêt à soigner les gens. Son avocate précise : « C’est un médecin ! Mais on leur donne aussi des armes, ils participent aussi aux hostilités, ils sont aussi envoyés en première ligne. ».
Il y a déjà trois douzaines de cas de ce genre devant les tribunaux. Au 22 mars 2023, seuls trois d’entre eux ont été condamnés [40].
Un déserteur en Arménie
Le bureau du procureur général d’Arménie informe qu’un Russe détenu à Erevan, recherché en Russie pour désertion, a été libéré du département de police [41].
Brutalités contre les soldats
Le chef de l’Ossétie du Nord, Sergei Menyailo, a déclaré que les autorités de la région ont fait appel au bureau du procureur militaire à cause d’une vidéo dans laquelle le commandant d’un régiment traite « de manière inadmissible » les mobilisés, notamment à coup de pied à la tête. C’est la responsable de la fondation caritative nord-ossète « Victoria’s Heart », Vera Adaeva, qui a publié cette vidéo.
« Nous n’abandonnons pas les nôtres ! […] Même dans les conditions d’exécution des missions de combat, où la discipline la plus stricte est nécessaire et loin des relations les plus délicates entre commandants et combattants, les brimades sont inacceptables ! Ce n’est pas comme ça qu’il faut maintenir le moral des soldats ! », écrit Menyailo [42].
En février 2023, des soldats mobilisés de Touva ont diffusé une vidéo pour se plaindre de passages à tabac et de menaces de la part des militaires de la prétendue République du Donetsk. Le bureau du procureur militaire a déclaré qu’il n’avait trouvé aucune preuve d’intimidation à l’encontre des militaires [43].
Enrôlement électronique
En décembre 2022, le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, a annoncé son intention d’augmenter de 30 % la taille de l’armée russe pour atteindre 1,5 million de militaires, dont 695 000 soldats volontaires sous contrat. Selon le groupe de défense des droits des prisonniers « La Russie derrière les barreaux », l’armée a recruté, pour combattre sur le front, des centaines de détenus avec des engagements de dix-huit mois, ceci après que le groupe de mercenaires Wagner a été empêché de recruter dans les prisons. L’armée a également offert des passeports aux étrangers qui rejoignent les forces russes.
Les ordres de mobilisation étaient remis obligatoirement en main propre aux mobilisés. En septembre 2022, de nombreux Russes mobilisables n’ouvraient pas au facteur, ignoraient ces convocations, déménageaient ou fuyaient le pays. Désormais, la Douma a décidé, avec une seule voix d’abstention et selon une procédure d’urgence, qu’il sera possible de recevoir du portail gouvernemental un acte de mobilisation par voie électronique [44]. Vladimir Poutine a signé la loi le 14 avril 2023 . La décision du comité de sélection ne sera plus automatiquement suspendue en cas d’appel. Les appelés ne pourront plus quitter le pays. S’ils n’obéissent pas à la convocation dans un délai de vingt jours, certains de leurs droits seront suspendus comme ceux de conduire, de fonder une entreprise, d’acheter ou de vendre des biens immobiliers ou de solliciter un prêt [45]. Ces mesures auront des effets sur les milliers d’hommes qui ont fui à l’étranger après le début de la guerre. Ceux qui recevront une convocation, parfois sans même le savoir, seront privés de la possibilité de gérer leurs biens en Russie. « C’est une nouvelle version du servage. Interdit de quitter le domaine du maître, de disposer de ses biens… Autorisation uniquement de mourir pour Poutine. », commente le journaliste en exil Andreï Zakharov. L’écrivain Dmitri Gloukhoski renchérit : « Cette loi offre le droit à l’État de condamner à mort n’importe qui au moyen d’un simple courriel [46]. »
Les données personnelles des conscrits, y compris les pièces d’identité, les numéros de contribuable, les détails du permis de conduire, les numéros de téléphone et d’autres informations, seront transférées aux bureaux d’enrôlement militaire. Les universités, les employeurs, les hôpitaux et les cliniques, les ministères, les forces de l’ordre, la commission électorale et l’administration fiscale sont également tenus de transmettre des données à l’armée [47].
Un avocat de la « Coalition des défenseurs russes des droits de l’homme » rappelle que les droits « devront être défendus par tous moyens légaux possibles et à l’aide d’une résistance non violente à l’arbitraire [48] ». Il précise : « Même en vertu de la nouvelle loi, si vous recevez un refus à une demande de service civil alternatif, vous pourrez faire appel de la décision du bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire et ne serez pas appelé au service militaire jusqu’à ce que la décision du tribunal entre en vigueur. […] Si vous ne vous sentez pas la force de vous battre pour vos droits au bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire, il ne vous reste plus qu’à partir ou à entrer dans la clandestinité, sachant que des restrictions seront imposées au départ, à l’enregistrement des biens immobiliers, etc. »
Ilia Krasilshchik a fondé le site Web Helpdesk, qui offre des conseils et une assistance aux hommes russes qui tentent d’éviter d’être envoyés combattre en Ukraine. Il estime que le site des services de l’État est conçu pour fournir à la Russie de la chair à canon aux armes ukrainiennes [49].
L’organisation Pervy Otdel propose aussi une aide juridique depuis la Géorgie pour ceux qui envisagent d’éviter de combattre. Comme ce jeune-homme qui hésite à partir à l’étranger mais affirme « Je préfère aller en prison qu’au front [50]. »
Incendiaires
Le tribunal militaire du district central d’Ekaterinbourg a condamné deux rockers, Roman Nasryev et Aleksey Nuriev, à 19 ans de prison pour avoir incendié un bâtiment administratif, qui abritait un bureau d’enregistrement militaire. Seul le linoléum a pris feu, l’incendie a été éteint sans difficulté par une gardienne. Nasryev a déclaré : « Je voulais juste montrer que dans notre ville il y a un désaccord avec la mobilisation et l’"opération militaire spéciale" [51]. » Les condamnés doivent passer les quatre premières années en prison, et la suite dans une colonie à régime strict [52].
Selon Mediazona, au 1er avril 2023, au moins 94 attaques de bâtiments administratifs, des services de police, et du FSB avaient été enregistrées. Dans 70 cas, les cibles d’incendies criminels étaient des bureaux d’enrôlement militaire et des centres de recrutement. Une page de Wikipédia en russe est consacrée à ce sujet [53].
Kirill Butylin, récemment condamné à treize ans de prison pour des cocktails Molotov, a révélé que des forces de sécurité ont tenté de l’obliger à dire « Poutine est beau » devant une caméra. Sur son refus, il a été menacé de « pourrir pendant 15 ans seul avec des pédophiles [54]. »
Masha Moskaleva et Alexey Moskalev
Le Congrès des initiatives anti-guerre, qui s’est tenu à Berlin les 3 et 4 décembre 2022, a été le premier grand rassemblement d’activistes anti-guerre et humanitaires. Les participants au Congrès venaient de près de trente pays de l’UE, du Caucase du Sud, d’Australie, du Royaume-Uni et des États-Unis. Les militants sont convenus de former une plate-forme commune, ou un réseau, pour travailler ensemble pour arrêter la guerre de la Russie contre l’Ukraine, aider les victimes de la guerre et faire face aux autres conséquences du régime de Poutine [55].
Le Congrès a demandé aux autorités européennes d’empêcher l’extradition d’Alexey Moskalev de Biélorussie vers la Russie [56]. Poursuivi à la suite d’un dessin de Masha, sa fille adolescente, Alexey Moskalev a fui son assignation à résidence et s’est rendu en Biélorussie. Le tribunal russe l’a condamné. Arrêté en Biélorussie il a été extradé en Russie [57]. Le département de l’information et des relations publiques du ministère biélorusse de l’Intérieur a déclaré que selon Dmitri Peskov, attaché de presse de Poutine, il ne s’agit pas d’une affaire pénale pour discrédit de l’armée, mais de « l’état déplorable de devoirs parentaux » [58].
Le 15 avril 2023, lors d’un concert à Moscou, le soliste du groupe Naiv, Alexander « Chacha » Ivanov, est monté sur scène vêtu d’un T-shirt « Маша Москалева » (Masha Moskaleva) [59]. Il a parlé aux téléspectateurs de la persécution de la famille. La salle a applaudi et scandé « Fuck the war ! ».
Au début du mois, Naiv a été accusé de « sabotage idéologique » et Alexander Ivanov de soutien ouvert à l’Ukraine et d’opposition à la Russie. Les concerts de Naiv ont été annulés dans plusieurs villes [60].
Daria Serenko
Daria Serenko a fondé le mouvement antiguerre le plus important de Russie, Résistance féministe antiguerre, qui compte 40 000 abonnés sur sa chaîne Telegram. Elle s’est exilée en Géorgie en mars 2022.
Elle explique sur France Info « L’histoire nous a démontré qu’en cas de conflit, les femmes des mouvements antiguerre ont toujours joué un rôle important.
Ce sont précisément des femmes, parmi lesquelles nos activistes en Russie, qui écrivent des plaintes, qui permettent que certaines affaires soient rendues publiques et qui parfois cachent des gars de 17 ou 18 ans, et les aident à quitter le pays.
Nous avons sauvé plusieurs personnes du suicide, et beaucoup nous écrivent, pour nous dire que ce nous faisons leur donne la force de vivre, et de croire que ce qui se passe en ce moment aura une fin, c’est important.
Notre mission de mouvement antiguerre est d’épuiser les ressources de notre pays, pour que Poutine ait moins de ressources en hommes sous la main, moins d’argent, de moyens. »
La Russie la considère comme « agent de l’étranger ». Son portrait a été affiché dans son ancien hall d’immeuble à Moscou avec la mention « ennemie du peuple ».
« Qu’est-ce qu’ils peuvent faire ? Je ne suis pas une personnalité suffisamment importante pour qu’ils m’empoisonnent au Novitchok ! Ce que je crains, c’est qu’ils s’attaquent à nos proches qui sont restés en Russie. Ça, j’y pense tous les jours [61]. »
Défenseuse des droits de l’enfant et criminelle de guerre
Maria Moskalyova est l’écolière russe qui a fait un dessin anti-guerre et dont le père, qui l’élevait seul, a été condamné à deux ans derrière les barreaux pour avoir discrédité l’armée russe. Elle a été libérée de son orphelinat et a retrouvé sa mère, avec qui elle n’a pas vécu depuis sept ans, a annoncé la commissaire russe aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova [62]. Cette dernière confond les droits de l’enfant et les droits que s’arroge la Russie sur les enfants. C’est pourquoi pèsent sur elle les mêmes soupçons que ceux sur Vladimir Poutine qui, selon la Cour pénale internationale, « serait responsable du crime de guerre de déportation illégale de population (d’enfants) et de transfert illégal de population (d’enfants) des zones occupées d’Ukraine vers la Fédération de Russie [63]. »
Vladimir Kara-Mourza
Le procès de Vladimir Kara-Mourza est en cours et risque de se terminer par un verdict de vingt-cinq ans de prison pour avoir critiqué la guerre en Ukraine. L’opposant à Poutine a défendu la loi américaine de 2012, dite « Magnitski », qui prévoyait au départ des sanctions financières et des interdictions de visa contre les Russes impliqués dans la mort en prison du juriste Sergueï Magnitski, et qui a été élargie à tous les suspects de violation des droits de l’homme. Zoïa Svetova commente : « Grâce à ses nombreux articles dans la presse occidentale, ses interventions dans des conférences internationales, il a su convaincre de l’utilité des sanctions contre les hauts fonctionnaires, juges, procureurs, et directeurs de prisons russes… Ce texte a inspiré d’autres législations similaires dans 36 pays, et est progressivement devenu une sorte de loi mondiale. » Hélas, Kara-Mourza vit derrière les barreaux d’une prison dont le nouveau directeur, Dmitri Komnov, est visé par cette loi. En 2009, il dirigeait le centre pénitentiaire Boutyrka dans lequel est mort Sergueï Magnitski, et, considéré comme responsable indirect de ce décès, il avait été démis de ses fonctions. L’un des trois magistrats chargés de son dossier, Sergueï Podoprigorov, est lui aussi visé par la loi Magnitski : il avait prolongé l’arrestation du juriste en 2009 [64].
Crimée
Novaya Gazeta publie un article sur la mobilisation russe en Ukraine [65].
L’ajournement de la mobilisation des pères de trois enfants est publié par l’état-major général. Mais une députée de la chambre basse du Parlement russe a déclaré que ce n’est qu’une recommandation.
Le militant des droits humains Abdureshit Jepparov raconte les réactions à la mobilisation de septembre 2022 : « Ils sont partis paniqués, même ceux qui n’étaient pas menacés par la conscription : des diabétiques, des pères de famille nombreuses : certains avaient quatre ou cinq enfants… Des familles entières ont fui. Principalement en Géorgie et au Kazakhstan. »
Les Tatars de Crimée se souviennent encore des décisions d’expulsion de Joseph Staline en 1944 lorsque tout le groupe ethnique a été déplacé de force de la péninsule vers l’Asie centrale, la Sibérie et l’Oural.
Un avocat, Emil Kurbedinov, se souvient : « Il y a beaucoup de Tatars de Crimée dans la région où je vis. C’est un quartier très vivant. Mais quand la mobilisation a commencé, c’est devenu un terrain vague : les magasins étaient fermés, on ne voyait plus d’hommes. Quand j’ai emmené mon fils à l’école, les enfants qui venaient avec leur père sont ensuite venus avec leur mère. Certains sont partis, d’autres se sont simplement terrés chez eux. »
Kuberdinov et ses collègues ont été confrontés à une tempête d’appels d’hommes désespérés voulant éviter d’aller à la guerre. « Sur dix hommes, neuf étaient probablement des Tatars de Crimée. […] Nous leur avons expliqué les fondements juridiques et ce qu’ils devaient faire conformément à la lettre de la loi. En fait, de nombreuses personnes qui nous ont appelés ont déclaré aux bureaux de conscription qu’elles étaient toujours des citoyennes ukrainiennes et qu’elles n’avaient jamais renoncé à ce passeport. Par conséquent, légalement, ils ne pouvaient pas aller à la guerre. Bien sûr, il y avait ceux qui ont dit qu’ils ne pouvaient pas se battre ou détenir des armes, en raison de leurs croyances religieuses. Certains avaient tout pour plaire : citoyenneté, croyances religieuses et raisons de conscience. [La mère d’un soldat sur le front] est venue nous voir, nous avons envoyé énormément de plaintes et il a été renvoyé à Sébastopol. Ainsi, tous ceux qui nous ont appelés n’ont pas été enrôlés. »
Un exilé raconte son passage à la frontière : « Ils ont juste regardé mon passeport pendant une minute et m’ont demandé dans quel but j’allais au Kazakhstan. J’ai dit : "Je suis un homme d’affaires et j’ai besoin d’une carte bancaire étrangère". Et ils ont tamponné mon passeport ; j’étais libre de partir. Les gardes-frontières du côté kazakh ont été très compréhensifs : "On va laisser passer tout le monde, ne vous inquiétez pas". » « Je n’ai même pas servi dans l’armée et ils étaient prêts à m’emmener. Qu’aurais-je fait là-bas ? Je me serais probablement suicidé. Les Ukrainiens ne m’ont rien fait, pourquoi leur tirerais-je dessus ? »
De nombreux Tatars de Crimée ont été mobilisés. Mais personne ne les a glorifiés de ce qu’ils ont fait. Même leurs familles en parlent à contrecœur, à voix basse. « Ils les enterrent discrètement. D’habitude, il y a beaucoup de monde aux funérailles des Tatars de Crimée, mais seuls les proches parents viennent voir les militaires décédés en Ukraine. Les familles elles-mêmes n’appellent personne… »
Un Ukrainien de Crimée raconte qu’il s’est caché quand il a été mobilisé mais qu’à présent il mène une vie normale.
La Russie mène une offensive contre la culture ukrainienne, notamment l’enseignement en ukrainien. Un studio de théâtre pour enfants a été fermé. Il est accusé de « propagande de valeurs occidentales étrangères » à cause d’une pièce. Une des filles y a joué avec une couronne sur la tête, que les autorités ont vue comme une référence à la Statue de la Liberté. Harcelés, les militants d’un centre culturel ont été contraints de quitter la région.
Les sciences victimes de la guerre
Le professeur de l’Université de Caroline du Nord et membre correspondant de l’Académie des sciences de Russie, Alexander Kabanov, décrit les dégâts causés sur la science des pays belligérants [66].
Russie
Les scientifiques russes sont pratiquement exclus du processus scientifique international : réduction des contacts scientifiques et de l’accès aux conférences scientifiques internationales et aux publications de référence ; la participation de scientifiques des États-Unis, d’Europe et du Japon aux conférences russes est réduite au minimum. Les spécialistes occidentaux quittent les universités russes.
La plupart des revues scientifiques et des grandes maisons d’édition, condamnent catégoriquement l’agression russe. Mais elles adhèrent aux principes du Comité d’éthique de la publication (COPE), qui interdit la discrimination des auteurs pour des motifs nationaux, ethniques, politiques ou religieux. Cette position reste inchangée, bien que les mêmes éditeurs aient cessé de distribuer leurs produits et services en Russie.
Les logiciels, les bases de données, les réactifs, les consommables, les instruments scientifiques, la maintenance, les pièces de rechange et d’autres infrastructures critiques manquent aux scientifiques russes et menacent de ralentir et de retarder la recherche dans la plupart des domaines.
Après le début de l’invasion en Russie, la politisation, l’idéologisation et la militarisation de la vie publique et scientifique se sont fortement intensifiées. De nombreux sujets importants sont tabous. L’expression d’opinions contraires à la ligne officielle est criminalisée. Dans le même temps, la ligne officielle elle-même n’est pas clairement formulée et est mouvante. Dans ces conditions, les sciences sociales ont été détruites. « La machine de propagande est profondément anti-scientifique. »
Le départ de milliers de jeunes scientifiques du pays après le début de la guerre et surtout après l’annonce de la « mobilisation partielle » provoque un impact négatif.
Alexander Kabanov poursuit : « Les partisans du boycott disent que les scientifiques russes "travaillent pour la guerre". Ce n’est pas le cas : la plupart des domaines et travaux scientifiques n’ont rien à voir avec l’armée. De plus, les chercheurs impliqués dans les "technologies duales" ne publient généralement pas d’articles dans des revues internationales, notamment en raison des actions des forces de sécurité russes, qui, bien avant l’invasion, ont commencé à persécuter les scientifiques pour avoir divulgué des informations prétendument secrètes dans des conférences et des correspondances scientifiques.
C’est une ironie amère que les scientifiques soient peut-être la partie la plus anti-Poutine et anti-guerre de la société russe. Même avant le début de l’invasion, des milliers de scientifiques russes se sont opposés au glissement de la Russie [67] et de la Biélorussie [68] vers le totalitarisme. »
Des scientifiques ont protesté contre « l’empoisonnement et l’arrestation en Russie du politicien d’opposition Alexei Navalny, les mauvais traitements infligés aux manifestants pacifiques et la persécution politique de la dissidence, ainsi que la tendance de la Russie à l’auto-isolement et à une confrontation accrue avec d’autres pays [69] ».
Dans les jours qui ont suivi le début de la guerre, des dizaines de milliers de scientifiques russes ont signé des lettres de protestation. « Nous, scientifiques et journalistes scientifiques russes, déclarons une forte protestation contre les hostilités lancées par les forces armées de notre pays sur le territoire de l’Ukraine. Cette étape fatale entraîne d’énormes pertes humaines et sape les fondements du système établi de sécurité internationale. La responsabilité de déclencher une nouvelle guerre en Europe incombe entièrement à la Russie [70]. »
La Maison blanche accorde un soutien théorique aux « scientifiques russes qui décident de quitter la Russie et/ou de rester aux États-Unis en raison de leurs convictions ». Dans la pratique, bien des visas sont refusés.
Ukraine
Parmi les milliers de civils ukrainiens tués à la suite d’attaques à la roquette et d’hostilités figurent l’économiste Oleg Amosov, la mathématicienne Yulia Zhdanovskaya, le physicien Vasyl Kladko, les chimistes Andrei Kravchenko et Alexander Korsun. L’historien Oleg Andreitsev, l’archéologue Yuri Kovalenko, le chimiste Andrei Kravchenko, le biophysicien Vladimir Fedorov, le biologiste Bizhan Sharopov sont morts au front. La liste complète des scientifiques et étudiants ukrainiens décédés est beaucoup plus longue. Il faut y ajouter les nombreux scientifiques et étudiants déplacés dans le pays.
On dénombre, en avril 2023, plus de soixante universités ukrainiennes bombardées, dont neuf complètement détruites. Les manques d’approvisionnement, les pannes électriques, les contacts difficiles entre chercheurs perturbent gravement les travaux. « Si la catastrophe de la science russe est quelque peu reportée, on peut dire que celle de l’Ukraine a été abattue à bout portant. » Dans le même temps, malgré les énormes difficultés et les épreuves quotidiennes, les enseignants ukrainiens continuent d’enseigner à distance, souvent dispersés à travers l’Ukraine et le reste du monde.
En mars 2022, plus d’une centaine de scientifiques russophones bien connus - immigrants de Russie, d’Ukraine et de Biélorussie - représentant différents domaines scientifiques, générations et périodes d’émigration, ont publié une déclaration sur la nécessité d’aider les chercheurs et les étudiants touchés par la guerre. Dans cette déclaration, il s’agissait d’aider à la fois les Ukrainiens qui ont quitté le pays en raison de l’agression extérieure, et les Russes et les Biélorusses qui se sont retrouvés en exil.
Depuis septembre 2022, les étudiants ne peuvent plus rejoindre les universités étrangères. Sachant qu’ils ne pourront plus repartir, ceux qui sont à l’étranger ne rentrent pas. Le mouvement Students UA affirme « Nous voulons suivre la voie européenne, aspirer à l’État de droit, à l’égalité entre les citoyens, au respect des lois et de la Constitution ukrainienne, au respect des droits humains fondamentaux tels qu’ils sont définis dans les conventions internationales, alors les étudiants doivent avoir le droit à l’éducation même en temps de guerre, et l’interdiction [de franchissement des frontières] est un exemple de mépris de ces droits. » Le Centre pour les libertés civiles, titulaire du prix Nobel de la paix 2022, soutient les étudiants [71].
Recrutement en Ukraine
Adoptée en janvier 2023, une loi ukrainienne aggrave les sanctions contre les déserteurs. Le 9 février 2023, Volodymyr Zelensky admettait, à Bruxelles, que l’Ukraine ne peut pas, comme la Russie, « conduire les gens à la guerre avec des matraques ». Le même jour, le Parlement ukrainien a prolongé de quatre-vingt-dix jours la loi martiale instaurée le 24 février 2022. Cette loi interdit aux hommes de dix-huit à soixante ans de quitter le pays. Depuis les quelques exceptions professionnelles, notamment culturelles, se sont raréfiées. Pour éviter les fraudes, les étudiants ne peuvent plus rejoindre les universités étrangères. Franchir les frontières avec des passeurs coûte 7 000 dollars. Une dizaine de réfractaires se seraient noyés dans une rivière frontalière de la Roumanie.
L’agence Reuters parle d’« une campagne de recrutement agressive sur les réseaux sociaux et les panneaux d’affichage dans le but d’attirer des bénévoles très motivés ». Au total 40 000 personnes constitueraient, sous la supervision du ministère de l’Intérieur, de nouvelles brigades d’assaut combattant aux côtés de l’armée régulière. Le ministre de l’Intérieur a déclaré que 2,5 % des brigades étaient composées de combattantes. « Nos femmes sont assez patriotes, fortes et elles détestent l’ennemi pas moins que les hommes, elles veulent servir [72]. »
La propagande est moins efficace qu’au début de l’invasion. Les nouveaux critères médicaux permettent des enrôlements plus nombreux. Le service de sécurité ukrainien (SBU) a fermé plusieurs chaînes Telegram qui rassemblent parfois plus de 100 000 personnes et qui mettent en garde contre des recruteurs dans les rues et les gares.
Le gouvernement garde secret le nombre de soldats tués, blessés ou capturés. Ils sont estimés à 100 000. Un soldat, blessé en juin 2022, témoigne en raisonnant comme un joueur compulsif qui a déjà trop misé : « Beaucoup de gens meurent. Mais le prix que nous avons payé est tellement énorme que nous ne nous arrêterons certainement pas pour d’autres milliers de personnes [73]. »
« La répression s’alourdit »
Le politologue russe Kirill Rogov s’est exilé en Autriche depuis l’invasion de l’Ukraine. Dans un entretien accordé au journal Le Monde [74], il déplore l’alourdissement de la répression en Russie. De 2018 à 2023, les arrestations annuelles pour motifs politiques sont passées de cent à quatre cents et les condamnations de deux ou trois années d’emprisonnement à six ou huit. Les réseaux de défense des droits humains et la presse sont muselés et peinent à faire écho à cette répression.
Autre changement important : le départ de 500 000 à 700 000 Russes, jeunes pour la plupart, parmi les plus éduqués, les plus actifs dans la société et les plus présents dans la sphère sociale.
La pianiste Polina Osetinskaya s’est ouvertement prononcée contre la guerre. Depuis lors, ses performances ont été annulées à plusieurs reprises, notamment le 5 avril 2023 à Perm. Le 31 mars, pour une prétendue alerte à la bombe, la police a fait évacuer une salle moscovite où elle se produisait [75].
Un tribunal a infligé une amende de 50 000 roubles à l’acteur Dmitri Nazarov qui a posté sur ses réseaux sociaux des vidéos dans lesquelles il récite des poèmes anti-guerre, parfois avec sa femme, Olga Vasilyeva [76].
Mandat d’arrêt contre Poutine
Le 17 mars 2023, la Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt contre le président russe. Le journal Süddeutsche Zeitung de Munich commente : « Si les procureurs avaient entrepris […] de moins prêter l’oreille aux objections des diplomates occidentaux et surtout aux prétendus tenants de la realpolitik […], peut-être auraient-ils pu émettre il y a longtemps un mandat d’arrêt contre l’homme du Kremlin. […] Il n’y avait qu’un obstacle : jusqu’à récemment encore, les dirigeants occidentaux, dont le gouvernement allemand, affirmaient que l’on avait toujours besoin du maître du Kremlin en tant que partenaire pour rétablir la paix. […]
Peu importe qu’il s’agisse de crimes de guerre commis [par les États-Unis ou les Britanniques], les gouvernements occidentaux, y compris celui de Berlin, n’ont jamais cessé de faire pression pour empêcher que des plaintes soient déposées [77]. […] »
Monténégro
Depuis l’invasion de l’Ukraine, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur monténégrin, plus de 200 000 Russes sont entrés au Monténégro, ce pays de 620 000 habitants. Comme les Biélorusses, ils peuvent arriver en avion, sans visa, en passant par la Turquie. 20 000 d’entre eux ont obtenu un permis de résident. Des écoles privées ont ouvert afin de scolariser leurs enfants.
Selon des données de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, les réfugiés ukrainiens, uniquement, représenteraient près de 5 % de la population du pays [78].
Lituanie
Le 4 avril 2023, les députés lituaniens ont voté à une large majorité des sanctions limitant le droit des citoyens russes à demander la nationalité lituanienne et à acheter des biens immobiliers. Les demandes de visa et de permis de séjour sont suspendues pour les Russes et les Biélorusses. L’opposition biélorusse, exilée après la réélection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko, en août 2020, et la répression féroce qui a suivi, est opposée à la guerre. Elle a protesté contre les mesures qui la menaçaient et a obtenu leur atténuation.
En 2021, trente-quatre Biélorusses et autant de Russes ont obtenu la nationalité lituanienne. En 2022, ces nombres sont tombés respectivement à six et dix-sept. La nouvelle mesure est donc essentiellement symbolique [79].
Russie
Une armée stalinienne
Le site d’opposition Meduza analyse une note de service distribuée à l’automne 2022 aux soldats russes se rendant en Ukraine. Il met en parallèle des citations de ce document avec celles de Staline, en 1942, pendant la Seconde guerre mondiale.
Sur l’avancée de l’ennemi
Mémo : « Les bataillons nationalistes sont pressés et se précipitent vers Lougansk, malgré les lourdes pertes. »
Ordre de Staline : « Les envahisseurs allemands se précipitent vers Stalingrad » et jettent « toute nouvelle force au front, quelles que soient les lourdes pertes. »
À propos de votre retraite
Mémo : « Les habitants de la Russie, du Donbass et de nombreuses régions frontalières de l’Ukraine traitent l’armée russe avec amour et respect. Cependant, la reddition honteuse par nos unités des territoires précédemment libérés, ainsi que le fait de laisser à la merci du destin les personnes qui nous ont confié leur vie, sape leur foi en nous et en notre victoire. »
Ordre de Staline : « La population de notre pays, avec amour et respect pour l’Armée rouge, commence à en être désillusionnée, perd confiance en l’Armée rouge et beaucoup d’entre eux maudissent l’Armée rouge parce qu’elle place notre peuple sous le joug de oppresseurs allemands, et se dirige vers l’est. »
À propos des « alarmistes » et des « lâches »
Mémo : « Chacun de nous doit réprimer résolument toute manifestation de lâcheté et de panique. »
Ordre de Staline : « Les alarmistes et les lâches doivent être exterminés sur place. »
Mémo : « Pas un pas en arrière ! Cela devrait être notre principal appel maintenant. »
Ordre de Staline : « Pas un pas en arrière, camarades ! »
La note rappelle aux soldats le durcissement de la législation et énumère des peines jusqu’à quinze ans de prison menaçant les insoumis, les déserteurs et ceux qui se rendent. Ce durcissement a été décidé par la « direction militaro-politique du pays » « afin d’augmenter le niveau de discipline militaire » et de « renforcer l’unité de commandement dans l’armée russe » [80].
Amendes
Le 30 mars 2023, un habitant de Mourmansk a été condamné à une amende de 250 000 roubles en raison d’un appel à attaquer les bureaux d’enregistrement et d’enrôlement militaires.
Wikipédia a été condamné à une amende de deux millions de roubles (environ 25 000 euros) pour avoir refusé de supprimer des informations sur la guerre en Ukraine. L’encyclopédie en ligne a déjà subi plusieurs amendes [81]. Moins d’un mois après le début de l’invasion ukrainienne, de nombreux Russes ont téléchargé l’intégralité de l’encyclopédie collaborative afin de procéder à des archivages massifs [82]. La plateforme a affirmé avoir découvert des tentatives de manipulation au profit du Kremlin sur plusieurs de ses pages, dans d’autres langues que le russe [83].
Des nouilles sur les oreilles
En russe, l’expression « N’accroche pas de nouilles à mes oreilles » signifie « Ne me mens pas ». Mikhail Abdalkin, un député du Parti communiste, a été condamné à une amende de 150 000 roubles pour avoir écouté le discours de Vladimir Poutine à l’Assemblée fédérale avec des nouilles sur les oreilles [84]. Cette défiance est minoritaire dans le parti. Plusieurs semaines avant l’invasion de 2022, onze députés communistes ont proposé une résolution demandant de reconnaître l’indépendance des « républiques populaires » de l’est de l’Ukraine et de mettre fin au « génocide ». La majorité absolue de la Douma a voté cette résolution un mois plus tard. Pourtant trois députés communistes ont dénoncé ensuite l’invasion. Oleg Soline a déclaré : « La force militaire ne devrait être utilisée en politique qu’en dernier recours. […] J’ai de la peine pour toutes ces vies humaines, celles des nôtres et les autres. ». Plusieurs élus locaux du parti ont pris aussi position contre la guerre. Evgueni Stoupine a fondé une coalition antiguerre de gauche avec des formations politiques extraparlementaires [85]. Nina Beliaeva est exclue du Parti communiste de la Fédération de Russie. Élue d’un conseil de district, elle y a dénoncé les « crimes de guerre » russes [86].
Le campisme est la notion qui réduit toute position politique à l’appartenance à un camp. Selon le principe « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis. », la lutte contre l’impérialisme de l’Otan implique, au minimum, la tolérance à la politique de Vladimir Poutine [87]. Cette conception est vivement dénoncée par la gauche ukrainienne [88]. Olivier Mateu, numéro un de la fédération CGT des Bouches-du-Rhône, illustre parfaitement le campisme en affirmant « On n’a pas à choisir entre un impérialisme et un autre. Ce sont deux capitalismes qui s’affrontent. […] On ne choisit pas entre Zelensky et Poutine. »
Deux députés du Parti communiste français ont été les seuls à voter, le 28 mars 2023, contre la reconnaissance du génocide des famines en Ukraine, dans les années 1930, l’Holodomor. Jean-Paul Lecoq a demandé « De grâce, ne faites pas de nous, communistes français, des descendants du criminel Staline : nous ne l’acceptons pas ! » Il a estimé que « L’interprétation selon laquelle la grande famine en Ukraine aurait été organisée par Staline afin de punir les paysans de leur nationalisme est désormais marginale. ». Les députés de la France insoumise se sont abstenus [89].
Argentine
De nombreux russes exilés profitent des visas qui leur sont facilement accordés pour se rendre en Argentine. Parmi eux, des femmes accouchent pour que leurs enfants bénéficient de la nationalité argentine qui permet aux parents de l’obtenir à leur tour. Les voyages, les formalités et l’accueil sont pris en charge par des réseaux commerciaux, voire mafieux. En 2022, la plupart des demandes des Russes pour prolonger le séjour touristique dans le pays a été accordée.
La responsable argentine de la migration a annoncé que plus de 10 000 femmes russes enceintes sont arrivées en Argentine au cours de l’année écoulée, dont 7 000 ont déjà quitté le pays. Le pouvoir judiciaire argentin a lancé des contrôles sur les consultants offrant une assistance pour l’obtention de la citoyenneté et de la résidence argentines [90].
Le Service des migrations de l’Argentine a commencé à suspendre le permis de séjour des Russes qui l’ont reçu par la naissance d’un enfant, mais ne sont pas restés dans le pays. Cela s’est produit après que six femmes russes en fin de grossesse se sont vu refuser l’entrée en Argentine pour avoir faussement annoncé qu’elles venaient en touristes. Elles ont été autorisées à quitter l’aéroport pour des raisons humanitaires h [91].
Crimes de guerre ukrainiens et russes
Dans un rapport publié le 24 mars 2023, la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations unies a affirmé que des membres des forces armées ukrainiennes avaient soumis des prisonniers de guerre russes à des menaces de mort, à des simulacres d’exécution ou à des menaces de violence sexuelle. « Dans certains cas, des officiers ont battu des prisonniers de guerre en disant “C’est pour Boutcha”. », a indiqué la mission. Un prisonnier russe cité dans le rapport dit avoir été torturé à l’électricité.
L’ONU a documenté des exécutions de Russes par les forces armées ukrainiennes, « souvent » perpétrées « immédiatement après la capture sur le champ de bataille ». L’ONU est au courant de cinq enquêtes menées par Kiev et qui impliquent 22 victimes, mais n’a « connaissance d’aucune poursuite à l’encontre des auteurs » de ces crimes. En novembre 2022, le Kremlin s’est indigné de deux vidéos montrant l’exécution présumée d’une dizaine de militaires russes qui venaient de se rendre aux forces ukrainiennes.
Le rapport dénonce aussi les mauvais traitements infligés aux prisonniers ukrainiens par les forces russes, dont le refus de soins médicaux ayant parfois entraîné la mort, les violences sexuelles, le refus d’accès à l’eau et à la nourriture. Certains ont déclaré avoir été torturés et maltraités pour obtenir des informations ou à titre de punition. Ils ont dit avoir été battus avec des pelles, poignardés, soumis à des décharges électriques et étranglés. « Certains d’entre eux ont perdu des dents ou des doigts, se sont fait casser des côtes, des doigts ou le nez », indique le rapport.
Quinze prisonniers de guerre ukrainiens ont été exécutés par les forces armées russes. Onze d’entre eux l’ont été par le groupe paramilitaire Wagner [92].
« À l’heure actuelle, plus de 5 000 personnes ont été libérées à la suite d’une grâce après la fin de leur contrat avec Wagner », a annoncé Evgueni Prigojine sur Telegram [93].
Maksym Butkevitch, Vladislav Chel et Viktor Prokhozei
Le 10 mars 2023, la cour suprême de la prétendue République populaire de Louhansk a condamné Maksym Butkevitch, Vladislav Chel et Viktor Prokhozei respectivement à 13, 18 et 8 ans et demi de prison pour crimes de guerre. C’est une des premières affaires jugées selon la législation russe dans cette région ukrainienne occupée. Amnesty international dénonce un procès inéquitable. Maksym Butkevitch était accusé d’avoir tiré avec un lance-roquettes sur des civils dans une ville où son unité n’a jamais été déployée. Les syndicats CFDT, CGT, FSU, UNSA et Solidaires [94] et de nombreuses autres organisations participent à la solidarité internationale avec lui. Un ensemble d’organisations écrit : « Ces vingt dernières années, Maksym Butkevych a été l’un des plus actifs défenseurs des droits humains, des principes démocratiques et de la tolérance en Ukraine, combattant contre toute forme de discriminations. Il est le cofondateur et coordinateur du “No Border Project” qui a pour objectif d’aider les demandeur·e·s d’asile de tous pays et les déplacé·e·s internes en Ukraine [95]. »
Cancel culture
La culture de l’effacement n’est pas nouvelle. Lors de la réunification allemande, le chancelier Helmut Kohl est intervenu pour faire débaptiser la rue de Berlin-Est qui honorait la révolutionnaire, féministe et pacifiste Clara Zetkin, amie de Rosa Luxembourg et « la sorcière la plus dangereuse du Reich allemand », selon l’empereur Guillaume II [96]. Comme le rappelle l’historienne Sonia Combe, « Changer le nom des lieux n’est pas anodin [97]. »
Détail d’un vase à l’Hôtel de ville de Lyon (photo Guy Dechesne)
En 2016, le conseil municipal de Kiev a rebaptisé l’avenue de Moscou en avenue Stepan Bandera. Celui-ci était un collaborateur ukrainien des nazis et de l’extermination de centaines de milliers de juifs et de dizaines de milliers de Polonais. Il est, pour une bonne part des Ukrainiens, le symbole de l’opposition à la Russie et, pour le pouvoir russe, celui du nazisme ukrainien. De ce fait, il redevient très populaire en Ukraine [98]. Sans disculper Bandera, il faut rappeler que la Grande Guerre patriotique, célébrée par Poutine, commence en juin 1941, et ignore donc le pacte germano-soviétique, le partage de la Pologne, l’agression de la Finlande et l’occupation des pays baltes et d’autres territoires [99].
Le nom d’une avenue de Kiev a été fraîchement attribué à Roman Choukhevytch, un nationaliste ukrainien, membre de la Wehrmacht. À proximité, 34 000 juifs furent assassinés au ravin de Babi Yar.
Vidéos
Des soldats russes mobilisés pour combattre en Ukraine ont été transformés contre leur gré en troupes d’assaut sur la ligne de front, sous le commandement de la République populaire de Donetsk. Le 7 mars 2023, certains d’entre eux, cagoulés, ont menacé par vidéo de se rebeller et de retourner leurs armes contre leurs commandants. Ils estiment qu’il n’y a pas de stratégie sur le champ de bataille. Ils veulent servir « avec dignité, et non comme de la viande ». Le lendemain, dans une deuxième vidéo, un soldat défie le commandant de l’unité qui ordonne d’attaquer une position ukrainienne fortifiée : « Personne n’ira dans cette galère. Vous pouvez tous nous emprisonner ! C’est combien d’années, 5, 7, 10 ? On s’en fiche ! Si quelqu’un essaie de nous piéger et prétend que nous n’allons pas là-bas et qu’il nous jette ensuite sur la ligne de front, ce sera la pagaille, on ne leur pardonnera pas, nous nous battrons contre eux. » Le groupe entier confirme à l’unisson « Oui, oui ! Tout le monde ! ». Le chef apparent du groupe de soldats en colère a ensuite déclaré que le commandant n’avait qu’à mener la bataille lui-même puisque tous les autres étaient prêts à s’en aller. Le porte-parole des soldats reprend : « Nous sommes tellement en colère après la mort de nos amis, nous marcherons à pied, nous partirons en taxi. Combattez vous-même ! » Le sort final des soldats est toujours inconnu [100].
Une autre vidéo de soldats expérimentés, adressée à Vladimir Poutine, fait état de nombreux morts parmi eux. Les tranchées sont jonchées de cadavres. « Nous avons été menacés d’exécution si nous n’avancions pas. », se plaignent-ils. Ils sont contraints de payer pour se faire soigner à l’hôpital, sinon ils sont renvoyés au front [101].
Dmitry Glukhovsky
L’écrivain Dmitry Glukhovsky, accusé de « diffuser délibérément de fausses informations sur l’armée russe », est jugé par contumace par un tribunal moscovite.
Il écrivait dans Libération [102] : « Nous sommes tous souillés du sang des Ukrainiens, et de nos conscrits, envoyés faire des "exercices" en enfer. Ce n’est pas notre guerre, et nous devons nous en souvenir. Nous devons le dire. Nous ne devons pas les laisser parler en notre nom. »
Il a écrit au tribunal : « S’ils approuvent une loi qui m’oblige à tuer des innocents, mon devoir est d’enfreindre cette loi. S’ils approuvent une loi qui m’oblige à dissimuler les meurtres d’innocents, je dois également violer cette loi. S’ils approuvent une loi qui m’interdit de dire la vérité sur d’autres tuant des innocents, personne n’est obligé d’adhérer à cette loi.
Peu importe que les meurtriers soient les soldats de notre propre pays. Peu importe s’ils suivaient les ordres de leurs commandants […]. Un soldat qui tue un innocent est un criminel. Il est pire qu’un criminel ordinaire, car il y a derrière lui une énorme force organisée contre laquelle la victime ne peut pas se défendre.
Je suis convaincu que je dis la vérité en dénonçant les crimes de l’armée russe en Ukraine. Je suis convaincu que le ministère de la Défense et les dirigeants russes mentent […], essayant de justifier cette guerre terrible et insensée. Je suis convaincu que ce n’est pas moi qui commets le crime contre la Russie et son avenir - c’est eux.
Il y a des lois auxquelles personne ne doit jamais adhérer. Et je ne les respecterai pas non plus [103]. »
Elvira Vikhareva empoisonnée
Elvira Vikhareva diffuse pour 53 000 abonnés des vidéos sur YouTube où s’expriment exilés et dissidents russes. Au lendemain du déclenchement de la guerre en Ukraine, elle a choisi de rester en Russie. Elle n’apparaît plus à l’écran qu’en photo. Elle perd ses cheveux et ses cils, souffre de convulsions, ses ongles se déforment et ses mains tremblent. Il lui arrive aussi de s’évanouir. Elle a vraisemblablement été empoisonnée. On a retrouvé dans son sang des traces de dichromate de potassium, une substance toxique utilisée dans les encres, les colorants et à l’origine de cancers.
D’autres opposants ont subi des agressions similaires. Piotr Verzilov, un proche du groupe punk contestataire Pussy Riot, a temporairement perdu la vue et l’usage de la parole. L’opposant et ancien espion Alexander Litvinenko est mort après avoir bu, dans un hôtel londonien, un thé contenant du polonium 210 introduit par deux membres du FSB. Alexeï Navalny est emprisonné comme Vladimir Kara-Murza qui, à deux reprises, a plongé dans le coma pendant plusieurs semaines.
« Ne m’enterrez pas, mourir ne fait pas partie de mes plans, je suis sûre que ceux qui ont commis cet acte seront punis tôt ou tard. », écrit Elvira Vikhareva [104].
Tribunaux russes
La répression s’accentue encore contre les opposants russes à la guerre.
Plusieurs personnes ont été condamnées jusqu’à sept ans de prison pour des messages sur les réseaux sociaux et/ou des tags. Des soldats accusés de désertion ont écopé de peines jusqu’à cinq ans et demi de prison. Un officier de l’administration pénitentiaire, parti au Kazakhstan par opposition à la guerre, a été extradé et condamné à six ans et demi de détention.
Daniil Frokline a été identifié par des médias russes en exil comme responsable d’exactions en Ukraine. Par téléphone, il a reconnu le meurtre de civils. Paradoxalement, c’est un tribunal russe qui l’a condamné à cinq ans et demi de prison avec sursis pour… « diffusion de fausses informations ».
Alexei Moskalev, dont la fille a dessiné un dessin anti-guerre à l’école, a été reconnu coupable d’avoir « discrédité » l’armée russe et a été condamné par contumace à deux ans dans une colonie pénitentiaire. La nuit précédente, il a arraché son bracelet électronique et a fui son domicile où il était assigné à résidence. Le ministère de l’intérieur biélorusse a annoncé l’avoir arrêté près de Minsk à la demande des autorités russes. Un tribunal doit statuer prochainement sur les droits parentaux à l’égard de la fille du fugitif [105]. Une pétition en ligne réclamant le retour de l’enfant chez son père a recueilli plus de 145 000 signatures [106].
Evguéni Prigojine, chef de la milice Wagner, a envoyé une lettre au procureur pour défendre le condamné. « Nous considérons que la peine prononcée contre Alexei Moskalev est injuste, d’autant plus que sa fille Masha sera forcée de grandir dans un orphelinat. Nous vous demandons de vérifier la légalité de ce verdict. »
Le courrier est cosigné par le chef de la Ligue des anciens combattants des conflits locaux et des guerres et il demande d’autoriser les avocats de cet organisme à intervenir dans cette affaire [107].
Vladimir Kara-Mourza
Vladimir Kara-Mourza est co-fondateur du Comité anti-guerre russe créé pour s’opposer à l’invasion de l’Ukraine. Il est vice-président de « Russie ouverte », une ONG fondée par l’homme d’affaires et ancien prisonnier politique Mikhail Khodorkovsky, qui fait la promotion de la société civile et de la démocratie en Russie [108]. Il fut un proche de l’opposant Boris Nemtsov assassiné par balles près du Kremlin en 2015.
En 2021, V. Kara-Mourza avait assuré ne pas avoir l’intention de quitter la Russie, malgré les risques. « Nous sommes des hommes politiques russes, notre place est en Russie », disait-il. Il estimait que « le plus grand cadeau » que les opposants à Vladimir Poutine pouvaient lui faire, c’était « d’abandonner et de fuir » [109].
Le 13 mars 2023, un tribunal de Moscou a commencé à le juger à huis clos. Il encourt jusqu’à 25 ans de prison. Dans une même affaire, il est visé par trois graves accusations : « haute trahison », diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe et travail illégal pour une organisation « indésirable ». En mars 2022, devant des députés américains de l’Arizona, il avait critiqué l’offensive russe en Ukraine. CNN a diffusé une interview où il condamne cette agression et affirme : « Je n’ai absolument aucun doute sur le fait que le régime de Poutine prendra fin à cause de cette guerre en Ukraine. » Il est en détention provisoire depuis avril 2022 [110].
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe lui a décerné en 2022 le Prix des droits de l’homme Václav-Havel. Le président du jury a déclaré : « Malgré les risques, Vladimir Kara-Murza a eu le courage de retourner dans son pays pour poursuivre son combat, alors même qu’il aurait eu la possibilité de rester en sécurité. [...] Il faut un courage incroyable dans la Russie d’aujourd’hui pour s’opposer au pouvoir en place. Aujourd’hui, M. Kara-Murza fait preuve de ce courage, depuis sa cellule de prison. » Son épouse a lu un message du prisonnier qui s’engage à ce qu’une « Russie pacifique, démocratique et sans Poutine » revienne un jour au Conseil de l’Europe [111].
Le 16 mars 2023, le prisonnier « n’a pas pu être transféré au tribunal du fait de la dégradation significative de son état de santé », a indiqué son avocat, Vadim Prokhorov. C’est la conséquence de deux empoisonnements, en 2015 et 2017, qu’il impute aux autorités russes.
Le même jour, un autre opposant, l’ex-maire d’Ekaterinbourg dans l’Oural, a été condamné à 14 jours de prison pour avoir diffusé, sur le réseau social russe VK, une vidéo portant le logo de la Fondation anti-corruption de l’opposant Alexeï Navalny, désignée organisation « extrémiste » et dissoute en 2021 [112]. Il faut pourtant se souvenir des propos tenus par Navalny, en octobre 2014, et contestés parmi ses partisans. Il a déclaré que la Crimée « a été capturée en violation flagrante de toutes les normes internationales. » Mais la Crimée « restera une partie de la Russie et ne fera plus jamais partie de l’Ukraine dans un avenir prévisible. » Il a précisé que s’il devenait président de la Fédération de Russie, il n’essaierait pas de rendre la péninsule à Kiev [113].
Wagner et Pouchkine
« Dossier. Center », un groupe d’enquêteurs financés par l’homme d’affaires et dissident russe Mikhaïl Khodorkovski a hacké et publié plus d’un million de documents internes des 400 sociétés, réelles ou fictives, du Groupe Wagner, démontrant qu’elles sont « organiquement liées ». Les candidats au groupe sont sévèrement filtrés. « Il s’agit d’éliminer tous les candidats ayant un faible pour l’opposition, tous ceux pouvant avoir des contacts avec les médias et les forces de l’ordre, les toxicomanes et les personnes endettées. », précise l’enquête [114].
Après dix ans à la tête du musée Pouchkine à Moscou, sa directrice a démissionné. La ministre de la Culture trouvait que ses expositions ne collaient pas avec les « valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes. » Dès sa nomination elle avait sorti des réserves les œuvres d’art pillées par l’armée russe en Allemagne après la guerre. Les musées nationaux sont mis au pas. D’anciens cadres des services de sécurité (FSB) y sont nommés comme directeurs adjoints. Ils suggèrent aux personnels de soutenir l’effort de guerre par des dons à l’armée [115].
Biélorussie
Le 12 mars 2023, un tribunal de Minsk a condamné à douze ans de prison deux dirigeantes du site d’information indépendant Tut.by. Selon l’ONG Viasna, la rédactrice en chef du site, Marina Zolotova, et sa directrice générale, Lioudmila Tchekina, ont été condamnées à l’issue d’un procès à huis clos qui a duré plus de deux mois. Arrêtées en mai 2021, elles étaient accusées d’évasion fiscale et d’incitation à la haine sociale, des charges qualifiées d’« absurdes » par l’ONG Reporters sans frontières (RSF) [116].
Les héros sont fatigués
« L’Ukraine manque de troupes qualifiées et de munitions alors que les pertes augmentent, le pessimisme grandit. » titre le Washington Post [117] du 13 mars 2023. Un lieutenant-colonel ukrainien, dont le nom de guerre est Kupol, décrit à visage découvert cette situation. En un an, sur environ 500 soldats de son bataillon, environ 100 ont été tués au combat et 400 autres blessés ou victimes de graves engelures. Des soldats inexpérimentés les ont remplacés dont des centaines ont abandonné leurs positions, alors que des mercenaires russes Wagner continuaient à avancer. Des désertions sont confirmées par des témoignages de soldats récoltés par Lasha Otkhmezuri dans « Combattre pour l’Ukraine [118] » : « Des soldats sans expérience, mais aussi très mal encadrés […] ont abandonné leurs positions, leurs équipements, les véhicules de combat, le tout sans en avoir informé personne. » La même brigade a récidivé.
Kupol a été rétrogradé. Cette sanction a suscité des protestations de militaires et de journalistes. Un membre de sa brigade a écrit : « Nous nous positionnons, notre État, notre société, comme l’opposé complet de la Fédération de Russie et de l’union soviétique, son précurseur. Nous sommes libres, nous sommes forts, nous sommes démocratiques, nous ne nous agenouillerons jamais, nous n’avons pas et n’aurons pas de tsar […]. C’est la théorie. […] En pratique, on essaie de faire taire les militaires pour qu’ils ne détruisent pas […] l’image idéale du monde que les autorités ont peinte pour le commun des mortels. Dans la pratique, nous détruirons très rapidement et douloureusement tout ce pour quoi des dizaines de milliers de personnes sont déjà mortes. En pratique, nous commençons déjà à répéter l’histoire d’il y a un siècle [119]. »
Renforçons la diplomatie !
Rony Brauman, Xavier Emmanuelli et 285 personnalités du monde universitaire et de la recherche de France, Belgique, Pays-Bas, Suisse, Allemagne, Italie, Espagne, Maroc, Canada, États-Unis, Mexique et Brésil signent une tribune dans Le Monde [120] :
« La guerre qui dévaste l’Ukraine depuis le 24 février 2022 a fait basculer l’Europe dans un autre âge. Une époque où les armes ont déjà volé la vie à des milliers d’enfants, de femmes et d’hommes, civils et militaires. Ses répercussions sur la sécurité alimentaire, l’économie et les relations internationales sont déjà alarmantes. Pour les Européens, l’invasion de l’Ukraine par la Russie est un acte terrifiant, qui nous laisse comme pétrifiés. […]
Nous avons appris du passé que toute guerre s’accompagnait des mécaniques fatales que sont la diabolisation régressive de l’adversaire et l’inconciliable certitude, de chaque côté des tranchées, de défendre un ordre « juste ». Nos cimetières civils ou militaires et nos fosses communes attestent qu’au nom de ses plus hautes valeurs – brandies aujourd’hui dans les médias par ceux qui n’iront pas périr au front – l’humanité pouvait sacrifier sa jeunesse et sa prospérité. Faut-il vraiment accepter encore une hécatombe sur le sol européen avant de reconstruire, tôt ou tard, sur des cendres ?
[…] Le 24 février 2022, un pays souverain a été envahi, agressé et bombardé par son voisin et exerce désormais son droit de légitime défense. […]
Les efforts diplomatiques étant pour l’heure infructueux, la réponse de pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Suède, la Finlande, la Pologne, les pays baltes, l’Italie ou l’Allemagne consiste à livrer des armes à l’Ukraine. Cette option d’urgence a permis de repousser l’agression russe, mais alimente désormais une inquiétante dynamique d’élévation de la létalité du conflit et un risque d’escalade mondiale. […]
Au-delà des sanctions économiques et des livraisons d’armes, il faut surtout des avancées diplomatiques concrètes. L’Ukraine n’est pas en mesure d’obtenir aujourd’hui la paix sans médiation internationale. Le soutien militaire par ses alliés pourrait être un moyen d’amener ce pays à envisager une résolution par étapes. La diplomatie doit donc démultiplier ses initiatives et proposer des options aux pays géopolitiquement liés à la Russie et à ceux qui n’ont pas décidé d’appliquer l’embargo actuel.
Puisqu’une médiation politique fait aujourd’hui défaut et que le Conseil de sécurité ne permet pas d’avancer, il faut se tourner sans relâche vers l’Assemblée générale de l’ONU. […]
Surmonter le fatalisme belliciste et renforcer la diplomatie sont notre seule issue : comment croire qu’après plus de bombes, plus de morts et de familles endeuillées ou davantage de pays militairement impliqués, un accord sera plus facile et plus apte à maintenir une paix durable ? La dynamique actuelle, c’est-à-dire la livraison d’armes de plus en plus létales à l’Ukraine sans que soit déployée une stratégie concertée visant à la désescalade et à favoriser la paix, doit être lucidement interrogée. Cette direction s’opère, de plus, au détriment de la consultation démocratique. Jusqu’à quand, jusqu’où ?
[…] Le moment venu, le droit pénal international devra poursuivre et punir les responsables des crimes et sanctionner ceux qui ont imposé des souffrances terribles aux populations civiles, qui les ont massacrées, torturées, ont commis des viols ou enlevé des enfants.
[…] Notre expérience du passé et l’exemple de nombreux conflits contemporains nous incitent à ne pas miser exclusivement sur les aléas de la force et les horreurs de la confrontation militaire, mais sur une diplomatie ayant le courage de s’imposer malgré l’adversité et en dépit des mécanismes trop connus de distorsions et de polarisations hostiles qui empêchent les adversaires d’imaginer des perspectives préférables à une destruction mutuelle.
Certains jugeront cet appel excessivement candide et décalé, mais dans l’incertitude réelle de la situation présente, miser exclusivement sur les vertus résolutives de la force armée n’est pas plus raisonnable. […]
N’ayons pas la naïveté et l’imprudence de croire que les armes suffiront à apporter la solution, et, plutôt que d’espérer une hypothétique paix après les massacres et les cendres, mandatons sans relâche nos diplomates pour que des vies précieuses et des ressources terrestres ne soient pas infiniment gaspillées, en cette période où la seule guerre qui vaille est celle que l’humanité doit engager contre les catastrophes écologiques qui arrivent. »
Opposition russe armée
Du nom d’une ville de la région de Kiev, la « Déclaration d’Irpin [121] » sur la coopération de l’opposition russe contre le régime de Poutine a été signée le 31 août 2022. Elle engageait la légion « Liberté de la Russie », une unité de volontaires engagée au sein des forces armées ukrainiennes, et l’Armée nationale républicaine (NRA), un réseau de partisans agissant clandestinement en Russie. Le « Corps des volontaires russes » (RDK), lui aussi lié aux forces armées ukrainiennes, était présent mais a conservé son autonomie. L’objectif est défini comme « la défaite de l’armée russe en Ukraine, la libération du Donbass et de la Crimée, ainsi que la destruction du régime de Poutine et de ses vestiges ».
Dirigé par l’homme politique russe Ilya Ponomarev, un centre politique commun a été créé pour représenter les intérêts des parties auprès des autorités étatiques des différents pays et organiser une politique d’information. Ponomarev accueille tous les opposants à Poutine, des anarchistes à l’extrême-droite. Il est tenu à distance par l’organisation de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny, qui prône des manifestations pacifiques. Il affirme dialoguer avec les mouvements d’autres figures anti-Poutine, pourtant, il nuance : « Nous sommes d’accord sur le fait que la Russie doit devenir une république démocratique, mais Khodorkovski ne veut pas apparaître comme étant trop proche de l’Ukraine et Kasparov est contre la violence. » Ponomarev a organisé à Varsovie deux réunions d’un « Parlement en exil » ouvert à tous les ex-élus des Assemblées fédérale, régionales et locales de Russie. 59 parlementaires (novembre 2022), puis 76 (février 2023) s’y sont rassemblés.
Les combattants de « Liberté de la Russie » sont des citoyens russes qui vivaient en Ukraine avant la guerre, des soldats russes ayant fait défection sur le front et des hommes arrivés clandestinement de Russie.
L’Armée nationale républicaine a revendiqué la mort de Daria Dugina et des actes de sabotage ferroviaire et contre les services d’enregistrement et d’enrôlement militaires russes. Ses membres combattent dans les Forces de défense territoriales d’Ukraine.
« Notre objectif est de provoquer des émeutes armées en Russie. Sur le long terme, nous voulons accompagner nos frères d’armes ukrainiens jusqu’à la victoire de l’Ukraine, puis poursuivre le combat en Russie », dit Alexeï Baranovski, un journaliste et avocat, proche de Ponomarev, qui rêve de voir « le Kremlin en flammes » [122].
Chair à canon
Du 6 février 2023 au 14 mars, quinze vidéos ont été rendues publiques par des mobilisés ou par le truchement de leurs proches. Elles sont destinées à attirer l’attention sur le mépris de la vie des combattants. Elles sont adressées à Vladimir Poutine « avec la même foi que mettaient les condamnés des années 1930 lorsqu’ils écrivaient à Joseph Staline. », commente Le Monde [123].
Des soldats de l’Oural ont été transférés sous le commandement de l’armée de la « République populaire de Donetsk » (RPD). Constitués en unités d’assaut, ils sont lancés contre des positions ukrainiennes fortifiées « sans reconnaissance et sans coordination avec les autres unités ». Ils se plaignent : « Le commandement de notre régiment refuse le dialogue et menace de nous faire arrêter ou de nous transférer dans une société militaire privée », c’est-à-dire dans la sinistre milice Wagner. Une unité raconte avoir été la cible de tirs de mitrailleuse contre son cantonnement, en signe d’avertissement. « Nous ne refusons pas de remplir notre mission dans la défense territoriale, mais nous refusons de prendre des risques injustifiés et de combattre avec des armes automatiques contre des chars. » alors que nous avons été entraînés à garder des ponts et des bâtiments. « L’âge moyen de notre unité est d’environ 40 ans. Beaucoup d’entre nous ont des problèmes de santé, puisque nous avons tous été pris sans l’évaluation médicale réglementaire. »
Certains subissent des emprisonnements sommaires, des brutalités et du racket prétendument pour payer de l’essence. Des procureurs militaires répondent aux soldats qui osent se plaindre que leur compétence ne s’étend pas jusqu’à Donetsk et Louhansk.
Des mères et des épouses de combattants réclament qu’ils soient épargnés et que leurs soldes soient payées.
Groupe criminel organisé de poètes et « justice »
Fin septembre 2022, peu après l’annonce de la « mobilisation partielle » en Russie, des poèmes « anti-mobilisation » ont été lus au pied de la statue de Maïakovski à Moscou. Plusieurs participants ont été arrêtés. Trois - Artyom Kamardin, Yegor Shtovba et Nikolai Daineko - ont été accusés d’extrémisme et d’appels publics à mener des activités dirigées contre la sécurité de l’État en groupe criminel organisé. C’est le premier cas de référence à ce dernier article du Code pénal, a déclaré le militant des droits de l’homme Pavel Chikov. Kamardin a été battu et violé avec un haltère. Les médecins ont diagnostiqué une commotion cérébrale, une blessure craniocérébrale fermée, une contusion à la poitrine et de nombreuses écorchures au visage. Mais l’hospitalisation a été refusée. Kamardin a été envoyé dans un centre de détention provisoire. Au tribunal il a déclaré : « Je suis pacifiste, je suis contre les guerres, contre ce qu’on appelle une opération spéciale. » Beaucoup de ses amis ont quitté la Russie pour éviter la mobilisation. Lui est resté à cause de personnes proches. Le procès des participants aux lectures Mayakovsky pourrait commencer en avril 2023 [124].
Un tribunal russe a condamné Kirill Butylin, 22 ans, à 13 ans dans une colonie à régime strict pour avoir incendié un bureau de recrutement afin, selon Butylin, d’« entraver le processus de mobilisation dans le district. ». Il a été arrêté en Biélorussie alors qu’il tentait de franchir la frontière lituanienne [125].
Un tribunal du Kazakhstan a prolongé de 12 mois l’arrestation de Denis Kozak, un anarchiste russe, en raison de la demande d’extradition de la Russie. Kozak est accusé d’avoir publiquement justifié le terrorisme. Il a demandé le statut de réfugié. Sa requête pourrait être examinée dans les trois à six prochains mois [126].
Oscar
L’Oscar 2023 du meilleur documentaire a été décerné à Navalny, du Canadien Daniel Roher, relatant les événements liés à l’empoisonnement du célèbre opposant à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, toujours emprisonné en Russie. « Mon mari est en prison simplement car il a dit la vérité. Mon mari est en prison simplement car il défend la démocratie », a lancé sur scène l’épouse du dissident, Yulia [127].
Navalny a déclaré « Le film n’est pas de moi, je n’ai pas reçu l’Oscar et je ne suis pas en mesure de dédier ce prix à qui que ce soit. Mais je dédie toute ma contribution aux personnes honnêtes et courageuses, où qu’elles vivent, qui trouvent jour après jour la force de résister au monstre de la dictature et à sa constante compagne - la guerre » [128].
Religions en Ukraine
Le pape François a reçu, le 25 janvier 2023, une délégation du Conseil ukrainien des Églises et des organisations religieuses, désigné sous son sigle anglophone d’UCCRO. Le primat de l’Église orthodoxe d’Ukraine et l’archevêque majeur de l’Église grecque-catholique y côtoyaient le grand rabbin d’Ukraine et le grand mufti.
Lors des manifestations d’« Euromaïdan », le monastère de Saint-Michel-au-Dôme-d’Or, cœur battant de l’Église orthodoxe d’Ukraine, a servi de refuge et de base arrière aux manifestants. Le sanctuaire avait sonné le tocsin pour la première fois depuis les invasions mongoles du XIIIème siècle, tandis que le grand mufti, lui-même originaire du Donbass, se joignait au mouvement.
La délégation d’UCCRO en Israël a été reçue, en 2019, par le président de l’État et celui de la Knesset, mais le Premier ministre Nétanyahou, invité par Vladimir Poutine au prochain défilé militaire sur la place Rouge, n’a pas souhaité la rencontrer.
Le jour même de l’invasion russe, le 24 février 2022, l’UCCRO déclare : « Nous soutenons les forces armées d’Ukraine et tous nos défenseurs, nous les bénissons dans leur défense de l’Ukraine contre l’agresseur et nous offrons nos prières pour eux. »
Le primat Epiphane est d’autant plus nationaliste que son accession à la tête de l’Église orthodoxe d’Ukraine a marqué, en 2018, une rupture historique avec le patriarcat de Moscou. Il affirme que, durant les premiers jours de l’invasion, des commandos russes ont tenté à trois reprises de l’éliminer [129]. L’archevêque qui dirige l’Église grecque-catholique, prêche que la défense de la patrie est un « acte d’amour [130]. »
Le grand rabbin Yaacov Dov Bleich, considère que « c’est en Russie que doit être menée la dénazification [131]. »
Suisse
Le 12 mars 2023, un journal suisse a révélé que la confédération va se débarrasser d’un système de défense sol-air que certains souhaitaient envoyer à l’armée ukrainienne. Le Président de la confédération a précisé, bien sûr sur un ton neutre mais sans intention humoristique, que « les armes suisses ne doivent pas être utilisées dans des guerres [132]. »
Rassemblement national
L’Express [133] a relevé tous les votes du Rassemblement national au Parlement européen à propos de l’Ukraine. Ils n’ont été positifs que trois fois : pour la sécurité alimentaire de l’Ukraine, pour les sanctions contre la Russie et, la dernière fois en mai 2022, pour la collecte de preuves par Eurojust. Les six abstentions concernaient notamment l’aide financière à l’Ukraine (« On est d’accord pour aider l’Ukraine, mais pas au détriment de nos producteurs ! » - Gilles Lebreton), la condamnation de l’escalade de la guerre d’agression, l’établissement d’un tribunal sur les crimes d’agression de l’Ukraine (« En quoi sommes-nous habilités à définir s’il y a un crime de guerre ? Faut-il voter pour dire si Pierre Palmade est coupable ? » - Philippe Olivier), la demande de libération des prisonniers politiques en Russie (« La priorité de l’UE ne doit pas être de stigmatiser la Russie. » - Gilles Lebreton). Les autres votes s’opposaient à la lutte contre la désinformation en Russie, à des concessions commerciales à l’Ukraine et à la reconnaissance de la Russie comme État terroriste. Sur sa page officielle, Thierry Mariani justifie chaque vote, en reprenant, parfois mot pour mot, la rhétorique du Kremlin, insistant sur « la similarité culturelle » entre l’Ukraine et la Russie, les familles meurtries « dans les deux camps », fustigeant « les puissances occidentales qui ont décidé de transformer cet affrontement en enjeu mondial », les « revendications maximalistes » du président ukrainien et la « surenchère des sanctions économiques ».
Selon les informations du magazine, le coprésident d’une association de lobbying pro-Kremlin rédige la liste des votes du RN sur les affaires étrangères.
Russie
Procès
Sabotage
Le Service fédéral de sécurité (FSB) de Russie a arrêté Nikita Klyunya, un homme de 19 ans, vice-président du conseil national de l’Alliance civique de Russie. Il est accusé de sabotage ferroviaire [134].
Liberté d’expression
Le 2 mars 2023, les députés russes ont adopté une loi portant la discréditation de l’armée à une peine maximale de quinze ans de prison. Elle élargit son champ « à tous les participants à l’"opération spéciale" », à la satisfaction d’Evgueni Prigogine qui l’avait réclamée pour les « volontaires » de sa milice Wagner [135].
Dmitry Ivanov est étudiant en mathématiques, activiste anti-guerre et administrateur de la chaîne Telegram Protest MSU (Moscow State University). En 2018, les forces de sécurité l’ont arrêté et torturé. Il a passé au total 101 jours en détention administrative, notamment pour son soutien à Alexei Navalny. Le 7 mars 2023, il a subi sa troisième condamnation en en an, cette fois à huit ans et demi d’incarcération dans une colonie pénitentiaire. Il est accusé d’avoir diffusé de « fausses nouvelles » sur l’armée : les meurtres de civils, la destruction des infrastructures civiles de l’Ukraine, les pertes importantes de l’aviation russe et le refus de décrire la guerre comme une « opération militaire spéciale ». Depuis son arrestation, des amis ont continué son action sur Telegram.
Dmitry Ivanov, photo Alexandra Astakhova - Mediazona
Les témoins à charge ont qualifié Ivanov de « fasciste anti-russe ». L’un d’eux n’a pas pu répéter une longue phrase de mémoire et le procureur du tribunal a dû lire son témoignage écrit.
Évêque de l’Église orthodoxe apostolique, le militant des droits de l’homme Grigory Mikhnov-Vaitenko aide les réfugiés ukrainiens qui se retrouvent en Russie. Leurs histoires confirment pleinement la véracité des messages d’Ivanov, a déclaré l’ecclésiastique devant le tribunal. Il a fait part de témoignages de réfugiés de Marioupol à Saint-Pétersbourg [136].
Des dizaines de personnes sont venues soutenir Ivanov. Il a déclaré à la presse étrangère « La Russie n’est pas Poutine. Des dizaines de millions de Russes sont contre cette guerre criminelle. Beaucoup ont des parents en Ukraine, et ils ressentent leur douleur. C’est un moment sombre de notre histoire, mais il s’en produit toujours avant l’aube. ». « Pour intimider tout le monde, Poutine veut montrer que son pouvoir est illimité. Mais le fait que nous communiquions montre qu’il n’est pas tout-puissant, nous pouvons nous battre pour la liberté et pour la paix.
J’exhorte chacun à faire ce qu’il peut, je crois que nous arrêterons la guerre et créerons une nouvelle démocratie qui réponde aux besoins de la société. » Il a appelé à soutenir d’autres prisonniers politiques et à répandre la vérité [137]. Le mathématicien s’est justifié au tribunal en citant George Orwell : « La liberté, c’est la capacité de dire que deux et deux font quatre. Si c’est permis, tout le reste en découle [138]. »
Exfiltrer les militants
Un réseau clandestin d’au moins six organisations aide les opposants à la guerre et ceux qui secourent les réfugiés ukrainiens à fuir la Russie. De l’étranger, ces organisations planifient des itinéraires et peuvent mettre à disposition des véhicules, de l’argent pour le voyage, des caches, des facilités pour passer les frontières et des visas.
Trois femmes de 16 à 19 ans, accusées d’avoir comploté pour incendier un bureau de recrutement militaire, ont été aidées par « In Transit » pour fuir, à bord de six véhicules successifs, sur 6 500 km jusqu’au Kazakhstan. Elles ignoraient leur itinéraire, le nom de leur chauffeur et leur point de rendez-vous.
Un comédien russo-ukrainien a sauté du premier étage, par une étroite lucarne, pour se soustraire à la mobilisation. Il reste traumatisé mais ne regrette rien. Des amis sont morts au combat. « Tous les jours j’apprends la mort de gens que j’ai connus et qui n’ont pas pu partir. »
Pour se débarrasser des agents qui l’ont arrêté et passé à tabac pour avoir participé à un défilé vêtu d’un T-shirt aux couleurs ukrainiennes, un jeune homme se fait interner quelques mois en hôpital psychiatrique avant de s’exiler.
Poursuivi pour ses diatribes en ligne, un chauffeur routier est surnommé par ses voisins l’« amoureux des nazis ». Son avocat l’incite à plaider coupable. Il préfère fuir au Monténégro avec sa famille, dans l’attente d’un visa pour l’Allemagne.
Le chef d’une petite entreprise remplace les étiquettes d’un magasin par des slogans anti-guerre. Il est dénoncé et reconnu grâce aux vidéos de surveillance.
En 2022, l’Union européenne a suspendu l’accord qui facilitait la délivrance de visas aux citoyens russes. Quelques pays ont ouvert aux opposants un programme de visas humanitaires pensé à l’origine pour les dissidents biélorusses. L’Allemagne, la Pologne et la Lituanie en ont délivré 3 800 à des demandeurs en mesure de prouver qu’ils ont fait plus que participer à des manifestations anti-guerre. Ainsi, une économiste de soixante ans a reçu un visa allemand. Elle a récolté 14 000 dollars pour secourir 750 réfugiés venus de Marioupol et parqués dans une usine abandonnée dans le centre de la Russie. On a tagué sa porte : « Ici vie une alliée du régime ukrainien. » Elle a été convoquée par le FSB. Quatre hommes l’ont kidnappée et emmenée en forêt. Cinq heures plus tard, ils l’ont abandonnée avec d’importantes contusions et un traumatisme crânien. Elle a fui le pays.
Quelques fugitifs n’ont pas respecté les consignes d’abandonner leur téléphone portable et de ne pas utiliser les réseaux sociaux et ont été arrêtés [139].
Refus de combattre
Il y a une dizaine d’hommes en uniforme devant la caméra. L’orateur se présente comme leur commandant. Le soldat dit qu’ils ont été enrôlés dans la brigade de défense territoriale de la région de Belgorod et qu’ils ont été stationnés à Shebekino jusqu’aux 1er et 2 mars. Puis ils ont été transférés à Donetsk pour renforcer une unité d’assaut « sans ordres ni explications » ni le niveau de formation nécessaire. Le commandant se plaint du manque d’équipement, de communications, de renseignements et même de cartes de la région. Il déclare refuser d’accomplir les tâches assignées en raison des lourdes pertes de personnel militaire.
La plupart des conscrits d’Irkoutsk du régiment 1439, qui se sont plaints à plusieurs reprises des menaces proférées par les commandants, sont morts lors de l’assaut des lignes de défense d’Avdiivka [140].
Sibérie
Novaya Gazeta publie un reportage sur la Sibérie [141]. Le gaz extrait en Sibérie ne profite pas aux habitants. Des entreprises industrielles et des centrales aux charbons créent un smog quasi permanent. Par -16 degrés, les plus démunis manquent de bois de chauffage.
« "L’Ukraine" a atteint les rues de Krasnoïarsk plus rapidement que non seulement le gaz, mais aussi le bon asphalte, plus rapidement que les terrains de jeux et les réparations majeures des maisons. »
Une retraitée miséreuse raconte : « J’ai transféré mille roubles [12 €] à l’armée. Et mon gendre en a aussi transféré. Oui, tout le monde a donné de l’argent pour pouvoir acheter des drones et des vêtements […] Nous gagnerons d’ici l’été, vous verrez ! […] Et puis nous aurons à la fois du gaz et de la lumière, et ils seront moins chers. […] J’allume les lampes de poche le soir pour ne pas gaspiller d’électricité. J’économise à la fois l’électricité et le bois de chauffage. Je porte trois paires de chaussettes chaudes. S’il fait très froid, je chercherai une autre paire. »
La mère d’un jeune mobilisé se désole : « Nous avons pas mal parlé. Il dit généralement que tout va bien pour lui. Il va toujours bien. Et puis il a dit qu’ils étaient dans la merde. Et il n’y a plus eu d’appels. » Le bureau d’enrôlement militaire lui conseille d’attendre. « J’essaie de ne pas regarder les nouvelles maintenant. Il semblait que lorsqu’une personne meurt, elle meurt et c’est tout, et quand la merde a commencé, ça a commencé à me faire pleurer. »
Un adjoint au maire admet « Nous avons des problèmes liés à l’opération spéciale. Il y aura bientôt un enterrement… le deuxième. Et il y a des blessés. […] S’ils m’appellent, j’irai. Et ma femme sait : si on m’appelle, je me lèverai et partirai. Oui, bien sûr, je suis désolé pour les enfants. Eh bien, putain, qu’est-ce que tu peux faire ?
On voit que la situation n’est pas facile. Je suis tout à fait d’accord. S’ils disent qu’ils ont besoin de moi, je me lèverai et partirai. Je suis moi-même un tireur d’élite. Mais ils ne m’appelleront pas parce que j’ai plus de 50 ans. Mais j’espère que tout se terminera par le renversement du gouvernement en Ukraine et la nomination de ceux qui traiteront la Fédération de Russie avec compréhension. Car, après tout, qu’est-ce que l’Ukraine ? Est-ce un État ? »
La mère d’un autre mobilisé constate : « Certaines personnes ne regardent même pas les informations et me demandent : "Qu’est-ce qui se passe là-bas ?" Et je lis et regarde toutes les nouvelles. La télévision est encore plus crédible, car ils peuvent écrire n’importe quoi sur Internet, mais au moins il y a une sorte de censure à la télévision. »
Un instructeur d’un centre militaro-patriotique apprend aux enfants à tirer avec des fusils, à assembler des mitrailleuses et à lancer des couteaux et à sortir du champ de bataille les corps des camarades tués.
L’État rembourse les proches des tués avec du bois de chauffage et des cercueils, conclut l’article.
Wagner
« En ce qui concerne les sanctions me visant et les sanctions contre Wagner, je ne vais pas les contester et je crois qu’en ce moment, elles sont imposées de manière tout à fait raisonnable. », a déclaré Evguéni Prigojine, cité par le service de presse de son entreprise Concord [142].
Enfants (subversifs) de la patrie
En avril 2022, une professeure d’arts plastiques demande à ses élèves un dessin de soutien aux soldats russes en Ukraine. Une adolescente de douze ans dessine une mère et sa fille victimes d’un bombardement et le slogan « Gloire à l’Ukraine ». La directrice convoque la police. La jeune-fille s’échappe. Le lendemain, elle est arrêtée avec son père qui l’attendait à la sortie de l’école. Le père est condamné le jour même à une amende de 32 000 roubles pour discréditation de l’armée sur ses réseaux sociaux. Le jour suivant, les services de sécurité (FSB) convoquent le père et la fille et menacent d’envoyer celle-ci à l’orphelinat, la mère étant partie. Victime de crises d’angoisse et de panique, l’élève ne veut plus aller à l’école.
Le 30 décembre, les forces de l’ordre saccagent l’appartement familial, saisissent les économies, les ordinateurs et les téléphones. Le père est battu. De nouvelles publications étant incriminées, il risque la prison. Il est à nouveau arrêté le 1er mars 2023 et mis en détention provisoire. Une dizaine de familles proposent d’accueillir la fille pour lui éviter l’orphelinat, mais en vain.
Des cas proches ont été recensés. Des cours hebdomadaires obligatoires intitulés « Discussions sur l’essentiel » dispensent une propagande belliciste. Dans les écoles et les jardins d’enfants, on apprend le démontage d’armes. Des parents sont convoqués parce que leurs enfants posent des questions inadéquates ou refusent d’écrire des encouragements aux soldats.
En octobre 2022, une fillette de dix ans a lancé sur WhatsApp un sondage : « Vous êtes pour la paix ou pour que Poutine continue à tuer des gens ? » Dénoncée par la directrice de l’école, elle est emmenée par la police. Les services sociaux écrivent que la mère « ne remplit pas ses obligations quant au développement psychologique, spirituel et moral de sa fille » et peut donc se voir retirer l’enfant.
À l’inverse, plusieurs professeurs, dénoncés par leurs élèves, ont été renvoyés ou condamnés [143].
Estonie
L’Estonie débat de l’introduction d’une formation militaire au lycée et de l’élargissement de l’appel aux réservistes. Le 22 février 2023, le budget de la défense est passé de 2 à 3 % du PIB. En mars 2023, les résidents russes et biélorusses, « citoyens étrangers de pays hostiles à l’Estonie », selon le ministre de l’Intérieur, devront rendre les armes en leur possession.
L’Estonie est le pays européen qui, proportionnellement à sa population, a accueilli le plus grand nombre de réfugiés ukrainiens : 124 000 pour 1,3 million d’habitants. 67 000 sont toujours dans le pays. 55 % d’entre eux ont trouvé un emploi.
28,5 % des habitants sont russophones. Le parti qui captait la plupart de leurs votes a rompu avec le Kremlin et condamne l’invasion de l’Ukraine [144].
Biélorussie
Le 19 décembre 2022, le dictateur Loukachenko reçoit son alter ego russe. « Nous sommes les deux dirigeants les plus toxiques de la planète. Entre nous, une seule question. Lequel est le pire ? Vladimir Vladimirovitch dit que c’est moi, moi je pense que c’est lui. », plaisante-t-il cyniquement.
Le 8 février 2023, un défenseur des minorités polonaises en Biélorussie, Andrzej Poczobut a été condamné à huit ans de colonie pénitentiaire pour « incitation à la haine » [145].
Le militant Ales Bialiatski a été condamné à dix ans de prison, le 3 mars 2023, et ses trois coaccusés à sept, huit et neuf ans. Ils écopent tous d’amendes correspondant à 69 000 euros [146]. Un des défenseurs des accusés avait été condamné à huit ans de prison et la licence a été retirée à un autre. Bialiatski disait en 2015 : « En me battant pour [la liberté], je l’ai souvent perdue [147]. » Il est emprisonné depuis 2021. C’est sa femme, Natalia Pintchouk, qui a prononcé, à Oslo, son discours de réception du prix Nobel de la Paix 2022, dont il était colauréat. Citation : « Le pays tout entier est en prison. » Après le procès, elle implore « Combien de temps encore les Biélorusses vont-ils devoir endurer cette terreur ? Ne nous laissez pas tomber ! »
Géorgie : victoire contre la loi russe
Le gouvernement géorgien, inféodé à la Russie, imite de plus en plus sa politique répressive.
Le 7 mars 2023, brandissant des drapeaux géorgiens et européens, des dizaines de milliers de personnes ont protesté contre une loi imposant que tout média ou ONG, dès lors que 20 % de ses ressources proviennent de l’extérieur, soit enregistré comme « agent de l’étranger ». « Non à la loi russe », scandaient-ils. Une loi similaire sert en effet au pouvoir russe à bâillonner et réprimer lourdement ses opposants.
Malgré les tirs de canons à eau, les grenades assourdissantes et les gaz lacrymogènes de la police, les manifestants ont pris le Parlement d’assaut, après avoir défoncé les barricades le protégeant. Ils diffusaient les hymnes géorgien, européen et ukrainien pour affirmer leur solidarité avec l’Ukraine et leur opposition à un pouvoir pro-russe. 133 manifestants ont été arrêtés [148].
Photo Paper Kartuli
Le lendemain, journée de lutte pour les droits des femmes, 5 000 femmes ont défilé à Tbilissi et d’autres rassemblements ont eu lieu dans d’autres villes [149].
Salomé Zourabichvili, la présidente pro-européenne de la Géorgie, a annoncé qu’elle mettrait son veto à la loi car elle entraverait la marche de son pays vers l’Europe [150].
Soixante-trois organisations de la société civile et médias ont annoncé qu’ils ne respecteraient pas la loi si elle était promulguée. Reporters sans frontières et Amnesty International ont condamné le texte. « Le projet de loi est contraire aux valeurs et normes de l’Union européenne et incompatible avec les aspirations européennes de la Géorgie. » a déclaré l’ambassadrice de France en Géorgie. Giorgi Badridze, un ancien diplomate estime que les normes d’adhésion du pays à l’UE « sont en conflit direct avec les intérêts de l’oligarchie. La majorité des Géorgiens étant résolument pro-européens, la tactique d’Ivanichvili [l’oligarque qui possède un quart du PIB géorgien et qui tire les ficelles de son obligé, le premier ministre] consiste à faire en sorte que ce soit l’Union européenne qui refuse la candidature géorgienne. »
Le 9 mars, le projet de loi sur les « agents étrangers » a été retiré sans condition [151].
Des affiches collées dans les rues de Tbilissi montrent dix personnalités critiquant le pouvoir sous l’inscription « Espions diffamant l’Église ».
Les dissidents russes cherchant refuge en Géorgie y rencontrent des problèmes. Alors qu’elle revenait d’Arménie, l’activiste russe Anna Rivina, fondatrice d’une ONG de défense des droits des femmes, s’est vu refuser l’entrée du territoire géorgien, où elle résidait depuis plusieurs mois. Quelques jours plus tôt, elle avait été déclarée agent étranger par la justice russe [152].
Ukraine
Le 2 mars 2023, le chef de la commission agraire du Parlement ukrainien a déclaré qu’environ cinq millions d’hectares de terres agricoles étaient inexploitables en raison des mines terrestres, des restes d’explosifs et des combats en cours [153].
Les services de déminage remettent à l’armée les mines russes non explosées pour leur réemploi. Pourtant, l’Ukraine a déjà été dénoncée par Human Rights Watch comme utilisatrice de mines alors qu’elle est État partie à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel de 1997 [154].
Au Kosovo, où il forme des démineurs ukrainiens, un instructeur déplore « Faciles à poser, les mines permettent de défendre vos positions. Mais dans 90 % des cas, elles manquent leur cible et font des victimes parmi les civils. Même des pays signataires de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel continuent de les utiliser sur le terrain. Aussi le déminage est-il un combat à part entière [155]. »
Suisse
La Suisse a livré depuis 2007 du matériel de guerre à l’Ukraine. Lors d’un contrôle effectué en 2014 à Kiev, des agents suisses se sont rendus compte qu’une partie des mitraillettes livrées manquaient dans un entrepôt des forces armées. Une partie des armes s’est retrouvée dans une zone séparatiste, dans l’est du pays, révèle un rapport du Secrétariat d’État à l’économie (Seco). Des passages du document ont été rendus illisibles par le Seco. Ils nuiraient aux relations internationales de la Suisse et révéleraient des secrets commerciaux. On ignore quelle entreprise a fabriqué les mitraillettes et le nombre exact d’armes qui ont fait défaut lors du contrôle. Les fonctionnaires fédéraux chargés de l’inspection en 2014 n’ont pu identifier que 25 % du matériel de guerre à contrôler. Pourtant, ils ont attribué la note « suffisant », comme le montre le rapport.
Les statistiques d’exportation de la Confédération indiquent que depuis le début du siècle, l’Ukraine a reçu pour environ 2,8 millions de francs de matériel de guerre suisse. La Russie en a acheté pour plus de 3,1 millions de francs. Les dernières livraisons ont eu lieu respectivement en 2014 et 2015 [156].
Depuis l’invasion russe, la Suisse applique les sanctions économiques contre la Russie. Elle interdit à ses clients de transférer ses armes à l’armée ukrainienne. L’opinion publique est partagée sur ce point et sur la neutralité du pays. La livraison de matériel de guerre sous forme d’éléments d’assemblage ou de pièces détachées à des entreprises d’armement européennes restera cependant possible, « sous réserve que leur part dans le produit final soit inférieure à 50 % », même si le matériel de guerre fabriqué est susceptible d’être envoyé en Ukraine. Le Conseil fédéral a décidé en juin 2022 « de poursuivre cette pratique, étant donné que de telles exportations sont compatibles avec le droit de la neutralité [157].
Le débat suscite des inquiétudes quant à la destination finale des armes. Selon les experts, il est difficile de garantir qu’elles ne seront pas utilisées contre des civils ou ne violeront pas des droits humains. D’autres ont souligné l’hypocrisie de la Suisse dans cette affaire. Elle exporte déjà des armes vers des pays en conflit, tels que l’Arabie saoudite engagée dans la guerre civile au Yémen [158].
La commission de politique de sécurité du Conseil des États (CPS-N) a validé en février 2023 un assouplissement de la loi sur le matériel de guerre (« Lex Ukraine »). « La majorité de la commission est d’avis que la Suisse se doit de soutenir l’Ukraine de manière plus importante, et ainsi d’apporter sa contribution à la sécurité européenne [159]. » « L’Ukraine a été attaquée par la Russie en violation du droit international. Elle défend aujourd’hui les mêmes valeurs que celles qui animent la Suisse et qui sont encore et toujours revendiquées sur la scène internationale. »
Mais les pays acheteurs d’armes suisses devront toujours signer une déclaration de non-réexportation. Celle-ci pourra être limitée à cinq ans pour les États « partageant les valeurs de la Suisse et disposant d’un régime de contrôle des exportations comparable [160]. »
Roger Köppel est député et idéologue du parti souverainiste, nationaliste et europhobe UDC. Il défend des idées proches de celles de Viktor Orbán. Il estime que « La Suisse ne doit pas être obligée par les autres de se lancer elle aussi dans ce qui est devenu une guerre mondiale, une croisade des légions du bien contre un empire du mal, alors qu’il ne s’agissait, à l’origine, que d’un conflit entre deux voisins slaves. Résistons aux émotions irrationnelles. Refuser l’unanimisme occidental belliqueux ne signifie pas que nous sommes les domestiques de Poutine. »
Un autre député du même parti souhaite « positionner la Suisse en tant que médiateur neutre dans la guerre d’Ukraine, alors que de nombreux responsables politiques ne s’intéressent qu’à être sous les feux de la rampe dans l’espoir d’un selfie avec Zelenski. »
Les deux partis de centre-droit sont d’accord pour amender la loi sur l’exportation de matériel de guerre. Mais ils pensent davantage à l’industrie suisse qu’à aider l’Ukraine [161].
Le président du Parti libéral-radical, Thierry Burkart, a déclaré : « En refusant d’adapter la loi sur le matériel de guerre, l’UDC amorce la mort lente de notre industrie de l’armement. » Sans réexportation possible, « plus personne ne va acheter de matériel de guerre suisse, ce qui met la survie des entreprises suisses d’armement en péril ».
Avec des arguments pacifistes, Les Vert.e.s sont réfractaires à assouplir la loi sur le matériel de guerre.
Le sénateur socialiste de Genève Carlo Sommaruga se dit « sidéré par le tournant va-t-en-guerre des Verts allemands. » « Je ne suis pas certain qu’ajouter la guerre à la guerre soit la façon la plus efficace de manifester notre soutien aux Ukrainiens. En revanche, la Suisse peut, et doit, en faire beaucoup plus sur les plans financiers et humanitaires pour venir en aide à l’Ukraine. » Il voudrait que soit expliqué que la neutralité suisse n’est pas qu’une « simple feuille de vigne permettant de cacher les intérêts économiques du pays comme à l’époque de l’apartheid en Afrique du Sud ou du régime nazi. »
« Face au conflit ukrainien, la Suisse entend préserver sa neutralité prévue par sa Constitution et reste donc pour l’instant opposée au transfert d’armements vers ce pays en guerre. » a affirmé le 7 mars 2023, le président de la Confédération, le socialiste Alain Berset, en visite à l’ONU [162]. Il se dit « très préoccupé par le climat guerrier qui règne actuellement un peu partout dans le monde, y compris en Suisse. On a l’impression que certains acteurs, même d’anciens pacifistes, sont emportés par l’ivresse de la guerre. […] Ce n’est pas parce que nous avons eu l’illusion de la stabilité, puis l’illusion d’un changement brutal, que notre pays doit radicalement changer sa manière de fonctionner. Ce n’est pas une raison pour tout jeter par-dessus bord. » Pour la ministre allemande des Affaires étrangères, « Être neutre, c’est prendre le parti de l’agresseur [163]. »
Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) réagit : « L’industrie de l’armement prétend hypocritement être sur le point de s’effondrer », dit le groupe dans son communiqué, dénonçant un « discours mensonger » et parlant d’une année 2022 qui est un « triste record ». « Il est honteux de voir comment on tente de relier ce débat au soutien à l’Ukraine, alors qu’il ne s’agit manifestement que des profits de l’industrie de l’armement », estime Pauline Schneider, secrétaire générale du GSsA. « Le Qatar et l’Arabie saoudite représentent un tiers des exportations. Ce n’est pas d’un assouplissement des règles d’exportation dont nous avons besoin, mais d’un nouveau durcissement », ajoute Kilian Bello, également secrétaire politique du GSsA [164].
Le Secrétariat d’État à l’économie a publié le 7 mars 2023 le bilan des exportations de matériel de guerre en 2022. Elles s’élèvent à 955 millions de francs, un record absolu. En 2021, le Qatar était à la 32ème position des pays acheteurs avec un total de 2,2 millions de francs. En 2022, il est passé à la première place. Montant total des achats : 213,4 millions de francs (+9 600 %). Il s’agit surtout d’un gros contrat, avec l’envoi de systèmes antiaériens de défense pour 194 millions de francs.
La Suède est le premier acheteur dans la catégorie « bombes, torpilles, roquettes, missiles », suivie par la France et l’Allemagne.
Le Seco a refusé quatorze demandes d’autorisations de pays africains, asiatiques ou sud-américains en 2022.
Evelyne Schmid, professeure de droit international public à l’université de Lausanne, juge que « Un État neutre peut certes exporter du matériel de guerre, mais il doit traiter tous les belligérants de la même manière. » C’est ce que prévoient les conventions de La Haye. Cela signifie donc que la Suisse devrait alors aussi autoriser la livraison d’armes à la Russie [165].
Le 8 mars 2023, la chambre basse du Parlement a voté de justesse en faveur de la réexportation d’armes de fabrication suisse à l’Ukraine mais à condition que Moscou ne s’y oppose pas [166].
Retour de la Russie à la démocratie
Dans une tribune du Monde [167], l’historien Antoine Arjakovsky rappelle qu’Emmanuel Macron a reconnu s’être laissé berner par Poutine et qu’il désigne maintenant l’État russe comme « une puissance de déséquilibre et de désordre partout dans le monde » et la milice Wagner comme « le truchement néo mafieux » d’une Russie « néocoloniale ».
Arjakovsky estime que « La position de l’Élysée et celle du gouvernement français […] revenaient à considérer que la diplomatie consistait à maintenir les rapports de force au nom des bienfaits de la stabilité de l’ordre international. Le problème est que le monde est par nature instable et que seul l’ordre éthique peut l’emporter sur l’ordre de la terreur. » Selon Arjakovsky, Macron est revenu sur la position naturelle de l’État en disant : « La Russie n’a pas digéré la fin de son empire. […] Je ne crois pas une seule seconde à la théorie d’un changement de régime. Qui est le leader ? Qui peut mettre en œuvre ce changement de régime ? Nous avons déjà défendu des changements de régime dans de nombreux pays et cela a toujours mené à des échecs. »
L’historien juge ce raisonnement erroné : « On ne peut plus ignorer la réalité de l’opposition démocratique russe. Alexeï Navalny a beau être en prison, il est soutenu par des dizaines de millions de Russes. Ses représentants à l’étranger […] disposent d’une popularité phénoménale. Ajoutons que l’opposition russe dispose désormais d’une plate-forme réunissant des figures éminentes, comme Garry Kasparov ou Mikhaïl Khodorkovski, et proposant un programme audacieux de transition démocratique, incluant la reconnaissance de l’Ukraine dans ses frontières de 1991.
Par ailleurs, peut-on imaginer que les Alliés aient pu envisager l’avenir des relations internationales avec l’Allemagne nazie ? Le président français voudrait pourtant parler avec le responsable de l’agression de l’Ukraine, en s’appuyant sur une définition éculée de la souveraineté des nations. Mais le gouvernement russe actuel n’acceptera jamais de renoncer à sa vision impériale du monde. »
Antoine Arjakovsky souligne que « La grandeur de la vision des Alliés fut de miser sur Konrad Adenauer et sur l’avènement d’une République fédérale allemande démocratique. […] De même, aujourd’hui, la démocratie russe est possible, dès lors qu’on cesse de la regarder avec les yeux de Machiavel. »
Israël
Les désobéissances dans l’armée ne sont pas que russes.
Dans une lettre diffusée dans les médias locaux le 5 mars 2023, 37 pilotes et navigateurs (sur 40) d’un escadron de F-15 ont déclaré qu’ils ne seraient pas présents lors des exercices prévus le 8 mars et « consacreraient [leur] temps au dialogue et à la réflexion au nom de la démocratie et de l’unité nationale. » Ces réservistes font partie des formations les plus élitistes de l’armée israélienne, telles que le 69ème Escadron, dont les F-15 ont bombardé le réacteur nucléaire syrien en 2007, ou encore l’unité des forces spéciales Shaldag de l’armée de l’air.
Après les unités de cyber technologies et les commandos, les pilotes sont le troisième corps de l’armée à contester la réforme de la justice du Premier ministre Benjamin Netanyahou. Cette législation restreindrait radicalement le pouvoir de la Haute Cour de justice et affirmerait le contrôle politique sur les nominations de magistrats. Elle a mobilisé plusieurs centaines de milliers d’Israéliens pendant neuf semaines consécutives.
« Chaque jour semble apporter une autre lettre d’une autre unité, et chaque lettre semble offrir une nouvelle et plus stridente formulation des raisons des protestations. », constate The Times of Israel [168].
Ce sont des « faibles tombés au bord du chemin » et « je méprise chacun d’eux. », a fulminé la ministre de la Diplomatie publique du Likoud.
« Le peuple d’Israël peut faire sans vous et vous, vous irez en enfer », a menacé le ministre des Communications du même parti. Un groupe de réservistes a répliqué : « Nous sommes allés aux quatre coins du monde pour le bien du pays – l’enfer est une destination de trop. Nous n’irons nulle part. Nous nous battrons pour la démocratie – c’est notre service de réserve [169]. »
Dans une tribune publiée par le quotidien national de gauche Haaretz [170], un réserviste, signant « Major R » explique la démarche protestataire d’une partie des troupes. « Pendant 13 ans, j’ai occupé divers postes clés dans la force d’opérations spéciales du renseignement militaire. […] Si Israël devenait une dictature, si la justice devenait le bras armé du gouvernement, nous ne nous porterions plus volontaires pour le service de réserve. »
Quelques semaines auparavant, quelque 330 officiers et vétérans avaient signé une pétition pour contester la réforme de la justice. « La législation en question détruira tout ce pour quoi nous avons servi et combattu. Nous ne laisserons pas cela se produire. »
Les pilotes qualifiés pour piloter les 777 exploités par la compagnie aérienne israélienne El Al auraient refusé de piloter l’avion du Premier ministre qui a dû se contenter d’un avion moins confortable [171].
Manifestations en Europe
Plusieurs centaines de milliers de jeunes Russes ont fui la Russie depuis le 24 février 2022 : opposants notoires à Poutine, activistes, artistes, déserteurs, objecteurs de conscience, « nomades digitaux », opportunistes… Beaucoup font profil-bas car ils craignent d’être identifiés dans les manifestations au moyen d’outils de reconnaissance faciale, et que leurs proches restés au pays n’en subissent les conséquences. Cela dépend généralement de la situation sociale et professionnelle de ces proches, plus ou moins vulnérables face au régime de Vladimir Poutine [172].
Bruxelles
Le 25 février 2023, plus de 2 500 manifestants se sont rassemblés à Bruxelles pour exiger le retrait immédiat des troupes russes du territoire ukrainien ainsi que l’arrêt inconditionnel des bombardements sur l’Ukraine. La manifestation était organisée par Promote Ukraine, l’Union des femmes ukrainiennes en Belgique et le Comité belge du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine (RESU). L’accent a été mis sur le soutien à Kiev, et notamment l’envoi de matériel militaire.
Le lendemain, Plateforme Europe pour la paix et la solidarité, a rassemblé 1 600 personnes avec la participation d’une trentaine d’organisations dont le Parti du travail de Belgique et le parti écologiste Groen. La Plateforme condamne aussi la guerre du Kremlin mais demande que « tous les moyens diplomatiques » soient utilisés pour mettre fin au conflit et parvenir à une paix durable. Elle appelle notamment à la désescalade de la violence et au désarmement. Elle souligne les conséquences sociales, environnementales et économiques « désastreuses » de la guerre menée par Moscou et des contre-mesures prises en réponse à celle-ci. Elle regrette « l’instrumentalisation de la guerre pour l’augmentation considérable des budgets militaires » et demande davantage d’investissements dans la protection sociale, les services publics et la transition écologique [173].
Budapest
Le 24 février 2023, une grande manifestation en soutien à l’Ukraine se tenait à Budapest, en présence du maire, de Hongrois et de réfugiés ukrainiens. Des exilés russes s’y sont joints, d’autres ont craint de n’y être pas bienvenus.
Le lendemain, sous les fenêtres de l’ambassade de Russie, une cinquantaine d’exilés russes ont crié leur opposition à la guerre : « Poutine terroriste », « Nous sommes aux côtés de l’Ukraine », « Les Russes contre la guerre ». Ils reprenaient le slogan hongrois de 1956 contre la répression soviétique, « Ruszkik háza ! » (Les Russes dehors !).
Budapest, Photo Corentin Léotard-CdEC
Les organisateurs expliquent qu’ils voulaient « exprimer [leur] rage face aux actions criminelles du régime de Poutine […]. » « L’Ukraine défend courageusement la paix dans toute l’Europe. Car la paix, hélas, est impossible sans une victoire complète et inconditionnelle sur le poutinisme. »
« Je tenais à me tenir ici en solidarité des Ukrainiens », témoigne une jeune femme d’environ trente ans arrivée cet hiver de Saint-Pétersbourg avec son mari, car celui-ci ne voulait pas risquer d’être incorporé dans l’armée lors d’une seconde vague de mobilisation.
« J’ai pris la décision de partir dès le début de la guerre, mais il m’a fallu près d’un an pour réussir à le faire », raconte un réfractaire qui, avec sa femme n’envisage pas de rentrer en Russie ou de quitter la Hongrie.
Une émission francophone en podcast sur la radio hongroise Tilos Rádió est consacrée à des exilés russes en Serbie et en Hongrie et fait une riche analyse géopolitique sur ces pays.
En Serbie, les Russes en exil fuient la guerre ou sont des réfugiés économiques, souvent des informaticiens qui télétravaillent. Ils sont confrontés à des Serbes pro-russes, voire pro-Poutine.
Des Russes à Budapest témoignent :
L’un d’eux, qui a de la famille en Bélarus, veut y fuir avec un ami. Les frontières lui sont fermées ainsi que celles de la Pologne et des pays baltes. Il cherche un moyen légal de quitter le pays. Il fait profil bas pour éviter la mobilisation : ne pas circuler en ville pour éviter la reconnaissance faciale car il a manifesté au début de la guerre, ne pas utiliser les réseaux sociaux. Finalement il obtient une invitation à travailler de la part de son ancienne université hongroise. Pour y arriver, il doit passer par Minsk et Istanbul.
Un autre Russe, depuis plusieurs années en Hongrie, est chercheur en droits de l’homme. Menacé d’expulsion à l’expiration de son permis de séjour, il réussit exceptionnellement, à obtenir non pas l’asile, mais une protection politique qui lui permet de rester dans le pays pendant un an.
Un troisième parle d’un de ses proches, en Russie, dont le contrat militaire qu’il espérait interrompre a été renouvelé. Son téléphone étant confisqué, on est sans nouvelles de lui.
Une femme qui se sentait en danger après avoir manifesté contre l’invasion est arrivée en Hongrie en novembre 2022 avec un visa touristique. Pour éviter la mobilisation, son mari l’a rejointe après un périple par le Kazakhstan, la Turquie, la Serbie et à nouveau la Turquie [174].
Riga
Devant l’ambassade russe à Riga en Lettonie, plusieurs dizaines de personnes, pour la plupart des résidents russes, se sont rassemblées pour protester contre le régime de Vladimir Poutine et la guerre en Ukraine [175].
Témoignages d’exilés moscovites
Le Monde [176] a recueilli des témoignages d’exilés moscovites dans différents pays.
Maxime
Maxime (tous les prénoms ont été changés par le journal) raconte son service militaire en 2018 : « Parmi la trentaine de personnes dont j’avais le commandement, certaines se sont suicidées, d’autres ont été tuées lors d’entraînements, en raison d’une organisation déplorable récurrente dans l’armée russe, et d’équipements défectueux. »
Au moment de l’affaire de l’empoisonnement d’Alexeï Navalny, Maxime soutient l’opposant. « J’ai participé à un rassemblement, j’ai essayé d’en organiser moi-même. », ce qui lui vaut d’être étiqueté comme « extrémiste » par le pouvoir.
En septembre 2022, en tant qu’ancien des forces spéciales, il sait qu’il sera mobilisé. « On part dans les premiers. Certains de mes camarades en ont tout de suite été. Dès le lendemain, ils rentraient au pays dans un cercueil. »
« Je suis absolument contre la guerre. Au XXIe siècle, on doit trouver d’autres solutions ! Pendant que les Américains envoient des fusées dans l’espace, nous envoyons des missiles sur l’Ukraine ! », s’exclame Maxime, jouant sur le mot « raketa », qui signifie aussi bien « fusée » que « missile » en russe.
Après trente-huit heures d’attente, il franchit la frontière kazakhe. Il passe ensuite en Géorgie et enfin au Mexique. « Je vais tout faire pour ne jamais revenir en Russie. » « C’est une grosse déception, comme si mon pays me trahissait à chaque fois. Je préfère être en détention aux États-Unis que libre en Russie ! »
Micha
Micha, dont le grand-père « était 100 % ukrainien » est en vacances en Argentine. Le 24 février 2022, c’est le choc. « Comme un trou dans la poitrine, la sensation d’un cataclysme irréversible qui allait changer notre vie et celle de millions d’autres personnes. », « La première alerte a été l’occupation de la Crimée en 2014, mais nous avions l’illusion qu’une normalisation de la situation était possible, qu’un accord pouvait être trouvé. », « Ce qui se passe en Ukraine est incompréhensible, terrifiant. »
En mai, le beau-père de Micha meurt à Moscou, des suites d’un stress aigu dû à la situation. Le couple parvient, au prix d’un périple de trois jours, à rentrer quelques jours pour les funérailles. Micha perçoit une « sensation de danger permanent ». « Les gens ont si peur de la police, ils se taisent. Avant la guerre, il arrivait qu’on soit perquisitionné dans la rue, car on était LGBT. Mais, depuis le début de la guerre, c’est devenu la normalité, jusqu’à être envoyé sur le front. Il n’y a plus de limite au pouvoir de la police. Arrestations arbitraires, viols… sont le lot de dizaines de gens, quel que soit le genre auquel ils appartiennent. »
La mère de son mari vit seule à Moscou. Elle n’a plus personne à qui parler. « Toutes ses amies regardent la télévision et croient à la propagande, comme une folie de masse. » Micha s’étonne que « tout fonctionne, les magasins, les théâtres, les restaurants », dans un climat où « la délation est devenue monnaie courante, où les lois contre les personnes LGBT connaissent un durcissement ». Il ne comprend pas l’attitude des pays occidentaux qui n’assurent pas un droit d’asile pour les Russes LGBT ou réfugiés politiques. Il a épousé son compagnon récemment, en Argentine. « On ne retournera pas à Moscou. »
Zoya
Zoya a quitté Moscou à la fin d’octobre 2022 et s’est installée à Tbilissi, en Géorgie, avec son mari et son fils Luka. Elle a pensé à partir dès le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais elle ne savait pas comment faire pour trouver un travail ni qui allait s’occuper de sa mère âgée…
En septembre, « la mobilisation partielle décrétée, des amis perquisitionnés à leur domicile, et enfin un épisode à l’école de Luka où, lors de la réalisation d’une vidéo patriotique dans sa classe à laquelle il a refusé de participer, un enfant s’est écrié “Luka, tu n’es pas un patriote !”. Nous avons alors compris que nous arrivions dans une situation dangereuse. Si nous étions restés, nous aurions vécu avec la peur permanente d’être arrêtés. »
« Notre regard était très clair, dit-elle, nous avons manifesté contre Poutine. », en 2011. En 2012, son mari est arrêté. Au déclenchement de la guerre, elle éprouve des crises de panique. Le jour même, elle va manifester. « Je ressentais le besoin de crier “non à la guerre !”. J’ai des amis proches en Ukraine, à qui je parlais par téléphone. J’étais heureuse de les savoir en vie, mais c’était très douloureux. »
À Tbilissi, la famille côtoie la communauté russe, « des gens de mon âge, des jeunes aussi, comme cet architecte qui se reconvertit en développeur informatique. Il y a aussi des artisans, des hommes qui ont fui la mobilisation… Je rencontre tellement de personnes intéressantes, intelligentes, bienveillantes ». « Je ressens beaucoup de tristesse, et beaucoup de haine envers ceux qui ont déclenché cette guerre. »
Marousia et Roman
Ayant de nombreux amis proches en Ukraine et un fils marié à une Ukrainienne, l’invasion russe a été une déflagration dans la vie de Marousia et Roman. « Je compare le 24 février 2022 au 11 septembre 2001. On regardait les nouvelles à la télévision et on ne pouvait pas croire que c’était vrai. »
« Nous avons eu peur de la mobilisation pour notre fils. Avec sa femme et notre fille, ils sont partis immédiatement à Istanbul. »
« J’ai commencé à coopérer avec l’opposition après l’annonce de l’“opération spéciale”, je souhaitais faire savoir ce qu’il se passait. », explique Roman. Il réalise des fiches pratiques « Comment ne pas être mobilisé », « Comment quitter la Russie ».
À cinq heures du matin, le 8 septembre 2022, les forces spéciales pénètrent dans leur domicile, armes à la main. « A terre ! Les mains derrière la tête ! » Ordinateurs et portables sont embarqués à l’issue d’une perquisition qui dure quatre heures et Roman est emmené, seul, dans les locaux du comité d’enquête. « On vous demande de partager tous vos contacts, l’accès à vos comptes bancaires est bloqué. » Après trois heures d’interrogatoire lors desquelles Roman ne lâche rien, il est remis en liberté. Il embarque pour rejoindre la capitale turque dans la nuit du 8 au 9 septembre.
Marousia vit dans la crainte de revoir débarquer les forces spéciales. Elle repense aux témoignages sur la grande terreur stalinienne des années 1937-1938, lors de laquelle un million et demi de suspects ont été arrêtés et 750 000 exécutés. « La paranoïa se développe très vite. Je ne pouvais plus ni boire, ni manger, ni dormir. […] J’ai alors jeté vêtements, linge, vaisselle, documents, objets, etc., en pensant que nous ne reviendrions jamais. Avec la sensation de jeter notre vie à la poubelle. »
Elle rejoint mari et enfants en Turquie, en état de stress post-traumatique. « J’ai eu tellement peur, j’ai toujours peur des bruits. Mais malgré cette souffrance, je n’ai rien vécu en comparaison des Ukrainiens », lance-t-elle, les yeux embués de larmes. Elle vient de perdre sa mère et n’a pu se rendre à son enterrement.
Sur le conseil d’une ONG, ils partent au Monténégro. Arrivés à Budva, ils sont logés, « très symboliquement, rue des Victimes-du-Fascisme », relève en souriant Roman, et y ont trouvé une communauté russo-ukrainienne très solidaire. Roman souhaite dorénavant se former au journalisme afin d’informer. « On ne peut se battre qu’avec la vérité. »
« C’est la même machine de répression que sous l’ère soviétique, mais qui fonctionne sans plus aucune idéologie, c’est une pure machine répressive. » « Il faut aider l’opposition russe pour empêcher que la Russie ne devienne un tonneau rempli de déchets toxiques. » « Poutine a franchi la ligne rouge et ne s’arrêtera pas. Pour les Russes, on a trahi notre patrie, et pour le reste du monde, nous sommes Russes. On n’a notre place nulle part. »
Zoya et Alexandre
Zoya est une actrice russe, elle a un fils de 6 ans. Alexandre est un danseur ukrainien. Ils se sont rencontrés trois mois avant l’invasion. Le 15 mars 2022, ils partent en Serbie qui n’exige pas de visa. À Belgrade, Zoya monte des spectacles pour enfants en russe. « De nombreux Russes se trouvent à Belgrade, dont beaucoup de familles envoyées par leur employeur pour y travailler. […] Je suis heureuse de trouver la force de donner un peu d’espoir aux gens. » Alexandre continue de participer à des festivals de danse.
Les grands-parents paternels du fils de Zoya soutiennent Poutine et le régime. « C’est très délicat. Je dois composer avec ma belle-famille, lorsque nous avons besoin de certaines autorisations pour voyager, etc. » « Vivre avec un Ukrainien m’aide beaucoup. Je vis la situation plus facilement que d’autres Russes, car j’ai l’impression que je partage une part de la douleur des Ukrainiens à travers l’amour. » Ils n’imaginent pas revenir en Russie, même si la guerre s’arrête. « Avec la propagande, le régime est parvenu à installer une idéologie difficilement arrêtable, et je ne vois pas mon fils vivre dans ce pays. » « Le plus effrayant, c’est qu’ils exaltent le patriotisme dans les jardins d’enfants, les écoles maternelles, c’est un programme sur du long terme ! »
Le couple ne restera pas en Serbie, où les problèmes avec le Kosovo sont récurrents.
Vadim
« Mes parents étaient très inquiets à l’idée que je sorte dans les rues. Des gens étaient arrêtés puis envoyés dans l’armée directement. » Vadim obtient un passeport israélien, puis, en Israël, la nationalité. Au cours des cinq premiers mois du conflit, les demandes d’immigration depuis l’Ukraine et la Russie ont triplé, selon le Bureau central des statistiques d’Israël, qui a comptabilisé 20 000 arrivants de Russie et plus de 12 000 d’Ukraine.
Vadim donne encore des cours de russe en ligne pour des écoliers moscovites. Son groupe musical a sorti un album enregistré à Tel-Aviv, Moscou et Barcelone. Les filles sont restées à Moscou. Les garçons ont tous émigré. Une des chansons écrites il y a quatre ans par Vadim fait étrangement écho à la situation présente : « À la télévision ils ont dit qu’il y avait la guerre/ Le champignon nucléaire est dans le cadre de la fenêtre/ Les gens courent, les gens deviennent fous/ Le ciel est en train d’exploser et moi je te regarde. »
Tirs contre des réfractaires
Des militaires mobilisés du régiment 1439 de la région russe d’Irkoutsk ont enregistré deux adresses vidéo [177] à Vladimir Poutine pour se plaindre que les commandants de la milice de la prétendue République populaire de Donetsk (RPD) tirent contre eux.
« Les commandants de la RPD tirent avec des mitrailleuses et des véhicules de combat d’infanterie sur nos recrues, car [les soldats] refusent d’aller dans les unités d’assaut […] Le commandement est indifférent à nos vies. Le commandement n’est pas présent en première ligne et ne connaît pas la situation réelle au front, c’est pourquoi notre unité subit de lourdes pertes chaque jour. C’est la sixième fois que le commandement a rempli son état-major de nouveaux conscrits […] Nous demandons de l’aide. Il n’y a nulle part d’autre vers qui nous tourner [178]. »
Ils disent que les groupes d’évacuation RDP ne sauvent que leurs propres soldats légèrement blessés sur les champs de bataille. Selon les conscrits, les soldats russes grièvement blessés et tués ne sont pas évacués car les commandants ont « peur de perdre du matériel ». Les épouses des soldats ont déposé une demande officielle auprès du procureur militaire en chef.
Le gouverneur de la région d’Irkoutsk, Igor Kobzev, a promis que les soldats seraient « transférés dans un nouveau lieu de service [179] ». Pourtant, ils ont été envoyés pour attaquer le district fortifié d’Avdiivka le 1er mars [180].
Alipat Sultanbegova
En mars 2022, Alipat Sultanbegova a été arrêtée pendant vingt jours pour avoir participé à un rassemblement contre la guerre en Ukraine, pour discrédit des forces armées russes, puis pendant dix jours pour deux publications « Non à la guerre » et incitation à la haine envers les forces de sécurité.
En février 2023, elle a été arrêtée et a raconté qu’un colonel appelé Loktev « lui a posé des questions sur les raisons pour lesquelles elle n’a toujours pas quitté la Russie, sur sa religion et sur la signification de l’affiche "Pardonnez-nous, Ukraine". » La police a lu à la militante des biographies du leader ukrainien et collaborateur de l’Allemagne nazie Stepan Bandera et du poète ukrainien Taras Shevchenko et lui a fait écouter de la musique « patriotique » russe.
La militante a également indiqué qu’elle avait vu dans chaque bureau des portraits de Dzerjinski, fondateur de la Tchéka, la police politique soviétique, et un buste de Staline dans l’un d’eux. Son téléphone a été confisqué pour examen [181].
Alertes
Pour la deuxième fois, une alerte au raid aérien a été déclenchée à la télévision et à la radio dans certaines régions de Russie. Le ministère des Situations d’urgence a déclaré qu’il avait fait l’objet d’une intrusion, par exemple par le communiqué suivant :
« Les émissions de plusieurs stations de radio ont été piratées ce matin, vraisemblablement depuis un État voisin. Le message audio précise qu’une alerte au raid aérien a été déclarée à Belgorod, les citoyens étant invités à se rendre aux abris.
L’objectif de ce message est de semer la panique parmi les populations civiles de Belgorod [182]. »
Des employés des services publics de la ville peignent un message « Non à la guerre » gravé dans la glace sur la rivière Moïka gelée à Saint-Pétersbourg
Poutine fait école
Poutine impose à tous les élèves des cours obligatoires de patriotisme va-t-en-guerre. Il adore les grands rassemblements militaires. Il réprime tout dénigrement de l’armée. Il semble en cela avoir inspiré une municipalité très française.
La préfecture du Var a saisi le tribunal administratif pour obtenir l’annulation d’une délibération du maire de Saint-Raphaël, qui est aussi secrétaire départemental des LR du Var, Frédéric Masquelier, qui conditionne le versement de subventions aux associations à leur participation à quatre des cinq manifestations patriotiques municipales annuelles. « On ne peut demander à une association de faire que ce que son statut prévoit. », objecte un élu d’opposition. Le président d’une association de retraités, qui n’a jamais été invitée formellement aux cérémonies, réagit : « Ce qui nous choque, c’est qu’on dise aux associations, "si vous ne venez pas, on vous diminue votre subvention" [183]. »
La municipalité veut peut-être étendre le Service national universel (SNU) à toute la population, des enfants des crèches associatives aux vieillards.
[1] Interview de Nicolas Demorand et Léa Salamé, https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-7-9-30/le-7-9-30-du-lundi-24-avril-2023-2091381, publié et consulté le 24 avril 2023.
[2] https://www.bernard-guetta.eu/2023/04/24/il-faut-les-sauver/, publié et consulté le 24 avril 2023.
[3] https://www.bernard-guetta.eu/2022/04/01/oeuvrons-a-ce-que-la-fin-de-laffrontement-est-ouest-soit-le-debut-dune-nouvelle-ere-de-democratie-et-de-prosperite, 1er avril 2022, consulté le 24 avril 2023.
[4] https://www.bernard-guetta.eu/2023/02/17/il-faut-un-navalny-a-la-russie, 17 février 2023, consulté le 24 avril 2023.
[5] Tatyana Stanovaya, https://meduza.io/feature/2023/04/17/zakon-o-tsifrovyh-povestkah-eto-shag-v-storonu-nastoyaschego-tsifrovogo-gulaga-vypadenie-iz-novoy-sistemy-budet-oznachat-dlya-rossiyan-sotsialnuyu-smert, 17 avril 2023, consulté le 22 avril 2023.
[6] « L’Europe glisse vers l’économie de guerre », 25 avril 2023.
[7] Benjamin Quénelle, « En Russie, les irréductibles de la liberté d’expression », La Croix, 20 avril 2023.
[8] https://www.youtube.com/channel/UCWAIvx2yYLK_xTYD4F2mUNw/videos, consulté le 21 avril 2023.
[9] Yves Calvi et Thomas Pirre, https://www.rtl.fr/actu/international/invite-rtl-russie-j-ai-peur-mais-je-travaille-confie-l-ex-redacteur-en-chef-de-l-echo-de-moscou-7900230641, 31 janvier 2023, consulté le 21 avril 2023.
[10] Ilia Iachine, traduit par Nikita Mouravieff, « Il est tout à fait possible que je cède ma place en prison à Poutine », Le Monde, 21 avril 2023.
[11] https://www.youtube.com/watch?v=47BqmVhnMVY, consulté le 19 avril 2023.
[12] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/04/21/guerre-en-ukraine-en-direct-volodymyr-zelensky-assistera-au-prochain-sommet-de-l-otan-a-vilnius_6170414_3210.html, publié et consulté le 21 avril 2023.
[13] Thomas d’Istria, « Le détournement d’un avion de ligne et l’arrestation de l’opposant Roman Protassevitch par la Biélorussie suscitent une forte émotion », Le Monde, 24 mai 2021.
[14] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/04/21/guerre-en-ukraine-en-direct-volodymyr-zelensky-assistera-au-prochain-sommet-de-l-otan-a-vilnius_6170414_3210.html, art. cit.
[15] Anne-Françoise Hivert, « La Lituanie sur le point de légaliser les refoulements de migrants », Le Monde, 22 avril 2023.
[16] Johanna Afriat, https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/1658680820-menaces-contre-l-agence-juive-en-russie-a-quoi-joue-vladimir-poutine, 24 juillet 2022, consulté le 22 avril 2023.
[17] https://meduza.io/cards/izrail-otmenyaet-ekstrennuyu-repatriatsiyu-dlya-rossiyan-i-belorusov-v-stranu-vse-esche-mozhno-emigrirovat-i-ne-vvedut-li-vlasti-novye-ogranicheniya, 21 avril 2023, consulté le 22 avril2023.
[18] Hartmut Gieselmann, « Comment ChatGPT résoudrait-il la guerre en Ukraine ? », 10 avril 2023.
[19] Will Vernon, https://www.bbc.com/news/world-europe-65213426, 9 avril 2023, consulté le 16 avril 2023.
[20] Benoît Vitkine, « Le procès stalinien de Vladimir Kara-Mourza », Le Monde, 19 avril 2023.
[21] https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/17/russie-vladimir-kara-mourza-opposant-de-longue-date-de-vladimir-poutine-condamne-a-vingt-cinq-ans-de-prison_6169856_3210.html, publié et consulté le 17 avril 2023.
[22] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/04/18/guerre-en-ukraine-en-direct-la-pologne-annonce-un-accord-avec-l-ukraine-sur-les-cereales_6169961_3210.html, publié et consulté le 18 avril 2023.
[23] https://meduza.io/news/2023/04/18/gosduma-odobrila-popravki-o-pozhiznennom-sroke-za-gosizmenu-i-sroke-do-pyati-let-za-pomosch-v-ispolnenii-resheniy-mezhdunarodnyh-organizatsiy, publié et consulté le 18 avril 2023.
[24] « Les va-t-en-guerre pleurent l’un des leurs », Courrier international, 6 avril 2023.
[25] Benoît Vitkine, https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/17/en-russie-le-feminisme-assimile-a-une-ideologie-extremiste_6169796_3210.html, , publié et consulté le 17 avril 2023.
[26] https://www.france.tv/france-5/le-monde-en-face/4788208-russie-un-peuple-qui-marche-au-pas.html
[27] JC Lattès, Essais et documents, 250 pages, 12 avril 2023.
[28] Cité par Benoît Vitkine, « Portrait d’une Russie soumise et violente », Le Monde, 16-17 avril2023.
[29] Cité par Céline Lussato, « "Russie : un peuple qui marche au pas" sonde l’âme d’une nation braquée par Vladimir Poutine », Télé Obs, 13 avril 2023.
[30] Fabio Tonacci, « Ukraine. Un front contre les murs », 19 mars 2023, repris par Courrier international, 13 avril2023.
[31] Collectif, « La liberté doit être mieux armée que la tyrannie », 19 avril 2023.
[32] « Et après la guerre ? », 14 mars 2023, repris dans Courrier international, 6 avril 2023.
[33] https://fr.wikipedia.org/wiki/Mediazona, consulté le 12 avril 2023.
[34] Anna Pavlova, https://zona.media/article/2023/03/22/500500, 22 mars 2023, consulté le 10 avril 2023.
[35] https://zona.media/news/2022/12/16/tri_prigovora, 16 décembre 2022, consulté le 11 avril 2023.
[36] https://t.me/military_ombudsmen/865, 7 avril 2023.
[37] Anna Pavlova, art. cit.
[38] https://meduza.io/feature/2022/12/27/yavlyayus-voennosluzhaschim-takzhe-yavlyayus-chelovekom, 27 décembre 2022, consulté le 9 avril 2023.
[39] https://meduza.io/news/2023/04/08/rossiyskogo-voennosluzhaschego-prinyavshego-buddizm-prigovorili-k-dvum-s-polovinoy-godam-kolonii-za-otkaz-vozvraschatsya-na-voynu, 8 avril 2023, consulté le 9 avril 2023.
[40] Anna Pavlova, art. cit.
[41] https://meduza.io/news/2023/04/10/rossiyanina-zaderzhannogo-v-erevane-po-zaprosu-iz-moskvy-otpustili-v-rossii-on-razyskivaetsya-po-delu-o-dezertirstve, publié et consulté le 10 avril 2023.
[42] https://t.me/sergeymeniaylo/1269, publié et consulté le 10 avril 2023.
[43] https://meduza.io/news/2023/04/10/vlasti-severnoy-osetii-obratilis-v-prokuraturu-iz-za-video-na-kotorom-izbivayut-mobilizovannogo, publié et consulté le 10 avril 2023.
[44] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/04/11/guerre-en-ukraine-en-direct-bombardements-dans-l-oblast-de-zaporijia-11-millions-de-refugies-ukrainiens-ont-fui-vers-la-pologne-depuis-l-invasion_6169014_3210.html, publié et consulté le 11 avril 2023.
[45] https://www.ledauphine.com/defense-guerre-conflit/2023/04/14/vladimir-poutine-signe-la-loi-facilitant-la-mobilisation-dans-l-armee, 14 avril 2023, consulté le 16 avril 2023.
[46] Benoît Vitkine, « Moscou resserre le dispositif de mobilisation de sa population », Le Monde, 13 avril 2023.
[47] Robyn Dixon, https://www.washingtonpost.com/world/2023/04/11/russia-conscription-military-mobilization-war, 11 avril 2023, consulté le 15 avril 2023.
[48] https://meduza.io/feature/2023/04/11/uezzhat-li-iz-rossii-pryamo-seychas-esli-u-menya-est-hotya-by-teoreticheskaya-vozmozhnost-i-ya-ne-hochu-voevat, publié et consulté le 11 avril 2023.
[49] Sofia Samokhina et Kateryna Khinkulova, https://www.bbc.com/news/world-europe-65239093, 12 avril 2023, consulté le 15 avril 2023.
[50] https://www.arte.tv/fr/videos/112540-075-A/arte-journal-14-04-2023, 14 avril 2023, consulté le 16 avril 2023.
[51] https://ovd.news/express-news/2023/04/10/muzykantam-naznachili-po-19-let-lisheniya-svobody-iz-za-nesostoyavshegosya, publié et consulté le 10 avril 2023.
[52] https://t.me/solidarity_zone/565, publié et consulté le 10 avril 2023.
[53] https://ru.wikipedia.org/wiki/%D0%9F%D0%BE%D0%B4%D0%B6%D0%BE%D0%B3%D0%B8_%D0%B2%D0%BE%D0%B5%D0%BD%D0%BA%D0%BE%D0%BC%D0%B0%D1%82%D0%BE%D0%B2_%D0%B8_%D0%B0%D0%B4%D0%BC%D0%B8%D0%BD%D0%B8%D1%81%D1%82%D1%80%D0%B0%D1%82%D0%B8%D0%B2%D0%BD%D1%8B%D1%85_%D0%B7%D0%B4%D0%B0%D0%BD%D0%B8%D0%B9_%D0%B2_%D0%A0%D0%BE%D1%81%D1%81%D0%B8%D0%B8, consulté le 10 avril 2023.
[54] https://zona.media/news/2023/04/11/btln, 11 avril 2023, consulté le 12 avril 2023.
[55] https://antiwar.in/en#rec575378226, consulté le 11 avril 2023.
[56] https://meduza.io/en/news/2023/04/11/antiwar-initiatives-congress-calls-on-european-authorities-to-prevent-alexey-moskalev-s-extradition-from-belarus-to-russia, publié et consulté le 11 avril 2023.
[57] https://t.me/ovdinfolive/20269, 12 avril 2023, consulté le 16 avril 2023.
[58] https://t.me/tass_agency/187834, 13 avril 2023, consulté le 16 avril 2023.
[60] https://meduza.io/feature/2023/04/16/uznayte-chto-tam-sluchilos-uzhasnites-tomu-chto-proizoshlo-s-mashey-i-ee-semiey-za-risunok-solist-gruppy-naiv-na-kontserte-v-moskve-vyshel-v-mayke-masha-moskaleva, publié et consulté le 16 avril 2023.
[61] Virginie Pironon, https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/temoignage-guerre-en-ukraine-la-militante-antiguerre-russe-daria-serenko-se-bat-contre-le-regime-de-vladimir-poutine_5761127.html, publié et consulté le 9 avril 2023.
[62] https://novayagazeta.eu/articles/2023/04/05/daughter-of-alexey-moskalyov-who-was-placed-in-orphanage-after-her-dad-was-arrested-for-discrediting-army-reunited-with-mother-en-news, 5 avril 2023, consulté le 6 avril 2023.
[63] https://novayagazeta.eu/articles/2023/03/17/hague-international-court-of-justice-issues-arrest-warrant-for-vladimir-putin-en-news, consulté le 6 avril 2023.
[64] Zoïa Svetova, propos recueillis par Céline Lussato, https://www.nouvelobs.com/monde/20230407.OBS71895/journal-de-moscou-pour-evguenia-kara-mourza-le-proces-de-son-mari-n-est-qu-une-parodie-de-justice.html?at_medium=email&at_emailtype=retention&at_campaign=ObsActu17h&at_send_date=20230407&M_BT=68431130352995, publié et consulté le 7 avril 2023.
[65] https://novayagazeta.eu/articles/2023/04/05/this-is-a-brutal-state-we-have-seen-this-over-the-past-nine-years-en, 5 avril 2023, consulté le 6 avril 2023.
[66] Alexandre Kabanov, https://meduza.io/feature/2023/04/07/voyna-razrushaet-nauku-i-v-rossii-i-esche-kuda-silnee-v-ukraine-chto-mozhno-etomu-protivopostavit, publié et consulté le 7 avril 2023.
[67] https://trv-science.ru/2019/08/protiv-repressiy, 22 août 2019, consulté le 7 avril 2023.
[68] http://scientific.ru/zayavlenie-o-belarusi, 12 septembre 2020, consulté le 7 avril 2023.
[69] https://trv-science.ru/2021/02/ostanovit-narastayushhuyu-konfrontaciyu-i-obratitsya-k-sotrudnichestvu-i-dialogu, 1er février 2021, consulté le 7 avril 2023.
[70] https://www.t-invariant.org/2022/02/we-are-against-war, février 2022, consulté le 7 avril 2023.
[71] Artem Klepach, propos recueillis par Maksym Shumakov et traduit par Patrick Le Tréhondat, https://laboursolidarity.org/fr/campagne/n/2573/interview-de-artem-klepach-du-mouvement-students-ua, 25 février 2023, consulté le 8 avril 2023.
[72] Sergiy Karazy et Anna Dabrowska, https://www.reuters.com/world/europe/ukraine-trains-40000-storm-brigade-troops-counter-offensive-2023-04-05, publié et consulté le 5 avril 2023.
[73] Thomas d’Istria, « En Ukraine le recrutement militaire à la peine », Le Monde, 4 avril 2023.
[74] Propos recueillis par Isabelle Mandraud, « En Russie, la répression s’alourdit de jour en jour », 5 avril 2023.
[75] https://meduza.io/news/2023/04/05/v-permi-otmenili-kontsert-pianistki-poliny-osetinskoy-ona-vystupala-protiv-voyny, publié et consulté le 5 avril 2023.
[76] https://meduza.io/news/2023/04/05/aktera-dmitriya-nazarova-oshtrafovali-na-50-tysyach-rubley-po-statie-o-diskreditatsii-armii-za-pesnyu-hotyat-li-russkie-voyny, publié et consulté le 5 avril 2023.
[77] Ronen Steinke, « Poutine poursuivi, enfin ! », 19 mars 2023, repris dans Courrier international, 23 au 29 mars 2023.
[78] Louis Seiller, https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/en-direct-du-monde/reportage-guerre-en-ukraine-au-montenegro-200-000-russes-sont-en-exil-ou-ils-peuvent-envisager-les-choses-de-maniere-plus-stable_5723219.html, publié et consulté le 4 avril 2023.
[79] Olivier Truc, « En Lituanie, les parlementaires restreignent les droits des Russes et des Biélorusses », Le Monde, 6 avril 2023.
[80] Lilia Yaparova, https://meduza.io/feature/2023/04/03/ni-shagu-nazad-tovarischi, publié et consulté le 3 avril 2023.
[81] Victor Vasseur, https://www.radiofrance.fr/franceinter/wikipedia-censure-on-vous-explique-le-bras-de-fer-entre-l-encyclopedie-et-la-russie-6669021, 14 juin 2022, consulté le 3 avril 2023 ; https://www.ouest-france.fr/monde/guerre-en-ukraine/guerre-en-ukraine-wikipedia-condamne-en-russie-a-une-amende-pour-deux-articles-sur-le-conflit-126e4f90-59ed-11ed-ba10-e6c7f81789ae, 1er novembre 2022, consulté le 3 avril 2023.
[82] Pierre Monnier, https://www.bfmtv.com/tech/la-russie-inflige-une-amende-a-wikipedia-pour-des-articles-sur-l-invasion-de-l-ukraine_AV-202303010309.html, 1er mars 2023, consulté le 3 avril 2023.
[83] https://www.ouest-france.fr/europe/russie/guerre-en-ukraine-nouvelle-amende-pour-wikipedia-en-russie-apres-des-articles-sur-le-conflit-bef73126-b84a-11ed-9dca-766da00b918b, 1er mars 2023, consulté le 3 avril 2023.
[84] https://en.ovdinfo.org/wartime-repressions-summary, mars 2023, consulté le 1er avril 2023.
[85] Ilya Budraitskis, « La gauche russe se déchire sur l’Ukraine », Le Monde diplomatique, 1er juin 2022.
[86] Ella Rossman in Brigades éditoriales de solidarité, L’Ukraine insurgée, M Éditeur (Montréal), Page 2 (Lausanne), Syllepse (Paris), octobre 2022, 396 pages, p. 254.
[87] https://manif-est.info/Campismes-076.html, 21 juillet 2019, consulté le 2 avril 2023.
[88] Collectif, L’Ukraine insurgée, op. cit.
[89] Julie Carriat, « En France, LFI et communistes pour une négociation avec la Russie », Le Monde, 2-3 avril 2023.
[90] https://tass.ru/mezhdunarodnaya-panorama/17413001, 31 mars 2023, consulté le 1er avril 2023.
[91] ttps ://novayagazeta.eu/articles/2023/03/31/posolstvo-v-argentine-rasskazalo-chto-rossiianam-nachali-massovo-otkazyvat-v-prodlenii-viz-i-vida-na-zhitelstvo-v-strane-news, 31 mars 2023, consulté le 1er avril 2023.
[92] https://www.nouvelobs.com/monde/20230324.OBS71333/l-onu-accuse-ukrainiens-et-russes-d-executions-sommaires-de-prisonniers-de-guerre.html, 24 mars 2023, consulté le 27 mars 2023.
[93] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/03/25/guerre-en-ukraine-en-direct-l-offensive-russe-stoppee-a-bakhmout-les-habitants-de-kherson-encourages-a-quitter-la-ville_6166925_3210.html, 25 mars 2023, consulté le 27 mars 2023.
[94] « Communiqué de presse intersyndical : Solidarité syndicale internationale pour la libération de Maksym Butkevitch », 17 mars 2023, consulté le 28 mars 2023.
[95] https://www.ldh-france.org/appel-a-liberer-maksym-butkevych-militant-ukrainien-des-droits-humains-et-anti-raciste-fait-prisonnier-par-larmee-russe, 18 juillet 2022, consulté le 28 mars 2023.
[96] https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/03/08/clara-zetkin-femme-demain, consulté le 27 mars 2023.
[97] « Changer le nom des lieux n’est pas anodin. Il est des réécritures de l’histoire qui s’opèrent à bas bruit », Le Monde, 25 mars 2023.
[98] Thomas d’Istria, « Stepan Bandera, l’antihéros ukrainien sanctifié », Le Monde, 9 janvier 2023.
[99] https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_Guerre_patriotique, consulté le 29 mars 2023 https://www.ldh-france.org/appel-a-liberer-maksym-butkevych-militant-ukrainien-des-droits-humains-et-anti-raciste-fait-prisonnier-par-larmee-russe/.
[100] https://thedailydigest.com/france/archivo/mettez-nous-donc-en-prison-des-soldats-russes-lasses-de-la-guerre-menacent-de-se-rebeller, consulté le 29 mars 2023.
[101] https://novayagazeta.eu/articles/2023/03/25/brosheny-v-okopakh-kak-bomzhi-i-zavaleny-trupami-voennosluzhashchie-iz-otriada-shtorm-obratilis-k-putinu-iz-sela-vodianoe-pod-ugledarom-news, 25 mars 2023, consulté le 28 mars 2023.
[102] Traduit par Veronika Dorman « Dmitry Glukhovsky : "Ce n’est pas la guerre du peuple russe" », 13 mars 2022.
[103] https://www.themoscowtimes.com/2023/03/25/when-governments-make-immoral-laws-it-is-our-duty-to-disobey-them-a80593, 25 mars 2023, consulté le 29 mars 2023.
[104] Marc Nexon, https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/russie-elvira-vikhareva-une-nouvelle-opposante-empoisonn%C3%A9e/ar-AA19aAid?ocid=mailsignout&pc=U591&cvid=036f5c1e8f19494b88cf821e7960a558&ei=39, 28 mars 2023, consulté le 29 mars 2023.
[105] Benoît Vitkine, « En Russie, le durcissement de la répression contre les antiguerre », Le Monde, 30 mars 2023.
[106] https://www.nouvelobs.com/monde/20230330.OBS71555/guerre-en-ukraine-le-russe-separe-de-sa-fille-pour-un-dessin-arrete-en-bielorussie.html?at_medium=email&at_emailtype=retention&at_campaign=ObsActu17h&at_send_date=20230330&M_BT=68431130352995, publié et consulté le 30 mars 2023.
[107] https://www.ladepeche.fr/2023/03/29/guerre-en-ukraine-le-pere-russe-condamne-a-de-la-prison-pour-le-dessin-anti-guerre-de-sa-fille-est-en-fuite-11094925.php, 29 mars 2023, consulté le 30 mars 2023.
[108] https://fr.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Kara-Mourza, consulté le 17 mars 2023.
[109] https://www.rfi.fr/fr/europe/20230314-russie-l-opposant-vladimir-kara-mourza-passible-de-25-ans-de-prison-devant-la-justice, 14 mars 2023, consulté le 17 mars 2023.
[110] https://www.lemonde.fr/international/live/2022/04/11/guerre-en-ukraine-en-direct-europol-lance-une-operation-visant-les-avoirs-criminels-russes_6121573_3210.html, 11 avril 2022, consulté le 17 mars 2023.
[111] https://pace.coe.int/fr/news/8831, 10 octobre 2022, consulté le 17 mars 2023.
[112] https://www.lefigaro.fr/flash-actu/l-opposant-russe-kara-mourza-trop-malade-pour-aller-a-son-proces-pour-trahison-20230316, 16 mars 2023, consulté le 17 mars 2023.
[113] www.bbc.com/russian/russia/2014/10/141016_tr_navalny_crimea, 16 octobre 2014, consulté le 20 mars 2023.
[114] Emmanuel Grynszpan, https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/21/l-empire-d-evgueni-prigojine-le-patron-du-groupe-wagner-mis-a-nu-par-des-hackers_6166323_3210.html, publié et consulté le 21 mars 2023.
[115] Roxana Azimi, « Marina Lochak démissionne de la direction du musée Pouchkine à Moscou », Le Monde, mars 2023.
[116] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/03/17/guerre-en-ukraine-en-direct-le-mandat-d-arret-contre-poutine-est-une-decision-importante-selon-le-chef-de-la-diplomatie-europeenne-historique-pour-volodymyr-zelensky_6165831_3210.html, publié et consulté le 17 mars 2023.
[117] Isabelle Khurshudyan, Paul Sonne et Karen DeYoung, https://www.washingtonpost.com/world/2023/03/13/ukraine-casualties-pessimism-ammunition-shortage, consulté le 21 mars 2023.
[118] Édition Passés/Composés, Paris, 2023, 218 pages, témoignage de Maksym Lutsyk, p. 111 et 11323.
[119] Alexandre Horn, https://www.liberation.fr/checknews/la-mise-a-lecart-par-kyiv-dun-grade-pour-des-propos-pessimistes-sur-la-guerre-suscite-la-polemique-et-la-colere-de-ses-soldats-20230320_5WE7BUPIZBCWZB5W2RUUH25UEY, 20 mars 2023.
[120] https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/20/ukraine-n-ayons-pas-la-naivete-et-l-imprudence-de-croire-que-les-armes-suffiront-a-apporter-la-solution-renforcons-la-diplomatie_6166254_3232.html, 20 mars 2023, consulté le 21 mars 2023.
[121] https://www.kyivpost.com/post/5321, 1er septembre 2022, consulté le 13 mars 2023.
[122] Rémy Ourdan, « Ces rebelles russes qui se battent au côté de Kiev », Le Monde, 13 mars 2023.
[123] Benoît Vitkine, « Par vidéo, des mobilisés russes interpellent Poutine », 15 mars 2023.
[124] Kristina Safonova, https://meduza.io/feature/2023/03/15/organizovannaya-prestupnaya-gruppa-poetov, publié et consulté le 15 mars 2023.
[125] https://novayagazeta.eu/articles/2023/03/15/russian-court-sentences-22-year-old-to-13-years-behind-bars-for-setting-draft-office-on-fire-in-moscow-region-en-news, publié et consulté le 15 mars 2023.
[126] https://novayagazeta.eu/articles/2023/03/15/kazakhstan-court-extends-arrest-of-denis-kozak-19-year-old-wanted-in-russia-over-justification-of-terrorism-charges-for-12-months-en-news, publié et consulté le 15 mars 2023.
[127] Louise Wessbecher, https://fr.news.yahoo.com/oscars-2023-r%C3%A9compensent-navalny-n-074522970.html, 13 mars 2023, consulté le 15 mars 2023.
[128] https://meduza.io/news/2023/03/15/ves-svoy-vklad-ya-posvyaschayu-chestnym-i-smelym-lyudyam-kotorye-nahodyat-v-sebe-sily-protivostoyat-chudovischu-diktatury-navalnyy-o-prisuzhdenii-oskara-filmu-o-ego-otravlenii, publié et consulté le 15 mars 2023.
[129] https://orthodoxtimes.com/metropolitan-epiphanius-of-kiev-i-am-the-target-no5-at-the-kill-list-of-russians/, 5 mars 2022, consulté le 15 mars 2023.
[130] Jean-Pierre Filiu, https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2023/03/12/la-diplomatie-interreligieuse-de-l-ukraine_6165150_6116995.html, 12 mars 2023, consulté le 15 mars 2023.
[131] https://ukrainianjewishencounter.org/en/news/yaakov-dov-bleich-chief-rabbi-of-ukraine-russia-needs-to-do-denazification-at-home, 24 mai 2022, consulté le 23 mars 2023.
[132] Serge Enderlin, « Berne envoie des batteries aériennes à la casse plutôt qu’à Kiev », Le Monde, 13 mars 2023.
[133] Camille Vigogne Le Coat, « Le soutien de façade de Marine Le Pen à l’Ukraine », L’Express, 9 mars 2023.
[134] https://novayagazeta.eu/articles/2023/03/08/karelia-19-year-old-civic-alliance-of-russia-member-detained-he-is-accused-of-railway-sabotage-en-news, 8 mars 2023, consulté le 9 mars 2023.
[135] Benoît Vitkine, « La Douma durcit la loi punissant les critiques contre la guerre », Le Monde, 4 mars 2023.
[136] Elizaveta Nesterova, https://zona.media/article/2023/01/18/mikhnov-vytenko, 18 janvier 2023, consulté le 9 mars 2023.
[137] https://zona.media/online/2023/03/07/prigivor, 7 mars 2023, consulté le 9 mars 2023.
[138] Elizaveta Nesterova, https://zona.media/article/2023/03/01/ivanov, 1er mars 2023 consulté le 9 mars 2023.
[139] Neil MacFarquhar, Alina Lobzina, The New York Times, 14 février 2023, repris par Courrier international, 2 mars 2023.
[140] https://novayagazeta.eu/articles/2023/03/07/russian-draftees-complain-of-being-sent-to-ukraine-to-assault-villages-without-training-en-news, 7 mars 2023, consulté le 9 mars 2023.
[141] Ivan Zhilin, Anna Artemyeva, https://novayagazeta.ru/articles/2023/02/28/v-tsinkovykh-drovakh, 28 février 2023, consulté le 9 mars 2023.
[142] Renaud Verstraete, https://www.rtbf.be/article/direct-guerre-en-ukraine-le-president-suisse-contre-lexportation-darmes-vers-lukraine-au-nom-de-la-neutralite-11163810, 8 mars 2023, consulté le 9 mars 2023.
[143] Benoît Vitkine, « En Russie, un dessin d’enfant anti-guerre peut mener au poste », Le Monde, 3 mars 2023.
[144] Olivier Truc, « Élections en Estonie à l’ombre du conflit en Ukraine », Le Monde, 4 mars 2023.
[145] Hélène Bienvenu, « Les échanges au point mort entre la Pologne et la Biélorussie », Le Monde, 4 mars 2023.
[146] https://www.leparisien.fr/international/bielorussie-le-militant-ales-bialiatski-colaureat-du-nobel-condamne-a-10-ans-de-prison-03-03-2023-AB5UMMNQBNE5JF3YLGPCTVB3P4.php, 3 mars 2023, consulté le, 4 mars 2023.
[147] Marie Jégo, « Un Prix Nobel mis en cage », », Le Monde, 3 mars 2023.
[148] Emmanuel Grynszpan, « En Géorgie, les manifestations contre la "loi russe" font plier le parti au pouvoir », Le Monde, 10 mars 2023.
[149] https://novayagazeta.eu/articles/2023/03/08/georgia-first-protester-detained-for-attacking-police-officer-during-7-march-rally-against-foreign-agents-law-en-news, 8 mars 2023, consulté le 9 mars 2023.
[150] Yves Bourdillon, https://www.lesechos.fr/monde/europe/debut-de-soulevement-en-georgie-1912980, publié et consulté le 8 mars 2023.
[151] https://novayagazeta.eu, publié et consulté le 9 mars 2023.
[152] Emmanuel Grynszpan, « La Géorgie ouvre la chasse aux "agents étrangers" », Le Monde, 9 mars 2023.
[153] Thomas d’Istria, « Dans les territoires libérés, le temps du déminage », Le Monde, 8 mars 2023.
[154] https://www.hrw.org/fr/news/2023/01/31/ukraine-des-mines-terrestres-interdites-causent-des-souffrances-aux-civils, 31 janvier 2023, consulté le 8 mars 2023.
[155] Hélène BIenvenu, « Des militaires ukrainiens en formation au Kosovo », Le Monde, 9 mars 2023.
[156] https://www.20min.ch/fr/story/des-armes-suisses-ont-atterri-dans-une-region-separatiste-888125190781, 25 février 2022, consulté le 4 mars 2023.
[157] https://www.lefigaro.fr/international/la-suisse-refuse-le-transfert-d-armes-et-de-blindes-a-l-ukraine-20220603, 3 juin 2022, consulté le 4 mars 2023.
[158] Jason Huther, https://www.watson.ch/fr/suisse/ukraine/391381943-pourquoi-la-livraison-d-armes-suisses-en-ukraine-seme-le-chaos, 6 mars 2023, consulté le 9 mars 2023.
[159] Eric Felley, https://www.lematin.ch/story/la-lex-ukraine-conserve-une-petite-chance-a-berne-817738472243, 22 février 2023, consulté le 12 mars 2023.
[160] Philippe Chapleau, « La guerre en Ukraine pousse la Suisse à faire évoluer son sacro-saint principe de neutralité », 8 février 2023, consulté le 4 mars 2023.
[161] Serge Enderlin, « La Suisse tergiverse pour livrer des armes à l’Ukraine », Le Monde, 3 mars 2023.
[162] Théa Jacquet, Kevin Dero, https://www.rtbf.be/article/direct-guerre-en-ukraine-le-president-suisse-contre-lexportation-darmes-vers-lukraine-au-nom-de-la-neutralite-11163810, 8 mars 2023, consulté le 9 mars 2023.
[163] Serge Enderlin, « Guerre en Ukraine : la Suisse s’éloigne du destin collectif européen », Le Monde, 8 mars 2023, consulté le 10 mars 2023.
[164] Yannick Weber, https://www.lematin.ch/story/meme-sans-rien-envoyer-a-lukraine-la-suisse-a-battu-son-record-en-2022-969274719767, 7 mars 2023, consulté le 9 mars 2023.
[165] Faki Sermîn, https://www.msn.com/fr-ch/actualite/other/une-experte-en-droit-international-la-lex-ukraine-est-ind%C3%A9fendable-du-point-de-vue-de-la-neutralit%C3%A9/ar-AA16KPl1, 26janvier 2023, consulté le 12 mars 2023.
[166] https://www.lefigaro.fr/flash-actu/suisse-timide-pas-en-avant-vers-la-reexportation-d-armes-vers-l-ukraine-20230309, publié et consulté le 9 mars 2023.
[167] « La double erreur de Macron sur l’Ukraine », 10 mars 2023.
[168] Haviv Rettig Gur, https://www.timesofisrael.com/no-longer-willing-to-carry-entire-burden-reservist-protest-hints-at-deeper-crisis, 8 mars 2023, consulté le 10 mars 2023.
[169] https://fr.timesofisrael.com/des-reservistes-refractaires-a-la-reforme-protestent-devant-le-domicile-de-karhi, 8 mars 2023, consulté le 12 mars 2023.
[170] https://www.haaretz.com/opinion/2023-03-06/ty-article-opinion/.premium/i-risked-my-life-in-an-elite-israeli-special-ops-unit-i-refuse-to-serve-a-dictatorship/00000186-b770-d97e-af9e-fffb4d0b0000?v=1678277781828, 6 mars 2023, consulté le 10 mars 2023.
[171] C. C. https://www.lexpress.fr/monde/proche-moyen-orient/israel-pourquoi-des-reservistes-de-larmee-font-defection-pour-aller-manifester-75CVW4M7GZH4VI7KWWVORDWXCE, 8 mars 2023, consulté le 10 mars 2023.
[172] Corentin Léotard, https://courrierdeuropecentrale.fr/poutine-terroriste-scandent-des-russes-exiles-a-budapest%ef%bf%bc, consulté le 28 février 2023.
[173] Anne-Sophie Gayet, https://s.42l.fr/eynZAo-5, 27 février 2023, consulté le 28 février 2023.
[174] https://courrierdeuropecentrale.fr/poutine-terroriste-scandent-des-russes-exiles-a-budapest%ef%bf%bc, consulté le 28 février 2023.
[175] https://www.msn.com/fr-fr/actualite/other/belgique-%C3%A0-bruxelles-des-milliers-de-personnes-manifestent-pour-l-ukraine/ar-AA17WaRc, 25 février 2023, consulté le 28 février 2023.
[176] Anne Guillard, traduction Mia Pita, https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/25/paroles-d-exiles-russes-un-an-apres-le-debut-de-l-invasion-de-l-ukraine-je-ressentais-le-besoin-de-crier-non-a-la-guerre_6163287_3210.html, 25 février 2023, consulté le 27 février 2023.
[178] https://novayagazeta.eu/articles/2023/02/26/draftees-from-irkutsk-region-record-video-address-to-putin-say-dpr-commanders-use-firearms-against-them-en-news, 26 février 2023, consulté le 1er mars 2023.
[179] https://t.me/kobzevii/2537, 26 février 2023, consulté le 1er mars 2023.
[180] https://novayagazeta.eu/articles/2023/03/01/draftees-from-russias-irkutsk-region-who-previously-complained-about-threats-from-dpr-commanders-sent-to-storm-avdiivka-fortified-district-en-news, publié et consulté le 1er mars 2023.
[181] https://novayagazeta.eu/articles/2023/02/25/v-krasnodare-zaderzhali-aktivistku-alipat-sultanbegovu-siloviki-zachityvali-ei-biografii-bandery-i-shevchenko-i-vkliuchali-pesni-liube-news, 25 février 2023, consulté le 1er mars 2023.
[182] https://novayagazeta.eu/articles/2023/02/28/po-tv-i-radio-v-nekotorykh-regionakh-rossii-prozvuchala-vozdushnaia-trevoga-v-mchs-zaiavili-o-vzlome-news, 28 février 2023, consulté le 1er mars 2023.