Certes, le vocable « ennemi intérieur » n’est quasi plus utilisé par les médias. De nouvelles figures sont venues le remplacer comme « terroriste », « islamiste » « clandestin », etc. En fait, cette notion a été théorisée par les militaires dans le cadre de la « doctrine de la guerre révolutionnaire » et officialisée par les responsables politiques dans les années 1950 alors que justement le France était en guerre contre ses « colonisés ».
L’auteur analyse à la fois la construction imaginaire de la menace dans l’institution militaire, la production de doctrines de surveillance et de répression et l’évolution des institutions chargées du contrôle intérieur depuis la fin de l’Empire français, avec l’immigré clandestin comme figure de proue de la menace pour la société française.
Il souligne comment les institutions politico-militaires ont manœuvré pour obtenir la validation politique de leurs conceptions de la sécurité et de la guerre. Et quelles influences ces mécanismes ont eu sur l’évolution des méthodes et des pratiques de contrôle… L’utilisation de la peur est un levier majeur du contrôle social, un des engrenages de la mécanique sécuritaire… Résister à l’ordre sécuritaire implique d’en démonter les rouages, de chercher d’où proviennent les logiques qui en régissent le fonctionnement…
« Dans le nouvel ordre sécuritaire qui se met progressivement en place en France, surtout à partir des années 1990, on retrouve ainsi certains traits caractéristiques de la domination coloniale […] » et notamment « cette tendance de la puissance d’État à déshumaniser les “indésirables” » que l’on retrouve aujourd’hui « dans les dispositifs de chasse mis en œuvre par les rafles policières et les opérations de contrôle d’identité ».
Cette magistrale grille de lecture de l’ordre sécuritaire vient fort utilement prolonger le dossier publié dans le numéro 126 de La Lettre de Damoclès consacré à la « Loi de programmation militaire 2009-2014 : nouvelle feuille de route sécuritaire ».