Retrouvez la première partie de cette rubrique, novembre 2022
Retrouvez la deuxième partie de cette rubrique, décembre 2022
Pessimisme
Après un an de guerre, l’heure est au pessimisme.
Viktor Erofeev
L’écrivain russe Viktor Erofeev vit en Allemagne depuis l’invasion de l’Ukraine. Le 7 février 2023, il écrit dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung [1] : « En Europe, la dictature [allemande, espagnole, portugaise] prive le peuple de la liberté de choix, tandis qu’en Russie le peuple n’a aucune idée de ce qu’est la liberté. C’est ce qui explique que la manipulation politique, par voie de propagande, obtienne des succès si vastes et durables en Russie.
[…] Pour l’instant, la question de l’avenir du pays est en suspens. […] Comme la mobilisation partielle l’a montré récemment, [le peuple] craint davantage les pouvoirs publics que la mort. Éparpillée dans les prisons et à l’étranger, l’opposition démocratique ne trouvera ni la force ni les moyens de reprendre le pouvoir par quelque procédé que ce soit. »
Emmanuel Macron
Le Président Macron a tenté à la Conférence de Munich du 17 février 2023 de faire oublier ses déclarations sur « l’humiliation de la Russie » qu’il avait dit vouloir éviter. Ces propos avaient irrité en Ukraine et en Europe de l’Est. De quoi justifier le néologisme ukrainien Mакронити, soit macroner. Le mot destiné à moquer l’attitude du président français, signifie « exprimer son inquiétude, sans pour autant agir sur le cours des événements » [2].
Au retour, dans l’avion, E. Macron accorde une interview à trois journalistes. « Pensons-nous sincèrement qu’une solution démocratique émergera de la société civile russe présente sur place après ces années de durcissement et en plein conflit ? Je le souhaite vivement, mais je n’y crois pas vraiment. Toutes les options autres que Vladimir Poutine au sein du système actuel me paraissent pires [3]. »
Vincent Jauvert commente sur le site de l’Obs : « Autrement dit, le président d’un État membre de l’Otan affirme que le pays contre lequel l’alliance se mobilise est voué à être gouverné par le même dictateur et que – on se pince – le maintien au pouvoir de cet autocrate est la meilleure solution ou, disons, la moins mauvaise, pour son peuple et pour le monde.
Qu’en sait-il ? Pourquoi démoralise-t-il un peu plus les courageux démocrates russes, lui qui préside le pays des droits de l’homme ? Sur quoi se fonde-t-il pour assurer, sans aucune réserve, que la démocratie ne peut pas triompher de nouveau en Russie ? Sur les rapports de ces mêmes services français de renseignement qui lui assuraient que Poutine ne s’aventurerait jamais à envahir l’Ukraine ? […]
Seul le départ du Kremlin [de Poutine], avec son clan, pourrait permettre l’installation, un jour, d’une paix durable en Europe [4]. »
Leonid Gozman
Sur le site russophone exilé à Riga après son interdiction, Novaïa Gazeta Europe [5], Leonid Gozman se désole : « Cessons de nous voiler la face et posons les choses froidement. Nous vivons tous – ceux qui sont restés en Russie comme ceux qui ont été obligés de partir – dans l’espoir d’un effondrement prochain du régime. Comme il y a cent ans, à Berlin et à Paris, à Belgrade et à Riga, ceux qui avaient fui ou avaient été chassés de Russie – le fleuron de la nation – attendaient la fin des bolcheviks. Nous rentrerons, nous rentrerons bientôt ! […] Et puis tous ces gens brillants, officiers et professeurs, politiciens et poètes, sont finalement morts en exil. […] Ceux qui sont restés en Russie ont soit disparu dans des camps, soit vécu en tâchant de faire profil bas. […]
Beaucoup croient entendre l’histoire nous dire "Abandonnez tout espoir", "Vous ne reviendrez pas, la Russie est condamnée." »
Leonid Gozman reprend : « Mais non, ce n’est pas ce qu’elle dit ; il faut savoir l’écouter ! » Il explique que le pouvoir soviétique disposait d’une réserve inépuisable d’esclaves, de prisonniers, de déplacés de force. Cette ressource campagnarde est épuisée depuis longtemps. Contrairement à l’Armée rouge de Trotski, celle de Poutine est inefficace, et indisciplinée, elle s’enlise en Ukraine. Ses pertes augmenteront la désertion et la reddition. L’économie, la sphère sociale et la démographie de la Russie de Poutine sont en déclin. « Pas de villes nouvelles, pas de percées technologiques. […]
Lénine n’a pas combattu de grandes puissances, il s’est contenté de réprimer les aspirations des colonies à la libération. […] Plus de nations se sont unies contre la Russie que contre Hitler. » Il n’y a plus de foi commune en un avenir meilleur. La corruption, le mensonge et l’hypocrisie règnent.
L’article conclut : « Ne baissez pas les bras ! »
Anne Applebaum
Anne Applebaum, titulaire d’un prix Pulitzer, raconte dans The Atlantic [6] que, pendant un quart de siècle, l’École d’éducation civique de Moscou a proposé des séminaires à plus de 30 000 politiciens et journalistes dispensés par d’autres politiciens et journalistes de Russie et du monde entier. Décrétée « agent de l’étranger », l’école a été fermée en 2021. Ses fondateurs, installés en Lettonie, organisent à Riga des séminaires pour les exilés. Beaucoup y ont participé parmi les dizaines de milliers d’intellectuels qui ont fui la Russie.
« Beaucoup de gens, en Russie et en dehors, ont eu l’impression que c’était la fin de l’histoire. Ils avaient tort - les histoires comme celle-ci ne se terminent jamais. Les idées naviguent à travers le temps et l’espace, prenant parfois des chemins de traverse. », écrit la journaliste.
Elle cite Mikhaïl Zygar qui évoque le début du vingtième siècle où « le nombre d’émigrés politiques russes est tel que l’on parle de l’émergence d’une société civile russe alternative. La diaspora russe n’est plus une branche de la Russie, au point que l’on ne sait plus très bien ce qui est la branche et ce qui est le tronc. » Elle explique qu’après la révolution russe, a persisté la foi qu’un autre État respectant les droits humains était possible. Elle rappelle que récemment « plus de 17 000 Russes ont protesté sur le sol russe, à la fois contre le régime et l’apathie de leur concitoyens, et se sont opposés à l’impérialisme russe, ce qui leur a valu d’être placés en détention ou emprisonnés. » Beaucoup de nouveaux exilés « cherchent tout simplement à échapper à la conscription. Mais un nombre non négligeable s’oppose aussi à cette guerre depuis l’étranger à travers des sites web russophones qui couvrent le conflit et tentent de faire passer des informations aux Russes de Russie. » Des groupes et des personnes veulent créer une nouvelle « société civile alternative ».
La journaliste ukrainienne Olga Tokariuk tempère « Même les progressistes russes diffusent régulièrement une vision impérialiste de la politique étrangère et de l’Ukraine. On constate une tolérance à l’égard de la guerre et une aversion pour la démocratie. » Pourquoi les exilés ne manifestent-ils pas ? Le philosophe ukrainien Volodymyr Yermolenko souligne que les exilés ne fuient pas la guerre mais la conscription et que s’ils « se dressaient contre la guerre en Russie, la guerre serait terminée. » Anne Applebaum rappelle que certains le font. « Ce ne sont pas des "progressistes russes" mais de "Russes opposés à l’empire", des "Russes démocrates" ou des "partisans de la liberté". […] Les pays évoluent, et parfois se dotent de gouvernements meilleurs – parfois pires. Les empires tombent : l’Empire russe est tombé, l’Empire soviétique est tombé, et tôt ou tard le nouvel empire russe de Poutine tombera, lui aussi. […] Les Russes qui croient que l’avenir peut être différent continueront d’essayer de changer leur pays et, un jour ou l’autre, y parviendront. »
Oleksandra Matviichuk
Oleksandra Matviichuk, directrice du Centre pour les libertés civiles, Prix Nobel de la paix 2022, est interviewée par Le Monde [7] :
« Le monde civilisé n’a aucune stratégie à l’égard de la Russie. Même une victoire ukrainienne ne serait qu’une stratégie à court terme. Or, il faut une stratégie à long terme, sinon la Russie restera une menace pour ses citoyens et pour la région.
Depuis des décennies, la Russie viole les droits de ses propres citoyens et constitue un danger pour tous. Le monde civilisé a fermé les yeux, serré la main de Poutine, fait du business comme si de rien n’était. La seule solution est que les droits humains deviennent la base des décisions politiques et que le respect de ces droits apporte à chaque pays un bénéfice politique et sécuritaire. Malheureusement, les relations internationales sont encore imprégnées de la vieille école. […]
Aujourd’hui, dans les pays développés, il y a une génération de politiques qui ne savent plus comment lutter pour la démocratie et la liberté, ils sont des consommateurs de ces idées, ils n’en sont plus les producteurs. […]
Je crois que les Ukrainiens savent pourquoi ils combattent : pour la liberté, pour des choix démocratiques, pour bâtir un pays où les droits humains sont respectés. »
Espoir
« Ne baissez pas les bras ! », encourage Leonid Gozman.
Le 3 mars 2022, le collectif Brigades éditoriales de solidarité, constitué, en Europe, aux USA et au Canada, d’éditions, de revues, de sites, de blogs et d’un réseau syndical écrivait :
« C’est la résistance populaire ukrainienne multiforme, les grains de sable que les démocrates de Russie et du Bélarus glisseront dans la machine de guerre russe et l’opinion publique mondiale qui arrêteront les chars de Vladimir Poutine [8]. »
Oui, il faut aider l’opposition russe et biélorusse de l’intérieur et de l’extérieur pour permettre le passage à la démocratie.
Propos de Russes exilés en Arménie
« La mobilisation m’a placé devant un choix de vie ou de mort. Je ne veux pas verser le sang. »
Une jeune femme partie le 24 février 2022 : « Pour moi, une page s’est tournée pour mon pays. Je n’ai même pas essayé de manifester. »
À propos de la Russie qui considère l’Ukraine comme un petit frère : « Tu ne peux pas forcer ton frère à rester avec toi sous peine de mort. »
« En 2014, je travaillais en Allemagne. J’ai croisé une Ukrainienne, et j’étais heureuse d’aller la voir, de parler russe avec elle… Mais elle m’a violemment repoussée, en me reprochant l’annexion de la Crimée. Moi, je tombais des nues ! Je pensais que c’était normal que la Crimée redevienne russe… Maintenant, je comprends sa réaction. »
« Quand j’étais adolescent, je suis parti avec des amis à Kherson pour voir la mer, en logeant dans une famille ukrainienne. Dans notre esprit, il n’y avait aucune frontière entre la Russie et l’Ukraine. J’ai appris que cette famille a été massacrée au printemps dernier par des soldats russes. »
À propos de l’Église orthodoxe russe :
« Toute ma vie, j’ai vu le patriarche Kirill se rouler dans le luxe. S’il croyait en ce qu’il disait, il serait plus humble ! »
« Ce n’est pas une Église, c’est une entreprise [9]. »
Tentative de censure
Le 24 janvier 2023, un tribunal russe a convoqué le site d’information indépendant Arbat.Media, basé au Kazakhstan, pour avoir publié des informations prétendument inexactes sur la guerre en Ukraine, les victimes de l’armée russe, le pilonnage de bâtiments résidentiels par les forces russes et les décès de civils. Le rédacteur en chef, Syrym Itkulov, a indiqué qu’il « va sans dire » que les représentants du média ne répondraient pas à la convocation en Russie. Dans une lettre publique au ministère kazakh de l’Information, l’organisation locale indépendante de liberté d’expression Adil Soz a rappelé que « la censure est interdite au Kazakhstan ».
Roskomnadzor, le régulateur russe des médias a exigé de ces derniers qu’ils n’utilisent « que les informations et les données reçues de sources officielles russes », sous peine d’être bloqués en ligne. Depuis lors, il a demandé à au moins onze médias kazakhs de supprimer les contenus liés à la guerre. Comme Arbat.Media, le média indépendant Vlast et le portail d’informations Informburo.kz ont refusé ces ordres, tandis que d’autres médias s’y sont conformés.
Roskomnadzor a bloqué plusieurs médias d’Asie centrale, y compris des services affiliés au diffuseur financé par le Congrès américain Radio Free Europe/Radio Liberty, le média indépendant kirghize Kloop, le portail d’information kazakh NUR.kz et le service d’Asie centrale du média russe indépendant Mediazona pour leur couverture de la guerre.
« Après avoir réprimé la couverture de la guerre de la Russie en Ukraine sur son propre territoire, les autorités russes tentent maintenant de censurer également les reportages à l’étranger », s’indigne Gulnoza Said du Comité de protection des journalistes ((CPJ) [10].
Wagner
En février 2023, le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou, a confisqué à la milice Wagner son monopole sur les « munitions humaines » carcérales, en recrutant à son tour dans les prisons.
Sur les réseaux sociaux, Prigojine réclame des obus pour sa milice. « La moitié de mes gars meurent parce que certains fonctionnaires militaires ne veulent pas se bouger le cul. Ceux qui nous empêchent de gagner cette guerre travaillent pour l’ennemi, aidant l’ennemi à briser le dos à la Russie. Vous n’avez donc aucune conscience ? » Cet appel à la conscience est paradoxal de la part de Prigojine. En outre il est passible de prison en utilisant le mot proscrit « guerre » et, photos à l’appui, en révélant un secret militaire : les centaines de milliers de soldats russes morts au front. Le dernier communiqué officiel annonçait 6 000 décès en septembre 2022.
Pour être tenus, les territoires pris par Wagner nécessitent des troupes et des obus qui s’épuisent. La chaîne Telegram VChK-OGPU cite une source du ministère de la Défense russe : « Wagner est incapable de surfer sur une victoire contrastant avec l’échec de l’état-major. Le contrat initial était de consommer du prisonnier dans les troupes d’assaut pour prendre Bakhmout. Mais, au rythme actuel de ses pertes, la ressource des repris de justice s’épuise trop vite, et sans résultat. Ce pourrait être la fin prochaine de "l’orchestre" [surnom du groupe Wagner]. » Prigojine va peut-être devoir partager son marché. Le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, promu colonel général par Vladimir Poutine [11], a annoncé « Lorsque j’aurai fini de servir l’État, je compte faire de la concurrence à Evguéni Prigojine, je pense que ça pourrait marcher [12]. »
Le quotidien en ligne The Moscow Times rapporte que les employés des morgues du pays doivent limiter la remise quotidienne des corps des soldats tués en Ukraine. Il s’agit de prévenir une éventuelle panique dans les médias locaux et sur les réseaux sociaux. En Ossétie du Nord, un décret prescrit de « ne pas rendre plus de deux corps par jour ».
Les médias d’État ont la consigne de ne plus citer les critiques de Prigojine [13].
Radio
Écoutez en podcast l’émission d’une radio associative nancéenne, RCN Radio, à propos des réfractaires à l’invasion de l’Ukraine.
Russie, Biélorussie et Ukraine en Italie
Ukraine
Le Mouvement pacifiste ukrainien (UPM) [14] a été fondé en 2019 par des participants aux protestations non violentes conte la conscription à Kiev. Il soutient le droit à la paix, le désarmement, l’abolition de la conscription, la gestion non violente des conflits et le contrôle civil démocratique des affaires militaires.
Russie
L’organisation russe Traverser la forêt vise à aider le plus grand nombre de personnes possible à éviter de s’impliquer dans la guerre russe en Ukraine.
Depuis les premiers jours de la mobilisation de septembre 2022, elle mène un travail d’information et de propagande pour aider les gens à échapper au service militaire, à quitter le pays légalement ou illégalement, à trouver asile à l’étranger. 3 144 personnes ont reçu ce type d’aide ou un soutien légal, psychologique ou financier. « Notre mission est de faire en sorte que le moins de personnes possible appuient sur la gâchette [15]. »
Biélorussie
L’armée biélorusse manque tellement de jeune chair à canon qu’elle a décidé d’abaisser les normes médicales pour les conscrits. Une responsable au ministère de la Défense prétend qu’elle « reçoit un grand nombre de pétitions de citoyens qui considèrent que les exigences sanitaires sont trop élevées, elles ne permettent pas aux jeunes de réaliser leurs rêves de devenir militaire [16]. »
Bysol
En Biélorussie, la Fondation Bysol [17] récolte des fonds pour secourir les opposants. En 2020 elle verse 2,9 millions d’euros pour soutenir les personnes licenciées pour des raisons politiques, les grévistes et les personnes contraintes de quitter le pays qui menace leur liberté et leur sécurité. Elle coopère aux paiements des amendes et aux frais d’avocats. Elle soutient des médecins dénonçant des sévices sur des détenus. En 2021, elle finance les frais scolaires de cent enfants de prisonniers politiques. Elle sécurise les transactions par un système de cryptomonnaie qui résiste aux tentatives d’interdiction financière et aux cyberattaques orchestrées par le régime.
Elle aide des fondations de solidarité médicale, sportive et culturelle. Elle soutient les groupes clandestins pour l’achat de matériel (aérosols de peinture, autocollants…). Elle forme les activistes pour assurer leur sécurité physique et psychologique. Elle assure une aide psychologique aux prisonniers libérés. Elle assiste, notamment par des conseils téléphoniques, les militants et leurs familles qui quittent la Biélorussie pour se rendre en lieu sûr.
Au début de 2022, elle avait aidé plus de 50 000 personnes.
Elle coopère avec des militants et des initiatives ukrainiennes. Elle apporte une aide humanitaire à l’Ukraine et soutient les volontaires biélorusses qui combattent dans les rangs de l’armée ukrainienne.
Deux douzaines de personnes assurent le fonctionnement de la fondation dirigée depuis son exil en Lituanie par Andrei Strizhak [18].
Quelques exemples :
Vyacheslav Slizhikov est blessé par une grenade lors des manifestations d’août 2020 contre les élections présidentielles falsifiées. Des volontaires l’emmènent en Lettonie pour y être soigné. Il obtient le statut de réfugié en raison du risque d’arrestation. Il meurt en décembre 2022 et laisse trois orphelins mineurs.
Olga Ritus exprime par vidéo sa position contre la dictature et la guerre en Ukraine. Elle est détenue et passée à tabac. Sa propriété est saisie. Elle vit en Pologne, dans une maison partagée avec des gens traumatisés par la guerre et la répression.
En février 2022, trois Biélorusses ont brûlé une armoire contenant du matériel ferroviaire électronique afin de ralentir le mouvement du matériel militaire russe de la Biélorussie vers la frontière ukrainienne. En conséquence, les feux de circulation sur une section du chemin de fer Zhlobin - Kalinkovichi, qui mène à l’Ukraine, ont été éteints. Les « Partisans du rail » ont été arrêtés le 4 mars. Ils ont été jugés et cumulent 66 ans de prison et des amendes.
Notre Maison
Notre Maison [19], est un journal auto-publié fondé en décembre 2002 par une militante, journaliste et femme politique biélorusse, Olga Karach. Interdite pour activisme politique, en 2014, Notre Maison a été enregistrée en Lituanie en tant qu’organisation sous le nom de Centre international d’initiatives civiles. Elle est à 80 % constituée de femmes. Initialement, l’objectif de Notre Maison était d’aider et de défendre les droits des femmes et des enfants. Elle fournit un soutien matériel à Dapamoga [20] (« Aide », en lituanien), une organisation d’entraide aux réfugiés biélorusses et ukrainiens en Lituanie [21]. La Société internationale des droits de l’homme aide aussi ces mêmes réfugiés qui sont tellement nombreux que, le 3 juin 2022, la capitale, Vilnius, leur a été fermée [22].
Depuis la guerre, Notre Maison, en coopération avec d’autres organisations, surveille les violations des droits humains en Biélorussie. Parmi ces violations, le droit à l’objection de conscience au service militaire prend de plus en plus de poids, aggravé par les programmes de militarisation des mineurs et des jeunes.
NON, c’est NON
Le 1er mars 2022, Notre Maison a lancé la campagne « NON, c’est NON » pour aider les hommes biélorusses qui ne veulent pas servir dans l’armée craignant que Loukachenko ne les envoie à la guerre de Poutine.
Extraits du site de la campagne :
« Il ne suffit pas d’appeler Poutine "l’agresseur", il faut le priver des ressources biélorusses qu’il considère comme les siennes et qu’il veut utiliser contre l’Ukraine. Les plus importantes sur la liste sont les ressources humaines. Si elles sont absentes, tant le régime de Poutine que le régime de Loukachenko seront privés d’énergie et de l’afflux de "sang frais" pour l’agression. Même l’équipement militaire et les munitions les plus modernes ne peuvent pas être efficaces pour mener une guerre s’il n’y a pas de soldats pour les faire fonctionner. »
« Au stade initial, la tâche principale de la campagne est de briser la mobilisation forcée. Nous aidons les jeunes objecteurs de conscience biélorusses et les déserteurs de l’armée à quitter la Biélorussie. Si un jeune biélorusse qui a décidé de ne pas rejoindre l’armée reste en Biélorussie, c’est une garantie à 100 % qu’il sera emprisonné pour une durée de 7 à 10 ans. En tant qu’organisation de défense des droits de l’homme qui connaît trop bien la situation dans les prisons biélorusses, nous ne pouvons pas inciter les jeunes hommes biélorusses à aller en prison plutôt qu’à l’armée, car ils y seraient battus, torturés et même violés, et certains tués.
Le ministère de la Défense biélorusse a tenté de mobiliser 43 000 jeunes hommes en février 2022. À ce jour [février 2023 ?], environ 20 000 jeunes objecteurs de conscience ont quitté la Biélorussie afin qu’ils ne soient pas mobilisés de force pour aller à la guerre contre l’Ukraine.
En ce moment, le régime de Loukachenko n’a réussi à obtenir que 6 000 nouveaux soldats, en partie à cause de l’action de Notre Maison. Ce nombre n’est pas suffisant pour commencer à se battre avec l’Ukraine, pour y envoyer une armée.
À la suite de l’interruption de la mobilisation dans l’armée biélorusse, le général de division Aleksandr Shkirenko a été démis de ses fonctions le 12 juillet 2022. Il était chargé de la conscription dans l’armée.
En ce moment, environ dix des plus grandes entreprises de Pologne ont accepté […] d’embaucher des objecteurs de conscience biélorusses et des déserteurs biélorusses en priorité, avec un logement dès le premier jour de travail, lorsqu’un couloir humanitaire vers la Pologne sera ouvert pour eux. [Ceci est notre tâche] [23]. »
Grâce à une ligne téléphonique, 17 objecteurs et un déserteur ont pu passer illégalement en Union européenne. Mais il y en a quatre cents en attente.
La campagne a d’abord envisagé que les objecteurs se rendent à l’armée ukrainienne. Consultée, cette dernière a indiqué le trop grand risque de mort avant la reddition. La préférence pour les objecteurs a alors été accordée à la fuite en Turquie et en Géorgie. Mais ils n’y obtiennent pas de visa pour l’Union européenne.
En Italie
Dans le cadre de la mobilisation « Europe for Peace », un an après l’invasion de l’Ukraine, le Mouvement non violent (Movimento Nonviolento) accueille en Italie trois représentantes des mouvements pour la paix et la non-violence des pays impliqués dans le conflit :
Olga Karach, Kateryna Lanko et Darya Berg
Kateryna Lanko, du Mouvement pacifiste ukrainien, vit à Kiev. Elle est engagée dans un travail de formation à la non-violence et de soutien aux objecteurs de conscience. Elle était la voix du pacifisme ukrainien diffusée en vidéo lors de la manifestation nationale Europe for Peace de 100 000 personnes à Rome le 5 novembre 2022.
Darya Berg est une jeune militante russe de Traverser la forêt. Comme le fondateur de l’organisation, Grigory Sverdlin, elle a été forcée de quitter la Russie en mars 2022 en raison de sa position anti-guerre. Leur activisme non violent se poursuit depuis leur exil en Géorgie.
La biélorusse Olga Karach a été arrêtée la première fois en 1999 alors qu’elle distribuait un tract contestant l’élection de Loukachenko. Elle est la rédactrice en chef de Notre Maison. En 2011, elle est accusée d’attentat et torturée pendant dix jours avec son mari. En 2014, son fils nouveau-né subit une tentative d’enlèvement [24]. Elle s’exile en Lituanie. Elle a reçu plusieurs prix pour son combat pour les droits humains. Le 18 janvier 2023, elle s’est adressée en visioconférence aux membres de la délégation du Parlement européen pour les relations avec la Biélorussie afin notamment de défendre les objecteurs [25].
Du 20 au 26 février 2023, les trois militantes font une tournée de sept villes italiennes. Elles travaillent déjà ensemble depuis un certain temps. Comme c’est impossible dans leurs pays, elles se réunissent pour la première fois en Italie. En raison du recrutement militaire, seules les femmes peuvent quitter leur pays.
« Notre proximité avec ceux qui, même au sein du conflit, ont choisi la non-violence, se manifeste concrètement dans le soutien juridique que nous offrons aux objecteurs de conscience jugés. Les non-violents russes et ukrainiens sont les seules voix des deux parties qui se parlent, qui créent un pont par lequel la paix peut passer, qui travaillent pour la croissance de la non-violence organisée. »
La campagne « Objection à la guerre » lancée par le Movimento Nonviolento promeut cette déclaration : « Je suis concrètement solidaire des objecteurs de conscience, des insoumis, des déserteurs russes et ukrainiens. Je demande qu’ils soient autorisés à quitter le pays, en reconnaissant leur statut de réfugié international ». La campagne demande également aux jeunes Italiens de se déclarer à l’avance objecteurs à d’éventuelles futures aventures militaires italiennes : « Considérant que le service militaire obligatoire dans notre pays est seulement suspendu et que cette suspension reste à la discrétion du pouvoir exécutif du gouvernement, je déclare à partir de ce moment mon objection de conscience. Je ne suis ouvert à aucun appel aux armes de quelque manière que ce soit. »
Faites un don à la campagne d’Objection à la guerre par virement à IBAN IT35 U 07601 11700 0000 18745455.
Les fonds récoltés servent à soutenir concrètement les actions des mouvements pacifistes russes et ukrainiens, à diffuser des outils de communication, à assurer la défense juridique des persécutés, à venir en aide aux condamnés ou exilés, à organiser des campagnes de pression politique, à renforcer le réseau international de non-violence organisée [26].
Lia Akhedjakova
Lia Akhedjakova est une comédienne russe très populaire et connue pour son opposition à la guerre. Une campagne de lettres, la plupart anonymes, adressées au théâtre Sovremennik et au parquet général a obtenu le retrait de l’affiche d’une pièce qu’elle devait interpréter. Kirill Serebrennikov, le célèbre metteur en scène de théâtre et de cinéma (La Femme de Tchaïkovski) a récolté plus de 10 000 lettres de soutien [27].
Katya Fedorova
La journaliste de mode Katya Fedorova a été reconnue coupable de « discréditer » l’armée russe par une lettre ouverte qu’elle incitait à signer : « Nous demandons à tous ceux dont dépend ce cauchemar d’arrêter immédiatement le conflit militaire et de revenir à une résolution pacifique de la question. Non à la guerre. » Après sa condamnation, elle a écrit : « Je ne comprends toujours pas comment le fait d’appeler à des pourparlers de paix ou à une position anti-guerre peut "discréditer les actions des forces armées russes", alors je répète : NON À LA GUERRE [28] ! »
Maria Ponomarenko
La peine la plus lourde prononcée contre un journaliste en Russie l’a été contre Maria Ponomarenko pour « diffusion de fausses informations sur l’action de l’armée » : six ans de prison et cinq ans supplémentaires d’interdiction d’exercer son métier. Il lui est reproché l’attribution à l’armée russe du bombardement du théâtre d’art dramatique à Marioupol et la mort de centaines de personnes qui s’y abritaient, dont des enfants.
Son avocat a comparé ses conditions de détention à de la torture [29]. Elle a d’ailleurs tenté de se suicider en prison.
La condamnée a assuré au tribunal : « Il suffit d’ouvrir la Constitution et de la lire pour prouver mon innocence. » Elle a ajouté : « Aucun régime totalitaire n’a jamais été aussi fort qu’avant son effondrement [30]. Ce régime s’effondrera avant que vienne l’heure de ma libération conditionnelle. »
Pour des charges similaires, l’opposant Ilia Iachine purge huit ans et demi de prison. Il avait mis en parallèle un reportage de la BBC et les déclarations officielles du ministère de la Défense. La cour avait estimé qu’appeler les citoyens « à se faire une idée eux-mêmes » revenait à diffuser volontairement de « fausses informations [31]. »
Pussy Riot
Le groupe de musiciennes et activistes russes anti-Kremlin Pussy Riot a annulé sa prochaine représentation lors du Festival international de mai de Wiesbaden en raison de la participation d’un chanteur pro-Poutine dans la programmation du festival [32].
Orthodoxie
On sait que les églises orthodoxes soumises au patriarcat de Moscou soutiennent activement la politique guerrière de Poutine. Le métropolite de Stavropol et Nevinnomyssk, Kirill Pokrovsky, a ainsi déclaré : « En Ukraine, il y a vraiment aujourd’hui une guerre contre le nazisme, contre le satanisme, contre l’Antéchrist. [...] Plus de cinquante des pays les plus avancés technologiquement et économiquement forts sont en guerre avec la Russie sur le front ukrainien. [...] Ils essaient de la ruiner, ils rêvent de la démembrer, en effaçant la mémoire même de la grande culture russe de la surface de la terre [33]. » Pour lui, le combat dépasse l’Ukraine : « La victoire sur le mondialisme dans un seul pays ne sera pas significative pour le monde entier. […] En d’autres termes, […] notre lutte est contre les princes des ténèbres du monde [34]. »
Dès mars 2022, cette idéologie a été contestée par des centaines de prêtres [35] dont certains en sont sanctionnés par leur patriarcat [36]. Le Centre d’études chrétiennes orthodoxes de l’université Fordham de New York a recueilli plus de 500 signatures de théologiens pour une déclaration dans le même esprit, « L’orthodoxie, la Russie et l’Ukraine [37]. »
Le site français Parlons d’orthodoxie publie un article sur la vie religieuse en Ukraine :
« Au cours des 330 jours de l’invasion russe à grande échelle, au moins 400 édifices religieux (temples, mosquées, synagogues, chapelles) ont déjà été endommagés. La moitié d’entre eux appartiennent à l’Église orthodoxe ukrainienne qui était jusqu’à récemment unie au Patriarcat de Moscou. […] Plus de 150 édifices religieux ont été endommagés ou détruits sur le territoire de deux régions uniquement – celles de Donetsk et Lougansk où se déroulent des batailles féroces et des bombardements constants de villes du front. […] Les bâtiments des organisations religieuses ont également été utilisés à des fins militaires […], salle d’opérations, dépôt de munitions ou poste de tireur d’élite [38]. » Trente personnalités religieuses ont subi un meurtre, d’autres des blessures, vingt-cinq ont été capturées par l’occupant russe.
Lev Ponomarev et Ilia Ponomarev
Lev Ponomarev
Lev Ponomarev est un des fondateurs de l’ONG russe Memorial. Il a lancé une pétition contre la guerre le jour même de l’invasion. Il a quitté la Russie en juin 2022. Il a fait une demande d’asile politique en France. Il est lauréat du prix Nobel de la paix 2022 qui, selon lui, aurait dû être décerné à ceux qui se battent contre la guerre et se trouvent en prison, comme les opposants Alexeï Navalny, Ilia Iachine ou Vladimir Kara-Mourza, le titulaire du prix Vaclav-Havel des droits de l’Homme 2022 [39]. Il ne doit pas être confondu avec son homonyme Ilia Ponomarev.
Ilia Ponomarev
Enfant prodige, Ilia Ponomarev est embauché dès l’âge de 14 ans à l’Institut pour le développement sécurisé de l’énergie nucléaire. Il y est alors responsable de la formation de ses collaborateurs en informatique. Deux ans plus tard, il lance sa première entreprise au succès financier fulgurant. À l’âge de 24 ans, il est élu vice-président de Yukos, la plus grande compagnie pétrolière russe à l’époque.
En 2007, membre du Parti communiste russe, il est élu représentant de la région de Novossibirsk à la Douma, la chambre basse du parlement russe. Il se brouille avec le parti, une marionnette du Kremlin, à ses yeux. Il se rallie à un micro-parti, Russie juste puis à l’Alliance des Verts. Il joue un rôle important dans les manifestations contre un nouveau mandat de Vladimir Poutine. En 2014, il est le seul député de la Douma à voter contre l’annexion de la Crimée. Il est accusé de détournement de fonds. Alors qu’il est aux États-Unis, son retour en Russie est interdit. En son absence, tous les députés de la Douma, sauf un, votent la levée de son immunité parlementaire. Les autorités judiciaires russes émettent un mandat d’arrêt international à son encontre. Il n’a jamais remis les pieds en Russie. En 2016, il s’installe à Kiev, où il vit encore aujourd’hui. Il a obtenu la citoyenneté ukrainienne.
Denis Voronekov, ancien député russe à la Douma et également en exil, est tué dans un attentat en se rendant à une réunion avec Ponomarev.
Ponomarev fonde, à l’intention du public russe, la chaîne de télévision d’information en continu February Morning, ainsi que le service d’information Rospartisan sur Telegram. « Je ne lutte pas contre la Russie, mais contre Poutine, le poutinisme et le fascisme russe », explique-t-il.
L’idéologue ultra-nationaliste Alexandre Douguine est surnommé « Raspoutine » en raison de son physique et de son influence sur le président Poutine. Il est frappé, depuis 2014, par des sanctions occidentales. En août 2022, sa fille, la politologue et journaliste russe pro-régime Daria Douguina, meurt dans un attentat. Celui-ci est revendiqué par l’« Armée républicaine nationale » dont Ilia Ponomarev est le premier à prononcer publiquement le nom en lisant son manifeste [40] : « Nous sommes des militants, des soldats et des politiciens russes. Des partisans qui mettent hors la loi les bellicistes, les bandits et les oppresseurs du peuple russe. […] Nous déclarons que le président Poutine [...] est un criminel de guerre qui a altéré la Constitution, déclenché une guerre entre les peuples slaves et conduit les soldats russes à une mort certaine et insensée [41]. » Ponomarev affirme que son rôle se limitait à assurer la publicité, aider les fugitifs et fournir une assistance technique et non des armes [42].
Ilia Ponomarev facilite la création de la légion « Liberté de la Russie » dont il assure la direction politique. La légion, sous commandement ukrainien, se compose de transfuges des forces armées russes et de Russes sans pratique militaire et formés en Ukraine [43].
L’existence de l’Armée républicaine nationale est fortement contestée par plusieurs médias. Léonid Volkov, chef de cabinet de la campagne d’Alexeï Navalny lors de l’élection présidentielle de 2018, considère Ilia Ponomarev comme un provocateur.
Alexeï Venediktov
Alexeï Venediktov est le rédacteur en chef de la radio indépendante et pluraliste Écho de Moscou. Le jour de l’invasion à l’Ukraine, il a déclaré que celle-ci est une erreur catastrophique. Bien que la radio appartienne au groupe gazier Gazprom, elle a cessé d’émettre sur ordre du Procureur général. Le lendemain elle a été remplacée par une chaîne YouTube qui est passée de 36 000 à 770 000 abonnés en un an. Il ne reste qu’une quinzaine de journalistes sur les 112 de la radio. Les autres sont au chômage ou ont émigré. Alexeï Venediktov, figure sur la liste des « agents de l’étranger » constituée aux deux tiers d’écrivains et de journalistes. Pour lui, « Les intellectuels sont divisés. Il n’y a pas de dissidents. Pas de tribune, non plus, pour s’exprimer [44]. »
Biélorussie
Le 13 février 2023, la dernière audience du tribunal s’est tenue à Minsk avant la condamnation du lauréat du prix Nobel Ales Byalyatsky et de ses collègues du centre des droits de l’homme Viasna, Valentin Stefanovich et Vladimir Labkovich. Le verdict sera rendu le 3 mars. Ils sont accusés de contrebande. Des militants des droits de l’homme ont importé de l’argent de Lituanie en Biélorussie pour payer des amendes administratives pour les manifestants, payer les services d’avocats et de la nourriture dans le centre de détention pour les contrevenants.
Valentin Stefanovich a estimé qu’il était vain d’espérer l’arrêt des activités de Viasna : « Nous nous sommes préparé un remplaçant. De nouvelles générations de militants biélorusses des droits de l’homme sont venues et continuent notre travail. Mais le cours naturel de la vie ne peut être arrêté et le printemps viendra sûrement après l’hiver. » En biélorusse, Viasna signifie Printemps.
Ales Byalyatsky a déclaré : « Au début des années 1980, lorsque la lutte contre les dissidents, les militants des droits de l’homme, les militants des mouvements nationaux et religieux était à son apogée en URSS, il y avait environ trois mille prisonniers politiques dans tout le vaste empire soviétique, dans lequel vivaient 250 millions de personnes. Et maintenant, il y a un millier et demi de prisonniers politiques pour la seule Biélorussie [45]. »
Corée du Sud
Le 14 février 2023, deux Russes, qui ont fui pour éviter d’être enrôlés pour combattre en Ukraine, ont obtenu d’un tribunal sud-coréen le droit de quitter la zone de transit de l’aéroport d’Incheon où ils étaient bloqués depuis octobre 2022. Ils pourront demander le droit d’asile. La demande d’un troisième exilé a été rejetée. Le tribunal doit encore juger deux autres cas [46].
Komsomolskaïa Pravda
Le journaliste de Komsomolskaïa Pravda, Vladimir Romanenko, après avoir contribué à la propagande du Kremlin, a publié des dizaines de documents sur le site Web du média sur les crimes de l’armée russe en Ukraine et sur le fait que Poutine bombarde des civils. Les messages ont été effacés en moins de dix minutes.
Il commente : « Pour moi, cette étape est un saut dans l’abîme. Je cherche du travail, je n’ai plus beaucoup d’économies. Mais je le prends comme une rédemption. Être au chômage est, pour moi, un juste prix pour le fait que j’ai menti.
Je m’excuse auprès du peuple ukrainien d’avoir participé à tout cela. […] Dans la propagande, il y a des gens qui résistent encore [47]. »
Wagner
Une vidéo a été diffusée comme étant celle d’une nouvelle exécution à coup de masse d’un ancien prisonnier déserteur de la milice Wagner [48]. Mais, plus tard le même jour, une vidéo publiée par le service de presse du leader de Wagner, Yevgeny Prigozhin, a montré la prétendue victime vivante et exprimant sa gratitude d’avoir été épargnée [49].
Maryana Naumova, 23 ans, fut la première fille mineure au monde à participer à des tournois professionnels de force athlétique. À quinze ans, elle soulevait déjà 150 kilos au-dessus de sa tête. À l’époque, elle était considérée comme « l’adolescente la plus forte de monde » et avait pulvérisé pas moins de quinze records. Sa carrière dans la discipline s’est toutefois brutalement arrêtée à l’âge de 17 ans, à sa suspension pour dopage. « Il faudrait peut-être considérer le sang russe comme dopage. », avait-elle réagi.
Elle a voyagé en Corée du Nord à l’invitation du dictateur Kim Jong-un. En Syrie, elle a rencontré Asma Al-Assad, l’épouse du dictateur et l’a comparée à Lady Diana.
Elle officie comme correspondante de guerre en Ukraine pour la chaîne d’État russe Rossiya-1. Elle apparaît dans un camp d’entraînement de Wagner pour y suivre des cours pour les correspondants de guerre, incluant l’usage de fusils d’assaut Kalachnikov, de pistolets Makarov et de fusils de sniper SVD [50].
Espionnage technologique
Roskomnadzor
Plusieurs sites russes d’investigations en exil publient simultanément une enquête qui résulte du piratage de Roskomnadzor, l’agence de supervision d’Internet. 700 000 courriels et deux millions de documents ont été récupérés par les hackers biélorusses de Cyber Partisans.
Roskomnadzor a effacé 150 000 pages internet et publications sur les réseaux sociaux, concernant notamment les pertes de l’armée russe ou ses crimes. Des centaines de sites ont été bloqués. Des informations sont communiquées au bureau du procureur, à la police ou aux services de sécurité. De nombreuses personnalités sont surveillées.
Roskomnadzor crée de faux comptes sur les réseaux sociaux pour infiltrer et surveiller les groupes privés. Il utilise l’intelligence artificielle pour repérer les textes, les images et les vidéos considérées déviantes comme l’opposition politique, les moyens d’échapper à l’armée, le refus d’avoir des enfants, les actions artistiques « offensantes » ou les théories de l’action politique non-violente [51].
Telegram
Telegram est un service de messagerie instantanée entre 700 millions d’utilisateurs. Il est crypté partiellement ou, dans sa version payante, totalement [52]. Il est utilisé par les extrême-droites trumpiste et bolsonariste et des complotistes mais aussi par les militants démocrates de Hong-Kong, de Russie, de Biélorussie et d’Ukraine. Dans ce dernier pays, le gouvernement l’intègre dans son système d’alertes aériennes et sa propagande.
Wired, le magazine américain consacré aux nouvelles technologies, rapporte cette histoire [53] :
Marina Matsapulina est la vice-présidente du Parti libertaire de Russie qui compte un millier de membres. Elle prend position contre l’invasion de l’Ukraine. Quelques jours plus tard, on frappe à sa porte pendant deux heures. Elle n’ouvre pas et commente sa situation à ses camarades sur Telegram. Finalement, sa porte est enfoncée. Huit personnes de différents services de sécurité, armées de fusils, l’obligent à s’allonger sur le sol face contre terre. Elle est soupçonnée d’avoir envoyé un e-mail à un poste de police avec une fausse alerte à la bombe.
Au service d’enquête du ministère de l’Intérieur, un policier lui demande : « Savez-vous comment nous avons su que vous étiez à la maison ? ». Il lui répète alors, mot pour mot, certaines des conversations qu’elle vient de tenir chez elle.
À sa libération, deux jours plus tard, elle apprend que le matin de son arrestation, la police a perquisitionné les maisons de quelque quatre-vingts opposants et en a arrêté vingt, les accusant de terrorisme lié à la présumée alerte à la bombe. Quelques jours plus tard, Matsapulina part pour Istanbul puis l’Arménie. Ses camarades quittent aussi la Russie.
D’autres cas troublants sont détaillés par Wired. Stanislav Seleznev, avocat d’Agora, un groupe de défense des droits de l’homme qui représente des milliers de personnes depuis 2005, affirme qu’il n’a « absolument aucun doute » que le Kremlin exploite Telegram à grande échelle. Agora pense que l’infiltration policière de Telegram est généralisée. En Biélorussie, les services de sécurité travaillent à partir d’un manuel qui décrit « des outils et des méthodes » pour « désanonymiser » les utilisateurs de Telegram, y compris des conseils pour infiltrer des groupes. En septembre 2021, l’agence Reuters a rapporté que la Russie devait dépenser 425 millions de dollars en outils pour renforcer son infrastructure Internet, y compris ceux qui recherchent automatiquement du contenu illégal sur les plateformes de médias sociaux. Le Centre d’étude et de surveillance du réseau de l’environnement des jeunes, une ONG pro-Poutine, a développé un outil d’intelligence artificielle qui analyse les médias sociaux à la recherche de « contenus socialement dangereux ». Le système, a déclaré son fondateur, « surveille en permanence » environ 1,5 million de comptes.
Deux cas peuvent expliquer l’espionnage sur Telegram : Un logiciel espion, comme Pegasus. Ou alors Pavel Dourov, le « Mark Zuckerberg russe », fondateur du site VKontakte puis de Telegram, répond aux demandes du Kremlin. Les indices suivants tendent vers cette hypothèse :
En 2018, un tribunal de Moscou ordonne le blocage de Telegram en Russie, au motif qu’il a refusé de fournir au service de sécurité, le FSB, les clés permettant de lire les messages des utilisateurs. La direction de Telegram explique que cette exigence est techniquement impraticable et contredit la constitution russe. Telegram est officiellement débloqué en 2020 par le régulateur des télécommunications Roskomnadzor. Dépassant WhatsApp, la messagerie devient la plus utilisée dans le pays.
Les conditions du déblocage restent inconnues malgré les demandes de transparence des chercheurs en cybersécurité, des journalistes et des groupes de défense des droits humains. Telegram affirme, à cette époque, que l’entreprise pourrait aider à renforcer la « sécurité nationale » et que son équipe a amélioré « les méthodes de détection et de suppression de la propagande extrémiste », ainsi que « les mécanismes permettant de prévenir les attaques terroristes dans le monde » tout en protégeant la vie privée des utilisateurs. Dans un communiqué, Roskomnadzor salue cette position. Un an plus tard Poutine commente « Nous avons conclu un accord avec Telegram. Vous pouvez voir que tout fonctionne bien. »
« Telegram est désormais l’épine dorsale de la machinerie de désinformation russe », considère Jānis Sārts, directeur du Centre d’excellence des communications stratégiques de l’Otan.
Selon Ksenia Ermoshina, chercheuse au Citizen Lab et au Center for Internet and Society, une grande partie du mouvement d’opposition russe a abandonné Telegram. Les chaînes pro-guerre ont commencé à publier des informations personnelles sur les militants « en compilant des bases de données de militants antiguerres russes avec leurs visages et des liens vers leurs [réseaux sociaux], et parfois même des adresses personnelles et d’autres données. »
Cellebrite
En 2007, Poutine a formé le Comité d’enquête de Russie, qui persécute des journalistes, des dirigeants de l’opposition, des groupes de défense des droits et des militants, notamment ceux pour la cause LGBTQ. L’agence a mené des enquêtes sur une série d’activistes, dont le groupe Pussy Riot, le chef de l’opposition emprisonné Alexei Navalny et l’avocat de son organisation, Lyubov Sobol, dont la candidature au parlement russe a été torpillée par les autorités. Les pays européens et les États-Unis ont imposé des sanctions au comité et à son chef.
Selon le journal israélien Haaretz, le comité utilise le logiciel de la société israélienne Cellebrite qui lui permet de contourner les codes d’accès sur les téléphones verrouillés. Ce que confirment les recherches de l’avocat des droits de l’homme Mack et celles de vot-tak.tv, un collectif indépendant de journalistes de Russie, d’Ukraine et de Biélorussie. Cellebrite a pourtant annoncé en mars 2021 qu’il arrêtait immédiatement les ventes de ses produits et services en Russie et en Biélorussie. La société se réserve le droit d’éteindre ses appareils à distance si elle pense que le client les utilise illégalement, ou conformément à l’ordonnance d’un tribunal ou à la législation. Il semble qu’elle ne l’ait pas fait en Russie. Elle a répondu à Haaretz : « Cellebrite n’a aucune information sur l’utilisation de ses produits en Russie, et si une telle utilisation est faite, cela se fait sans licence […]. »
Le logiciel a été vendu à des pays, comme la Birmanie, qui l’utilisent contre leurs opposants. 150 pays dont la France en sont clients [54].
Marina Ovsiannikova
Marina Ovsiannikova, la journaliste russe qui avait dénoncé l’offensive du Kremlin contre l’Ukraine en direct à la télévision, a fui la Russie avec sa fille. Elle risque alors dix ans de prison pour « diffusion de fausses informations sur l’armée russe » pour avoir communiqué le nombre d’enfants tués en Ukraine. Lors d’une conférence de presse au siège de l’ONG Reporters sans frontières (RSF) à Paris, elle a résumé leur difficile évasion du pays organisée par RSF. En tout, sept véhicules sont utilisés. Peu avant le passage de la frontière, la voiture s’enlise dans un champ boueux, c’est à pied et dans le noir, en se repérant avec les étoiles qu’elles font les dernières centaines de mètres avec leur passeur. Après plusieurs heures d’errement, elles arrivent à franchir la frontière et retrouvent les contacts qui les attendaient. Christophe Deloire, le secrétaire général de MSF conclut « La démarche de Marina Ovsiannikova montre qu’il est possible de résister aux appareils de propagande, que l’on peut les ébranler de l’intérieur, dire non, qu’il est possible d’en sortir, de faire défection, de s’opposer à la falsification de l’histoire, de l’actualité, et à la manipulation. »
La France a accordé l’asile à Marina Ovsiannikova mais elle se sent menacée, en particulier, au téléphone, par d’anciens amis [55].
Cyberguerre
Selon le classement annuel Freedom on the Net pour 2022, la Russie occupe une des dernières places, juste avant le Vietnam, Cuba, l’Iran, le Myanmar et la Chine [56].
Déjà en 2021, la base de données du site de soutien à l’opposant emprisonné Alexeï Navalny a été piratée. Des militants ont ensuite vu leurs adresses et leurs numéros de téléphone révélés. Ils ont reçu des messages de menace et des convocations par les forces de l’ordre pour les dissuader de manifester. Certains employeurs ont reçu un message : Voici des « employés de votre organisation » qui « soutiennent les extrémistes ». Des licenciements ont eu lieu pour éviter la menace selon laquelle « votre entreprise fera l’objet d’une attention particulière de la part des médias et des autorités de régulation [57]. »
Le gouvernement russe bloque les principales plateformes de médias sociaux, notamment Facebook, Instagram et Twitter, considérés comme des « organisations extrémistes ». Il inflige des amendes massives aux autres plateformes qui refusent de supprimer du contenu et de localiser les données des utilisateurs. Il a restreint l’accès à plus de 5 000 sites Web nationaux et étrangers qui informent librement sur la guerre. Une nouvelle loi punit d’une peine pouvant aller jusqu’à quinze ans de prison la « diffusion sciemment de fausses informations ». Ces contraintes ont incité de nombreux organes de presse indépendants de premier plan à s’autocensurer. Le principal journal d’investigation russe Novaya Gazeta a annoncé, le 4 mars 2022, qu’il supprimait tous ses articles sur la guerre en Ukraine parce que la censure militaire russe « entre rapidement dans une nouvelle phase » et qu’il « n’a pas le droit de mettre en danger la liberté » de ses journalistes. Le site d’informations économiques The Bell a également annoncé sa décision de ne plus couvrir la guerre en Ukraine afin de protéger ses journalistes de poursuites pénales [58]. La plupart des médias ont ensuite fermé ou se sont exilés. Au moins un millier de journalistes ont émigré. La République tchèque, les Pays-Bas, la Géorgie, la Lituanie et la Lettonie, ainsi que d’autres pays, principalement européens, ont accueilli et aidé à survivre et à poursuivre leur travail plusieurs dizaines d’équipes de journalistes et de blogueurs professionnels [59].
La Russie se classe au premier rang mondial en nombre absolu de téléchargements - par 23,94 % de la population au cours du seul premier semestre 2022 - d’applications de réseau privé virtuel (VPN) qui permettent de contourner la censure.
En mars 2022, le site Web du ministère russe des Situations d’urgence a subi une cyberattaque qui, sous le titre « Revenez vivant d’Ukraine », a remplacé la page d’accueil par un numéro que les soldats russes souhaitant faire défection pouvaient appeler. Les principaux articles d’actualité ont été remplacés par « Ne croyez pas les médias russes - ils mentent » et par des liens vers « des informations complètes sur la guerre en Ukraine » [60].
L’agence de presse publique Tass a été piratée et défigurée par une publicité exhortant les gens à « descendre dans la rue contre la guerre ».
En juin 2022, le site Web du ministère russe de la Construction, du logement et des services publics a été piraté pour afficher un message de soutien à l’Ukraine [61].
La victoire ou la paix ?
Selon deux journaux suisses qui citent des archives déclassifiées, le patriarche orthodoxe russe Kirill, proche du président russe Vladimir Poutine et soutien acharné de la guerre, a travaillé pour le compte des services de renseignement russes lors d’un séjour en Suisse dans les années 1970. Il représentait le patriarcat de Moscou auprès du Conseil œcuménique des Églises et tentait d’amener l’institution genevoise à dénoncer les États-Unis et leurs alliés et à modérer ses critiques contre le manque de liberté religieuse en URSS [62].
Le compte russe Telegram de Chrétiens contre la guerre ! [63] mentionne l’interdiction d’exercer du prêtre John Koval par le patriarche Kyrill [64], à la suite de la dénonciation de paroissiens. La raison : dans la prière « Sur la sainte Russie », l’ecclésiastique a remplacé le mot « victoire » par « paix » dans la phrase suivante : « Lève-toi, ô Dieu, pour aider ton peuple et nous donner la victoire par ta puissance [65]. »
Les Russes à l’étranger
Le FSB publie des statistiques sur les sorties des frontières par les Russes en 2022. La plupart ont quitté le pays au troisième trimestre, lorsque la mobilisation a été annoncée. Par rapport à 2021 (année de Covid), les départs vers la Mongolie ont augmenté de 989 %, vers la Géorgie de 475 %, vers le Kazakhstan de 234 %, vers le Tadjikistan de 212 %, vers l’Ouzbékistan de 99 %. En cas d’aller-retour, chaque sortie est comptée. Les vols vers Israël ont doublé et dépassé les 100 000. Les départs vers la Thaïlande, le Sri Lanka, l’Inde et les Émirats arabes unis ont également augmenté [66].
La Turquie refuse de plus en plus le permis de séjour aux Russes exilés. Dans ce cas, ceux-ci doivent quitter le pays dans les dix jours et risquer de perdre les avances de loyer qu’ils ont versées [67].
Gloire aux meurtriers
Sur la façade d’une école, une plaque commémorative a été inaugurée devant les autorités civiles et militaires, le corps enseignant et les élèves. Elle honore Denis Kovyrzin, un ancien élève, mort dans le Donbass [68]. Ce mercenaire a été recruté par la milice Wagner dans une colonie pénitentiaire à régime strict où il purgeait une peine de sept ans et demi pour meurtre et possession illégale d’armes. Sa participation antérieure à la guerre de Tchétchénie a atténué le verdict. Il était revenu sur le lieu d’une dispute, armé et en état d’ébriété. Il a tiré sur plusieurs personnes et en a abattu une dans le dos.
Deux mois avant son arrestation, soit quatre ans après son meurtre, il a animé un projet bénévole visant la prévention du tabagisme, de la toxicomanie et de la consommation d’alcool chez les adolescents. Après un séjour à la mer, un camp militaire visait à « l’éducation physique ».
Une participante se souvient : « Nous étions des adolescents de 13-14 ans qui n’avaient jamais rencontré l’armée. Tout était un émerveillement pour nous, surtout pour les filles. [Les exercices, courir, ramper] et de temps en temps on entend des ordres du genre : "Grenade !". Pour nous, c’était un peu sauvage au début, mais de tous les conseillers, Denis a plongé dans notre âme, c’était juste une très bonne personne. » Denis a demandé : « Qui veut tirer avec la "Kalash" ? » « Et je suis follement amoureuse du tir. J’ai rêvé de tenir cette arme entre mes mains. Et il m’a aidée à la tenir, car j’étais encore une fille de 13 ans. Les émotions étaient incomparables [69]. »
Légalement enregistré comme entité juridique en décembre 2022 sous le nom de « PMC Wagner Centre », le domaine d’exercice de Wagner est le conseil en gestion.
À la question « Comment intégrer la milice Wagner ? » posée sur les réseaux sociaux, Prigojine, son patron, répond : « Mange des clous, branle-toi avec du papier de verre, étanche ta soif avec du sang, ne sors pas sans un marteau et appelle les numéros de téléphone indiqués ci-dessous [70]. »
Dans une vidéo, équipé d’un casque et d’un masque de pilote, Evguéni Prigojine lance un défi au président ukrainien assurant qu’il embarquerait sur un chasseur MiG-29. « Si vous voulez, nous nous rencontrerons dans le ciel. Si votre appareil prend le dessus, vous récupérez [Bakhmout], sinon on ira jusqu’au Dniepr [71]. »
Selon Olga Romanova, responsable de la fondation caritative Rus Seated, sur les 50 000 prisonniers recrutés par la milice Wagner, environ 10 000 sont restés au front. Les autres sont tués, blessés, portés disparus, abandonnés ou se sont rendus. Les déserteurs sont nombreux. Ils fuient souvent vers la Russie avec leurs armes [72].
Un mercenaire de Wagner raconte au site Meduza [73] comment il a été recruté, très peu formé et mal équipé. Il a compris qu’ils étaient traités « comme de la viande ». Dans la débandade après une attaque surprise, il a déserté. En rentrant chez lui, il a découvert que son casier militaire avait déjà été effacé. Il craint les représailles de la milice.
Pour contrecarrer la baisse des enrôlements volontaires en prison due aux trop grands risques, des pressions sont exercées sur les prisonniers par des agents du ministère de l’Intérieur ou du FSB. Ils menacent d’ouvrir des poursuites pour des délits anciens même prescrits [74].
Des femmes contre la guerre
La conscience de Saint-Pétersbourg
Le vernissage de « Peaceful Art Protest », une exposition d’affiches antiguerres, de la « conscience de Saint-Pétersbourg », Elena Osipova, a eu lieu dans les locaux du parti d’opposition Yabloko. Depuis vingt ans, cette artiste, ancienne enseignante en beaux-arts, conteste inlassablement la politique poutinienne en brandissant ses affiches dans les rues. « Il est difficile de rester longtemps dans la rue s’il n’y a rien contre quoi s’appuyer - votre dos vous fait mal, vos jambes vous font mal. Une femme âgée ne peut pas tenir des affiches dans ses mains pendant longtemps - c’est difficile. » « Mais quand quelque chose de terrible se produit en Russie, sur lequel il est impossible de garder le silence, on ne sait pas d’où viennent les forces. […] Le sentiment de l’importance de ce qui se passe me relève. » Elle doit être amenée dans le fourgon de la police, car elle n’est pas capable de se lever. Son âge, sa mauvaise santé et sa popularité la protègent de l’emprisonnement. La police la reconduit systématiquement chez elle. « Qu’est-ce que je risque ? Je suis sur le point de mourir. »
Elle explique : « La guerre ne se terminera pas tant que tant de gens en Russie voudront se battre. […] Beaucoup partent combattre depuis des villages où il n’y a même pas d’écoles. Pour eux, la guerre est une chance de gagner au moins un peu d’argent. Et Poutine est riche, il distribue de l’argent pour participer à la guerre. Et les mères sont prêtes à abandonner leurs fils pour de l’argent. »
Le 7 avril 2022, le conseil municipal de Milan l’a reconnue comme citoyenne d’honneur et lui a décerné le titre de « Femme-symbole contre la guerre ».
Elena Osipova, photo Elena Lukyanova pour Novaya Gazeta Europe
Le lendemain du vernissage, la police est intervenue pour une prétendue alerte à la bombe. Ensuite les affiches ont été saisies car « la police a accidentellement vu les œuvres d’Elena Osipova, dans lesquelles, à leur avis, il y a des signes d’une infraction administrative [75]. »
Miagkaya Sila
Miagkaya Sila (la puissance douce, en français) est un projet pour inciter les femmes à s’engager en politique ou à être socialement actives, afin de féminiser les institutions et rendre ainsi la politique plus humaine. « La Russie de ces dernières années est un État de violence, d’impuissance et de pauvreté, dit son manifeste. Un État qui ne se soucie pas de ses citoyens, ne les entend pas, ne se soucie pas de leurs problèmes. […] Nous sommes contre la hiérarchie rigide. Notre valeur réside dans la solidarité et les liens horizontaux entre les uns et les autres. Nous sommes convaincues que la vie publique et politique du pays doit être plus douce. »
L’organisation lutte notamment contre la propagande d’État dans les écoles, où un cours hebdomadaire de « patriotisme », véhicule le discours officiel. « Nous donnons des outils pratiques aux parents, par exemple des modèles de déclaration pour refuser en toute légalité que leurs enfants assistent à ces leçons », détaille une cofondatrice. Miagkaya Sila organise des tables rondes en ligne sur des thèmes comme l’éducation dans un contexte de mobilisation et de propagande. Plusieurs membres du mouvement, soutenues par lui, sont prisonnières politiques ou réfugiées à l’étranger.
Youlia Galiamina a tout connu en dix ans d’engagement politique : intimidations, refus de candidature, déchéance de mandat, perquisitions, arrestations, condamnations… En mars 2022, elle a passé trente jours derrière les barreaux pour avoir « appelé à un rassemblement non autorisé » contre l’invasion de l’Ukraine. Elle est cataloguée « agent de l’étranger », étiquette infamante qui la soumet à de nombreuses contraintes et procédures.
Aux critiques qui jugent les changements « doux » impossibles en Russie, Miagkaya Sila rétorque que le temps de la violence est révolu. « Accepter l’État et sa violence ne mène à rien. N’est-il pas temps d’essayer une nouvelle voie ? » Une militante interroge : « Si on cherchait à obtenir le changement par la force, en quoi serions-nous différents d’eux ? » [76]
Peuples caucasiens
Aux premiers jours de février 2023, au nom d’une expérience partagée de l’oppression russe, Volodymyr Zelensky mise sur un ralliement progressif des « peuples autochtones » de Russie à la cause ukrainienne. « À tous les peuples sur le territoire de la Russie ! Rien ne vous oblige à continuer de servir l’homme qui est le seul à vouloir cette guerre. Vous n’avez pas à mourir en Ukraine. Vos fils n’ont pas à mourir en Ukraine. » Et il leur enjoint de « combattre pour éviter la mort » et de « défendre [leur] liberté maintenant ». Il tend la main aux peuples du Caucase, afin d’encourager les désertions, voire les ralliements [77].
Il faut soutenir les démocrates russes
OVD-Info est une organisation russe de défense des droits humains. Elle lutte contre les persécutions politiques et les brutalités policières en les signalant par une liste de diffusion et sur son site [78] et en en publiant des statistiques [79]. Sa ligne téléphonique d’urgence (enregistrée par les pouvoirs publics !) propose des conseils juridiques. Ses avocats sont présents dans les commissariats et plaident dans les procès. En 2019, elle comptait 28 employés et 300 bénévoles. Elle est financée notamment par la Commission européenne. Les aides internationales dont elle bénéficie lui valent d’être désignée par le ministère de la Justice comme « agent de l’étranger ». Cette désignation rappelle celle d’« ennemi du peuple » du temps de l’URSS. Elle implique de lourdes, fastidieuses et fréquentes démarches administratives [80]. Le régulateur des médias Roskomnadzor a bloqué son site Internet en décembre 2021 [81].
Daniil Beilison, un des fondateurs d’OVD-Info, est exilé en France et fait appel, dans une tribune du Monde [82], au soutien des militants des droits humains. Les bases d’un tel soutien ont été rappelées, dit-il, par la commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe : « un environnement sûr et adapté à la poursuite de leur travail, incluant une aide efficace pour enregistrer et faire fonctionner leurs entités juridiques, l’accès à des financements, et bien sûr, pour les militants et leurs familles, à une résidence stable et à des droits sociaux. »
Il poursuit : « Plusieurs collègues russes, y compris des militants de Mémorial, ont dû traverser de terribles épreuves après leur arrivée en France : aucun statut légal pendant des mois, pour eux-mêmes et pour leurs enfants, aucun accès à la Sécurité sociale, impossibilité d’ouvrir un compte bancaire ou de quitter la France pour des missions professionnelles.
Face à la multiplication des entraves, je ne peux aujourd’hui recommander à mes homologues de choisir la France comme un territoire d’exil. […] Ce dispositif est inadapté et tend à favoriser l’extinction plutôt que le soutien aux militants de la société civile. […]
La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine fait peser des menaces sur la sécurité de l’Europe et d’autres pays. Or, le lien entre défense des droits de l’homme et sécurité mondiale est bien compris depuis des années. […]
Il est dans l’intérêt de tous d’aider la Russie à devenir un pays où les droits de l’homme et les libertés civiques sont reconnus comme des principes fondamentaux qui ne peuvent être troqués contre aucun avantage économique ni politique. […]
En matière de promotion des libertés fondamentales, [la France] pourrait apporter sur son territoire un bien meilleur soutien aux militants issus de pays non démocratiques et offrir une chaîne d’accueil efficace. »
Pétition
La pétition de soutien aux 600 soldats russes détenus et maltraités dans des prisons illégales en Ukraine occupée a obtenu plus de 110 000 signatures. Ses initiateurs proposent de demander aux eurodéputés de soulever ce sujet au niveau européen. Pour le faire, cliquez ici.
Un volontaire de choix pour Wagner
Mikhail Popkov est un ancien policier russe. Il a été condamné à perpétuité pour avoir enlevé avec sa voiture de fonction, tué, mutilé et parfois violé post mortem 78 femmes qu’il jugeait frivoles. Dans une interview à la télévision d’État russe, il décrit son rêve : rejoindre les rangs de la milice Wagner pour pouvoir être libéré après six mois de combat. « Si je pense à mon profil militaire, je crois que c’est recherché en ce moment. » « Même si je suis en prison depuis dix ans, je ne pense pas avoir trop de mal à m’y remettre. » « Pour être honnête et objectif, si on me fait attendre encore pendant la période janvier-février, la période la plus froide – pour moi, le gel, y a pas pire – là je signe tout de suite [83]. » On craint ce que serait une nouvelle surenchère de cynisme patriotique à la télévision. La mort en direct ?
La délation est le devoir d’un patriote
Une Russe de 19 ans, Olesya Krivtsova, est assignée à résidence. Elle risque plusieurs années de prison pour des publications sur les réseaux sociaux et des tracts contre la guerre. Elle figure désormais sur la liste des terroristes. Elle a été dénoncée par des condisciples de l’université. « La délation est le devoir d’un patriote » a prétendu l’un d’eux au tribunal. Lors de son interpellation, le 26 décembre 2022, elle a été plaquée au sol avec son mari et un des policiers a brandi un marteau, expliquant qu’il s’agissait du « bonjour » de Wagner [84].
Un officier témoigne des tortures et des meurtres
Un ex-officier de l’armée russe, Konstantin Yefremov, interviewé par la BBC, raconte que, au début de l’invasion, il a été témoin de tortures et de meurtres de prisonniers ukrainiens par des troupes russes, sous l’autorité d’un colonel. Il a tenté de démissionner de l’armée à plusieurs reprises puis a été licencié pour avoir refusé de retourner en Ukraine. En septembre 2022, il s’est caché pour éviter la mobilisation. Avec l’aide de Gulagu.net, il a fui la Russie qui le considère comme traître et transfuge.
Que pense-t-il des Russes qui se laissent berner par Poutine ? « Quand ils vont au marché, ils savent qu’ils pourraient être lésés. Ils ne font pas confiance à leurs femmes, à leurs maris. Mais l’homme qui les trompe depuis vingt ans, il n’a qu’à dire un mot et ces gens sont prêts à aller tuer et mourir. Je ne peux pas le comprendre. »
Il termine : « Dieu merci, je n’ai blessé personne. Je n’ai tué personne. Dieu merci, je n’ai pas été tué. Je n’ai même pas le droit moral de demander pardon aux Ukrainiens. Je ne peux pas me pardonner, donc je ne peux pas m’attendre à ce qu’ils me pardonnent [85]. »
Atteintes aux droits en Ukraine
Au déclenchement de la guerre, les députés ont décidé qu’il y aurait un seul groupe politique qui s’appelle L’Ukraine. La démocratie n’a rien à gagner à cette union sacrée. Dans ces conditions, les oppositions risquent d’être soit étouffées, soit considérées comme une trahison du pays.
Dès avant l’invasion russe, la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine contrevenaient sur certains points au droit à l’objection de conscience défini par divers organes internationaux et la Cour européenne des droits de l’homme [86]. L’Ukraine, comme la Russie, refuse actuellement ce droit et condamne les objecteurs [87].
Une pétition lancée par vingt des plus grandes ONG ukrainiennes réclame la transparence des décisions de justice. Elle dénonce « une dissimulation d’informations » qui ne contribue « en aucune façon à la victoire de l’Ukraine, puisqu’elle sape la confiance du public dans les autorités, nécessaire pendant la guerre. »
Volodymyr Yavorsky, de l’association lauréate du prix Nobel 2022, le Centre pour les libertés civiles, note « Juger les militaires russes, c’est le plus important pour l’Ukraine, la presse internationale est conviée, il faut montrer une nation unie, il y a aussi une guerre de propagande. » En revanche, les procès des soldats accusés d’être prorusses se tiennent généralement à huis clos. Les raisons sécuritaires, la guerre, la loi martiale sont souvent évoquées. Plus de 5 000 détenus attendent leur procès. Dans la plupart des cas, ils ne sont pas poursuivis pour crime de guerre et reconnaissent les faits : un engagement volontaire dans l’armée russe, un changement de camp ou un enrôlement de force par la Russie dans les territoires qu’elle occupe.
Pour Olha Reshetylova, de l’ONG Initiative médiatique pour les droits de l’homme, cette situation laisserait des violations des droits et de la procédure se développer. Elle évoque notamment des procès de masse à l’été 2022. « Tôt ou tard il faudra parler de tout ça [88]. »
L’Ukraine lutte contre la corruption et a promulgué des lois sur l’indépendance de la presse et sur les minorités nationales mais, pour intégrer l’Union européenne, elle devra réformer la Cour constitutionnelle et les modalités de désignation des juges [89].
L’Ukraine est dénoncée par Human Rights Watch comme utilisatrice de mines terrestres antipersonnel alors qu’elle est État partie à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel de 1997 [90].
Le Bureau des droits de l’homme des Nations unies a recensé les cas de mauvais traitements infligés aux prisonniers dans le cadre de la guerre en Ukraine. Il a interrogé plus de 400 prisonniers de guerre, tant ukrainiens que russes. « Malheureusement, nous avons constaté que la torture et les mauvais traitements des prisonniers de guerre se produisent des deux côtés », déclare Matilda Bogner, chef de l’équipe de surveillance des Nations unies en Ukraine [91].
Géorgie
Envahie par l’URSS en 1921, la Géorgie retrouve sa souveraineté en 1991. La Russie reconnaît et soutient militairement les républiques séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et y maintient des bases militaires. La Géorgie perd ainsi le contrôle de 20 % de son territoire et redoute une annexion comme celle tentée en Ukraine.
Mikheil Saakachvili, président de la République de 2004 à 2013 et devenu opposant, écrit de sa cellule médicalisée où les mauvais traitements carcéraux et un empoisonnement aux métaux lourds le maintiennent depuis des mois. Il rappelle la guerre hybride imposée par la Russie à son pays : « Les coupures du gaz en plein hiver, les missiles balistiques contre les infrastructures vitales, les cyberattaques, la désinformation, les attentats terroristes, la crise migratoire et la déportation illégale par avions-cargos des Géorgiens vivant en Russie, le soutien armé aux séparatistes en Abkhazie et en [Ossétie du Sud] et la délivrance de passeports russes, le harcèlement constant par violation de nos espaces aérien et maritime, etc. […] Tout ce que l’Ukraine subit aujourd’hui, nous l’avons vécu sous ma présidence.[…] En Ukraine et en Géorgie, nous luttions contre le même ennemi : la corruption, les oligarques, l’obscurantisme ethno-religieux et leurs soutiens et alliés naturels à l’extérieur - le régime de Poutine, sa kleptocratie, son idéologie anti-européenne, son "monde russe" et son impérialisme [92]. »
L’actuelle présidente de la République, Salomé Zourabichvili, et une large proportion de la population soutiennent, avec conviction, l’Ukraine et l’intégration à l’Union européenne. Au contraire, le gouvernement mène une politique pro-Kremlin et n’applique pas les sanctions économiques contre la Russie. Pour cela, il est félicité par le ministre russe des Affaires étrangères de sa « résistance aux pressions occidentales ». Par opportunisme économique, il laisse entrer les exilés russes, mais refuse ce droit à des opposants à Poutine.
Des Russes fuient la mobilisation de septembre 2022 dans ce pays proche et qui autorise un séjour d’un an sans visa. Leur grand nombre déstabilise la faible population locale. La plupart sont peu politisés et veulent seulement éviter les combats. Ils ignorent le conflit entre leur pays et celui d’accueil. Généralement plus aisés que les Géorgiens, ils vivent comme des touristes dans une province russe. Leur nationalité et leur manque d’efforts pour s’intégrer, notamment en ne parlant que russe, suscitent l’animosité de certains Géorgiens. Ceux-ci redoutent les agents de Poutine, complices, provocateurs ou seulement passifs. David Katsavara, chef d’un mouvement contre l’occupation russe, s’alarme : « C’est une invasion hybride qui peut se transformer en opération militaire à tout moment. », comme lorsque des soldats sans uniforme sont intervenus en 2014 en Crimée. Il dénonce les sabotages, la désinformation et la délivrance de passeports russes en Géorgie. « La Géorgie n’a pas les moyens de se défendre, et ses institutions sont faibles, alors que les troupes russes ne sont qu’à quarante kilomètres de Tbilissi », s’inquiète Helen Koshtaria, du mouvement d’opposition Droa.
Anton Mikhalchuk a fui les persécutions politiques en 2018. Avec l’ONG Free Russia Foundation, il anime à Tbilissi une hotline pour aider les exilés à s’installer et à s’intégrer. Il tente d’éveiller leur conscience politique. Il déplore leur faible participation aux manifestations mensuelles de son organisation contre la guerre.
Des Géorgiens restent accueillants, comme cette dame qui loge à bon-marché une vingtaine de personnes, des Russes, des Biélorusses et un couple qui fait partie des 30 000 réfugiés ukrainiens. Ceux-ci s’indignent du silence politique des Russes et de leur futilité. L’un d’eux se justifie : « Depuis tout petit on me répète "Ne te mêle pas des histoires des autres, tu dois obéir, tu n’as aucun droit." […] "Chacun pour soi, ne pense qu’à toi, le reste sera décidé sans toi". » Il poursuit : « Être Russe aujourd’hui, c’est être coupable de n’avoir rien fait. […] Mon rôle désormais c’est de tout faire pour aider les Russes à se réveiller, parce que notre ennemi n’est ni en Ukraine, ni en Europe, ni aux États-Unis, mais au Kremlin [93]. »
Un autre réfugié, Grigori Sverdline confirme que les Russes, pour la plupart, hésitent à aller à contre-courant. Ils se conforment à l’éducation paternaliste qu’ils ont reçue : l’État est comme un père auquel, en tant qu’enfants, ils doivent obéir. C’est une habitude profondément ancrée en Russie de suivre la majorité, fût-ce au prix de sa propre dignité.
Grigori Sverdline dirige Idite Lessom, une organisation qui, depuis la mobilisation de septembre 2022, prête main-forte aux « hommes qui refusent d’aller en tuer d’autres ». Idite Lessom compte trois cents volontaires et huit collaborateurs permanents. Tous vivent hors de Russie pour des raisons de sécurité. En trois mois, l’organisation a aidé 4 000 personnes à éviter de répondre aux convocations de l’armée ou à s’enfuir si elles sont déjà mobilisées voire au front ou même, hospitalisées après une blessure au combat, pour ne pas y retourner. 300 à 400 personnes ont échappé au champ de bataille grâce à diverses aides : pour acheter des billets et quitter la Russie ou franchir les frontières illégalement, conseils juridiques, y compris pour obtenir un service civil…
L’organisation vérifie les dossiers de tous les solliciteurs. Elle refuse notamment son aide aux « défecteurs » de la milice Wagner pour ne pas aider des détenus à échapper à la prison.
Un officier s’est tiré une balle dans le pied pour être limogé. L’état-major l’a renvoyé au front. Il a quitté le pays avec l’aide de l’organisation [94].
Enseignement sur les « valeurs fondamentales »
Des cours obligatoires sont dispensés dans les écoles russes sur les « valeurs fondamentales », c’est-à-dire le patriotisme et le militarisme à outrance. Des enseignants refusent cette consigne discrètement ou frontalement, comme Tatiana Tschervenko qui a perdu son poste en ne voulant pas trahir la confiance de ses jeunes élèves par un patriotisme inculqué sous la contrainte [95].
Pétition
Une pétition de soutien aux objecteurs russes est disponible ici.
Des fleurs pour Dnipro
Le média régional 7x 7 compte trente-sept villes russes où des monuments à des écrivains ukrainiens ou en mémoire des répressions staliniennes sont fleuris ou servent de lieu de recueillement en hommage aux victimes de Dnipro, en Ukraine. Des messages sont déposés : « Non à la guerre », « Criminels », « J’ai honte », « Le Kremlin tue, l’Église bénit » … Une femme témoigne : « Il fallait que je vienne : pour moi, pour pouvoir me respecter, et pour que le monde sache que tous les Russes ne soutiennent pas cette horreur [96]. »
Retour des assassins
Après six mois de service, les premiers mercenaires de Wagner retrouvent leur liberté. Leur chef, Evgueni Prigojine, les harangue : « Si vous voulez revenir à la guerre, vous n’avez pas besoin de passer par la prison. […] Ceux qui veulent se marier, étudier, se faire baptiser, vous avez ma bénédiction. » « La patrie et le peuple s’inclinent devant vous. »
Parmi les libérés, Alexandre Tioutine, arrêté alors qu’il préparait le meurtre de sa nièce après avoir commandité plusieurs assassinats dont celui de sa femme et de ses jeunes enfants achevés à la hache, Kirill Neglin, trafiquant de drogue qui a passé sa femme à tabac et a promis, au tribunal, de la tuer à sa libération. Ces assassins ne risquent pas de faire baisser les statistiques qui indiquent que les affaires pénales pour des crimes commis avec armes à feu ou explosifs ont augmenté de 24 % en 2022 et triplé à Moscou et dans les régions frontalières de l’Ukraine.
Poutine a décoré au moins un ancien prisonnier recruté par Wagner. Un matricide a été enterré avec les honneurs militaires. Les autorités d’une petite ville de l’Oural ont refusé d’organiser une telle cérémonie. Prigojine a menacé d’emmener leurs enfants sur le front.
Le président de la Douma a prié les députés de préparer une loi de répression de la « discréditation des participants aux opérations militaires ». On ne pourra donc plus blâmer les assassins libérés [97].
Reprise en main disciplinaire
Russie
Le ministère russe de la Défense a élaboré un décret pour l’installation de prisons militaires sur les lieux de déploiement de l’armée, une pratique abandonnée depuis vingt ans. Ces prisons accueilleront, sans jugement, les infractions graves à la discipline, comme le refus de combattre ou l’abandon d’un poste ou d’une base militaire. Le texte spécifie que ces prisons seront des conteneurs ou des camionnettes et non des caves ou des trous dans le sol. Il réglemente donc une pratique dénoncée dans les prétendues républiques ukrainiennes annexées : des dizaines d’hommes entassés dans onze lieux souterrains recensés, photos à l’appui, par la chaîne Telegram Astra.
Dans une vidéo virale, un mobilisé insultait puis bousculait un sous-colonel qui l’avait lui-même poussé lors d’une altercation au sujet des casques et des gilets pare-balles, jugés déficients, distribués aux soldats. Le militaire a été condamné à cinq ans et demi de prison à régime sévère. Un autre mobilisé qui avait brandi un couteau lors d’une dispute a reçu une peine de six ans. Il s’agit de reprendre la discipline en main, après la mobilisation de septembre 2022 qui a donné lieu à des bagarres, à des morts accidentelles, à des beuveries sur des bases militaires et à de nombreux conflits entre mobilisés et officiers, le tout filmé par des milliers de téléphones.
Le 13 janvier 2023, dans un train entier, les mobilisés se sont révoltés d’être obligés de dormir dans des wagons sans chauffage par des températures proches des moins 15° C. Dans des vidéos, d’autres mobilisés se plaignent de devoir dormir dans des tranchées inondées [98].
Le Service pénitentiaire fédéral a été chargé de créer 24 colonies correctionnelles dans les régions d’Ukraine annexées [99].
Ukraine
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a approuvé des amendements au Code pénal qui renforceraient la responsabilité du personnel militaire en vertu de la loi martiale ou d’une situation de combat.
Les tribunaux ne pourront plus prononcer de peines réduites ou avec sursis à l’égard des militaires reconnus coupables de désobéissance, de non-respect des ordres, de menaces ou de violence à l’encontre du commandant, de désertion, d’abandon non autorisé de l’unité militaire ou du champ de bataille. De plus, les peines augmenteront pour les infractions administratives, par exemple, la consommation de boissons alcoolisées par les militaires.
Les militants des Droits de l’Homme estiment que les droits fondamentaux des militaires à la protection judiciaire sont ainsi limitée [100]. Plusieurs organisations avaient appelé le président à ne pas le signer et une pétition d’opposition à la loi enregistrée sur le site de la présidence avait rassemblé près de 35 000 signatures en décembre dernier [101].
Trahissez-vous Dieu par votre silence ?
Extraits d’une lettre d’Alexeï Gorinov à Vladimir Gundyaev (patriarche Kirill) en tant que chef de l’Église :
Cher Vladimir Mikhaïlovitch !
Maintenant, je purge une peine de 7 ans dans une colonie pénitentiaire uniquement parce que, lors d’une réunion du Conseil des députés municipaux, j’ai qualifié la soi-disant opération militaire spéciale de guerre, d’acte d’agression, j’ai informé mes collègues du nombre d’enfants décédés pendant les hostilités et j’ai exprimé mon opinion sur la nécessité de leur interruption. Tel est le prix de la liberté de pensée et d’expression en Russie aujourd’hui.
Comment se fait-il qu’aujourd’hui, alors que la Russie mène une guerre fratricide sur le territoire d’un État voisin, la voix de l’Église orthodoxe russe et la vôtre personnellement, en tant que premier représentant, ne se fassent pas entendre pour défendre la paix, appelant les dirigeants politiques de notre pays à revenir à la raison ?
Tout cela est-il conforme aux enseignements du Christ ? La guerre n’est-elle pas, du point de vue du christianisme, le mal suprême ?
Est-ce vraiment important pour Dieu, en qui, j’espère, vous croyez sincèrement, quelle langue parle une personne, de quelle nationalité et de quelle religion elle est ?
Je suis sûr que s’il existe, il aime tout le monde, sauf ceux qui privent les autres de la vie qu’il a donnée. Le trahissez-vous par votre silence ?
Au nom de quelle noble idée des centaines de milliers de personnes sont-elles tuées et mutilées des deux côtés des hostilités ?
Au nom de quelles valeurs chrétiennes les épouses restent-elles sans mari, les parents sans enfants et les enfants sans père, ou les reçoivent-elles du front comme des infirmes nécessitant des soins à vie ?
Cordialement, Gorinov Alexey Alexandrovitch
18.01.2023
Colonie correctionnelle n° 3, région de Vladimir [102]
Natalya Filonova
Une retraitée, Natalya Filonova, est, en Bouriatie, une des principales opposantes à la guerre. Elle se définit comme pacifiste, résistante non-violente et non militante, terme qu’elle trouve trop associé à l’ère soviétique. En 2014, elle organise un rassemblement contre l’entrée des troupes russes en Ukraine. Elle manifeste « pour être au coude à coude avec les jeunes, qui réalisent que l’avenir de la patrie est entre leurs mains ». Elle aurait frappé deux policiers avec un stylo à bille après avoir été interpellée lors d’un rassemblement, organisé à Oulan-Oude par le mouvement Vesna [103], contre la mobilisation de septembre 2022. La maison de Filonova est perquisitionnée. Les enquêteurs y trouvent un stylo à bille, « arme du crime ». Filonova est placée en résidence surveillée, fin octobre 2022. Elle quitte quelques jours sa résidence pour rejoindre son mari victime d’une crise cardiaque. Elle est incarcérée dans un centre de détention provisoire à cause de cela. Elle pourrait écoper jusqu’à 10 ans de prison pour « violences contre un représentant des autorités » [104].
Précédemment, elle avait demandé à un chauffeur de bus de retirer la lettre Z collée dans l’habitacle. En réponse, il a décidé de déposer tous les passagers et a emmené de force la femme au poste de police, où elle a été détenue. Elle a été condamnée à une amende de 35 000 roubles pour avoir discrédité l’armée russe [105].
Alexander Poletaev
Le 22 décembre 2022, un tribunal russe a condamné Alexander Poletaev à deux ans de prison dans une colonie sous régime général en vertu d’articles sur l’incitation à l’extrémisme et au terrorisme en raison de commentaires anti-guerre sur VKontakte. Cela a été rapporté à OVD-Info par un groupe de bénévoles qui soutiennent les prisonniers politiques [106].
Adresse pour les lettres à Poletaev :
ФКУ Следственный изолятор № 1 ГУФСИН России по Приморскому краю.
690 106, Приморский край, г. Владивосток, Партизанский проспект, 28 « б », Полетаев Александр Александрович, 2002 г. р.
Centre de détention PKU n ° 1 du GUFSIN de Russie dans le territoire de Primorsky.
690 106, territoire de Primorsky, Vladivostok, avenue Partizansky, 28 "b", Poletaev Alexander Alexandrovich, né en 2002
Ou via le service Internet "FSIN-Letter"
Brèves
Mikhail Alekseevich Zhilin, officier du FSO, refusant de se « rendre dans la zone de guerre pour le meurtre […] de citoyens ukrainiens, avec lequel [il est] catégoriquement en désaccord » est entré clandestinement au Kazakhstan. Il en a été extradé vers la Russie. Son épouse s’est envolée avec ses enfants pour la France dans l’intention d’y demander l’asile politique [107].
Une affaire pénale est engagée contre Olga Smirnova, membre de la « Résistance pacifique », à cause d’une lettre « Z » brûlée, en vertu d’un article sur la destruction d’objets du patrimoine culturel. Elle a déjà été détenue pour des écrits pacifistes [108].
La Cour suprême de Crimée (sous occupation russe) a confirmé le verdict d’Alexandre Tarapon : deux ans et demi dans une colonie à régime strict parce qu’il avait affiché sur les portes de la maison de son parent, Yuri Orlenko, membre de la Garde nationale, sa photo avec la légende « Ici vit un criminel de guerre qui tue des enfants ». Orlenko est mort sous le feu des roquettes pendant le procès [109].
En Russie, les monuments aux écrivains ukrainiens continuent à être fleuris en hommage aux victimes d’un immeuble résidentiel bombardé en Ukraine. La police interdit désormais de les photographier [110].
Répression en Russie et en Ukraine
Russie
Le Service russe de la BBC a étudié les textes de plus de 300 condamnations de 58 tribunaux militaires prononcées en vertu de l’article « sur l’absence non autorisée du lieu de service. » Au début, les tribunaux étaient moins stricts. Ceux qui s’échappaient de leur unité étaient souvent condamnés à une peine avec sursis ou à une amende.
La plupart des verdicts (121, soit 40 % du total) étaient des condamnations avec sursis (de six mois à cinq ans). Dans 68 cas (22 %), les tribunaux ont imposé des restrictions au service militaire (généralement sous la forme de déductions de salaire) et dans 67 autres cas, des amendes (de 10 à 100 000 roubles).
Une semaine avant la guerre, un soldat qui s’est absenté sans permission pendant un mois du camp d’entraînement en emportant un fusil d’assaut n’a reçu qu’une peine de six mois de probation.
En septembre 2022, à la veille de la déclaration de mobilisation en Russie, des amendements au Code pénal ont été introduits en urgence afin d’augmenter de manière significative les peines pour les « crimes contre le service militaire ». Parmi eux figurent des articles sur la désobéissance aux ordres, la résistance à un supérieur, l’abandon d’une unité sans permission et la désertion. Les soldats sous contrat encourent au minimum cinq ans de prison pour une absence de plus d’un mois. En « période de mobilisation ou de loi martiale », en « temps de guerre » ou en « conditions de conflit armé ou d’opérations de combat », le tribunal peut condamner à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans. Un soldat blessé en Ukraine et en cours de rééducation dans un sanatorium n’a pas rejoint son unité et a été condamné à une amende de 100 000 roubles.
La participation à « l’opération spéciale » est devenue une circonstance atténuante mais les troubles de stress post-traumatique, les engelures ou les lacunes et incohérences du commandement ne sont plus considérées. « Un militaire doit continuer à servir dans des conditions inhumaines. », déplore un avocat du mouvement Appel à la conscience. Les convictions affirmées hostiles à « l’opération militaire spéciale » sont aggravantes.
En octobre 2022, un caporal a été condamné à deux ans dans une colonie pénitentiaire pour s’être fait exploser une grenade dans la main afin d’échapper au service militaire.
Sur la carte d’identité militaire de certains réfractaires, figure la mention « Sujet à la trahison, au mensonge et à la tromperie, a refusé de participer à une opération militaire spéciale » [111], ce qui pénalise dans la recherche de travail.
Ukraine
Agressée, envahie, bombardée, la population ukrainienne est fortement encline à s’engager dans la résistance.
Ravis lors de la réception des premières armes antichars américaines Javelin, des manifestants ukrainiens brandissaient, en mars 2022, des icônes de Marie-Madeleine. Cette sainte emblématique de la tradition orthodoxe est devenue « Sainte-Javeline » protectrice de l’Ukraine. Auréolée des couleurs nationales, jaune et bleu, elle brandit un missile [112]. Depuis, des parents baptisent leur fille Javelina.
Des organisations non gouvernementales sont créées pour récolter des fonds et offrir des équipements militaires à l’armée [113].
« En Ukraine, comme le disait avant l’offensive poutinienne Nina Potarska de la section ukrainienne de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, il est difficile de s’exprimer quand le militarisme envahit tous les esprits. », rappelle Bernard Dréano, membre de l’Assemblée européenne des citoyens [114].
Le 16 janvier 2023, la cour d’appel d’Ivano-Frankivsk a rejeté l’appel de Christian Vitaly Alekseenko contre sa condamnation à un de prison pour avoir refusé, pour des motifs religieux de conscience, de se soumettre à l’appel dans l’armée. Le président du tribunal a exprimé son mécontentement que le tribunal ait reçu des messages du monde entier en faveur d’Alekseenko. Un service civil de remplacement lui a été refusé. Il s’agit de la cinquième condamnation connue pour ce motif par un tribunal ukrainien depuis l’invasion russe. Les quatre autres objecteurs ont été condamnés à des peines plus lourdes mais avec sursis. Dans les années 1990, pour des raisons de conscience, Christian Vitaly Alekseenko n’a pas servi dans l’armé d’Ouzbékistan, où il vivait alors.
Seuls les hommes appartenant à dix communautés religieuses reconnues comme pacifistes par l’État (ce qui n’est pas le cas de Christian Vitaly Alekseenko) sont autorisés, par un décret du Conseil des ministres du 10 novembre 1999, à opter pour un service civil alternatif, uniquement.
Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies (ONU) dans ses observations finales du 9 février 2022 sur l’Ukraine a souligné que « des alternatives au service militaire devraient être accessibles à tous les objecteurs de conscience sans discrimination quant à la nature de leurs convictions justifiant l’objection (qu’il s’agisse de convictions religieuses ou de convictions non religieuses fondées sur la conscience) ».
Le Bureau européen des objecteurs de conscience (BEOC), War Resisters’ International (WRI), le Mouvement international de la réconciliation (IFOR) et Connection e.V. (Allemagne) considèrent que la condamnation d’Alekseenko constitue une violation flagrante du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, garanti par l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel on ne peut déroger « même en période d’urgence nationale menaçant la vie de la nation [115] ».
Les organisations rappellent également leur ferme condamnation de l’invasion russe de l’Ukraine, et appellent les soldats à ne pas participer aux hostilités et toutes les recrues à refuser le service militaire. L’Ukraine est membre du Conseil de l’Europe et doit continuer à respecter la Convention européenne des droits de l’homme.
Le 21 août 2022, le ministère ukrainien de la Défense a déclaré au Mouvement pacifiste ukrainien que pendant la loi martiale, le droit d’effectuer un service civil de remplacement avait été suspendu. C’est le cas également en Russie. Cette dernière, en outre, enrôle de force sur les territoires qu’elle occupe en Ukraine. Il s’agit d’un crime au sens de la Convention de Genève (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, qui couvre les droits des civils dans les territoires occupés par un autre État (qualifiés de « personnes protégées »). L’article 51 stipule : « La Puissance occupante ne peut contraindre des personnes protégées à servir dans ses forces armées ou auxiliaires. Aucune pression ou propagande visant à obtenir un enrôlement volontaire n’est autorisée. »
Un rapport analytique du 11 mai 2022 (A/HRC/50/43) du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme note que la Russie a gravement violé les droits de l’homme sur le territoire occupé ukrainien illégalement en Crimée en enrôlant plus de 3 000 personnes dans les forces armées russes [116].
L’Archipel du Goulag
Les œuvres littéraires qui « n’ont pas résisté à l’épreuve du temps et ne correspondent pas à la réalité » devraient être exclues du programme scolaire, comme L’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljenitsyne, a déclaré Dmitry Vyatkin, premier chef adjoint du parti Russie unie à la Douma d’État. Il prétend rétablir la justice historique des œuvres soviétiques qui inculquent un sentiment de patriotisme et préservent la mémoire historique [117].
Le sabre et le goupillon
Le patriarche Kirill estime que l’Église orthodoxe russe devrait aider davantage l’armée russe, il appelle à « mobiliser les paroissiens ». « Collectez de l’argent, envoyez des colis, si possible, allez-y vous-même, soutenez les militaires. » « Chaque prêtre devrait être en première ligne du front - le front spirituel. » Il compare la guerre en Ukraine à la Grande Guerre patriotique et à la Guerre patriotique de 1812, lorsque « presque toute l’Europe unie a tenté de conquérir la Russie. […] La Russie, qui rejette les pires manifestations de la mondialisation, est devenue un phare pour le monde. Les gens voient la Russie comme un pays qui incarne la loyauté envers les valeurs traditionnelles, telles que la famille, le sens du devoir, le patriotisme » [118].
Serbie
Les affinités entre la Serbie et la Russie, pays slaves et orthodoxes, sont fortes. Après le bombardement de Belgrade pour mettre fin à la guerre du Kosovo, une forte proportion de la population serbe partage avec Poutine la haine de l’Otan. Le président serbe, Aleksandar Vučić, a déclaré qu’il était reconnaissant à la Russie de l’avoir soutenu au Kosovo, ce qui explique pourquoi la Serbie refuse de pratiquer les rétorsions économiques contre Moscou. Belgrade est la seule ville d’Europe théâtre de manifestations massives pour soutenir la guerre de Vladimir Poutine et dénoncer l’Otan. Le gouvernement serbe, lui, a condamné le conflit à l’ONU tout en refusant de s’aligner sur les sanctions occidentales.
Vučić a été un collaborateur de Slobodan Milosevic et un faucon ultranationaliste. « Si vous tuez un Serbe, nous allons [tuer] cent Musulmans », menace-t-il en juillet 1995. Il soutient des criminels contre l’humanité, le général Ratko Mladic dit « le boucher des Balkans » et Radovan Karadzic [119].
Le président Vučić, converti en pro-européen, est réélu dès le premier tour en avril 2022. En janvier 2023, il répond à une interview de Bloomberg : « Pour nous, la Crimée c’est l’Ukraine, le Donbass c’est l’Ukraine, et ça le restera. »
La compagnie aérienne nationale maintient des liaisons avec la Russie et le pays est une des destinations favorites des opposants à Poutine. Un groupe Telegram destiné aux nouveaux arrivants compte des centaines de participants. « Mon père m’a dit que je n’étais plus un patriote et que je devais rester pour contribuer à l’économie », dit Kirill, un ingénieur de 31 ans. « Mais je comprenais parfaitement que si je restais, tous mes impôts allaient directement contribuer à la guerre [120]. »
L’ambassadeur américain à Belgrade se réjouit de la demande du président Vučić de cesser les tentatives de recrutement pour Wagner dans le pays. « C’est révélateur de ce que la Russie a de mieux à offrir aux Serbes : la chance de mourir dans un pays lointain pour la guerre d’agression d’un autre [121]. »
Turquie
La Turquie est une des destinations privilégiées des Russes qui fuient leur pays. De janvier à septembre 2022, près de quatre millions de Russes sont allés en Turquie. Ils y ont acheté plus de propriétés en 2022 qu’au cours des six années précédentes cumulées [122]. Au cours de l’année, 153 000 citoyens russes y ont reçu des permis de séjour, plus que de tout autre pays. Pourtant, à partir du 26 décembre 2022, les refus non motivés sont devenus massifs malgré des démarches onéreuses. Les Ukrainiens semblent ne pas se heurter aux mêmes difficultés.
Pour interrompre l’inflation des prix des logements et des loyers due à l’afflux d’exilés, une pétition signée par 16 000 personnes demande l’interdiction de louer des logements aux étrangers à Antalya. Peut-être que, à l’approche des élections, Erdogan veut satisfaire son électorat ou qu’il cède aux sollicitations de Poutine [123].
Fuite des cerveaux
Le ministre russe du Développement numérique, affirme que 100 000 spécialistes de l’informatique ont quitté le pays, soit 10 % de tous les professionnels russes de l’informatique. Le ministre note également que 80 % d’entre eux continuent à travailler pour le marché russe depuis l’étranger. Cependant, le gouvernement crée de plus en plus d’obstacles à ces derniers. Le parti poutinien Russie unie a préparé un projet de loi interdisant à ses ressortissants, résidents fiscaux d’autres pays, de travailler dans certains domaines [124]. De telles restrictions peuvent obliger les spécialistes qui ne veulent pas retourner en Russie, craignant une nouvelle vague de mobilisation, à se tourner encore plus activement vers des entreprises étrangères. Cela pourrait aggraver la pénurie de personnel hautement qualifié sur le marché du travail russe.
Johannes Wachs, chercheur au Complexity Science Hub Vienna, étudie les variations de GitHub, la plateforme en ligne la plus populaire pour l’hébergement et la collaboration sur des projets informatiques. Selon lui, la plupart des informaticiens ont déménagé aux États-Unis, les leaders parmi les pays d’Europe occidentale sont l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Un grand nombre de développeurs se sont dirigés vers les pays proches de la Russie qui offrent une entrée sans visa. La Géorgie et l’Arménie ont accueilli tellement d’informaticiens russes et biélorusses que le nombre d’utilisateurs de ces deux pays a augmenté de manière phénoménale : 94 % et 41 %, respectivement.
La fuite des cerveaux de Biélorussie est encore plus remarquable que celle de la Russie. La Pologne en a accueilli près de la moitié (46 %), suivie de la Géorgie (11 %), de la Lituanie (8 %) et des États-Unis (6 %) [125].
Désertions
« Dmitri Perov, recherché pour avoir volontairement quitté une unité militaire sans autorisation, a été retrouvé et éliminé », annonce le gouvernement de la région de Lipetsk, dans l’ouest de la Russie, sur Telegram [126]. Le soldat, qui était armé, aurait résisté à son arrestation [127].
Huit militaires mobilisés en septembre 2022 se sont volontairement rendus avec les armes qu’ils avaient emportées alors qu’ils allaient être envoyés au front sans préparation suffisante. Ils voulaient seulement sauver leur vie et leur santé [128].
Des mères et des épouses ont publié une vidéo d’une trentaine de conscrits où leur porte-parole s’exprime : « Le commandant de la compagnie nous a ordonné de nous retirer des positions car nous étions sous les tirs de chars et de mortiers. […] Nous n’avions que des fusils d’assaut, les autres armes étaient endommagées. Maintenant, ils veulent nous accuser de désertion parce que le commandant de la compagnie dit qu’il n’a pas donné cet ordre [129]. »
Selon les épouses et les mères, la quasi-totalité du salaire de leurs proches est consacrée à l’équipement. Une épouse explique : « Les enfants, bien sûr, sont fiers que leur père défende la Patrie. Et nos maris ne se sont pas cachés lors de la mobilisation. Nous voulons tous gagner. Et c’est pourquoi nous exigeons des conditions pour cela : des uniformes et des armes normales, ainsi que du personnel militaire professionnel œuvrant dans les points chauds [130]... »
Brèves
Le chef de la milice Wagner, E. Prigojne a exprimé l’avis que YouTube n’a pas été fermé jusqu’à présent, car « il y a un grand nombre de personnes dans l’administration présidentielle qui ne pensent qu’à une chose : si seulement la Russie perdait la guerre le plus tôt possible ». Il a qualifié ces personnes de « traîtres à leur peuple et à leur pays » et a promis qu’à l’avenir, ils attendraient « le marteau de Wagner » [131]. Il évoquait ainsi l’arme de l’exécution filmée d’un déserteur de la milice.
Le tribunal régional de Briansk a prononcé au moins cinq condamnations de cinq à sept ans de prison en vertu de l’article sur la participation à une formation armée illégale. Les accusés prévoyaient de combattre pour l’Ukraine au sein de la légion Liberté de Russie [132].
Dans plusieurs villes russes, aux pieds de monuments de poètes ukrainiens, on a déposé des fleurs, une photo de l’immeuble de Dnipro bombardé par l’armée russe où de nombreux civils ont été tués ou blessés et des bougies formant le nom de cette ville. Quatre personnes ont été arrêtées à Moscou et les objets retirés par les forces de l’ordre. Malgré la présence d’un fourgon de police, des fleurs continuent à être déposées [133].
Un ancien commandant de Wagner fuit en Norvège
Andrey Medvedev est un ancien membre de la milice privée Wagner qui a commandé le mercenaire Evguéni Noujine, recruté en prison comme lui, puis exécuté à coups de masse par la société militaire privée. Dans une vidéo publiée par Gulagu.net, en décembre 2022, Mevedev annonçait faire défection de Wagner et en dénonçait des exactions [134]. Vladimir Osechkin, le fondateur de Gulagu.net, déclare à CNN : « Andrey a décidé de quitter Wagner. Une fois que cela s’est produit, il a été recherché par les services de sécurité de Wagner et les services spéciaux russes. Il y avait une menace pour sa vie. […] Nous n’essayons pas de justifier ses actions par rapport à sa participation au groupe Wagner. Mais il faut comprendre qu’il a décidé de fuir le groupe Wagner en tant qu’organisation terroriste qui tue à la fois des Russes et des Ukrainiens. » Osechkin a fourni à Medvedev des provisions, des vêtements et un téléphone.
Dans la nuit du 12 au 13 janvier 2023, l’ex-mercenaire franchit illégalement la frontière norvégienne. C’était son troisième essai. Dans une vidéo sur la chaîne YouTube de Gulagu [135], il explique avoir quitté Wagner après avoir assisté aux meurtres de recrues qui ont refusé de se battre contre les Ukrainiens ou qui ont voulu déserter. Il évoque ainsi le rôle d’une unité spéciale, qui exécute à la fois des Ukrainiens et les mercenaires errants. Il demande l’asile politique et est envoyé dans un centre pour migrants. Il annonce qu’il expliquera à la police norvégienne et à un éventuel tribunal international ce qu’il a vu en Ukraine. D’après le commissaire norvégien aux frontières, la Russie n’a pas demandé son extradition [136]. Mais plusieurs pays, dont l’Ukraine, pourrait la réclamer pour le juger. Ravn-Christensen de l’Association ukrainienne de Norvège y serait favorable. « Nous le voyons comme un criminel, qui doit bien sûr être jugé. Soit devant un tribunal international, soit en Ukraine. Nous pensons que la Norvège devrait garantir sa sécurité, afin qu’il ait la possibilité de fournir des informations sur d’autres criminels de guerre et qu’il puisse témoigner. C’est important. Il est également important que la Norvège coopère étroitement avec l’Ukraine dans ce domaine [137]. »
Camilla Guldahl Cooper est professeure associée à l’École d’état-major de l’Académie norvégienne de la défense et experte en droit international. Si Medvedev est considéré comme un criminel de guerre, la professeure doute qu’il obtienne un permis de séjour. Cependant, les menaces de mort qui pèsent sur lui le protégeront de l’expulsion vers la Russie [138].
Le chef de Wagner, Prigojine, confirme sur Telegram que Medvedev a servi dans son entreprise et déclare qu’il « aurait dû être poursuivi pour avoir tenté de maltraiter des prisonniers. […] Faites attention, il est très dangereux [139]. » . Medvedev dément : « J’ai signé un contrat avec le groupe le 6 juillet 2022. J’avais été nommé commandant de la première escouade du 4ème peloton du 7ème détachement d’assaut. Lorsque les prisonniers ont commencé à arriver, la situation à Wagner a vraiment changé. Ils ont arrêté de nous traiter comme des humains. Nous avons juste été projetés pour nous battre comme de la chair à canon.
Chaque semaine, ils nous envoyaient plus de prisonniers. […] Les pertes étaient élevées. Nous perdions 15 à 20 hommes rien que dans notre peloton. Autant que je sache, la majorité d’entre eux ont été enterrés en LPR [République populaire de Louhansk] et déclarés disparus. Si vous êtes porté disparu, il n’y a pas d’indemnité d’assurance pour les proches. » Il affirme que des prisonniers étaient « abattus pour avoir refusé de se battre ou pour avoir trahi » [140].
Le président serbe, Aleksandar Vucic, critique la Russie et lui demande de cesser les petites annonces de recrutement pour Wagner dans le pays. La loi serbe interdit en effet à ses citoyens de participer à des conflits à l’étranger [141].
Le Rambo russe
L’acteur Artur Smolyaninov, surnommé le Rambo russe, était la vedette d’un des films préférés de Vladimir Poutine sur une unité soviétique combattant les insurgés afghans. Maintenant, il est classé comme « agent étranger » et fait l’objet d’une enquête criminelle. Ce n’est pas une surprise car, en exil, sans doute en Lettonie, il déclare : « Je ne ressens que de la haine envers les gens du côté russe de la ligne de front. Et si j’étais là sur le terrain, il n’y aurait pas de pitié. […] Si je devais aller à cette guerre, je ne me battrais que pour l’Ukraine. » Il a enregistré une chanson de l’ère soviétique, Temnaya Noch, avec des paroles remaniées qui font référence à « un bunker, où se cache un Führer, et où un petit cuisinier chauve, nourrit le Führer à la cuillère". Le cuisinier évoque Evguéni Prigojine, qui dirige la société militaire privée Wagner et a fait fortune grâce à des contrats de restauration avec le Kremlin [142].
L’accueil des Russes dans l’Union européenne
Quelques jours avant la mobilisation russe de septembre 2022, Cyrille Bret, maître de conférence à Sciences Po, et Florent Parmentier, enseignant à Sciences Po et chercheur associé à HEC, écrivent, sur Telos, à propos de l’accueil de Russes dans l’Union européenne : « Une interdiction de visas touristiques pour les 140 millions de citoyens russes […] placerait sur un même pied de responsabilité stratégique un oligarque du secteur militaro-industriel et un simple citoyen russe. Elle instaurerait une identité de traitement entre un chef de guerre et un quidam du seul fait de sa nationalité. Elle cimenterait une solidarité indéfectible entre l’homme de la rue et les membres actifs du régime Poutine, qui pourrait à peu de frais reprendre sa rhétorique du ressentiment à l’égard des Occidentaux. En science politique, ce principe a été théorisé sous le nom de « ralliement autour du drapeau » (rally ’round the flag effect). […] Faute d’améliorer la position de l’Ukraine ou de renforcer le mouvement anti-guerre en Russie, l’efficacité politique de sanctions indiscriminées ne peut que laisser sceptique. C’est donc bien la poursuite d’une politique de sanctions ciblées qui permettra à terme à l’Europe de peser dans ce conflit [143]. »
En janvier 2023, les mêmes s’interrogent : « Faut-il accueillir ces réfugiés d’un pays récemment reconnu par le Parlement européen comme un "État terroriste" ? Au contraire, leur présence en Russie ne contribuerait-il pas à fragiliser le régime de l’intérieur ? Si nous n’assistons pas ces réfugiés, peut-on encore se draper des valeurs humanistes régulièrement revendiquées ? Leur présence n’induit-elle pas un risque pour la sécurité européenne ? Ne vaut-il pas mieux les accueillir plutôt que les voir gonfler les rangs des mobilisés sur le terrain ukrainien ? […]
La suspicion vis-à-vis de ces "touristes" règne, et plusieurs États ont œuvré dans le but de mettre fin aux visas touristiques pour les Russes. La Première ministre estonienne Kaja Kallas plaidait ainsi en ce sens pour des raisons de crédibilité et de moralité en août dernier, contre la Grèce, Chypre ou l’Allemagne qui plaidaient en sens inverse pour plus de réalisme. Si les eurodéputés viennent de faire le choix de refuser les passeports émis par la Russie dans les zones qu’elle occupe en Géorgie et en Ukraine, fin novembre, elle n’empêche pas aujourd’hui les personnes fuyant le conflit d’entrer dans l’UE pour des motifs humanitaires. C’est que ces mouvements sont lus différemment : pour certains, les migrants russes votent contre la guerre avec leurs pieds.
À tout le moins, l’émigration est un indicateur de désobéissance et de désaccord avec les orientations du Kremlin. Cette émigration de masse n’est pas sans rappeler le mouvement de fuite qu’a connu l’ancien Empire russe en 1917 après la révolution bolchévique et les famines de 1921-1922, qui avait conduit à la création d’une politique spécifique, celle du passeport Nansen, permettant l’accueil des réfugiés. L’idée de ce passeport avait été portée par Fridtjof Nansen, premier Haut-commissaire pour les réfugiés de la Société des Nations, et avait essentiellement concerné les personnes devenues apatrides par le décret soviétique du 15 décembre 1921, révoquant la nationalité de tous les émigrés (y compris Igor Stravinski, Marc Chagall ou le jeune Vladimir Nabokov…). À l’époque, certains parviennent à passer les frontières de la Pologne, des États baltes ou de la Roumanie, mais d’autres meurent noyés, tués par les garde-frontières soviétiques ; d’autres, plus tard, seront envoyés au Goulag. […]
Alors que les relations interétatiques et entre leaders sont aujourd’hui compliquées entre Moscou, Tbilissi et Erevan, la fuite des Russes a donné un coup de pouce inattendu et non intentionnel aux économies de l’Arménie et de la Géorgie [144]. »
En effet, selon l’économiste Ruben Enikolopov [145], plus de 150 000 jeunes Russes éduqués se sont installés provisoirement en Arménie, augmentant le potentiel de main-d’œuvre du pays d’environ un dixième. Le taux de croissance du PIB a augmenté de 14,8 % par rapport au troisième trimestre de 2022. La Géorgie a profité aussi d’une croissance importante. De janvier à fin octobre 2022, 2,2 milliards de dollars sont arrivés en Géorgie depuis la Russie, soit 12,6 % du revenu de l’économie du pays. Depuis le début du conflit, la Serbie a accueilli 100 000 citoyens russes qui favorisent l’économie locale.
Torturé par le FSB
En juin 2022, Igor Paskar lance un cocktail Molotov sur le siège du Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie ou FSB, à Krasnodar. Il attend d’être arrêté, avec de la peinture aux couleurs ukrainiennes sur le visage. Des agents du FSB l’emmènent dans un bureau. Ils le menottent et lui mettent un sac sur la tête. « Après cela, ils ont commencé à me donner des coups de pied, m’ont mis une grenade (ou un modèle factice) dans les mains et ont dit qu’ils étaient sur le point de tirer la goupille. Ils ont mis un pistolet sur ma tempe et ont menacé de me tirer dessus. Puis ils ont mis des bagues à mes deux majeurs et ont commencé à envoyer des décharges électriques. »
Le 9 janvier 2023, il déclare au tribunal que sa position était « strictement pacifique, et visait à montrer aux opposants à cette guerre monstrueuse qu’ils ne sont pas seuls, et à montrer à nos voisins ukrainiens que nous ne sommes pas tous des zombies endoctrinés par la propagande. » Il risque jusqu’à 15 ans de prison pour terrorisme [146].
Exils
Corée du Sud
Cinq citoyens russes qui ont fui le pays pour éviter la mobilisation sont bloqués à l’aéroport de Séoul. L’un d’eux, étudiant bouriate, raconte qu’il est parti en voiture avec quelques voisins : « J’ai quitté la maison dans la nuit du 24 septembre, quelques heures après avoir reçu l’avis de conscription. J’ai décidé de partir le plus tôt possible car ils auraient pu venir me chercher le matin. […] Je me porterais volontaire (pour me battre) si quelqu’un nous attaquait et mettait mes proches en danger. […] Mais c’est une tout autre histoire quand mon propre pays est l’agresseur. Je ne prendrai jamais les armes pour aller tuer des innocents en Ukraine. » Via la Mongolie et les Philippines, il est arrivé en Corée du Sud qui lui a refusé le statut de réfugié. Depuis le 12 novembre, il vit avec ses compatriotes dans la salle d’attente de l’aéroport. Le ministère de la Justice leur fournit un muffin et un pack de jus pour le petit-déjeuner et le dîner, et du riz au poulet pour le déjeuner. En 2021, le taux d’acceptation des réfugiés en Corée était de 1,3 %, le deuxième plus faible des pays du G-20.
Un autre Russe est dans la même situation depuis le 14 octobre 2022. Selon ses propres mots, il a protesté farouchement contre le régime corrompu de Poutine bien avant l’invasion de l’Ukraine. Après un interrogatoire violent qui a suivi une manifestation, il a dû être opéré.
Un troisième explique : « Selon les lois russes, je ne suis même pas éligible à la conscription militaire. Mais en novembre, des militaires sont venus chez moi et m’ont forcé à signer un document selon lequel je serais considéré comme un déserteur si je ne me présentais pas à l’armée quelques jours plus tard. »
Si le recours auprès du ministère de la Justice n’aboutit pas, les réfractaires risquent le renvoi en Russie [147].
Amérique latine
Le site Meduza [148] publie des témoignages sur le quotidien d’hommes et de femmes qui ont fui le régime russe pour l’Équateur, l’Argentine, l’Uruguay ou le Costa Rica, qui s’y intègrent avec bonheur et apprécient l’accueil de la population. « Nous ne nous attendions pas à ce que les gens ici soient si ouverts, amicaux et joyeux. Cinq mois n’est peut-être pas le bon moment pour enlever les lunettes roses, mais au Costa Rica, il y a un sentiment fondamental de sécurité, de calme et une confiance intérieure que le monde va bien. Il va nous falloir du temps pour réaliser que ce n’est pas un conte de fées. »
Podcast
Dans le cadre d’une série de Cultures Monde, « Service militaire : les citoyens en armes », une excellente émission de Julie Gacon sur France Culture à propos de la conscription en Russie et en Ukraine, avec Anna Colin Lebedev, Françoise Daucé et Anastasia Fomitchova, en réécoute ici.
Arrêter le seigneur de l’Enfer
En 2018, le Patriarcat œcuménique de Constantinople accorde l’autocéphalie aux orthodoxes d’Ukraine. La subordination au Patriarcat de Moscou est rejetée par L’Église orthodoxe d’Ukraine. Il ne faut pas confondre celle-ci avec l’Église orthodoxe ukrainienne qui reste soumise à Moscou et à son patriarche Kirill [149].
Le 24 février 2022, le patriarche de Constantinople communique :
« Bouleversé par l’invasion du territoire de la République d’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie à l’aube aujourd’hui, Sa Toute Sainteté le patriarche œcuménique Bartholomée a contacté […] le primat de l’Église orthodoxe d’Ukraine […]. Il lui a exprimé sa profonde tristesse face à cette violation flagrante de toute notion de légitimité internationale, ainsi que son soutien au peuple ukrainien qui lutte pour ce qu’il y a de plus sacré, et aux familles des victimes innocentes.
Sa Toute-Sainteté condamne cette attaque, non provoquée, de la Russie contre l’Ukraine, un État indépendant et souverain d’Europe, ainsi que la violation des droits de l’homme et la violence brutale contre nos semblables et, surtout, contre les civils [150]. »
Plus tard, il souligne les similitudes entre le « messianisme » de Moscou et l’idéologie du Troisième Reich et accuse ses anciens frères de Moscou d’avoir jeté les bases conceptuelles de l’agression [151].
Le pouvoir russe s’efforce de donner une dimension religieuse et sacrée à son offensive contre l’Ukraine.
En novembre 2022, l’ex-président Dmitri Medvedev, numéro deux du Conseil de sécurité russe, affirme que l’« objectif sacré » de l’offensive est d’« arrêter le seigneur de l’Enfer ». « Nous combattons ceux qui nous détestent, qui interdisent notre langue, nos valeurs et même notre foi. », déclare D. Medvedev, pour qui les ennemis de la Russie sont « les nazis » ukrainiens et « les chiens » de l’Occident.
Des dizaines de prêtres sont envoyés sur le front pour soutenir les soldats. L’un d’eux justifie l’assaut contre l’Ukraine qui défend les « valeurs traditionnelles » protégées par le Kremlin et l’Église orthodoxe russe [152].
Le recteur d’une église dans la région russe d’Irkoutsk, a déposé un rapport au FSB contre un paroissien qui estimait que la guerre est une guerre d’agression. L’affaire a été classée pour prescription [153].
Comme Poutine, Kirill, le patriarche orthodoxe de Moscou, est un ancien membre du KGB soviétique. Il a fait fortune dans le trafic de cigarettes, avec la bénédiction du pouvoir russe et en profitant des exemptions fiscales dont l’Église bénéficie. Il est passionné, de yachts, de belles voitures, de ski et de montres [154] (une d’elles, à 20 000 euros a fait scandale.).
Alors que le précédent patriarche, Alexis II, devenu le chef de l’Église orthodoxe russe pendant la perestroïka, a protesté contre la première guerre de Tchétchénie, Kirill apporte une légitimité spirituelle à la politique expansionniste du Kremlin. Selon le jeu de mots de Libération [155], il « n’a Dieu que pour Poutine. » Son imposante mitre blanche tranche sur les photos quand il siège au milieu d’un important groupe de gradés militaires [156].
En février 2012, en pleine messe, cinq femmes du groupe punk, les « Pussy Riot », montent sur l’autel et chantent : « Vierge Marie, chasse Poutine ! Et toi, chien de patriarche, tu crois en Poutine, alors que tu ferais mieux de croire en Dieu. » Reconnues coupables de « vandalisme motivé par la haine religieuse » et « hooliganisme », trois Pussy Riot sont condamnées à deux ans de camp [157].
En avril 2022, au cours d’une messe, Kirill prie : « Dans cette période difficile pour notre Patrie, que le Seigneur aide chacun de nous à faire corps, y compris autour du pouvoir. ». Après la mobilisation de septembre 2022, il prêche : « Si quelqu’un, poussé par le sens du devoir et la nécessité d’honorer son serment […], meurt dans l’accomplissement de ce devoir, […] il se sera sacrifié pour les autres. Et donc, nous croyons que ce sacrifice lave tous les péchés qu’une personne a commis [158]. »
« C’est exactement ce terme qui était utilisé par le pape Urbain II lorsqu’il a béni la croisade promettant aux croisés que leurs péchés seraient pardonnés », explique, dans une interview à l’AFP, Andreï Kordotchkine, prêtre de l’Église orthodoxe russe en poste à Madrid. « Cette rhétorique de “guerre sainte” vient tout droit du Moyen Âge. Mais il est impossible de revenir dans le passé. […] Une guerre, qui est une forme de meurtre, ne peut avoir aucun sens spirituel. »
Le groupe Human Rights Without Frontiers a soumis à la Cour pénale internationale (CPI) un rapport « documentant la complicité du patriarche Kirill dans les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité de la Russie en Ukraine. » Il estime que Kirill a préparé le terrain et justifié la guerre comme une guerre contre la décadence occidentale et les moyens de protéger les valeurs spirituelles russes.
« Ce n’est pas seulement la société (russe) qui est divisée, mais aussi l’Église et le clergé [159]. », estime Andreï Kordotchkine. En effet, dès le 1er mars 2022, une tribune contre « la guerre fratricide » a été signée par 293 religieux orthodoxes dont beaucoup vivent à l’étranger. Plusieurs signataires ont été sanctionnés par la justice et par le patriarcat, confie l’un d’eux. « Certains ont été déplacés de leur paroisse où ils servaient depuis des années et remplacés par des prêtres loyaux envers le pouvoir. », déplore-t-il, qualifiant l’offensive russe de « catastrophe ». « Ces dernières années, les liens entre la haute hiérarchie orthodoxe et le pouvoir se sont renforcés. » « L’État a beaucoup aidé l’Église et cette aide a créé une grande dépendance. »
Ioann Kurmoyarov, prêtre orthodoxe, demande, en 2021, que des poursuites pénales soient engagées contre le ministre de la Défense Sergei Shoigu pour une nouvelle cathédrale militaire à l’extérieur de Moscou qui présente une mosaïque de Poutine, Shoigu et une autre avec des soldats tenant un portrait de Staline. Il est ensuite défroqué. En juin 2022, il est arrêté pour une vidéo qui prédit la damnation des responsables de l’agression russe et celle des soldats. « Vous êtes les agresseurs qui ont attaqué et tué des civils [160]. »
En Ukraine, les forces de sécurité interviennent pour « contrer les activités subversives des services spéciaux russes dans l’environnement religieux d’Ukraine ». C’est l’Église orthodoxe ukrainienne qui dépend du patriarcat de Moscou qui est visée et non l’Église orthodoxe d’Ukraine qui est autocéphale. Le service de sécurité annonce avoir découvert, dans des bâtiments religieux de quatre régions, divers matériaux pro-russes, notamment du matériel de campagne pour le parti pro-russe « Plateforme d’opposition – Pour la vie » et, sur le territoire récemment libéré par les troupes ukrainiennes, des installations de stockage qui étaient utilisées par les soldats russes et ont été mises en place avec l’aide de l’archiprêtre de l’église Anatoly Kornev, qui aurait fui vers le territoire occupé par la Russie [161].
Depuis le début de la guerre, les responsables ukrainiens ont ouvert au moins 33 poursuites pénales contre des prêtres qui auraient aidé Moscou [162].
Je ne peux et ne veux détester personne
Le premier jour de l’invasion, Valery Meladze, un célèbre chanteur russe d’origine géorgienne multirécompensé, a enregistré une vidéo disant : « Quelque chose qui ne pouvait pas et ne devrait jamais arriver s’est produit aujourd’hui. L’histoire en sera un jour juge et fera le tri. »
Dans une vidéo plus récente, au cours d’une soirée privée, à la phrase « Gloire à l’Ukraine ! », le chanteur répond « Gloire aux héros ! ». Parmi d’autres, une sénatrice russe réagit : « Alors que nos citoyens meurent pour le peuple russe et défendent les territoires russes, certains se permettent de participer aux saluts nazis avec les nazis ukrainiens. C’est inacceptable. Si Meladze était une personne honnête, ce dont je doute, il remettrait lui-même son passeport russe. »
Le 3 janvier 2023, Meladze répond qu’il « vivait avec un sentiment de tension et de chagrin comme beaucoup d’autres personnes » depuis 10 mois que la Russie a envahi l’Ukraine. « Il se trouve que les nations que j’aime passionnément sont en conflit où des gens meurent. Je ne peux et ne veux détester personne. […] Je rêve seulement que cette inimitié prenne fin et que les nations voisines soient d’accord les unes avec les autres. Et je suis prêt à tout mettre en œuvre pour y parvenir [163]. »
Théâtre et Wagner
Un théâtre de Saint-Pétersbourg a annulé la représentation d’une pièce de théâtre. Opposée à l’invasion russe de l’Ukraine, la vedette Liya Akhedzhakova avait écrit sur Telegram : « J’ai honte de mes concitoyens. […] Comme je suis fatiguée de cette grandeur imaginaire de la Russie. Je veux aller en Ukraine après sa victoire [164]. » Elle a subi les critiques du vice-président du conseil municipal de Moscou qui laissait entendre que des mercenaires de la société militaire privée Wagner pourraient perturber la représentation : « Si Akhedzhakova est accompagnée sur scène par les "musiciens" [le surnom des mercenaires de Wagner], cela pourrait s’avérer être une sacrée performance. Madame Akhedzhakova, êtes-vous fan de Wagner [165] ? »
Précédemment, le Théâtre Sovremennik de Moscou a annulé les représentations d’une autre pièce interprétée par la comédienne, après qu’un groupe d’officiers s’est opposé à ses supposées « propagande homosexuelle », « insultes aux anciens combattants » et « incitations à la haine ethnique ». Des militants, habitués à perturber des programmes culturels, ont porté plainte contre le directeur artistique car il visait à « détruire la mémoire de la Grande Guerre patriotique et le faisait avec une méchanceté particulière [166]. »
Conscription
Le média russe d’opposition Medusa publie quatre récits rocambolesques détaillés de rafles de jeunes hommes pour les forcer illégalement à être conscrits. Pour obtenir une libération sans doute provisoire, malgré les abus et les menaces, seule une éprouvante obstination, parfois jusqu’à l’automutilation, est parfois efficace [167].
Un tribunal letton a accordé à un ancien policier russe l’asile qui lui avait été précédemment refusé. Le service de sécurité de l’État letton avait objecté « Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que les services spéciaux russes envoient délibérément des espions et des saboteurs en Lettonie sous le couvert de réfugiés de la mobilisation [168]. »
Le lieutenant principal Dmitry Vasilets est envoyé en Ukraine en février 2022. Ses supérieurs lui ont seulement dit qu’il allait participer à des manœuvres d’entraînement. Il est choqué de découvrir qu’il s’agit d’une invasion. En août, à son premier congé, heureux de n’avoir tué personne, il écrit son refus de retourner dans la zone de combat. Après un nouvel appel, en septembre, il réitère un refus qui, entretemps, a été criminalisé. « Je sais que je finirai en prison. J’avais un choix, et je l’ai fait », dit-il, ajoutant : « Il vaut mieux aller en prison que de se trahir et de trahir sa propre humanité. Je ne pourrais pas me dire "je ne faisais que suivre des ordres" parce que ça ne justifierait rien [169]. »
Savely Frolov a condamné l’invasion de l’Ukraine et a écopé de dix jours de prison. Il a été arrêté en tentant de fuir la mobilisation en Géorgie. Accusé de trahison, il risque dix ans de prison pour son intérêt pour la « Légion de la liberté de la Russie », une unité de soldats russes combattant pour l’Ukraine [170].
Le ministre ukrainien de la Défense Oleksii Reznikov a enregistré un message vidéo pour les citoyens russes. Il y affirme que début janvier la Russie fermera les frontières aux hommes, puis introduira la loi martiale et imposera une nouvelle vague de mobilisation et que la Biélorussie fermera également ses frontières. « Je veux seulement que vous vous posiez une seule question. […] Quand vous partez en guerre, où vous pouvez mourir ou devenir infirme pour le reste de votre vie, pour quoi combattez-vous exactement ? »
Cocktails Molotov
Depuis le début de la guerre, des bureaux d’enregistrement et d’enrôlement militaires, des bureaux de recrutement, des services de police, des bâtiments du FSB, de la Garde russe, des administrations, des bureaux de Russie unie et du Parti communiste de la Fédération de Russie (qui soutient la guerre) ont été incendiés dans tout le pays. Une nouvelle vague d’incendies est provoquée par la mobilisation annoncée le 21 septembre : au 2 novembre, on connaît 77 attentats depuis le début de la guerre (35 avant le début de la mobilisation et 42 après). Dans 54 cas, il s’agissait des bâtiments du ministère de la Défense. Le site Mediazona présente une carte interactive des attaques [171]. Les inculpations passent de vandalisme à incendie criminel puis à acte de terrorisme et les peines encourues atteignent vingt ans de prison.
Kirill Butylin lance les premiers cocktails Molotov le 28 février. Il a peint les portes du bureau aux couleurs du drapeau ukrainien et a écrit : « Je n’irai pas tuer mes frères ! » Il publie un manifeste et la vidéo de l’incendie qui sont visionnés plus de 90 000 fois. Il écrit en substance « Que ces enfoirés sachent que leur propre peuple les déteste. L’enfer les attend. » Il explique : « J’espère que je ne verrai pas mes camarades de classe en captivité ou des listes de morts. » Arrêté, il s’évade de la salle d’enquête criminelle, saute par une fenêtre et franchit une clôture de trois mètres de haut mais il est repris [172].
Le 11 mars 2022, Alexei Rozhkov a incendié un bureau d’enrôlement militaire. Il se qualifie d’anarchiste de gauche, mais admet qu’avant le début de la guerre, il n’était pas impliqué dans l’activisme politique. Son objectif était d’éviter à des jeunes gens de son âge de devenir de la chair à canon et d’attirer l’attention sur ce sujet. Il croit avoir sauvé des gens car, après son acte, Poutine a admis que des conscrits ont été envoyés par erreur sur le front. Arrêté, il a fait six mois de prison. À nouveau convoqué pour une audience, il est parti à l’étranger [173].
[1] « Il mène une perestroïka à l’envers », repris par Courrier international, 23 février 2023.
[2] https://www.courrierinternational.com/article/podcast-ukraine-les-mots-de-la-guerre-4-5-l-esprit-de-resistance, 23 février 2023, consulté le 26 février 2023.
[3] Pierre Haski, https://www.radiofrance.fr/franceinter/emmanuel-macron-ecraser-la-russie-cela-n-a-jamais-ete-la-position-de-la-france-et-cela-ne-le-sera-jamais-1584483, 18 février 2023, consulté le 26 février 2023.
[4] Vincent Jauvert, https://www.nouvelobs.com/chroniques/20230222.OBS69884/quand-emmanuel-macron-veut-sauver-le-soldat-poutine.html, 22 février 2023, consulté le 26 février 203.
[5] « Poutine n’est pas Lénine, cela ne pourra pas durer », Repris par Courrier international, 23 février 2023.
[6] « L’empire russe doit mourir », 14 novembre 2022, repris par Courrier international, 23 février 2023.
[7] Oleksandra Matviichuk, « La Russie n’a pas peur de l’Otan, mais de la liberté », Le Monde, 26–27 février 2023.
[8] Brigades éditoriales de solidarité, L’Ukraine insurgée, M Éditeur (Montréal), Page 2 (Lausanne), Syllepse (Paris), octobre 2022, 396 pages, p. 17.
[9] Pierre Jova, « Ces Russes qui ont fui à Erevan », La Vie, 23 février 2023.
[10] https://cpj.org/2023/02/russian-court-summons-kazakh-outlet-arbat-media-over-ukraine-war-coverage, 3 février 2023, consulté le 26 février 2023.
[11] Petr Nikolaïev, https://www.gazeta.ru/army/2022/10/05/15580255.shtml, 5 octobre 2022, consulté le 26 février 2023.
[12] C.L., https://www.lindependant.fr/2023/02/19/guerre-en-ukraine-le-dirigeant-tchetchene-kadyrov-veut-creer-un-groupe-paramilitaire-a-la-wagner-11010344.php, 19 février 2023, consulté le 26 février 2023.
[13] Emmanuel Grynszpan, « Prigojine, chef du groupe Wagner, révèle les énormes pertes russes », Le Monde, 26–27 février 2023.
[14] https://ebco-beoc.org/sites/ebco-beoc.org/files/Presentation_Ukrainian%20Pacifist%20Movement.pdf, consulté le 17 février 2023.
[15] https://iditelesom.org/en, consulté le 17 février 2023.
[16] https://news.house/56410, 27 janvier 2023, consulté le 19 février 2023.
[17] https://bysol.org/en, consulté le 21 février 2023.
[18] Flore de Borde, https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/la-crypto-monnaie-outil-de-resistance, consulté le 21 février 2023.
[19] https://news.house/, consulté le 17 février 2023.
[20] https://dapamoga.eu, consulté le 19 février 2023.
[21] https://news.house/56330, 24 janvier 2023, consulté le 19 février 2023.
[22] https://ishr.org/olga-karach-how-ishrs-humanitarian-aid-is-changing-the-lives-of-ukrainian-and-belarusian-refugees, consulté le 19 février 2023.
[23] https://news.house/campaign/browse/no-means-no, consulté le 19 février 2023.
[24] Aline Jacotet, « Rien ne l’arrêtera », Le Temps, 20 juin 2022.
[25] https://news.house/56281, 21 janvier 2023, consulté le 19 février 2023.
[26] https://www.azionenonviolenta.it/un-anno-di-obiezione-alla-guerra-tre-attiviste-nonviolente-da-ucraina-russia-e-bielorussia-si-incontrano-in-italia-per-un-progetto-comune-di-pace-in-tour-dal-20-al-26-febbraio, 16 février 2023, consulté le 17 février 2023.
[27] Zoïa Svetova, Céline Lussato, https://www.nouvelobs.com/monde/20230217.OBS69683/journal-de-moscou-c-est-une-icone-du-cinema-russe-qui-est-visee-pour-ses-idees.html?at_medium=email&at_emailtype=retention&at_campaign=ObsActu17h&at_send_date=20230217&M_BT=68431130352995, publié et consulté le 17 février 2023.
[28] https://novayagazeta.eu/articles/2023/02/17/sud-oshtrafoval-feshn-zhurnalistku-i-sozdatelnitsu-telegram-kanala-dobroe-utro-karl-iz-za-otkrytogo-pisma-protiv-voiny-news, 17 février 2023, consulté le 19 février 2023.
[29] Paul Kirby, https://www.bbc.com/news/world-europe-64647267, publié et consulté le 15 janvier 2023.
[30] https://www.themoscowtimes.com/2023/02/15/russia-jails-anti-war-journalist-6-years-for-fake-news-a80230, publié et consulté le 15 janvier 2023.
[31] Benoît Vitkine, « Russie : six ans de prison pour une journaliste après un post sur l’Ukraine », Le Monde, 16 février 2023.
[32] https://www.themoscowtimes.com/2023/02/14/pussy-riot-pulls-out-of-german-festival-over-pro-putin-singers-appearance-a80223, publié et consulté le 14 février 2023.
[33] Alexey Malyutin, https://novayagazeta.eu/articles/2023/02/10/imia-otritsatelnoe, 10 février 2023, consulté le14 février 2023.
[34] http://stavropol-eparhia.ru/doklad-mitropolita-stavropolskogo-i-nevinnomysskogo-kirilla-na-plenarnom-zasedanii-stavropolskogo-foruma-vrns-svyashhennaya-vojna-preobrazhenie-rossii, 14 décembre 2022, consulté le14 février 2023.
[35] Collectif, https://ahilla.ru/obrashhenie-klirikov-rpts-s-prizyvom-k-primireniyu-i-prekrashheniyu-vojny, 1er mars 2022, consulté le 14 février 2023.
[36] https://parlonsorthodoxie.wordpress.com/2022/08/28/le-pere-andrei-kordotchkine-demis-de-ses-fonctions-de-secretaire-du-diocese-de-madrid, 28 août 2022, consulté le 14 février 2023.
[37] https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=https//publicorthodoxy.org/wp-content/uploads/2022/03/Declaration-sur-le-Monde-russe-et-lUkraine.pdf, mars 2022, consulté le 15 février 2023.
[38] Rouslan Khalikov, https://parlonsorthodoxie.wordpress.com/2023/01/20/actualites-de-la-vie-religieuse-en-ukraine/comment-page-1/#comment-752, 20 janvier 20203, consulté le 15 février 2023.
[39] Marc Perelman, https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/l-entretien/20221011-lev-ponomarev-laur%C3%A9at-du-prix-nobel-de-la-paix-c-est-bient%C3%B4t-la-fin-de-l-%C3%A8re-poutine, 11 octobre 2022, consulté le 12 février 2023.
[40] https://www.watson.ch/fr/international/portrait/110172070-darya-douguina-ilia-ponomarev-est-il-implique-dans-l-attentat, 23 août 2022, consulté le 12 février 2023.
[41] https://www.7sur7.be/monde/nous-detruirons-poutine-pourquoi-le-president-russe-doit-craindre-le-groupe-qui-revendique-lassassinat-de-daria-douguina~a65ac3c2/, 23 août 2022, consulté le 13 février 2023 & https://www.lalibre.be/international/europe/guerre-ukraine-russie/2022/08/22/un-groupe-de-partisans-russes-revendique-lattaque-contre-daria-douguine-la-fille-du-nationaliste-russe-alexandre-douguine-tuee-dans-lexplosion-de-sa-voiture-SMSBOVM7EFHEPFKKVEEYFFIZSM/, 22 août 2022, consulté le 13 février 2023.
[42] https://en.wikipedia.org/wiki/Ilya_Ponomarev, consulté le 13 février 2023.
[43] Mélanie Chalandon, interview de Vincent Jolly, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/retour-d-ukraine-l-europe-face-au-protectionnisme-americain-business-first-5300825, 10 février 2023, consulté le 13 février 2023.
[44] Isabelle Mandraud, « La haine est entrée dans chaque famille russe », Le Monde, 14 février 2023.
[45] https://novayagazeta.eu/articles/2023/02/13/khvatit-nuzhno-ostanovit-etu-grazhdanskuiu-voinu, 13 février 2023, consulté le 14 février 2023.
[46] https://www.themoscowtimes.com/2023/02/14/2-russians-win-right-to-apply-for-refugee-status-in-s-korea-a80217, publié et consulté le 14 février 2023.
[47] Pavel Sokolov, https://prosleduet.media/syuzhety/prodolzhenie-sleduet-razyskalo-redaktora-lenty-kp-kotoryj-v-subbotu-opublikoval-antivoennye-vyskazyvaniya-na-lente-samogo-chitaemogo-resursa, 11 février 2023, consulté le 13 février 2023.
[48] https://www.7sur7.be/monde/le-groupe-wagner-execute-un-deserteur-russe-a-coups-de-masse-ce-nest-pas-ma-guerre~a50e6512/, publié et consulté le 13 février 2023.
[49] https://www.themoscowtimes.com/2023/02/13/wagner-shows-prison-recruit-alive-following-alleged-sledgehammer-killing-video-a80209, 13 février 2023, consulté le 14 février 2023.
[50] https://www.7sur7.be/monde/comment-la-fille-la-plus-forte-du-monde-est-devenue-legerie-du-groupe-wagner~a0608c19/, 11 février 2023, consulté le 13 février 2023.
[51] Benoît Vitkine, « Les techniques novatrices du Kremlin pour surveiller la toile », Le Monde, 11 février 2023.
[52] https://fr.wikipedia.org/wiki/Telegram_(application), consulté le 9 février 2023.
[53] Vadim Smyslov, https://www.wired.com/story/the-kremlin-has-entered-the-chat, 2 février 2023, consulté le 9 février 2023.
[54] Oded Yaron, https://www.haaretz.com/israel-news/security-aviation/2022-10-21/ty-article/.premium/russia-still-using-israeli-tech-to-hack-detainees-cellphones/00000183-eb6c-d15c-a5eb-ff6cf86e0000, 21 octobre 2022, consulté le 10 février2023.
[55] https://rsf.org/fr/la-fuite-hors-du-commun-de-marina-ovsiannikova-depuis-moscou-avec-l-aide-de-rsf, publié et consulté le 10 février2023.
[56] https://freedomhouse.org/country/russia/freedom-net/2022, consulté le 4 février 2023.
[57] Lilia Yapparova, Denis Dmitriev, Andrey Pertsev, Alexey Kovalev, https://meduza.io/feature/2021/05/11/tvoe-imya-v-spiske-u-kakogo-to-efesbeshnika-na-stole, 11 mai 2021, consulté le 4 février 2023 ; Anna Vasilyeva, Ivan Bouranov, https://www.kommersant.ru/doc/4814830, consulté le 4 février 2023.
[58] https://rsf.org/en/war-ukraine-putin-delivers-final-blow-russia-s-independent-media, 5 mars 2022, consulté le 4 février 2023.
[59] https://meduza.io/feature/2023/02/03/iz-za-voyny-uroven-svobody-v-rossiyskom-internete-upal-do-minimuma-no-vytesnennye-iz-strany-zhurnalisty-i-blogery-sozdayut-vtoroy-runet, 3 février 2023, consulté le 4 février 2023.
[60] Mary Ilyushina, « Russian government websites face ‘unprecedented’ wave of hacking attacks, ministry says » The Washington Post, 17 mars 2022.
[61] https://www.euronews.com/next/2022/06/06/russia-s-government-website-hacked-with-pro-ukraine-message-displayed-instead, 6 juin 2022, consulté le 4 février 2023.
[62] https://www.rtbf.be/article/le-patriarche-kirill-travaillait-pour-le-kgb-dans-les-annees-70-selon-des-medias-suisses-11148158, publié et consulté le 6 février 2023.
[63] https://t.me/shaltnotkill/3390, 3 février 2023, consulté le 4 février 2023.
[64] http://moseparh.ru/ukaz-u-0222-ot-2-fevralya-2023.html, 2 février 2023, consulté le 4 février 2023.
[65] https://meduza.io/news/2023/02/03/patriarh-kirill-zapretil-v-sluzhenii-moskovskogo-svyaschennika-kotoryy-v-molitve-zamenil-slovo-pobeda-na-mir, 3 février 2023, consulté le 4 février 2023.
[66] https://meduza.io/news/2023/02/03/potok-rossiyan-v-armeniyu-kyrgyzstan-uzbekistan-tadzhikistan-i-mongoliyu-v-2022-godu-stal-rekordnym-za-pyat-let, 3 février 2023, consulté le 4 février 2023.
[67] Serafima Putieva, https://29.ru/text/world/2023/02/05/72030740, publié et consulté le 5 février 2023.
[68] https://www.saratovmer.ru/news/2022/12/09/76446.html, 9 décembre 2022, consulté le 5 février 2023.
[69] https://www.bbc.com/russian/features-64267396, 13 janvier 2023, consulté le 5 février 2023.
[70] Sandro Paes Farisi, https://www.rtbf.be/article/la-milice-privee-wagner-bras-muscle-de-poutine-en-ukraine-et-pompe-a-fric-de-prigojine-illegale-meme-en-russie-11139437, 20 janvier 2023, consulté le 6 février 2023.
[71] Romane Bonnemé, https://www.rtbf.be/article/guerre-en-ukraine-on-a-atterri-on-a-bombarde-bakhmout-a-lance-le-patron-de-wagner-dans-une-video-sur-telegram-11148515, publiée et consultée le 6 février 2023.
[72] https://meduza.io/news/2023/01/23/rus-sidyaschaya-iz-50-tysyach-zaklyuchennyh-zaverbovannyh-chvk-vagnera-na-fronte-ostalis-tolko-10-tysyach-ostalnye-libo-pogibli-libo-dezertirovali, 23 janvier 2023, consulté le 8 février 2023.
[73] https://meduza.io/feature/2023/02/01/iz-zekov-delayut-shturmovye-gruppy-eto-samoe-myaso-mediazona-pogovorila-s-byvshim-zaklyuchennym-bezhavshim-iz-chvk-vagnera, 1er février 2023, consulté le 8 février 2023.
[74] https://meduza.io/news/2023/02/08/agentstvo-rossiyskim-zaklyuchennym-ugrozhayut-novymi-delami-za-otkaz-ehat-na-voynu, publié et consulté le 8 février 2023.
[75] Nina Petlyanova, https://novayagazeta.eu/articles/2023/02/01/chto-mozhet-byt-strashnee-togo-chto-proiskhodit-segodnia, 1er février 2023, consulté le 6 février 2023.
[76] Estelle Levresse, https://www.nouvelobs.com/monde/20230206.OBS69203/en-russie-des-femmes-contre-la-guerre-la-violence-du-pouvoir-et-sa-masculinite-toxique-doivent-cesser.html?at_medium=email&at_emailtype=retention&at_campaign=ObsActu8h&at_send_date=20230206&M_BT=68431130352995, publié et consulté le 6 février 2023.
[77] Jean-Pierre Filiu, https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2023/02/05/l-ombre-du-caucase-sur-la-guerre-d-ukraine_6160583_6116995.html, 5 février 2023, consulté le 6 février 2023.
[78] https://ovdinfo.org/about, consulté le 8 février 2023.
[79] https://data.ovdinfo.org/svodka-antivoennyh-repressiy-11?_gl=1*3pu54*_ga*MTUyMzYxODMyMS4xNjQ3NDk5Mzc3*_ga_J7DH9NKJ0R*MTY3NDc0MTg4Mi4zNC4xLjE2NzQ3NDMzNjMuNTEuMC4w#1, consulté le 8 février 2023.
[80] https://fr.wikipedia.org/wiki/OVD-Info, consulté le 8 février 2023.
[81] https://www.sudouest.fr/international/russie/la-russie-bloque-le-site-d-une-influente-ong-specialisee-dans-le-suivi-des-manifestations-7452233.php, 25 décembre2021, consulté le 8 février 2023.
[82] Daniil Beilison, « La France pourrait apporter un bien meilleur soutien aux militants issus de pays non démocratiques », 9 février 2023.
[83] Julie-Solveig Saint-Germes, « Qui est Mikhail Popkov, le pire tueur en série russe, qui veut aller faire la guerre en Ukraine ? », Ouest-France, 18 janvier 2023.
[84] Uliana Pavlova, https://edition.cnn.com/2023/01/29/europe/russian-teen-social-media-ukraine-war-intl-cmd/index.html, 29 janvier 2023, consulté le 1er février 2023.
[85] Steve Rosenberg, https://www.bbc.com/news/world-europe-64470092, 1er février 2023, consulté le 2 février 2023.
[86] https://en.connection-ev.org/article-3522, 24 mars 2022, consulté le 1er février 2023.
[87] https://www.quno.org/sites/default/files/resources/QUNO%20Conscientious%20Objection%20-%20International%20Standards_Revised%202021_FINAL.pdf, consulté le 23 janvier 2023.
[88] Florence Aubenas, « De Donetsk à Kiev, l’itinéraire d’un soldat perdu », Le Monde, 2 février 2023.
[89] Thomas d’Istria, « Le long chemin de Kiev vers l’adhésion à l’UE », Le Monde, 2 février 2023.
[90] https://www.hrw.org/fr/news/2023/01/31/ukraine-des-mines-terrestres-interdites-causent-des-souffrances-aux-civils, 31 janvier 2023, consulté le 1er février 2023.
[91] Steve Rosenberg, art. cit.
[92] Mikheil Saakachvili, « La France peut encore empêcher la Géorgie de devenir une seconde Biélorussie », Le Monde, 31 janvier 2023.
[93] Faustine Vincent, « En Géorgie, les déserteurs russes à l’épreuve de l’exil », Le Monde, 29-30 janvier 2023.
[94] Zoïa Svetova, propos recueillis par Céline Lussato, https://www.nouvelobs.com/monde/20230126.OBS68809/journal-de-moscou-en-russie-tout-le-monde-s-attend-a-une-nouvelle-mobilisation.html?at_medium=email&at_emailtype=retention&at_campaign=ObsActu8h&at_send_date=20230127&M_BT=68431130352995, 26 janvier 2023, publié le 27 janvier 2023.
[95] https://www.arte.tv/fr/videos/113307-000-A/des-cours-de-patriotisme-dans-les-ecoles-russes/, consulté le 29 janvier 2023.
[96] Benoît Vitkine, « À Moscou, un mémorial citoyen pour l’Ukraine », Le Monde, 27 janvier 2023.
[97] Benoît Vitkine, « En Russie, les premiers prisonniers recrutés pour le front, reviennent à la vie civile, libres », Le Monde, 30-31 janvier 2023.
[98] Benoît Vitkine, « Tour de vis disciplinaire dans l’armée russe », Le Monde, 25 janvier 2023.
[99] https://meduza.io/news/2023/01/24/pravitelstvo-rf-poruchilo-sozdat-bolshe-20-ispravitelnyh-koloniy-v-anneksirovannyh-regionah-ukrainy, 24 janvier 2023, consulté le 25 janvier 2023.
[100] https://meduza.io/news/2023/01/25/zelenskiy-podpisal-zakon-ob-usilenii-otvetstvennosti-voennosluzhaschih-dokument-kritikovali-pravozaschitniki, publié et consulté le 25 janvier 2023.
[101] https://www.tf1info.fr/international/guerre-en-ukraine-kiev-alourdit-les-peines-pour-desobeissance-et-desertion-dans-l-armee-2246091.html.
[102] https://novayagazeta.eu/articles/2023/01/20/ne-predaete-li-vy-boga-svoim-molchaniem-vladimir-mikhailovich, 20 janvier 2023, consulté le 25 janvier 2023.
[103] https://meduza.io/feature/2022/10/27/do-24-fevralya-aktivisty-vesny-provodili-ironichnye-oppozitsionnye-performansy-teper-oni-sredi-liderov-antivoennogo-dvizheniya-i-uzhe-popali-v-perechen-ekstremistov, 27 octobre 2022, consulté le 24 janvier 2023.
[104] https://meduza.io/feature/2023/01/24/pensionerku-iz-ulan-ude-sobirayutsya-sudit-za-izbienie-silovikov-sharikovoy-ruchkoy, publié et consulté le 24 janvier 2023.
[105] https://ovd.news/express-news/2022/10/24/uchastnicu-akcii-protiv-mobilizacii-iz-ulan-ude-pomestili-pod-domashniy, 24 octobre 2022, consulté le 24 janvier 2023.
[106] https://ovd.news/express-news/2023/01/23/sud-v-habarovske-prigovoril-zhitelya-primorskogo-kraya-k-lisheniyu-svobody, 23 janvier 2023, consulté le 24 janvier 2023.
[107] https://ovd.news/express-news/2023/01/22/zhena-pytavshegosya-bezhat-ot-mobilizacii-oficera-fso-uletela-vo-franciyu, 22 janvier 2023, consulté le 24 janvier 2023.
[108] https://ovd.news/express-news/2023/01/18/na-aktivistku-mirnogo-soprotivleniya-zaveli-novoe-ugolovnoe-delo-iz-za,18 janvier 2023, consulté le 24 janvier 2023.
[109] https://ovd.news/express-news/2023/01/17/alushtincu-vyvesivshemu-foto-rosgvardeyca-s-nadpisyu-voennyy-prestupnik, 18 janvier 2023, consulté le 24 janvier 2023.
[110] https://novayagazeta.eu/articles/2023/01/21/moskvicham-stiraiut-pamiat, 21 janvier 2023, consulté le 25 janvier 2023.
[111] Ksenia Churmanova, https://www.bbc.com/russian/features-64318477, 19 janvier 2023, consulté le 21 janvier 2023.
[112] https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/le-javelin-arme-antichar-symbole-de-la-r%C3%A9sistance-ukrainienne/ar-AAV6U0T, 16 mars 2022, consulté le 23 janvier 2023.
[113] Florence Aubenas, « En Ukraine, auprès des ONG qui fournissent des armes aux combattants : "Sans eux, on serait comme des soldats russes, des SDF" », Le Monde, 19 janvier 2023.
[114] https://basta.media/Ukraine-Russie-non-a-la-guerre-societe-civile-Poutine-Donbass-Otan-Etat-ukrainien#nh2, 1er mars 2022, consulté le 30 septembre 2022.
[115] https://www.quno.org/sites/default/files/resources/QUNO%20Conscientious%20Objection%20-%20International%20Standards_Revised%202021_FINAL.pdf, consulté le 23 janvier 2023.
[116] https://www.forum18.org/archive.php?article_id=2803, 17 janvier 2023, consulté le 23 janvier 2023.
[117] https://tass-ru.translate.goog/obschestvo/16855257?_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr, publié et consulté le 22 janvier 2023.
[118] http://www.patriarchia.ru/db/text/5997886.html, 20 janvier 2023, consulté le 22 janvier 2023.
[119] https://www.rtbf.be/article/aleksandar-vucic-faucon-ultranationaliste-converti-en-ami-de-l-ue-9275602?id=9275602, 21 avril 2016, consulté le 19 janvier 2023.
[120] https://www.lexpress.fr/monde/en-fuyant-poutine-des-russes-s-exilent-dans-une-serbie-pro-kremlin_2170574.html, 26 mars 2022, consulté le 19 janvier 2023.
[121] Misha Savic, Andrea Dudik, https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-01-18/war-in-ukraine-strains-ties-between-putin-and-his-ally-vucic-in-serbia, 18 janvier 2023, consulté le 19 janvier 2023.
[122] https://meduza.io/news/2023/01/18/rossiyane-za-2022-god-kupili-bolshe-nedvizhimosti-v-turtsii-chem-za-predyduschie-shest-let-vmeste-vzyatye, publié et consulté le 18 janvier 2023.
[123] Daniil Bolchakov, https://meduza.io/feature/2023/01/18/dyadya-vova-poprosil-dyadyu-erdogana-uslozhnit-zhizn-rossiyanam, 18 janvier 2023, consulté le 19 janvier 2023.
[124] https://novayagazeta.eu/articles/2022/12/19/er-podgotovila-zakonoproekt-ogranichivaiushchii-udalennuiu-rabotu-dlia-uekhavshikh-rossiian-news, 19 décembre 2022, consulté le 19 janvier 2023.
[125] https://novayagazeta.eu/articles/2023/01/13/code-running-out-en, 13 janvier 2023, consulté le 19 janvier 2023.
[126] https://www.lemonde.fr/international/live/2023/01/18/guerre-en-ukraine-en-direct-le-ministre-de-l-interieur-ukrainien-tue-dans-le-crash-d-un-helicoptere-pres-d-une-ecole-a-kiev_6158290_3210.html, publié et consulté le 18 janvier 2023.
[127] https://meduza.io/news/2023/01/18/v-voronezhskoy-i-lipetskoy-oblastyah-razyskivayut-ryadovogo-s-avtomatom-sbezhavshego-s-voyny ; publié et consulté le 18 janvier 2023.
[128] https://meduza.io/news/2023/01/18/na-vosmeryh-mobilizovannyh-uehavshih-s-oruzhiem-na-taksi-iz-lnr-v-podolsk-zaveli-delo-o-dezertirstve, publié et consulté le 18 janvier 2023.
[129] https://novayagazeta.eu/articles/2023/01/19/military-prosecution-in-russias-yaroslavl-looking-into-draftee-complaint-commander-threatened-them-with-prosecution-for-desertion-after-following-his-order-to-retreat-en-news, publié et consulté le 19 janvier 2023.
[130] https://progorod76.ru/news/62795, 17 janvier 2023, consulté le 19 janvier 2023.
[131] https://meduza.io/news/2023/01/18/v-blizhayshee-vremya-youtube-budet-zakryt-a-te-kto-im-polzuetsya-ponesut-nakazanie-prigozhin-o-buduschem-yutyuba-v-rossii, publié et consulté le 18 janvier 2023.
[132] https://meduza.io/news/2023/01/18/zhitel-saratovskoy-oblasti-poluchil-pyat-let-po-statie-ob-uchastii-v-nezakonnom-vooruzhennom-formirovanii-on-yakoby-sobiralsya-voevat-na-storone-ukrainy, publié et consulté le 18 janvier 2023.
[133] https://novayagazeta.eu/articles/2023/01/18/impromptu-memorials-to-honour-victims-of-recent-tragedy-in-ukraines-dnipro-spring-up-in-russias-st-petersburg-krasnodar-en-news, 18 janvier 2023, consulté le 19 janvier 2023.
[134] https://www.currenttime.tv/a/byvshiy-vagnerovets-poprosil-zaschity-potreboval-proverit-prigozhina/32181100.html, 17 décembre 2022, consulté le 18 décembre 2022.
[136] Øyvind Bye Divide, Gro Holm, Helge Carlsen, https://www.nrk.no/tromsogfinnmark/mulig-russisk-leiesoldat-romte-til-norge-_-hevder-han-ble-skutt-etter-1.16257793, 15 janvier 2023, consulté le 17 janvier 2023.
[137] Tobias Kvalvik Henriksen, Olav Døvik, Iselin Elise Fjeld, Iselin Elise Fjeld, Kjartan Rørslett, Bjørne Østrem Djukastein, https://www.nrk.no/urix/mener-russisk-avhopper-er-krigsforbryter-1.16259649, publié et consulté le 17 janvier 2023.
[138] Oda Eggesbø Ottesen, https://www.nrk.no/urix/kven-er-medvedev_-1.16258672, publié et consulté le 17 janvier 2023.
[139] Pierre Bouvier, https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/17/ce-que-l-on-sait-sur-andrei-medvedev-le-deserteur-russe-de-wagner-qui-a-fui-en-norvege_6158243_3210.html, publié et consulté le 17 janvier 2023.
[140] Mick Krever et Katharina Krebs, https://edition.cnn.com/2023/01/16/europe/norway-wagner-asylum-russia-war-intl/index.html, publié et consulté le 17 janvier 2023.
[141] https://www.nrk.no/nyheter/krigen-i-ukraina-1.11480927, publié et consulté le 17 janvier 2023.
[142] Tim Lister, Josh Pennington, https://edition.cnn.com/2023/01/16/europe/russian-rambo-ukraine-intl/index.html, 16 janvier 2023, consulté le 17 janvier 2023.
[143] Cyrille Bret, Florent Parmentier, https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/les-touristes-russes-en-europe-enjeu-du-conflit-uk.html, 13 septembre 2022, consulté le 15 janvier 2023.
[144] Cyrille Bret, Florent Parmentier, https://www.telos-eu.com/fr/societe/le-deuxieme-defi-migratoire-de-linvasion-de-lukrai.html, 9 janvier 2023, consulté le 16 janvier 2023.
[145] Wacław Radziwinowicz, https://wyborcza.pl/7,75399,29138803,armenia-gruzja-i-kazachstan-dzieki-uciekinierom-z-rosji-odnotowuja.html, 15 novembre 2022, consulté le 15 janvier 2023.
[146] https://meduza.io/en/news/2023/01/10/they-placed-a-grenade-in-my-hands-and-said-they-were-about-to-pull-the-pin-krasnodar-anti-war-protester-reports-torture-by-fsb-operatives, 10 janvier 2023, consulté le 11 janvier 2023.
[147] Lee Hyo-jin, https://www.koreatimes.co.kr/www/nation/2023/01/281_343205.html, publié et consulté le 9 janvier 2023.
[148] https://meduza.io/en/feature/2023/01/10/no-one-here-tells-you-how-to-live-where-to-work-or-what-to-wear, publié et consulté le 10 janvier 2023.
[149] https://fr.wikipedia.org/wiki/Eglise_orthodoxe_d’Ukraine, consulté le 8 janvier 2023.
[150] Jivko Panev, https://orthodoxie.com/le-patriarche-oecumenique-bartholomee-condamne-linvasion-russe-en-ukraine, 24 février 2022, consulté le 8 janvier 2023.
[151] Alexey Malyutin, https://novayagazeta.eu/articles/2023/01/06/church-of-the-iron-cross-en, 6 janvier 2023, consulté le 8 janvier 2023.
[152] https://www.lapresse.ca/international/europe/2023-01-06/guerre-en-ukraine/quand-la-russie-presente-son-offensive-comme-une-guerre-sainte.php, publié et consulté le 6 janvier 2023.
[153] https://meduza.io/en/feature/2022/11/15/what-if-he-had-come-from-ukraine, 15 novembre 2022, consulté le 7 janvier 2023.
[154] Léa Prati, https://www.tf1info.fr/international/guerre-ukraine-russie-patriarche-kirill-chef-de-l-eglise-orthodoxe-et-soutien-inconditionnel-du-kremlin-sanction-union-europeenne-2218657.html, 5 mai 2022, consulté le 6 janvier 2023.
[155] Bernadette Sauvaget, « Kirill, patriarche qui n’a Dieu que pour Poutine », 5 mai 2022, consulté le 6 janvier 2023.
[156] Jivko Panev, art. cit.
[157] Bérengère Bonte, https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-intrus-de-l-actu/cessez-le-feu-en-ukraine-pour-noel-orthodoxe-qui-est-le-patriarche-kirill-qui-a-demande-et-obtenu-un-cessez-le-feu-de-la-part-de-vladimir-poutine_5576589.html, 5 janvier 2023, consulté le 6 janvier 2023.
[158] https://www.lemonde.fr/international/live/2022/09/26/guerre-en-ukraine-en-direct-pour-volodymyr-zelensky-la-region-de-donetsk-est-la-priorite-absolue-de-l-ukraine-car-c-est-la-priorite-absolue-de-la-russie_6143170_3210.html, 26 septembre 2022, consulté le 6 janvier 2023.
[159] Brendan Cole, https://www-newsweek-com.translate.goog/ioann-kurmoyarov-russia-orthodox-priest-hell-heaven-ukraine-war-putin-1714193?_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr, 9 juin 2022, consulté le 8 janvier 2023.
[160] Ibidem.
[161] https://meduza.io/en/news/2023/01/06/ukrainian-authorities-find-pro-russian-materials-and-military-storage-facilities-in-moscow-linked-ukrainian-orthodox-church-buildings, 6 janvier 2023, consulté le 7 janvier 2023.
[162] Alexandra Amelina, https://meduza.io/en/feature/2022/12/07/only-god-knows-the-future, 7 décembre 2022, consulté le 7 janvier 2023.
[163] https://novayagazeta.eu/articles/2023/01/03/i-dont-want-to-hate-anyone-russias-acclaimed-singer-hits-back-at-criticism-from-authorities-calling-to-strip-him-of-citizenship-over-glory-to-the-heroes-remark-en-news, 3 janvier 2023, consulté le 4 janvier 2023.
[164] https://t.me/KirillSchitov/2766?single, 27 décembre 2022, consulté le 2 janvier 2023.
[165] https://meduza.io/en/news/2022/12/30/play-in-st-petersburg-starring-outspoken-war-critic-is-canceled-after-moscow-politician-threatens-to-send-mercenaries-on-stage, 30 décembre 2022, consulté le 2 janvier 2023.
[166] Alexandra Sivtsova, https://meduza.io/en/feature/2021/08/06/they-spat-into-the-souls-of-veterans, 6 août 2021, consulté le 2 janvier 2023.
[167] Eva Alexandrova, https://meduza.io/en/feature/2022/12/31/if-a-person-doesn-t-resist-they-send-him-away, 30 décembre 2022, consulté le 2 janvier 2023.
[168] https://zona.media/news/2023/01/02/riga, 2 janvier 2023, consulté le 3 janvier 2023.
[169] https://meduza.io/en/feature/2022/12/27/my-soul-is-in-my-own-hands, 27 décembre 2022, consulté le 3 janvier 2023.
[170] Valeria Kirsanova, https://meduza.io/en/feature/2022/12/23/mom-why-are-you-crying, 22 décembre 2022, consulté le 3 janvier 2023.
[171] Olya Romashova, https://en.zona.media/article/2022/10/13/burn-map, 13 octobre 2022, mise à jour le 27 décembre 2022, consulté le 2 janvier 2023.
[172] Olia Romashova, https://zona.media/article/2022/09/27/burn, 27 septembre 2022, consulté le 2 janvier 2023.
[173] Olia Romashova, https://zona.media/article/2022/12/27/rozhkov, 27 décembre 2022, consulté le 2 janvier 2023.