Lire le communiqué du SIPRI sur le Top 100 des industrie d’armement

La position du Conseil européen en date du 1er décembre prévoit des acquisitions conjointes d’équipement financées par l’UE (organisées par des consortiums d’Etats – trois au moins - et pour lesquelles le coût des composants originaires de l’UE et de ses pays associés est d’au moins 70 %). Un dispositif censé favoriser la coopération entre les industriels de l’armement afin de construire une indépendance militaire européenne. En réalité, il s’agit avant tout d’un nouvel instrument financier encourageant les dépenses d’armement. Dans un contexte de réarmement provoqué par l’Ukraine et de reconstitution de stocks, il s’agit de « faire d’une pierre deux coups ». Le programme ne s’en cache pas, il faut « soutenir la compétitivité de l’industrie européenne » selon ses propres mots.

De fait, le renforcement de la coopération en matière de défense a été amorcé bien avant la guerre en Ukraine, mais celle-ci facilite son acceptation par les opinions publiques. Depuis plusieurs années, l’UE encourage les échanges et partenariats entre les différentes industries d’armement qui se font traditionnellement concurrence, avec l’objectif de créer à terme une véritable Europe de la défense : directive sur les transferts intra-communautaires de 2009, création d’un Fonds de la défense de 8 milliards d’euros (2021), Facilité européenne pour la paix qui permet l’exportation d’armes financées par l’UE (2021)… Jusqu’à 2024, ce sont 500 millions d’euros qui, au titre des acquisitions conjointes, vont s’ajouter à ces dispositifs.

Compte tenu de la somme engagée, on regrette que le Parlement européen soit — une nouvelle fois ! — évincé de la mise en œuvre de ce dispositif. Le programme sera en effet réalisé via des « actes d’exécution ». Il s’agit d’une dérogation aux règles usuelles en vigueur qui exclut le contrôle des parlementaires sur son application. Le règlement européen se contente de souligner que la Commission soumettra au Parlement européen et au Conseil le rapport d’évaluation final et puis rien d’autre… La même logique s’applique pour le Fonds européen de la défense qui subventionne la production de nouveaux équipements : le Parlement européen n’a aucun droit de regard sur l’utilisation précise des 8 milliards d’euros pendant sept ans, alors que les États membres sont en première ligne avec une forme de droit de veto.

Un déni démocratique qui évite de poser les questions qui fâchent. Alors que l’Union européenne a été initialement fondée sur l’idée de paix, quel est l’objectif des financements militaires ? S’il s’agit de jeter les bases d’une politique communautaire en matière de défense, ne fallait-il pas au préalable consulter les citoyens européens pour légitimer la redéfinition du projet européen et définir les bases d’une politique de sécurité commune ? Sous couvert de coopération industrielle, on se garde bien de construire une démocratie européenne dans le domaine.

Alors que le texte législatif sur les acquisitions conjointes va faire l’objet d’un examen par le Parlement européen, nous demandons aux députés de mettre en place les nécessaires et indispensables garde-fous démocratiques sur ces acquisitions : contrôle a priori sur les projets financés, transparence sur les industriels impliqués et nature des armements développés, audition régulière des ONG…