Les auteurs et autrices sont des spécialistes des questions de défense, et de climat. Et, pour beaucoup, ils sont très liés au monde militaire. Un monde qui réfléchit, qui cherche, qui s’adapte à ce réchauffement climatique, très sérieusement, depuis environ une vingtaine d’années. Qui s’adapte avec comme référence principale dans ce domaine le développement durable. Ce qui, à mon sens, montre un petit temps de retard sur les dernières évolutions en matière d’écologie. Mais peut-on demander au monde militaire de remettre en cause la croissance de ses déplacements, l’utilité de ses interventions, de ses recherches ?
Le livre passe en revue de manière assez complète les nouveaux enjeux stratégiques majeurs qui surgissent, comme par exemple la fonte des glaces en Arctique, qui va permettre d’ouvrir de nouvelles routes pour les bateaux, et sans doute faire émerger de nouveaux gisements de matières premières très convoités.
Cela implique un débat sur deux axes de travail : l’atténuation du réchauffement, et l’adaptation à ce réchauffement. La réponse est bien sûr qu’il faut travailler sur les deux axes, de l’avis des experts de l’Union européenne, de ceux de l’Otan, ou même au niveau de l’ONU. Mais de ce côté-là, il n’est pas encore très facile de faire avancer la réflexion. Quant aux décisions ? Affaire à suivre.
Nicolas Regaud termine l’ouvrage par une sorte d’inventaire au niveau de la France, de ce qui se met en place : « protection de l’environnement et de la biodiversité, économie d’énergie, réduction de la consommation d’énergies fossiles et d’émission de gaz à effets de serre, respect des normes environnementales pour les équipements de défense, traitement écologique des déchets et dépollution des théâtres d’opération, en France et à l’étranger. […] Ces actions contribuent à la maîtrise et à la réduction de l’impact des institutions de défense sur l’environnement ». Il s’agit pour lui de « politique de développement durable de la défense », ou, si l’on veut faire plus court, de « défense verte ». Ma petite tête d’écolo pacifiste ne peut s’empêcher cette réflexion : après le vert kaki, le vert écolo ?... Il complète avec les « mesures d’adaptation des institutions de défense au regard de l’impact du changement climatique sur le contexte stratégique, les missions des armées et leurs moyens mis en œuvre ». (p. 268). Pour Nicolas Regaud, nous sommes dans la « sécurité climatique », pour signifier que le dérèglement climatique constitue un facteur de changement majeur des conditions de sécurité au niveau national et international. Il termine en nous expliquant qu’en France, tout est très très bien fait (évidemment !), malgré une prise de conscience un peu tardive.
Que dire de plus ? Puisque tout va bien dans le meilleur des mondes militaires (vert) ! Ah si. Que chaque année, « nous voyons des bases navales et des équipements clés affectés par l’élévation du niveau de la mer et des incidents météorologiques extrêmes, les zones d’entraînement souffrent de sécheresses et d’incendies de forêt, et la disponibilité opérationnelles des bases aériennes est affectée par les inondations en cas de fortes pluies […] » (p. 289).
Une solution toute simple n’est bien entendu pas envisagée : profiter de cette occasion pour ne pas remplacer ces « infrastructure clé ». Trop simple… Un mot qui semble tout solutionner, justement, revient à quasiment chaque page du livre : la résilience. Problème climatique ? Résilience. Problème militaire ? Résilience. Guerre froide ? Résilience. Guerre chaude ? Résilience. Un peu simpliste, non ?
Plus sérieusement, au-delà de ce mot à la mode, un autre mot est apparu très souvent : la coopération. Au niveau de la nation, au niveau international. Nous ne pouvons qu’être d’accord à l’Observatoire des armements, persuadés que nous sommes que l’esprit de coopération est une des clés qui permettra de débloquer les relations internationales entre les pays, afin de parvenir à un monde plus apaisé.
Mais cette notion de coopération nous semble totalement incompatible avec l’esprit militariste qui est à la manœuvre dans toutes les armées du monde. Les armées jouent parfois un rôle non négligeable dans la gestion d’urgence qui suit une catastrophe. C’est bien la moindre des choses, puisqu’elles savent gérer des situations de crise.
Mais une armée reste une machine de guerre, avant tout, et elle n’a jamais pour fonction première de coopérer avec l’ennemi. Elle défend des frontières, un drapeau, les intérêts de son pays.
C’est au monde civil de construire une réelle coopération internationale. Durable !
Jean-Michel Lacroûte