Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron a multiplié les gestes mémoriels vis-à-vis de l’Algérie pour ne pas rester « otage » du passé et demandé à Benjamin Stora de « dresser un état des lieux juste et précis » sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Parmi la trentaine de propositions formulées par l’historien dans son rapport [1] remis au Président le 20 janvier 2021, une seule aborde la question des essais nucléaires. Et elle est restée jusqu’à présent lettre morte.
Pour rappel, la France a fait exploser 17 bombes nucléaires entre le 13 février 1960 et le 16 février 1966. Quatre atmosphériques et 13 dans le flanc de la montagne du Tan Affela. Plusieurs ont donné lieu à des fuites radioactives importantes dont les conséquences sont toujours présentes. De plus, en quittant le Sahara, la France a laissé sur place tous ses déchets nucléaires et non nucléaires, qu’elle a enfoui dans le sable. Pour en savoir plus, cf. l’ouvrage de Bruno Barrillot, L’Héritage empoisonné et l’étude de l’Observatoire avec ICAN France, Sous le sable, la radioactivité.
En complément :
- interview de l’Observatoire des armements dans le quotidien El Watan du 24 août 2022 ou à télécharger ci-dessous.
- Communiqué de presse diffusé par ICAN France en pièce jointe ci-dessous.
Polynésie/Algérie : deux poids, deux mesures ?
À l’issue de son déplacement en Polynésie, le président Macron s’est exprimé le 28 juillet 2021 depuis Papeete sur les essais nucléaires [2]. Un voyage qui se déroulait 3 semaines après qu’une table-ronde sur les essais nucléaires de la France en Polynésie s’était tenue à Paris. Il a alors reconnu que « la Nation a une dette à l’égard de la Polynésie française. Cette dette est le fait d’avoir en effet abrité ces essais, et en particulier les essais nucléaires entre 66 et 74, dont on ne peut absolument pas dire qu’ils étaient propres, non. […] Ce que je veux briser aujourd’hui, c’est ce silence, pour faire entendre justement toute la vérité, pour qu’elle soit partagée, pour que tout le monde puisse savoir exactement ce qui a été fait, ce qui était su alors, et ce qui est su aujourd’hui, tout, tout ». Durant son discours, il formule différentes propositions :
- ouvrir les archives ;
- mieux indemniser ;
- aider les victimes pour constituer leurs dossiers ;
- prendre en charge les coûts exceptionnels de dépollution pour les communes.
Pourquoi ces mesures ne concerneraient que la Polynésie et pas l’ensemble des victimes des essais nucléaires fait par la France ?
Patrice Bouveret
[1] Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie, Benjamin Stora, 20 janvier 2021, 160 pages, https://www.vie-publique.fr/rapport/278186-rapport-stora-memoire-sur-la-colonisation-et-la-guerre-dalgerie