Un des grands mérites de ce livre, au-delà de la recherche historique pointue et détaillée, c’est de nous rappeler que si nous sommes actuellement focalisés sur le terrorisme généré par l’islamisme radical, le terrorisme peut aussi être un terrorisme d’État, militaire. Il peut être d’extrême-droite, ou d’extrême-gauche (révolutionnaire, de guérilla). À cela s’ajoute le narco-terrorisme, et bien entendu le terrorisme islamiste, lié à Al-Qaïda, à l’État Islamique, ou à d’autres groupes. À chaque fois, il dissèque des exemples précis, comme par exemple la lutte menée par l’IRA, terrorisme qui a mélangé des revendications nationalistes et des revendications religieuses.
Ce livre apporte beaucoup au lecteur, au plan historique, et pour les analyses proposées. Les frontières que l’auteur a voulu tracer entre terrorisme et guerre sont parfois ténues. Ces deux phénomènes engendrent des drames humains, et le qualificatif « d’autre guerre » est approprié. Pour les distinctions fines, je laisse cela aux spécialistes, aux chercheurs. Pour ma part, au-delà des précisions historiques récentes ou plus anciennes, ce livre m’a amené à quelques utiles compléments dans mes réflexions sur la violence, la guerre, les conflits humains.
p. 278 : « […] L’examen des visions de ces groupes terroristes religieux et laïcs montre la prégnance du concept d’apocalypse. Le christianisme et l’islam partagent la même vision d’une bataille apocalyptique finale entre la lumière et les ténèbres, le bien et le mal. […] ». Bien vu. L’apocalypse traverse en ce moment nos sociétés, par la crise sanitaire, et avec le dérèglement climatique. Sans terrorisme pour l’instant
À la fin du livre, l’auteur s’interroge sur le combat contre le terrorisme, et sur les notions de sécurité intérieure qui en découlent. La surveillance généralisée s’installe, et les libertés reculent. Il n’hésite pas à parler de militarisation de la société, qui se transforme en militarisme, inéluctablement. p. 425 : « […] Mais si les guerres sont longues et que les individus finissent par considérer qu’un empiètement sur leurs libertés est la norme, il y a danger. Et nous sommes actuellement face à ce danger. […] ». Toute ressemblance avec l’Europe, la France, où la guerre contre le terrorisme bat son plein, est bien entendu évidente.
Ceci est l’occasion pour l’auteur de nous rappeler quelques nombreux chiffres, aux plans national, européen, mondial. Les comparaisons sont plus ou moins pertinentes. Un mort par un acte terroriste est bien entendu un mort de trop, mais il est aussi important de se rappeler que les façons de mourir sont diverses. La mort n’advient pas uniquement à cause de méchants terroristes à la peau basanée, adeptes d’une religion et d’une culture qui ne sont pas celles qui sont majoritaires dans nos pays occidentaux.
L’auteur termine en s’interrogeant sur « Comment combattre le terrorisme ». Il donne quelques pistes, quelques principes. Et surtout, il indique que l’indignation a conduit à des erreurs, par exemple à envahir l’Irak, au prétexte d’armes de destructions massives qui n’existaient pas… Le sang-froid doit rester de mise.
Il évoque aussi la possibilité, dans le futur, d’un terrorisme nucléaire. Revoilà l’apocalypse ! J’en déduis une conclusion pleine de bon sens, me semble-t-il : la prolifération nucléaire doit cesser au plus vite. En particulier dans les pays qui sont les viviers du terrorisme actuellement.
« La sagesse demeure notre dernière arme » sont les derniers mots de John A. Lynn II. À l’Observatoire, notre sagesse, c’est d’agir pour le désarmement…