En 1971, quelques éleveurs de brebis du plateau du Larzac, dans le sud du Massif central, s’organisent. Ils protestent contre le projet d’extension d’un camp militaire et la prochaine expropriation de leurs terres. Cent trois paysans vont bientôt prêter serment : ils le jurent, jamais ils ne vendront leur terre à l’armée. Pendant dix ans, ce mouvement non-violent ne baisse pas les bras. En 1981, François Mitterrand renonce à l’extension du camp militaire.
Dans son ouvrage intitulé Le Peuple du Larzac, l’historien Philippe Artières remonte dans le temps bien plus haut que le mouvement des années 1970-1980.
Des premiers peuplements aux luttes des agriculteurs de ces années 1970, en passant par l’installation des Templiers, le développement de l’industrie du cuir ou du fromage de Roquefort, l’auteur nous propose une « histoire totale du Larzac » en retraçant les diverses évolutions de ce territoire de la préhistoire à nos jours.
En effet, l’auteur écrit : « relayée derrière des siècles d’histoire, piétinée par des milliers d’acteurs d’avant notre ère, puis des Celtes, des Romains, des Templiers et des hospitaliers, des rouliers du causse, et de tant d’êtres anonymes qui sont passés là, volontairement ou, plus souvent, sous la contrainte, brebis et bergers, paysans, enfants délinquants, nazis vaincus, combattants algériens ou harkis méprisés… »
L’ouvrage de Philippe Artières est bien plus qu’une fresque historique, c’est un récit attentif aux vies marginales et aux voix oubliées.
L’auteur montre aussi que tout au long du soulèvement paysan contre l’extension du camp militaire, le causse a accueilli d’autres luttes : les ouvriers de l’entreprise Lip, les militants antinucléaires de Plogoff qui s’opposaient à l’implantation d’une centrale en Bretagne, l’indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou ou des Sioux du Dakota qui, en 1973, occupaient le comptoir Wounded Knee pour protester contre les discriminations. Même, les comédiens du Théâtre du Soleil viennent tourner une scène du film Molière en 1978.
Au terme d’une mobilisation de 10 ans, c’est l’imaginaire contestataire qui l’a emporté et, cependant, dans l’ouvrage, « La cause du Causse » n’occupe que le dernier quart de l’histoire du Larzac. Cependant, de manière plus générale, « l’imaginaire Larzac » a subsisté jusqu’à aujourd’hui.
Au-delà de cette lutte qui marqua les années 1970, au fil des pages de cet ouvrage, l’auteur montre avec sensibilité et érudition les multiples vies et métamorphoses du Larzac qui devient ainsi personnage principal, raconté par les multiples voix de ceux qui l’ont étudié, arpenté et habité.