Les dépenses militaires augmentent la première année de pandémie

L’augmentation de 2,6 % des dépenses militaires mondiales survient l’année où le produit intérieur brut (PIB) mondial a reculé de 4,4 % (projection du Fonds monétaire international, octobre 2020), principalement en raison des impacts économiques de la pandémie de Covid-19. En conséquence, les dépenses militaires en pourcentage du PIB – dit fardeau militaire - ont atteint une moyenne mondiale de 2,4 % en 2020, contre 2,2 % en 2019. Il s’agit de la plus forte augmentation annuelle de ces dépenses depuis la crise économique et financière mondiale de 2009.

Même si les dépenses militaires ont augmenté dans le monde, certains pays ont nettement réaffecté à la lutte contre la pandémie une partie de leurs dépenses militaires initialement prévues, comme le Chili et la Corée du Sud. Plusieurs autres, dont le Brésil et la Russie, ont dépensé considérablement moins que leurs budgets militaires initiaux pour 2020.

« On peut affirmer avec une quasi-certitude que la pandémie n’a pas eu d’impact significatif sur les dépenses militaires mondiales en 2020 », souligne Dr Diego Lopes da Silva, chercheur au programme Armes et Dépenses militaires du SIPRI. « Reste à voir si les pays maintiendront ce niveau de dépenses militaires durant la seconde année de pandémie. »

La forte augmentation des dépenses militaires américaines se poursuit en 2020

En 2020, les dépenses militaires américaines ont atteint un montant estimé à 778 milliards de dollars, soit une augmentation de 4,4 % par rapport à 2019. En tant que plus grand dépensier militaire au monde, les États-Unis représentent 39 % des dépenses militaires mondiales en 2020. C’est la troisième année consécutive d’augmentation des dépenses militaires américaines, après sept années de baisses continues.

«  Les hausses récentes des dépenses militaires américaines s’expliquent surtout par de lourds investissements dans la recherche et le développement, par plusieurs projets à long terme tels que la modernisation de l’arsenal nucléaire américain et l’acquisition à grande échelle d’armes », précise Alexandra Marksteiner, chercheuse au programme Armes et Dépenses militaires du SIPRI. « Cela reflète les préoccupations grandissantes face à des menaces pressenties venant de concurrents stratégiques tels que la Chine et la Russie, ainsi que la volonté de l’administration Trump de renforcer ce qu’elle considérait comme une armée américaine appauvrie.  »

Les dépenses militaires de la Chine augmentent pour la 26ème année consécutive

Les dépenses militaires de la Chine, deuxième plus grand dépensier au monde, sont estimées à 252 milliards de dollars en 2020. Cela représente une augmentation de 1,9 % par rapport à 2019 et de 76 % par rapport à la décennie 2011-2020. Les dépenses de la Chine ont augmenté durant 26 années consécutives, la plus longue série d’augmentations ininterrompues de tous les pays figurant dans la base de données sur les dépenses militaires du SIPRI.

«  La Chine se distingue comme étant le seul grand dépensier au monde à ne pas augmenter son fardeau militaire en 2020 malgré l’augmentation de ses dépenses militaires, grâce à la croissance positive de son PIB l’an dernier  », souligne Dr Nan Tian, chercheur principal au SIPRI. « L’augmentation continue des dépenses chinoises est due en partie aux projets à long terme de modernisation et d’expansion militaires du pays, conformément à la volonté affichée de rattraper les autres grandes puissances militaires.  »

La récession économique conduit davantage de membres de l’OTAN à dépasser l’objectif de dépenses

Presque tous les membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ont vu leur fardeau militaire augmenter en 2020. Ainsi, 12 membres de l’OTAN ont consacré 2 % ou plus de leur PIB à leurs armées - objectif de dépenses fixé par l’Alliance - contre 9 membres en 2019. La France, par exemple, 8ème plus grand dépensier au monde, a franchi le seuil de 2 % pour la première fois depuis 2009.

« Bien qu’un plus grand nombre de membres de l’OTAN aient dépensé plus de 2 % du PIB pour leurs armées en 2020, dans certains cas cela était probablement davantage relié aux conséquences économiques de la pandémie qu’à une volonté délibérée d’atteindre l’objectif de dépenses fixé par l’Alliance », souligne Dr Diego Lopes da Silva, chercheur au programme Armes et Dépenses militaires du SIPRI.

Autres évolutions notables

  • Les dépenses militaires de la Russie ont augmenté de 2,5 % en 2020 pour atteindre 61,7 milliards de dollars. C’est la deuxième année consécutive d’augmentation. Néanmoins, les dépenses militaires réelles de la Russie en 2020 sont de 6,6 % inférieures à son budget militaire initial, une baisse plus importante que les années précédentes.
  • Avec un total de 59,2 milliards de dollars, le Royaume-Uni devient le cinquième plus grand dépensier en 2020. Les dépenses militaires du Royaume-Uni sont de 2,9 % supérieures à celles de 2019, mais inférieures de 4,2 % à celles de 2011. L’Allemagne a augmenté ses dépenses de 5,2 % à 52,8 milliards de dollars, ce qui en fait le septième plus grand dépensier en 2020. Les dépenses militaires de l’Allemagne sont 28 % plus élevées qu’en 2011. Les dépenses militaires en Europe ont augmenté de 4,0 % en 2020.
  • À l’instar de la Chine, l’Inde (72,9 milliards de dollars), le Japon (49,1 milliards de dollars), la Corée du Sud (45,7 milliards de dollars) et l’Australie (27,5 milliards de dollars) sont les plus grands dépensiers dans la région Asie-Océanie. Les quatre pays ont augmenté leurs dépenses militaires entre 2019 et 2020 et au cours de la décennie 2011-2020.
  • Les dépenses militaires en Afrique subsaharienne ont augmenté de 3,4 % en 2020 pour atteindre 18,5 milliards de dollars. Les plus fortes augmentations des dépenses sont enregistrées au Tchad (+31 %), au Mali (+22 %), en Mauritanie (+23 %) et au Nigeria (+29%), tous situés dans la région du Sahel, ainsi qu’en Ouganda (+46 %).
  • Les dépenses militaires en Amérique du Sud ont diminué de 2,1 % pour s’établir à 43,5 milliards de dollars en 2020. Cette diminution est en grande partie due à une baisse de 3,1 % des dépenses du Brésil, le plus grand dépensier militaire de la sous-région.
  • Les dépenses militaires combinées des 11 pays du Moyen-Orient, pour lesquels le SIPRI dispose de données, ont diminué de 6,5 % en 2020, à 143 milliards de dollars.
  • Huit des neuf membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), pour lesquels le SIPRI dispose de données, ont réduit leurs dépenses militaires en 2020. Les dépenses de l’Angola ont baissé de 12 %, celles de l’Arabie saoudite de 10 % et celles du Koweït de 5,9 %. Bahreïn, exportateur de pétrole non-membre de l’OPEP, diminue également ses dépenses de 9,8 %.
  • Les pays ayant les plus fortes augmentations du fardeau militaire dans le top 15 des dépensiers en 2020 sont l’Arabie saoudite (+0,6 point de pourcentage), la Russie (+0,5 point de pourcentage), Israël (+0,4 point de pourcentage) et les États-Unis (+0,3 point de pourcentage).

Traduction française : Aziza Riahi, Observatoire des armements

À l’attention des rédacteurs

Le SIPRI suit l’évolution des dépenses militaires dans le monde et offre une source de données publique la plus vaste, complète et cohérente sur les dépenses militaires.
La base de données sur les dépenses militaires du SIPRI est mise à jour chaque année. L’ensemble des données est fournit sur la base des meilleures sources ouvertes disponibles au moment de leur compilation. Les données reposent en partie sur les budgets adoptés plutôt que sur les dépenses finales au cours de l’année et sont ajustées une fois que les chiffres définitifs des dépenses sont disponibles. Ces ajustements sont ensuite inclus dans la nouvelle mise à jour annuelle de la base de données du SIPRI. En raison des incertitudes concernant les impacts économiques de la pandémie de Covid-19, la différence entre les chiffres actuels des dépenses militaires estimées pour 2020 et les chiffres ajustés qui seront fournis dans la base de données à partir de l’année prochaine, sera probablement plus importante que les années précédentes.
Toutes les variations en pourcentage sont exprimées en termes réels (prix constant de 2019). Les dépenses militaires incluent toutes les dépenses publiques pour les forces armées et les activités militaires, y compris les salaires et les avantages sociaux, les frais de fonctionnement, les achats de matériel militaire et d’armes, les infrastructures militaires, la recherche et développement, l’administration centrale, le commandement et le soutien. Le SIPRI déconseille donc l’utilisation de termes tels que « les dépensent d’armement » en référence aux dépenses militaires, les dépenses d’armement ne constituant qu’une part mineure du total.

Rapport Complet - SIPRI 2020