La note publiée aujourd’hui pointe à la fois des livraisons massives d’armement à l’Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis (EAU) avant et pendant le conflit ; une adaptation d’une partie du matériel livré aux réalités du terrain yéménite (notamment par le biais du contrat Donas) ; et des indices de présence de matériel militaire français au Yémen.
« Des armes et équipements militaires français semblent bien utilisés au Yémen » - Lire la tribune parue dans le Monde (7-8 avril)
Ils concernent notamment l’utilisation possible au Yémen :
- De canons Caesar vendus pendant le conflit par Nexter et qui auraient été utilisés en décembre 2015 pour pilonner le Yemen depuis la ville saoudienne de Najran.
- De chars Leclerc vendus dans les années 80 et 90 aux EAU, et qui auraient été utilisés lors de la bataille d’Aden en 2015.
- De drones de surveillance SDTI et mini drones Airbus DRAC.
- D’hélicoptères Airbus Cougar dédiés au transport de troupes.
- De 4x4 blindés livrés en 2016 et possiblement utilisés en 2018.
- De Frégates françaises utilisées (et parfois attaquées) au large du Yémen dans le cadre du blocus imposé par la coalition, et illégal au regard du droit international.
Ces « indices de présence » ont été obtenus via la consultation de rapports officiels ; la base de données SIPRI ; la presse spécialisée sur les questions de défense ; des comptes Twitter spécialisés dans le renseignement militaire ; et des témoignages confidentiels.
Si ces indices ne constituent pas des preuves, ils jettent de graves soupçons sur la présence et l’utilisation massive de matériel militaire français au Yémen, et viennent s’ajouter aux révélations récentes d’Amnesty International et l’ACAT.
Suite au dépôt d’une demande de création d’une commission d’enquête par Sébastien Nadot et une quinzaine de députés le 6 avril 2018, il est urgent qu’une commission d’enquête parlementaire soit constituée pour faire la lumière sur la vente et l’utilisation de matériel militaire français à la coalition saoudienne. Elle serait notamment en mesure d’accéder aux contrats d’armement et à des informations relevant du Secret Défense.
La note relève par ailleurs les limites du système actuel d’évaluation des licences d’exportation, qui repose entièrement sur l’auto-régulation de l’exécutif, et s’avère lacunaire et opaque. Juge et partie, puisqu’à la fois voué à la promotion et au contrôle des ventes d’armes, le gouvernement semble incapable d’exercer avec discernement sa seconde mission.
En France, la décision d’exporter des armes relève du Premier ministre, sur avis d’une commission présidée par le secrétaire général de la Défense et de la sécurité nationale, et composée des ministères chargés des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Économie. Pour être mieux contrôlée, il est impératif que cette fonction essentielle soit davantage partagée avec le Parlement, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres pays européens comme l’Allemagne ou les Pays-Bas. Nos organisations proposent la mise en place d’une commission permanente de contrôle des ventes d’armes chargée de contrôler les décisions d’exportation.
Les obligations juridiques internationales et les engagements européens de la France interdisent les ventes, transferts ou livraisons d’armes pouvant contribuer à la perpétration de violations des droits humains et du droit international humanitaire. Il est essentiel que les autorités françaises entreprennent des réformes structurelles pour éviter que l’exportation de matériel militaire ne puisse les rendre complices de crimes de guerre.
Contexte :
Trois ans après le début de l’intervention de la coalition régionale menée par l’Arabie Saoudite, le Yémen est désormais considéré par les Nations Unies comme la pire crise humanitaire au monde, et est soumis à un blocus dévastateur et illégal. Plus de 22 millions de Yéménites auraient besoin d’une aide humanitaire, et 8.4 millions sont au bord de la famine. 130 enfants âgés de moins de cinq ans mourraient chaque jour de causes pouvant être évitées.
Depuis 2015, Plus de 16 000 frappes de la coalition ont été recensées. Elles ont régulièrement ciblées des infrastructures civiles, comme des hôpitaux, ce qui pourraient constituer des crimes de guerre. Les combats des quinze derniers mois auraient fait plus de 22000 victimes selon le Armed Conflict Location & Event Data (ACLED) Project.