« Après le Brexit, on s’achemine à marche forcé vers une intégration plus forte en matière de défense... sans la mise en place d’un système de contrôle démocratique au niveau de l’Union européenne. L’industrie de l’armement qui dépendait jusque-là de chaque État va bénéficier ainsi de davantage d’autonomie, au risque d’entraîner de nombreuses dérives humaines sous couvert de rentabilité économiques », s’inquiète Tony Fortin, président de l’Observatoire des armements
Pour la compétitivité, c’est toutes voiles dehors : le salon Euronaval prévoit une hausse de plus de 10 % de ses exposants. Un succès qui capitaliserait sur « la multiplication des zones d’instabilité » à l’international : « Les Chinois construisent trois frégates par mois et un sous-marin tous les quatre mois, tandis que le budget russe est en progression de quelques 17 % par an depuis plusieurs années. » Un tel satisfecit de la part des organisateurs d’un salon sous la responsabilité du Ministère de la Défense a de quoi désarçonner : la Chine et la Russie, pays sous embargos européens, étant désignés comme des « menaces » dans le projet de loi finance 2017. Or il y a une certaine schizophrénie à vouloir armer d’une main des puissances que l’on souhaite contenir ou neutraliser de l’autre...
Dérégulation par l’Union européenne
Pour le contrôle des armes, c’est toujours la décrue. Si les organisateurs du salon constatent le retour des États-puissances, et de leurs rivalités ataviques, ils oublient de préciser que le marché de l’armement pourrait devenir « un grand bazar mondial », sous le poids des dérégulations successives conduites par l’Union européenne. Après la directive de 2009, qui a conduit à libéraliser le marché de l’armement au sein de l’UE — avec des effets désastreux en terme de transparence et de contrôle — le Parlement européen pourrait voter le 26 octobre une enveloppe de 25 millions d’euros dédiée à la recherche militaire, prélude à un programme plus conséquent à terme de 3 milliards. Or le Parlement européen n’est pas compétent en matière de défense et n’aura aucun droit de regard sur l’emploi de ces fonds...
En France, le régime de « prohibition » organise le contrôle du secteur de l’armement par l’État à de multiples niveaux. Pourtant, ce régime est en train d’être remis en cause dans le silence général selon une dynamique proche du transfert de souveraineté. Les biens militaires sont sur la voie de devenir des marchandises comme les autres, à l’instar du pétrole ou des bananes... 60 000 citoyens européens ont d’ores et déjà signé une pétition s’opposant à une telle perspective.