Pas de grandes révélations dans « La France, le Président et la bombe » qui met en scène toute l’arrogance de hauts responsables — quasi essentiellement des militaires — alors qu’à l’ONU le groupe de travail chargé de faire des propositions en vue de l’adoption d’un traité d’interdiction des armes nucléaires — décidé par l’Assemblée générale en décembre dernier — vient tout juste de commencer ses travaux.
La dissuasion nucléaire serait le « vecteur principal de la paix » selon un ancien chef d’état-major des armées, évacuant, par exemple, les différentes guerres qui ont eu lieu à cause de la bombe atomique… Il est évoqué la menace constituée par Saddam Hussein avec sa volonté d’acquérir l’arme nucléaire… Mais en « oubliant » de signaler que c’est la France qui lui en a fourni les moyens !
De même, le documentaire concède que « la dissuasion nucléaire s’est toujours déclarée inopérante face au terrorisme international », mais cela n’empêche pas le général Pierre de Villiers, actuel chef d’état-major des armées, d’expliquer ensuite qu’il faut suivre de très prés l’évolution de Daech et que « cette réflexion doit être corrélée au concept nucléaire »… Comme pour signifier qu’une « frappe d’ultime avertissement » avec une bombe atomique pourrait bien être utilisée contre eux si le Président estimait que les intérêts vitaux de la France avaient été touchés !
« Ça peut être aussi une frappe dans le désert à un endroit où on risque de tuer quelques chameaux mais guère plus », complète, sans ironie, son ancien homologue, le général Henri Bentégeat !
Plus inquiétant encore — soulève Paul Quilès sur son blog et l’association IDN (Initiatives pour le désarmement nucléaire) qu’il préside —, le documentaire signale qu’en cas de guerre, le Président de la République peut désigner secrètement une personne pour donner l’ordre de tir nucléaire en cas d’empêchement de sa part. Une procédure qui n’a aucune légitimité constitutionnelle ni même parlementaire… « Si cette information est exacte, elle nécessite des éclaircissements et des explications publiques. Si elle est fausse, elle discrédite un document censé informer les Français », souligne l’ancien ministre de la défense.
Manipulation de plutonium à Valduc (extrait du documentaire)
D’autres assertions de ce documentaire de propagande pourraient être mises en contradiction. Notamment le directeur de la Dam-CEA (Direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique) souligne qu’ils sont « conscient des effets des armes nucléaires » et qu’« avec la sûreté on ne transige pas ». Les personnels des essais nucléaires comme ceux des ateliers de l’arsenal à l’île Longue ou les populations aux alentours des sites des essais nucléaires (Sahara, Polynésie…) en butte à un surcroît de maladies radio-induites apprécieront ! Cf. les nombreux travaux de l’Observatoire à ce sujet. Faut dire que la préoccupation de M. François Geleznikoff n’est pas là. Pour lui il s’agit que « l’on ai jamais un accident car cela condamnerait les armes nucléaires françaises (sic !) ».
Il faut attendre la 45e minute pour que soit abordée la question du désarmement nucléaire. Mais avant tout pour mieux la balayer : « Le jour où nous aurons la certitude que la guerre est définitivement éradiquée de la planète Terre — ce qui est une vue de l’esprit — hé bien on pourra probablement se passer des armes terrifiantes comme les armes nucléaires », explique cyniquement le général Georgelin, ex-chef d’état-major des armées.
Seul promoteur du désarmement nucléaire à être interviewé, l’ancien ministre de la défense Hervé Morin : « Mon inquiétude c’est que la prolifération finira par l’emporter. » Selon lui, en faisant reposer notre sécurité sur l’arme nucléaire, il ne sera pas possible d’interdire durablement d’autres États de vouloir s’en doter.
Ce n’est pas avec un tel documentaire que le débat pourra s’ouvrir en France sur cette arme de destruction massive et garantir ainsi la sécurité de tous, gravement mise en danger par une telle politique nucléariste de fuite en avant.