L’urgence d’un renforcement du contrôle parlementaire
Les députés Philippe Foulon et Nathalie Chabanne, auteurs d’un rapport sur les exportations d’armes publié en décembre 2014, ont proposé « que le Parlement soit associé au dispositif de contrôle des exportations. Une réelle demande s’exprime à ce sujet ».
Ainsi, le projet de loi déposé par le gouvernement offre l’opportunité pour les parlementaires d’élargir le débat et par le biais d’amendements d’ouvrir la voie à leur implication dans un contrôle effectif des transferts d’armes de la France. C’est l’objet de ce dossier.
Peut-on raisonnablement attendre du ministère de la Défense qu’il exerce dans le même temps la promotion des exportations d’armement et le contrôle efficace de celles-ci ? Jean-Yves Le Drian en convenait lui-même au début de son exercice : « L’urgence peut parfois brouiller les lignes entre l’impératif du contrôle et celui de la promotion de nos exportations dans le domaine de la défense. » Un rouage essentiel manque au dispositif actuel. C’est au Parlement d’être ce tiers et d’exercer son rôle de contrôle de l’activité du gouvernement (art. 24 de la Constitution de 1958).
Il ne s’agit pas, contrairement aux arguments avancés par Jean-Yves Le Drian, que les députés se suppléent aux membres de la Cieemg (Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre), mais de mettre en place un mécanisme pérenne et réaliste qui permette l’ouverture d’un véritable débat démocratique sur les transferts d’armes les plus problématiques.
Sur ce point, la France accuse un retard patent par rapport à ses partenaires européens. On ne comprendrait pas qu’un tel mécanisme de contrôle ne soit pas mis en place le plus tôt possible. D’autant que, comme l’a reconnu M. Hervé Morin, avec franchise, mais seulement une fois quitté ses fonctions de ministre de la Défense : « Si on commence à ne vendre des armes qu’aux pays démocratiques, on ne va pas en vendre beaucoup ! »
Le Parlement doit d’autant plus prendre ses responsabilités que les différents gouvernements bloquent, depuis plus de dix ans, plusieurs projets — comme, par exemple, ceux sur le contrôle des intermédiaires ou sur la violation des embargos — qui viendraient conforter le contrôle des transferts d’armes et mettre la législation française en conformité avec les demandes de l’Union européenne et de l’ONU.
De plus, ce renforcement du système de contrôle semble loin d’être superflu. Car selon le rapport des députés Chabanne et Foulon, en conclusion des travaux de la « mission d’information sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement », lors des contrôles a posteriori des sociétés d’armement, le ministère de la Défense a constaté 72 infractions sur un total de 570 opérations. Près d’un huitième d’entre elles se sont donc révélées litigieuses.
Au sommaire
- Un contrat qui n’aurait jamais dû être signé
- L’urgence d’un renforcement du contrôle parlementaire
- Le contrôle des exportations d’armes : un système opaque
- Suède : vers une prise en compte du « critère démocratique » dans le contrôle des exportations d’armes
- Pourquoi les exportations d’armes doivent-elles être contrôlées par le Parlement ?
- Le rapport annuel au Parlement : une brochure publicitaire
- Un constat partagé… mais pourtant jamais débattu !
- Une libéralisation du contrôle qui appelle un renforcement du suivi parlementaire
- Contrôle parlementaire des transferts : un écart « insondable » avec les autres pays européens
- Élaborer un contrôle « effectif » des transferts d’armement
- Des solutions existent…
- Prendre exemple sur le Royaume-Uni
- Le contrôle a priori n’est pas une incongruité
- Quelques propositions parlementaires…
Prioriser le principe de précaution