Entré en vigueur en 2014, le traité sur le commerce des armes (TCA) est devenu la norme en matière de contrôle du commerce des armes classiques. Il ne faut pas attendre qu’il limite les flux d’armes mais qu’il discipline ce marché afin d’éviter les trafics illicites. L’une des dimensions de cette régulation tient aux obligations de transparence qui s’imposent aux États parties. Le traité leur demande de rendre des comptes sur leur politique d’exportation d’armements. Mais sur quel matériel, comment, à quelle fréquence et sous quel contrôle ?

L’un des enjeux de la première conférence des États parties, qui se tiendra du 24 au 27 août, à Cancun (Mexique), est de décider du contenu devant être consigné dans les rapports que les États remettront au secrétariat permanent du traité et du rôle de cet organe. Se réduira-t-il à un simple organe administratif ou sera-t-il en capacité de demander rapports et éclaircissements ? Bref, de porter une voix indépendante au service du droit international.

De l’issue de cette conférence dépendra le sort du traité. La partie sera difficile, car l’espoir de voir les normes assorties de règles de fonctionnement solides s’amenuise. La responsabilité d’un échec en incomberait surtout à la France et aux États-Unis.

Vœu pieu

L’Hexagone joue la carte de l’obstruction et se prononce pour des règles de fonctionnement souples afin d’inciter les États récalcitrants à rallier le processus. Ce traité ne couvre en effet que 35 % du commerce mondial : les États-Unis l’ont signé mais sans le ratifier ; la Russie, l’Inde et la Chine ne l’ont toujours pas signé. Mais, à se ranger sur les positions minimalistes, la France prend le risque de transformer le traité en un vœu pieu. Elle est en faveur d’un secrétariat réduit à sa plus simple expression. On pourrait y voir une volonté d’entretenir l’opacité sur son propre régime d’exportation. Sa position est d’autant plus critiquable que l’efficacité du TCA sera estimée à sa capacité à réduire les dommages humanitaires occasionnés par le transfert d’armes illicites. Cette efficacité dépend de la transparence des informations fournies par les États.

Ces inquiétudes se confirment quand les États-Unis font la proposition d’appliquer un « droit d’entrée » aux organisations non gouvernementales (ONG) dans les conférences avec le soutien de la France. L’adoption d’une telle mesure constituerait un grave précédent. Mais la France entend aussi fermer l’accès des ONG aux organes subsidiaires et réunions extraordinaires, là où se déroule le cœur des discussions. En restreignant leur capacité d’influence, elle porte un coup grave à l’esprit du traité. Pourtant le gouvernement n’hésite pas à souligner l’importance du « dialogue avec les ONG » dans son dernier rapport au Parlement sur les exportations d’armes. La France aurait-elle choisi le camp de la prolifération des armes sur le globe ? La conférence de Cancun lui donne l’occasion de se ressaisir.

Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France,
Tony Fortin, président de l’Observatoire des armements,
et Claire Fehrenbach, directrice générale d’Oxfam France.