« Un tel projet de transfert correspond typiquement à ce qui est proscrit par la position commune de l’Union européenne sur les transferts d’armements adoptée en décembre 2008 », a déclaré M. Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements.

Ce texte, juridiquement contraignant, interdit tout transfert menaçant «  la préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales  », «  susceptible d’aggraver les tensions et les conflits armées à l’intérieur du pays  », et enfin « présentant un risque de détournement dans le pays acheteur » ; des critères qui sont ici allègrement bafoués. Pompier de la crise le jeudi — se déclarant favorable à une conférence internationale pour faire baisser la tension —, François Hollande passe sans vergogne à un rôle rôle de pyromane dès le mardi suivant…

On pouvait déjà légitimement se poser la question à propos des transferts d’armes récents vers le Kurdistan irakien.

Certes, ce juteux contrat avec l’Arabie Saoudite va permettre de garnir les carnets de commande des sociétés françaises d’armement. Mais ce n’est pas à n’importe quel prix. Le Liban est déjà engagé dans le conflit avec le Front al-Nosra (Al-Qaida) et l’État islamique : des combats viennent d’avoir lieu à la frontière libano-syrienne. Une nouvelle livraison d’armes risque de précipiter le Liban davantage dans le brasier régional. L’instabilité politique règne au plus haut niveau de l’État en raison des rivalités confessionnelles et un risque de guerre civile n’est pas à exclure aujourd’hui comme demain : qui peut assurer que ces armes ne seront pas utilisées contre la population libanaise ?

Mais ce n’est pas tout : des discussions se déroulent également avec l’Arabie Saoudite pour la fourniture d’armements pour un montant de 15 milliards d’euros : 6 frégates, 10 hélicoptères navals et de nombreux missiles, le tout accompagné de formations, de contrats de maintenance… Là encore, de plus larges réserves doivent être formulées : le double-jeu et l’interventionnisme patents de l’Arabie Saoudite dans le financement des groupes armés religieux en Syrie et en Irak devraient inspirer les plus vives inquiétudes. Là encore, la position commune de l’Union européenne devrait s’appliquer en faveur d’une interdiction.

Le gouvernement prête le flanc aux critiques de ses partenaires européens. Il prouve là encore sa volonté de faire passer ses intérêts économiques à n’importe quel prix. Cette posture colle assez bien avec l’opacité qu’il entretient sur la scène intérieure, comme en atteste le refus de transposer et/ou d’appliquer certaines règles internationales en matière de transferts d’armes (comme le projet de loi sur les intermédiaires ou sur la violation des embargos) et l’absence de transparence du rapport annuel sur les exportations d’armes dont la date de sortie pour l’année 2013 est sans cesse reportée…