C’est la première fois que la question des systèmes d’armes létaux autonomes sera abordée dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC), actuellement présidée par la France. L’objectif de cette réunion est de « (…) débattre des questions ayant trait aux technologies émergentes dans le domaine des systèmes d’armes létaux autonomes, en accord avec les objectifs et les buts de la convention ».
Bien que ces systèmes d’armes létaux autonomes ne soient pas encore déployés sur les terrains d’opérations, plusieurs États Parties à la Convention sur certaines armes classiques tels que la Chine, Israël, la Russie, le Royaume-Uni — sans oublier la France ! — ont les capacités de développer une plus grande autonomie de leurs armes. L’enjeu sera donc de définir et de promouvoir un cadre juridique commun garantissant le respect des normes internationales en vigueur (droits de l’Homme, droit international humanitaire), de même que la responsabilité étatique et individuelle qui pourrait être diluée par l’autonomie grandissante des systèmes d’armes.
Comme nous l’avions mentionné dans notre étude sur les drones et les robots tueurs, si l’on considère l’expérience acquise avec les drones, des mesures doivent être prises immédiatement sur les systèmes d’armes létaux autonomes de sorte que les questions de transparence, de responsabilité et de primauté du droit figurent dès le départ parmi les priorités. Des moratoires doivent être décrétés pour prévenir l’adoption de mesures qu’il sera a posteriori difficile de remettre en question.
Cette réunion d’experts est donc une occasion importante pour les délégations de réaffirmer l’impérieuse nécessité d’un contrôle humain sur l’usage de la force. Elle débutera par un débat général qui sera suivi par des sessions thématiques qui traiteront des aspects techniques, juridiques, éthiques et opérationnels. Gageons que cette conférence ouvrira la voie vers une interdiction internationale préventive du développement, de la production et de l’utilisation des armes entièrement autonomes.
Principales recommandations
- Le Conseil des droits de l’Homme devrait demander aux États de décréter et d’appliquer des moratoires sur, au moins, l’essai, la production, l’assemblage, le transfert, l’acquisition, le déploiement et l’emploi des RLA (robots létaux autonomes), en attendant un cadre convenu à l’échelle internationale.
- Un groupe d’étude de haut niveau sur les RLA composé d’experts devrait être formé à titre prioritaire. Son mandat devrait notamment consister à : faire le bilan des avancées techniques ; évaluer les aspects juridiques, éthiques et politiques ; proposer un cadre permettant à la communauté internationale d’examiner de façon efficace les questions juridiques, politiques et formuler des recommandations concrètes ; évaluer l’efficacité et les lacunes des cadres juridiques nationaux et internationaux régissant les robots létaux autonomes ; suggérer des moyens appropriés et donner suite à ses travaux.
- Tous les organismes et organes compétents des Nations Unies devraient souligner la nécessité d’une pleine transparence sur tous les aspects de la mise au point des systèmes d’armes robotisés ; obtenir davantage de transparence au niveau international de la part des États concernant leurs activités internes d’examen relatif aux armes, notamment les examens prévus par l’article 36 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève.
- Les organisations régionales et intergouvernementales devraient soutenir et appuyer les initiatives entreprises par les Nations Unies et initier à leur tour des actions analogues.
- Les États devraient décréter un moratoire national sur les robots létaux autonomes ; se conformer au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’Homme dans le cadre de toutes leurs activités en rapport avec les armes robotisées ; s’engager à être transparents au sujet de leurs activités internes d’examen relatif aux armes, notamment sur les paramètres de mesure utilisés pour tester les systèmes robotisés ; participer aux débats internationaux et collaborer avec le groupe d’étude de haut niveau sur les robots létaux autonomes.
- Établir un code ou des codes de conduite d’éthique et/ou de bonnes pratiques à l’attention des développeurs de systèmes d’armes robotisés, incluant la définition d’un comportement responsable, conformément au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’Homme, ou renforcer les codes existants.