Nous étions habitués, chaque année à la période des arbitrages budgétaires ou à l’occasion de l’élaboration chaque nouvelle loi de programmation militaire, de voir fleurir dans les médias des propos alarmistes quant au manque de moyens alloués aux forces militaires venant compromettre leurs capacités d’intervention…
Ces derniers mois cela a été en quelque sorte le bouquet ! La patrie allait être en danger. Rien moins que ça ! Tout juste si ce n’était pas la fin de la France qui était annoncée avec la publication de scénario « x », « y », etc. La puissance de la France se réduirait-elle à son armée ?
Là encore, via une fuite savamment distillée par le quotidien Les Échos, alors que le Livre blanc n’est pas encore rendu public, toute la presse s’enflamme sur la question de la réduction de 20 000 postes supplémentaires d’ici 2019 qui va être dévoilée… Mais est-ce bien là le but d’un Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale ?
Ces informations sur les moyens masquent la confiscation du véritable débat qu’auraient dû permettre l’élaboration du Livre blanc de la défense sur une armée pour quels objectifs ? Face à quelles menaces ? Où toutes les options sont mises sur la table, où de larges auditions publiques sont réalisées, etc.
Or, ça n’a pas été le cas. Aucune audition publique n’a été organisée. Le débat a été confisqué par une commission travaillant dans la discrétion. Une commission d’ailleurs mise sous forte pression du ministère de la défense qui de fait a piloté les travaux, selon les quelques échos distillés par des participants aux travaux. Une méthode de travail contraire au but même d’un tel exercice : permettre de définir une stratégie globale pour la France en impliquant toutes ses composantes (partis politiques, associations, etc.)… Voir également notre analyse de la mise en place de la commission sur le Livre blanc.
De plus, François Hollande — certes comme l’avait déjà fait son prédécesseur — en excluant de la feuille de route les armes nucléaires — toujours présentées comme la clef de voûte du système de défense —, a réduit d’emblée le rôle de la commission à une dimension d’arbitrage au niveau des moyens alloués aux autres composantes… Tout véritable débat stratégique était ainsi rendu impossible.
Sur le papier, l’armée devrait disposer d’à peu près toutes les capacités telles que François Hollande avait pu à plusieurs reprises le promettre : maintient et modernisation des deux composantes (sous-marine et aéroportée) de la dissuasion nucléaire ; forces de protection du territoire ; conserver des bases prépositionnées, en Afrique notamment ; pouvoir entrer en premier sur un théâtre d’opérations…
Mais c’est la loi de programmation militaire, qui sera débattue dans les prochains mois, qui fixera les moyens capacitaires, les échéances de livraison du matériel, les montants alloués. Cependant aucune des loi de programmation militaire adoptée n’a été mise en œuvre dans sa totalité… Et il en sera encore de même : beaucoup de prévisions seront faites en sachant qu’elles ne pourront être tenues. Cela permet de calmer le jeu et de « rassurer » notamment les militaires et… les industriels de l’armement !
À suivre donc…