Le traité sur le commerce des armes est l’aboutissement d’une démarche de responsabilisation des États entamée il y a plus de 10 ans sous la pression de la société civile et des ONG — dont l’Observatoire des armements — regroupées au sein de la plateforme « Contrôlez les armes ».
« Ce traité est un projet ambitieux, mais comporte une ambiguïté fondamentale qui ne peut qu’en limiter la portée, dont les atermoiements de la conférence de négociation ne sont que le reflet ! », explique Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements.
Certes, le traité, en son article 6, rappelle l’interdiction d’autoriser tout transfert qui violerait un embargo ou contreviendrait aux obligations découlant des accords internationaux dont l’État exportateur est signataire. Mais en demandant l’interdiction des transferts d’armes seulement « s’il existe un risque prépondérant » d’utilisation — portant atteinte à la paix et à la sécurité ou pouvant servir à commettre des violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme et autres infractions aux regard des conventions internationales —, le traité ouvre la porte à des interprétations sans contrôle possible. Les États pourront toujours se targuer du droit à la légitime défense, reconnu dans l’article 51 de la Charte des Nations Unies, voire même du risque terroriste, pour justifier telle ou telle exportation de système d’armement.
De fait, les auteurs du traité restent au milieu du gué en focalisant sur les trafics illicites plutôt qu’en limitant fortement le commerce « légal », répondant ainsi au souhait des principaux États exportateurs, pour qui, l’objectif prioritaire était de limiter la concurrence déloyale en imposant une réglementation plus stricte aux concurrents du Sud, d’Europe de l’Est et d’Asie. Mais certainement pas de diminuer leurs flux d’armes colossaux qui contribuent à alimenter les conflits et l’instabilité croissante de nos sociétés.
De même l’absence, dans les critères d’évaluation avant tout transfert, de référence au développement des droits économiques et sociaux que cet achat d’arme viendrait contrecarrer, est une grave entorse à cette « règle d’or » exigée par la coalition « contrôlez les armes ».
Sur plusieurs autres points — comme, par exemple, l’absence d’obligation de transparence ou l’exclusion des accords de coopération entre deux États du champ d’application —, le traité n’est pas à la hauteur des enjeux. Le texte final souligne une nouvelle fois, que les principaux États exportateurs ne sont pas disposés à réduire le nombre d’armes en circulation.
« Le traité interdit les transferts d’armes à des groupes armés ou à des régimes qui répriment dans le sang leur population civile mais pas ceux alimentant les conflits inter-étatiques si l’État vendeur a préalablement évalué que l’exportation ne porte pas atteinte à la sécurité et aux droits de l’homme », estime Tony Fortin, président de l’Observatoire des armements.
Insuffisant, le traité l’est aussi sur sa portée d’application, ignorant le matériel de police et de sécurité, les nouvelles armes létales (drones, robots), les biens à double usage, et en encadrant de manière minime les munitions, pièces et composants. S’il avait été en vigueur en 2011, le texte n’aurait pas pu prévenir, par exemple, l’exportation du système d’espionnage par Amesys à la Libye de Kadhafi, ni celle d’« agents chimiques » au Bahreïn qui ont servi à la répression des opposants politiques.
Tel qu’il est aujourd’hui, le traité pourra facilement être contourné et devra nécessairement être fortement amendé pour offrir enfin une protection digne de ce nom aux populations civiles.
Texte du TCA soumis au vote de l’AG de l’ONU le 2 avril 2013