À chaque fois que l’internaute consulte et relaie sur ses comptes Twitter et Facebook des informations situées sur la page de Tsahal, il gagne en retour des points et des badges et « monte en niveau » de la même façon que dans un jeu vidéo. Le but dixit le site ? « Diffuser un peu plus chaque jour la vérité autour de Tsahal et d’Israël ». Les défis sont nombreux. L’internaute-joueur est notamment invité à prouver sa « consistance » toute militaire en visitant une dizaine de pages de blog qui démontent une série de « préjugés » sur Tsahal : « L’armée, c’est un truc de mec », « Tsahal souille les lieux saints de Jérusalem » ou « Les soldats israéliens sont avides de sang » .
À la dernière « objection », le site répond que « l’armée israélienne effectue des frappes ciblées sur des infrastructures terroristes et développe une technologie de pointe améliorant la précision des frappes et la qualité des renseignements » tandis que le Hamas, lui, tire sur « tout ce qui bouge » en utilisant des boucliers humains. Et pour prouver que Gaza « n’est pas un camp de concentration à ciel ouvert », l’armée israélienne va jusqu’à reprendre des photos de la ville vues du ciel, tirées « d’un site de tourisme arabe », et à les assortir de cette citation issue du Washington Post : « Les rayons des épiceries de Gaza débordent de yaourts israéliens, de Hummus et de pépites de chocolat en provenance d’Égypte. Les pharmacies ressemblent à celles abondamment approvisionnées de la Rite Aid (chaîne de pharmacie américaine) aux États-Unis. » Toute la rhétorique du site concourt à présenter Israël comme une « forteresse assiégée », en situation perpétuelle de défense, dans le contexte dépolitisé de « la guerre contre le terrorisme ». Même face à la flottille humanitaire en 2010, Tsahal a été confrontée à une « résistance violente et armée », une façon de conjurer toute critique... Les news, elles, font état au jour le jour des tirs de roquette prenant pour cible l’État hébreu et quand Tsahal réagit, ce n’est jamais en « attaquant » son adversaire mais en « déjouant » des tirs ennemis.
En allant sur des pages plus anciennes, on apprend que le projet de site est « né au sein d’une poignée de soldats francophones » et a convaincu « les plus hauts responsables de l’armée de l’importance de communiquer en Français ». Certains y verront un avatar des social games commerciaux, qui visent à rendre une marque beaucoup plus séduisante et identifiable.
De fait, Tsahal n’est pas la seule armée à utiliser les mécaniques de jeux pour mieux faire passer ses « messages », notamment auprès des jeunes joueurs, potentiel réservoir à recrutement. Grande spécialiste : l’armée américaine qui tente depuis près d’une dizaine d’années de recruter à partir du jeu America’s Army, finance dans les grandes largesses d’autres productions propageant sa vision de « la guerre contre le terrorisme » et diffuse des newsgames comme Kuma : War qui préparent l’opinion aux prochaines guerres.
Plus réticente et surtout moins experte en la matière, l’armée française qui a épisodiquement utilisé le jeu d’Ubisoft Ghost Recon Advanced Warfighter au cours de ses opérations de sensibilisation auprès du grand public.
Quant au Hezbollah il n’est pas en reste non plus avec Special Force...
Mais aucune autre armée, à part le Pentagone, n’avait autant inscrit ses prétentions ludiques dans les circonstances d’une guerre de l’information qui vise à combattre ses ennemis — nombreux — sur le terrain des idées diffusées sur la toile, et à restaurer son image, durablement affectée depuis l’opération « Plomb durci » en 2008-2009.