Hormis les armes nucléaires, chimiques, et bactériologiques, ainsi que les mines antipersonnel et les bombes à sous-munitions qui font l’objet de traité spécifique d’interdiction, le commerce des armes relève de la souveraineté de chaque État. Et à l’exception d’un embargo spécifique décrété par le Conseil de sécurité des Nations Unies, seul l’usage des armes est réglementé par les Conventions de Genève ou le droit de la guerre.
C’est pourquoi, face à ce vide juridique, des prix Nobel de la paix ont élaboré en 1997 un projet de traité international sur le commerce des armes qui, relayé par une mobilisation internationale des ONG regroupées au sein de la coalition « contrôlez les armes », a conduit l’Assemblée générale des Nations Unies à lancer un processus de négociations dès 2006.
Un projet ambitieux, car le commerce des armes se trouve au carrefour d’intérêts — commerciaux, stratégiques, industriels, sociétal, militaires — contradictoires. Et la conjonction d’intérêts entre les lobbys militaro-industriels et les États est suffisamment forte pour faire un front unitaire face à l’ambition de la société civile de rogner les instruments de puissance des dirigeants de la planète.
Pour justifier le développement du commerce des armes, les États se réfèrent à l’article 51 de la charte des Nations Unies qui reconnaît à chacun de ses membres le « droit naturel de légitime défense » en cas d’« agression armée ». Mais ils ignorent systématiquement l’article 26 de la Charte qui estime que le « maintien de la paix et de la sécurité internationales » ne pourra avoir lieu qu’« en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde ». Or, les 5 États membres permanents du Conseil de sécurité à qui est confié cette mission, exportent à eux seuls plus de 80 % des systèmes d’armement vendus dans le monde !
En effet, vendre des armes, pour un État producteur, est avant tout le moyen de rentabiliser au mieux ses propres investissements dans le domaine militaire. Comme l’a souligné le ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, « un pays qui n’a pas d’industrie de défense est amputée » ! Comment « la paix et la sécurité internationales » peuvent-elles être garanties alors que les États exportateurs cherchent à assurer leur sécurité économique au détriment d’une sécurité humaine chez les autres ? Même si le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, se veut rassurant en affirmant que « notre doctrine est claire : quand la France vend des armes, elle veille à ce que celles-ci ne puissent pas être retournées contre les peuples ».
De la Libye à l’Irak en passant par la Syrie, les exemples sont nombreux qui montrent les limites de ce comportement schizophrènes des États.
À quoi peut aboutir la conférence de négociation ? Au mieux, à l’adoption d’un traité a minima dont l’objectif n’est pas de restreindre la prolifération des armes, mais seulement de réguler son commerce international.
Plusieurs questions fondamentales se trouvent au cœur des négociations, notamment : des catégories de matériels telles que les munitions, les armes de petits calibres, les technologies sécuritaires seront-elles soumises au futur traité ? Quel système de vérification et de sanction sera t-il prévu en cas de violation des termes du traité ?
Des compromis élaborés dépendra l’efficacité du futur traité. Mais le droit international arrivera-t-il à s’affranchir de la raison du plus fort et à développer « un ordre qui a répudié les rapports entre ceux qui s’y sont ralliés ou y aspirent ; la coercition, la domination, la menace et l’intimidation » ? La balle est dans notre camp !