Propos recueillis par Lamia Tagzout
- Où en est le dossier des indemnisations des victimes des essais nucléaires français ?
A ce jour, aucune information précise n’a été rendue publique quant aux travaux de la commission mixte mise en place en 2007. Tant du côté des responsables français que de ceux du côté algérien, il n’y a pas de volonté politique de voir ce dossier aboutir… Donc, les experts ont peut-être remis aux autorités leur rapport, mais ensuite reste la question de quelles recommandations proposer pour réhabiliter – autant que faire se peut – les sites des essais atmosphériques et des essais souterrains au Sahara et organiser un suivi sanitaire des populations présentes dans cette région…
- Le nombre des victimes algériennes des essais nucléaires est-il connu ?
Nous ne disposons à ce jour que des chiffres fournis par le secrétariat du Civen (Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires) en date du 14 octobre et remis lors de la première réunion de la Commission de suivi, prévue dans le cadre de la loi Morin, qui s’est déroulée le 20 octobre 2011. La deuxième réunion de ce Comité de suivi – regroupant des responsables militaires, des représentants de la Polynésie, des parlementaires et des représentants associatifs – doit avoir lieu le 21 février… Espérons que de nouveaux chiffres seront communiqués quant au nombre de dossiers déposés et traités, mais aussi – et surtout – au nombre d’indemnisations accordées. Car à ce jour, je vous le rappelle, nous sommes toujours – plus de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi d’indemnisation – à seulement deux victimes qui ont été indemnisées, et encore a minima !
- D’après vous, pourquoi les dossiers n’avancent pas ?
Tout simplement parce qu’il n’y a pas de volonté politique de la part des pouvoirs publics. Et cette absence de volonté politique, en fait, pose la question de la place du nucléaire en France. En effet, l’Etat français – et les gouvernements successifs – est sans aucun doute un des Etats qui a le plus investi dans le nucléaire, le plus misé sur le nucléaire – tant civil que militaire – comme outil de son développement économique et industriel et de sa place dans le monde. Reconnaître que le nucléaire pose des problèmes – notamment au niveau des populations en termes de conséquences sanitaires et environnementales – reviendrait, selon eux, déjà à admettre qu’ils ont eu tort et qu’ils ont mis en danger leur propre population, et de plus remettrait en cause tout le modèle mis en place… En quelque sorte une incapacité pour l’Etat d’accepter une remise en cause des choix qu’il a faits… D’où cette « loi Morin » qui, d’un côté, reconnaît, de manière plus que timide, qu’il peut y avoir des victimes des essais nucléaires, mais surtout qui, dans le même temps, est verrouillée avec une telle fermeté qu’aucune victime – à l’exception de deux personnes à ce jour – ne peut bénéficier de la loi !